Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, à France 2 le 2 janvier 2013, sur la situation économique et la taxation à 75% des plus hauts revenus.

Prononcé le

Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
On va commencer par une nouvelle qui nous vient des Etats-Unis : le Congrès a finalement décidé de contourner le fameux mur budgétaire qui aurait conduit à une austérité drastique et peut-être à une récession. Est-ce que, par ricochet, c'est une bonne nouvelle pour la France ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr que c'est une bonne nouvelle. C'est d’abord une bonne nouvelle pour les Etats-Unis, parce qu’on sait bien que l’austérité n’est jamais la réponse à la crise, qu’elle se contente de la décupler, mais c'est une bonne nouvelle, en effet, pour le monde tout entier, parce que nous ne sommes pas indifférents, nos économies ne sont pas indifférentes à ce qui se passe aux Etats-Unis, et que, au fond, la décision qui a été prise hier soir, est une perspective de relancer la croissance, tout comme les décisions que nous avons prises dans notre propre pays, sont des perspectives de relancer la croissance. Qu’est-ce que j’entends par là ? C’est que, au fond, François HOLLANDE, comme Barack OBAMA, comme sans doute d’autres dirigeants vont être amenés à le faire progressivement, on le voit un peu partout en Europe, ont conscience de ce qu’il fallait récupérer une forme de souveraineté fiscale, si nous voulons récupérer des marges de manoeuvre, des recettes, et relancer l’activité économique dans notre pays. Et récupérer de la souveraineté fiscale, ça passe notamment par l’instauration de la justice fiscale, faire en sorte que chacun puisse payer à due proportion de ses moyens. Aux Etats-Unis, ils avaient le même problème qu’en France, depuis quelques années, les classes moyennes, en réalité, étaient taxées davantage que les classes supérieures.
ROLAND SICARD
A propos d’impôts, justement, la mesure phare de François HOLLANDE, en tout cas une de ses mesures phare, qui était la taxation à 75 % des plus hauts revenus, a été retoquée, est-ce quelle va être reproposée par le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Elle va l’être, le président de la République s’y est engagé, et le Premier ministre est d’ores et déjà en train d’y travailler. Elle va l’être, parce qu’elle fait partie d’un dispositif plus général, qui lui, d’ailleurs, n’a pas été retoqué par le Conseil constitutionnel, précisons-le, la philosophie profonde de notre loi de finances a été validée, et cette philosophie profonde, c'est un impôt plus progressif, par exemple la nouvelle tranche à 45 % pour les plus hauts revenus, est bel et bien passée, donc cela permet, encore une fois, de faire contribuer les Français, en fonction, en proportion de leurs moyens, et cette tranche exceptionnelle à 75 %, qui a été censurée, pour des raisons techniques, et pas pour des raisons politiques, bien évidemment, ça n'est pas l’objectif poursuivi qui a été arrêté par le Conseil constitutionnel...
ROLAND SICARD
Le Conseil n'est pas un organe politique.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien entendu que non, quoi qu’on pense des décisions du Conseil constitutionnel, il faut évidemment s’y plier, parce que c'est le fonctionnement d’une démocratie, et que le Conseil constitutionnel, vous savez, ces dernières années, à chaque fois, à chaque fois qu’une loi de finances lui a été présentée, a été amené, le Conseil constitutionnel, à en valider certaines dispositions et à en censurer d’autres. C'est une constante, c'est comme ça, et j’ai envie de vous dire, plus une loi de finance introduit des réformes d’envergure, et plus elle court le risque de voir une partie de ses dispositions censurée, donc, ce qui s'est passé cette année, c'est que la loi de finances que nous avons adoptée pour 2013, était une loi d’envergure, dans laquelle nous rétablissions notamment la progressivité de l’impôt, je l’ai dit, mais aussi une même imposition pour les revenus du capital et pour les revenus du travail, ce qui n’avait pas été fait depuis des années qu’on en parle, eh bien le Conseil constitutionnel a été amené à censurer quelques dispositions, somme toute, assez mineures, même si symboliquement elles sont importantes.
ROLAND SICARD
Justement, justement, ces mesures du Conseil, d’après le gouvernement, devaient coûter 500 millions, la presse de ce matin dit 1 milliard. Quel est le bon chiffre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je crois que la presse spécule un petit peu, ce matin, je l’ai vu, évidemment, mais ce qu’il faut bien avoir à l’esprit, c'est que, lorsque nous parlons des 500 millions, nous évoquons notamment, mais pas seulement, les 75 % auxquels vous faisiez référence tout à l'heure. Lorsque la presse va plus loin, elle évoque un certain nombre de dispositifs qui ont été censurés par le Conseil constitutionnel, comme par exemple le déplafonnement des niches fiscales Outre-mer, des investissements qui sont réalisés à l’Outre-mer, et ce qu’il faut bien avoir à l’esprit, c'est que toutes ces dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, sont, pour une part, étaient pour une part, sources de recettes pour l’Etat, et pour une autre part, sources de coûts pour l’Etat, et donc, en réalité, si on veut avoir un ordre d’idée précis de ce que ça coûte que ces dispositions censurées, il faut bien prendre ce qui est rapporté à l’Etat et ce qui lui coûtait et faire la somme des deux. Lorsque nous parlons des 500 millions d’euros, nous avons à l’esprit, nous, l’ensemble de ces éléments.
