Déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, sur l'égalité professionnelle dans le domaine de l'enseignement supérieur et la recherche, Paris le 28 janvier 2013.

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Circonstance : Signature de la Charte pour l'Egalité à Paris le 28 janvier 2013

Texte intégral


C’est un véritable plaisir d’être parmi vous ce soir et je vous remercie, Monsieur le Président, de nous accueillir Geneviève FIORASO et moi-même pour partager avec vous tous notre ambition et notre volonté que l’égalité entre les femmes et les hommes soit au coeur des enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je voudrais prendre à témoin Vincent Berger. Il y a un an et demi de cela à peu près, il titrait une Tribune publiée dans Libération « Où sont les femmes ? Pas dans les universités françaises en tout cas. ». Il y faisait la critique systématique d’une situation dans laquelle en dépit de la présence prépondérante des femmes parmi les étudiantes, notre système universitaire renvoie encore trop souvent aux femmes et à notre jeunesse l’image d’un monde reproducteur des élites masculines et peu attentif à la place comme à la valeur professionnelle des femmes.
Vous l’avez peut être vu la semaine passée, l’anomalie que constitue la sous-représentation des femmes dans le monde professionnel donnait lieu encore à une autre Tribune intitulée « Culture : les femmes veulent mieux que des strapontins ».
Dans ces deux cas, une même demande, celle d’une reconnaissance légitime des talents féminins et de leur nécessaire et juste représentation dans la sphère professionnelle ; dans les deux cas également, une simple revendication : que notre société fasse droit à l’ambition de notre République : l’égalité.
Mais plus précisément, l’égalité réelle, celle qui ne s’affiche pas seulement dans la loi et ses principes, mais celle qui devient effective, dans la vie quotidienne des femmes et des hommes de notre pays ; celle qui suppose un changement dans les pratiques, dans les représentations traditionnelles et stéréotypées, dans les esprits de tous, dans l’esprit de chacun d’entre nous.
C’est cela au fond la 3ème génération des droits des femmes, cette ambition que Géneviève FIORASO et moi-même comme l’ensemble des membres du Gouvernement nous nous sommes données : reprendre avec détermination la marche de l’égalité, nous appuyer sur les acquis des droits politiques acquis au sortir de la guerre, puis des droits économiques et sociaux gagnés dans les années 70-80’ pour aujourd’hui franchir cette dernière marche qui nous sépare de l’égalité réelle.
Cette 3ème génération des droits des femmes, c’est aussi inscrire l’action pour l’égalité dans une approche transversale, interministérielle pour que l’ensemble des mesures pour l’égalité se fassent écho et se complètent.
Yvette Roudy, dont je voudrais saluer la présence parmi nous ce soir, le sait bien. Pour avancer, il nous faut impérativement avoir cette approche globale : il faut avancer dans le domaine de la recherche sur le genre pour mettre à jour les inégalités, éclairer les décideurs publics et proposer de nouvelles approches dans les politiques publiques, en matière de violence faite aux femmes par exemple.
Pour avancer sur l’accès des femmes aux postes à responsabilité, il nous faut sensibiliser partout à l’égalité femmes-hommes les responsables des services RH, mettre en place la parité dans les comités de recrutement ou de promotion professionnels. En retour, ce sont bien ces actions qui donneront aux jeunes filles l’envie de se dégager de toute forme d’autocensure et d’investir l’ensemble des champs professionnels et des niveaux de responsabilités.
Je le sais bien, d’aucuns nous disent que l’égalité est acquise et qu’au fond il y aurait bien d’autres combats, bien d’autres urgences en ce temps de crise, dans cette période où la préoccupation devrait être le redressement de notre pays. Ce message, je l’ai entendu, plus ou moins déguisé selon les interlocuteurs. Et bien ce message est doublement erroné.
D’abord parce que les inégalités sont encore très fortes entre les femmes et les hommes. Et les chiffres de la représentation des femmes dans le monde universitaire sont de ce point de vue éclairant :
* Moins de 30 % des femmes dans les classes prépa scientifique et les écoles d’ingénieurs contre plus de 70 % en langues à l’Université et en classes prépa littéraires ;
* seules 23 % des professeurs des universités sont des femmes.
* 27 % de femmes seulement siègent dans les conseils centraux des universités et 8 % à peine sont aux postes de direction des universités.
Au rythme actuel, le corps des Professeurs d’université ne serait paritaire qu’en 2068 et les écoles d’ingénieur-e-s n’auraient autant d’étudiantes que d’étudiants qu’en 2075.
Et encore, rien n’est acquis, entre 2008 et 2012, la place des femmes aux postes de direction a reculé de moitié !
Alors le laissez-faire ... il n’en est plus question !
Mais ce message est aussi erroné car bien au contraire, ouvrir aux femmes toutes les possibilités, leur permettre de participer pleinement à l’égal des hommes aux responsabilités de direction, d’enseignement, de recherche, dans toutes les filières, c’est se donner des atouts en plus pour le redressement et la compétitivité de notre pays.
Notre objectif commun avec Geneviève FIORASO, c’est donc l’action en profondeur pour provoquer le changement. A cet égard, une mesure est essentielle, c’est la parité dans les instances universitaires, parce que c’est une mesure à la fois historique et symbolique.
Avec un gouvernement strictement paritaire, nous avions rompu avec 200 ans d’Histoire et nous rejoignions d’autres pays qui étaient d’ailleurs allé au-delà.
