Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, dans "Les Echos" le 11 janvier 2013, sur les axes de la politique industrielle de la France, en particulier l'engagement dans un programme de relocalisation des entreprises françaises en France.

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Q - Depuis huit mois, vous avez souvent endossé le rôle de pompier. Est-ce suffisant pour faire une politique industrielle ?
R - Mon rôle ne peut se limiter au traitement des urgences, même si cela est un devoir. Nous préparons au ministère l'entrée de notre pays dans la révolution industrielle en cours en soutenant, finançant les innovations, les nouveaux produits, les nouveaux emplois, les nouvelles usines du 21e siècle. C'est la mission de renaissance industrielle que m'ont confiée le président de la République et le Premier ministre. Les Américains relocalisent leurs activités, l'Asie investit des milliards dans les nouvelles technologies, l'Europe et la France se réveillent. Le Pacte de compétitivité est le premier point d'appui d'application immédiate en 2013 et qui atteindra 20 milliards d'euros d'aides aux entreprises en 2014. Ce crédit d'impôt compétitivité (CICE) sera aussi simple, lisible et populaire que le crédit d'impôt recherche car il permettra aux entreprises de financer leurs innovations et leurs prises de risques.
Q - Les milieux économiques expriment parfois plus de scepticisme : ces 20 milliards suivent à peu près autant de prélèvements supplémentaires sur les mêmes entreprises...
R - Erreur, car ce ne sont pas les mêmes ! Les grandes entreprises très profitables et mondialisées contribuent davantage après une grosse décennie de baisse d'impôt, mais les PME bénéficient de la bouffée d'oxygène de nos mesures. Nous avons procédé à une redistribution importante vers le tissu productif créateur d'emplois. Travaillons désormais avec tous les acteurs de l'entreprise à réussir cette réindustrialisation.
Q - Comment comptez-vous convaincre les entreprises d'investir davantage en France ?
R - La France est d'ores et déjà la destination numéro un des implantations industrielles en Europe. Nous avons deux siècles de tradition depuis l'américain Haviland en 1832 jusqu'à Toyota en 1998 et Amazon en 2012. Mais, nous allons également engager un programme de relocalisation des entreprises françaises en France. La politique du président Obama en faveur du «reshoring» a un succès éclatant. Son programme a aidé les plus grandes sociétés américaines à calculer le meilleur endroit - l'Amérique - pour produire en fonction de la nouvelle donne mondiale : le coût des énergies, le prix du foncier, le coût du travail, qui a augmenté dans les pays émergents, le prix des transports et de la logistique qui monte. Les résultats sont spectaculaires. En un an, les États-Unis ont relocalisé 50 000 emplois.
Q - Et concrètement pour la France ?
R - Nous créons un programme semblable de relocalisation que nous allons confier à une Agence. L'Agence française des investissements internationaux (Afii) va offrir gratuitement aux entreprises qui le souhaitent un nouveau service en leur permettant de calculer les avantages de tous ordres à relocaliser des activités. Par ailleurs, nous allons examiner toutes les demandes, au cas par cas, de blocage administratif ou réglementaire qui ralentirait ou gênerait tel ou tel investissement. Il y a un vrai mouvement naissant patriotique en France, à la fois des consommateurs et des producteurs. La marinière est devenue le symbole de l'engagement de chaque citoyen quelle que soit sa place dans la société, en faveur du made in France. D'ailleurs, en deux ans, le made in America s'est répandu comme une traînée de poudre aux États-Unis et a provoqué des changements sensibles de comportement.
Q - Quels résultats attendez-vous ?
R - Une trentaine d'entreprises ont déjà relocalisé une activité de production depuis deux ans. Comme par exemple le fabricant de jouet Smoby. L'entreprise a été rachetée par des industriels allemands qui ont décidé de quitter la Roumanie et la Chine pour revenir dans le Jura. Ils ont créé 400 emplois. Les opticiens Atol ont fait de même et leur slogan est désormais «avec Atoll, le redressement productif est en vue» ! Aujourd'hui, l'Agence française des investissements internationaux (Afii) a identifié une cible de 300 entreprises que nous souhaitons convaincre de relocaliser.
Q - Quels sont les secteurs les plus susceptibles de relocaliser selon vous ?
R - Le financement d'une relocalisation est beaucoup plus envisageable dans les filières françaises qui sont fortes et performantes comme l'aéronautique, la pharmacie ou le numérique. Ce sera plus difficile dans les secteurs en difficulté.
Q - Ce discours va à contre-courant d'un climat de défiance vis-à-vis de la France.
R - Écoutez, nous sommes dans un véritable état de mobilisation générale. Notre ministère, c'est le ministère de la réindustrialisation, par tous les moyens et notamment par l'hospitalité industrielle.
Q - Vous invitez les entreprises à revenir, mais votre discours sur Arcelor Mittal n'est pas très sécurisant...
R - Mes propos sur cette société dont je rappelle qu'elle a acquis l'acier français par une OPA hostile et par l'endettement n'avaient rien à voir avec la nationalité de son propriétaire. M. Mittal n'a pas respecté ses engagements. Il fallait le dire. C'est ce que j'ai dénoncé.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 janvier 2013