ROLAND SICARD
Vous restez donc sur ce chiffre de 500 millions.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, nous restons sur ce chiffre de 500 millions d’euros. J’allais dire, l’essentiel, au fond, c'est que la trajectoire des finances publiques, n'est pas remise en cause par la décision du Conseil constitutionnel. Aucunement, d’ailleurs, le Conseil constitutionnel, lui-même, a validé à la fois nos prévisions de croissance, nos prévisions de recettes, la sincérité de notre budget...
ROLAND SICARD
Vos prévisions, elles sont maintenues à 0,8 % ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, nos prévisions, nous les...
ROLAND SICARD
Pourtant, tous les instituts de prévisions disent qu’on n’y arrivera pas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour l’année, donc, 2013, nous avons décidé, le Premier ministre s’est exprimé d'ailleurs à ce sujet, de maintenir nos prévisions de croissance. C'est vrai que l’INSEE ou le FMI tirent la sonnette d’alarme sur ce qui se passe notamment en Europe, sur la tenue de la croissance en Europe, sur les difficultés de la compétitivité en France, mais en même temps, voyez, les mesures que nous avons déjà prises en matière de compétitivité en France, avec le crédit d’impôts compétitivité emploi, qui d’ailleurs a été validé par le Conseil constitutionnel, nous allons redonner de la marge de manoeuvre aux entreprises pour embaucher, pour investir, pour innover, et donc nous allons apporter des réponses volontaristes et politiques, c'est comme ça, quand on parle de prévisions de croissance, on ne parle pas simplement de quelque chose qui serait exogène et tomberait du ciel, on parle de quelque chose que l’on construit, et nous, la croissance, nous voulons la construire. Le président de la République a dit que l’emploi était son obsession numéro 1, eh bien pendant toute l’année 2013, nous donnerons à l’emploi, les moyens de repartir.
ROLAND SICARD
Sur un autre sujet, l’Agence du médicament met en garde ce matin contre les pilules de 3ème et 4ème génération. Est-ce que le gouvernement va prendre des mesures pour limiter leur utilisation ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais le gouvernement avait déjà pris des mesures, puisque, comme vous le savez, avec la collègue Marisol TOURAINE, ministre en charge de la Santé, nous avions pris la décision il y a quelques mois, d’arrêter le remboursement de ces pilules, dont nous avions considéré, en effet, au regard des conclusions de l’Agence de sécurité sanitaire, qu’elles posaient des difficultés.
ROLAND SICARD
Mais, est-ce qu’il faut aller plus loin ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et donc, est-ce qu’il faut aller plus loin, la proposition qui est faite aujourd'hui, c'est de limiter le nombre de prescripteurs potentiels de ces pilules de 3ème et 4ème génération, qui au fond doivent toujours venir comme des supplétifs, par rapport aux premières pilules de 1ère et seconde génération. C'est lorsque les premières ne fonctionnent pas, ne sont pas adaptées à une personne, que certains prescripteurs spécialisés, certains médecins spécialisés, peuvent alors suggérer de recourir à celles de 3ème ou 4ème génération. Or, ce qui s’est passé ces dernières années, c'est que la prescription en a été tellement élargie, étendue, rendue possible, qu’un nombre trop important de personnes ont été exposées au risque que faisaient courir ces pilules de 3ème et 4ème génération.
ROLAND SICARD
Sujet tout à fait différent, le journal CHARLIE HEBDO publie ce matin « Une vie de Mahomet ». Est-ce que vous considérez que c'est une provocation ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez. D’abord, je ne sais pas ce qu’il y a dans cette publication, donc c'est difficile de porter un jugement. Moi, je crois que l’on est dans un pays où il faut toujours veiller à un juste équilibre entre, à la fois, la liberté d’expression et puis en même temps le respect de l’ordre public, la nécessité de ne pas jeter de l’huile sur le feu. Alors, évidemment, c'est difficile, j’allais dire, de fixer une telle règle dans l’absolu, sans regarder précisément ce qu’il en est. Je n’ai pas vu ce document, il m’est difficile de juger.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 janvier 2013