Texte intégral
Cest un véritable plaisir dêtre parmi vous ce soir et je vous remercie, Monsieur le Président, de nous accueillir Geneviève FIORASO et moi-même pour partager avec vous tous notre ambition et notre volonté que légalité entre les femmes et les hommes soit au coeur des enjeux de lenseignement supérieur et de la recherche.
Je voudrais prendre à témoin Vincent Berger. Il y a un an et demi de cela à peu près, il titrait une Tribune publiée dans Libération « Où sont les femmes ? Pas dans les universités françaises en tout cas. ». Il y faisait la critique systématique dune situation dans laquelle en dépit de la présence prépondérante des femmes parmi les étudiantes, notre système universitaire renvoie encore trop souvent aux femmes et à notre jeunesse limage dun monde reproducteur des élites masculines et peu attentif à la place comme à la valeur professionnelle des femmes.
Vous lavez peut être vu la semaine passée, lanomalie que constitue la sous-représentation des femmes dans le monde professionnel donnait lieu encore à une autre Tribune intitulée « Culture : les femmes veulent mieux que des strapontins ».
Dans ces deux cas, une même demande, celle dune reconnaissance légitime des talents féminins et de leur nécessaire et juste représentation dans la sphère professionnelle ; dans les deux cas également, une simple revendication : que notre société fasse droit à lambition de notre République : légalité.
Mais plus précisément, légalité réelle, celle qui ne saffiche pas seulement dans la loi et ses principes, mais celle qui devient effective, dans la vie quotidienne des femmes et des hommes de notre pays ; celle qui suppose un changement dans les pratiques, dans les représentations traditionnelles et stéréotypées, dans les esprits de tous, dans lesprit de chacun dentre nous.
Cest cela au fond la 3ème génération des droits des femmes, cette ambition que Géneviève FIORASO et moi-même comme lensemble des membres du Gouvernement nous nous sommes données : reprendre avec détermination la marche de légalité, nous appuyer sur les acquis des droits politiques acquis au sortir de la guerre, puis des droits économiques et sociaux gagnés dans les années 70-80 pour aujourdhui franchir cette dernière marche qui nous sépare de légalité réelle.
Cette 3ème génération des droits des femmes, cest aussi inscrire laction pour légalité dans une approche transversale, interministérielle pour que lensemble des mesures pour légalité se fassent écho et se complètent.
Yvette Roudy, dont je voudrais saluer la présence parmi nous ce soir, le sait bien. Pour avancer, il nous faut impérativement avoir cette approche globale : il faut avancer dans le domaine de la recherche sur le genre pour mettre à jour les inégalités, éclairer les décideurs publics et proposer de nouvelles approches dans les politiques publiques, en matière de violence faite aux femmes par exemple.
Pour avancer sur laccès des femmes aux postes à responsabilité, il nous faut sensibiliser partout à légalité femmes-hommes les responsables des services RH, mettre en place la parité dans les comités de recrutement ou de promotion professionnels. En retour, ce sont bien ces actions qui donneront aux jeunes filles lenvie de se dégager de toute forme dautocensure et dinvestir lensemble des champs professionnels et des niveaux de responsabilités.
Je le sais bien, daucuns nous disent que légalité est acquise et quau fond il y aurait bien dautres combats, bien dautres urgences en ce temps de crise, dans cette période où la préoccupation devrait être le redressement de notre pays. Ce message, je lai entendu, plus ou moins déguisé selon les interlocuteurs. Et bien ce message est doublement erroné.
Dabord parce que les inégalités sont encore très fortes entre les femmes et les hommes. Et les chiffres de la représentation des femmes dans le monde universitaire sont de ce point de vue éclairant :
* Moins de 30 % des femmes dans les classes prépa scientifique et les écoles dingénieurs contre plus de 70 % en langues à lUniversité et en classes prépa littéraires ;
* seules 23 % des professeurs des universités sont des femmes.
* 27 % de femmes seulement siègent dans les conseils centraux des universités et 8 % à peine sont aux postes de direction des universités.
Au rythme actuel, le corps des Professeurs duniversité ne serait paritaire quen 2068 et les écoles dingénieur-e-s nauraient autant détudiantes que détudiants quen 2075.
Et encore, rien nest acquis, entre 2008 et 2012, la place des femmes aux postes de direction a reculé de moitié !
Alors le laissez-faire ... il nen est plus question !
Mais ce message est aussi erroné car bien au contraire, ouvrir aux femmes toutes les possibilités, leur permettre de participer pleinement à légal des hommes aux responsabilités de direction, denseignement, de recherche, dans toutes les filières, cest se donner des atouts en plus pour le redressement et la compétitivité de notre pays.
Notre objectif commun avec Geneviève FIORASO, cest donc laction en profondeur pour provoquer le changement. A cet égard, une mesure est essentielle, cest la parité dans les instances universitaires, parce que cest une mesure à la fois historique et symbolique.
Avec un gouvernement strictement paritaire, nous avions rompu avec 200 ans dHistoire et nous rejoignions dautres pays qui étaient dailleurs allé au-delà.
En retenant dans le cadre du prochain projet de loi le principe de la parité pour lélection aux instances universitaires, nous marquerons une rupture avec une histoire bien plus ancienne encore et nous innoverons y compris par rapport à nos amis du Nord de lEurope.