En retenant dans le cadre du prochain projet de loi le principe de la parité pour l’élection aux instances universitaires, nous marquerons une rupture avec une histoire bien plus ancienne encore et nous innoverons y compris par rapport à nos amis du Nord de l’Europe.
Depuis leur création au XIIème siècle, les universités n’ont en effet jusqu’à présent jamais mis au coeur de leur organisation l’égalité, un principe qui est pourtant consubstantiel aux valeurs d’humanisme dont elles sont les poumons et les garantes.
La France sera donc pionnière en la matière, comme elle l’est désormais fréquemment sur les politiques d’égalité en général. Nous prenons de l’avance. Nous donnons l’exemple et bien tant mieux. Et je veux vous le dire assez simplement. La parité dans les instances universitaires est une innovation qui va être regardée par nos amis et nos partenaires. N’hésitez pas à la promouvoir.
De nombreux pays, comme les Pays-Bas, la Norvège bien sûr ou encore la communauté Flamande, ont pris des mesures pour développer la participation des femmes dans l’enseignement supérieur, aucun ne s’est engagé jusqu’à prévoir des mesures contraignantes pour assurer la parité dans la gouvernance des universités. Et je crois que cette évolution sera un levier très puissant. Mettre l’égalité entre les femmes et les hommes au coeur même du pouvoir de décision, nous le savons, c’est la mettre partout, dans toutes les décisions et dans tous les programmes. Cette révolution culturelle, nous la vivons chaque jour dans le gouvernement. Les universités sont en passe de la vivre.
Je crois personnellement beaucoup à cette mesure et aux changements qu’elle implique dès lors qu’elle n’est pas isolée. Et précisément, nous nous réunissons aujourd’hui pour montrer que ce ne sera pas le cas.
Ce principe de parité, nous souhaitons qu’il se développe dans les différentes institutions de notre République pour l’inscrire dans le fonctionnement normal de nos institutions. Cela concerne les institutions démocratiques mais cela concerne aussi les autorités administratives indépendantes comme les principaux organismes consultatifs de l’Etat. Nous avons commencé avec le Haut conseil des finances publiques, le Haut conseil à l’égalité. Nous poursuivrons sur ce chemin car cela génèrera d’autres changements, des changements de comportement notamment dont on sait qu’ils sont décisifs pour mettre fin aux discriminations dont souffrent les femmes.
Cette évolution sera d’autant moins isolée qu’avec les mesures retenues par le Premier ministre en Comité interministériel, avec la feuille de route que Geneviève FIORASO a bâti pour son ministère, nous avons là un plan global d’accompagnement de ce changement majeur pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Geneviève FIORASO y reviendra mais qu’il s’agisse de l’inscription systémique de l’égalité femmes-hommes dans le dialogue contractuel entre le ministère et les établissements, du soutien actif aux recherches sur le genre, ou encore des mesures pour l’équilibre femmes-hommes dans les jurys nous avons là des leviers de changement forts.
Mon ministère y prendra toute sa part.
Vous le savez, en matière de recherche, j’ai décidé déjà de soutenir l’étude que porte l’INED pour renouveler nos connaissances sur les violences de genre. Un partenariat est aussi développé avec l’équipe PRESAGE de Sciences Po qui a développé comme Paris des actions de sensibilisation à l’égalité dans toutes les filières.
Nous mettrons en place avec Vincent PEILLON et Geneviève FIORASO des formations à l’égalité pour tous les enseignants. Je travaille pour que nous puissions encourager l’entrepreunariat féminin notamment dans le champ des sciences et techniques comme de l’innovation.
Je me réjouis qu’avec la signature de la charte de l’égalité, près de 300 établissements d’enseignement supérieur puissent venir participer à la dynamique qui se crée pour l’égalité.
Je note avec plaisir que c’est la première fois que les trois Conférences de l’enseignement supérieur prennent des engagements publics pour agir en faveur de l’égalité femmes-hommes. A travers les chartes que nous signons aujourd’hui, vous engagerez les établissements d’enseignement supérieur à mettre en place une politique globale d’égalité femmes-hommes, notamment par la nomination d’un-e référent-e égalité, pour la dimension enseignement, sensibilisation et recherche, par la production systématique de statistiques sexuées, par des actions en faveur de la mixité des filières et de l’égalité professionnelle, et par une intégration de la thématique dans l’ensemble de l’activité des établissements.
Cette action est un relais important de l’impulsion que donnera le ministère et nous aidera à inscrire l’égalité dans la culture des établissements de recherche et de l’enseignement supérieur.
Reste un point qui me tient à coeur. Evidemment, cette démarche de l’égalité, que nous lançons ici tous ensemble, il nous faut l’accompagner, en faire ressortir les meilleures pratiques, et puis vérifier qu’elle se met en place effectivement.
Ce sera bien entendu le rôle du dialogue contractuel que j’évoquais un peu avant.
Je sais aussi qu’un Comité de l’égalité (COMEGAL) est placé auprès de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qui sera l’instrument de cette coordination globale et de ce suivi.
Je forme le voeu chère Geneviève que nous puissions toutes les deux participer à l’une des réunions de cette instance, peut être après la prochaine rentrée universitaire, de manière à ce que nous puissions faire un premier point d’étape, avec tous les partenaires.
J’en suis consciente, nous engageons cette année une évolution importante et profonde. Nous aurons besoin de détermination et de la mobilisation de toutes et tous. Vous pourrez compter sur la mienne.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.najat-vallaud-belkacem.com, le 13 février 2013