Depuis leur création au XIIème siècle, les universités nont en effet jusquà présent jamais mis au coeur de leur organisation légalité, un principe qui est pourtant consubstantiel aux valeurs dhumanisme dont elles sont les poumons et les garantes.
La France sera donc pionnière en la matière, comme elle lest désormais fréquemment sur les politiques dégalité en général. Nous prenons de lavance. Nous donnons lexemple et bien tant mieux. Et je veux vous le dire assez simplement. La parité dans les instances universitaires est une innovation qui va être regardée par nos amis et nos partenaires. Nhésitez pas à la promouvoir.
De nombreux pays, comme les Pays-Bas, la Norvège bien sûr ou encore la communauté Flamande, ont pris des mesures pour développer la participation des femmes dans lenseignement supérieur, aucun ne sest engagé jusquà prévoir des mesures contraignantes pour assurer la parité dans la gouvernance des universités. Et je crois que cette évolution sera un levier très puissant. Mettre légalité entre les femmes et les hommes au coeur même du pouvoir de décision, nous le savons, cest la mettre partout, dans toutes les décisions et dans tous les programmes. Cette révolution culturelle, nous la vivons chaque jour dans le gouvernement. Les universités sont en passe de la vivre.
Je crois personnellement beaucoup à cette mesure et aux changements quelle implique dès lors quelle nest pas isolée. Et précisément, nous nous réunissons aujourdhui pour montrer que ce ne sera pas le cas.
Ce principe de parité, nous souhaitons quil se développe dans les différentes institutions de notre République pour linscrire dans le fonctionnement normal de nos institutions. Cela concerne les institutions démocratiques mais cela concerne aussi les autorités administratives indépendantes comme les principaux organismes consultatifs de lEtat. Nous avons commencé avec le Haut conseil des finances publiques, le Haut conseil à légalité. Nous poursuivrons sur ce chemin car cela génèrera dautres changements, des changements de comportement notamment dont on sait quils sont décisifs pour mettre fin aux discriminations dont souffrent les femmes.
Cette évolution sera dautant moins isolée quavec les mesures retenues par le Premier ministre en Comité interministériel, avec la feuille de route que Geneviève FIORASO a bâti pour son ministère, nous avons là un plan global daccompagnement de ce changement majeur pour lenseignement supérieur et la recherche.
Geneviève FIORASO y reviendra mais quil sagisse de linscription systémique de légalité femmes-hommes dans le dialogue contractuel entre le ministère et les établissements, du soutien actif aux recherches sur le genre, ou encore des mesures pour léquilibre femmes-hommes dans les jurys nous avons là des leviers de changement forts.
Mon ministère y prendra toute sa part.
Vous le savez, en matière de recherche, jai décidé déjà de soutenir létude que porte lINED pour renouveler nos connaissances sur les violences de genre. Un partenariat est aussi développé avec léquipe PRESAGE de Sciences Po qui a développé comme Paris des actions de sensibilisation à légalité dans toutes les filières.
Nous mettrons en place avec Vincent PEILLON et Geneviève FIORASO des formations à légalité pour tous les enseignants. Je travaille pour que nous puissions encourager lentrepreunariat féminin notamment dans le champ des sciences et techniques comme de linnovation.
Je me réjouis quavec la signature de la charte de légalité, près de 300 établissements denseignement supérieur puissent venir participer à la dynamique qui se crée pour légalité.
Je note avec plaisir que cest la première fois que les trois Conférences de lenseignement supérieur prennent des engagements publics pour agir en faveur de légalité femmes-hommes. A travers les chartes que nous signons aujourdhui, vous engagerez les établissements denseignement supérieur à mettre en place une politique globale dégalité femmes-hommes, notamment par la nomination dun-e référent-e égalité, pour la dimension enseignement, sensibilisation et recherche, par la production systématique de statistiques sexuées, par des actions en faveur de la mixité des filières et de légalité professionnelle, et par une intégration de la thématique dans lensemble de lactivité des établissements.
Cette action est un relais important de limpulsion que donnera le ministère et nous aidera à inscrire légalité dans la culture des établissements de recherche et de lenseignement supérieur.
Reste un point qui me tient à coeur. Evidemment, cette démarche de légalité, que nous lançons ici tous ensemble, il nous faut laccompagner, en faire ressortir les meilleures pratiques, et puis vérifier quelle se met en place effectivement.
Ce sera bien entendu le rôle du dialogue contractuel que jévoquais un peu avant.
Je sais aussi quun Comité de légalité (COMEGAL) est placé auprès de la ministre de lenseignement supérieur et de la recherche qui sera linstrument de cette coordination globale et de ce suivi.
Je forme le voeu chère Geneviève que nous puissions toutes les deux participer à lune des réunions de cette instance, peut être après la prochaine rentrée universitaire, de manière à ce que nous puissions faire un premier point détape, avec tous les partenaires.
Jen suis consciente, nous engageons cette année une évolution importante et profonde. Nous aurons besoin de détermination et de la mobilisation de toutes et tous. Vous pourrez compter sur la mienne.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.najat-vallaud-belkacem.com, le 13 février 2013