Texte intégral
Q - Nous allons parler donc de cette journée de la francophonie consacrée au Mali, avec une soirée ce soir à l'UNESCO.
(...)
Alors on va évidemment parler de tous les sujets, y compris celui qu'on a annoncé tout à l'heure, le Mali. Mais je voulais vous poser une question personnelle. Au fond, pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette aventure, parce que vous êtes réalisatrice, documentariste ? Quel était l'intérêt pour vous, au moment où cette carrière prend une certaine ampleur, de tout d'un coup, rentrer dans un gouvernement ?
R - Ce n'est pas n'importe quel gouvernement. Pourquoi on fait le choix, un jour, de rentrer en politique ? J'étais adjointe au maire de Paris depuis déjà 5 ans. J'avais donc déjà cette double casquette, à la fois cinéaste et engagée. Je fais des films et je mène un combat sociétal depuis presque une vingtaine d'années. Sur mon terrain, j'ai toujours rencontré la politique. Cette fois-ci, la francophonie, c'était quelque chose qui était un peu une continuité de tout ce que j'avais fait dans ce cinéma engagé.
Q - Il n'y a pas eu d'hésitation ? C'était une logique ?
R - Non ! Il y a toujours une hésitation. Lorsque le président de la République m'appelle et me présente cette vision de la francophonie, qu'il avait envie de remettre au centre de gouvernement, c'est quelque chose qui est ouvert sur l'autre, c'est aussi un nouveau regard sur l'Afrique, un nouveau regard sur le monde, qu'est-ce que l'influence du français ? Et puis, je trouvais peut-être de mettre ma carrière comme ça, entre parenthèses, je ne sais pas pour combien de temps et d'y aller avec une vraie mission, voilà ! J'ai dit oui.
Q - Vous avez dit oui, sauf qu'on est en temps de crise, en temps de rigueur, on en parle encore beaucoup ce matin. Est-ce que réellement la défense de la langue française dans cette période-là, c'est encore une priorité ? Vous avez fait adopter un plan de 15 millions d'euros pour 3 ans. Cela suffit pour défendre cette cause ?
R - C'est une priorité, la défense de la langue française. Elle n'est pas simplement virtuelle ou avec uniquement le côté culturel. Je défends un plan énorme sur la francophonie économique.
Aujourd'hui qu'est-ce que la francophonie ? C'est un espace de 77 pays, 220 millions de locuteurs. Ils seront 800 millions en 2050, dont 80 % en Afrique. Et on voit aujourd'hui la montée en puissance de l'Afrique. C'est un continent que l'on donnait moribond, c'est un continent que la France ne regardait plus. Prenez l'exemple d'un pays énorme, comme la République démocratique du Congo, qui fait 4 fois la France, avec des ressources énormes. Nous avons cette langue française en partage qui peut être une mobilité, qui peut organiser une mobilité économique.
Q - Le français progresse en Afrique aujourd'hui ?
R - Le français progresse en Afrique. C'est la langue nationale dans plusieurs pays. C'est notamment la langue nationale de la RDC. Cela veut donc dire qu'il ne faut pas raisonner en termes d'État mais en termes d'espace. Si des entreprises françaises se développent en Côte d'Ivoire, elles peuvent aussi arriver en RDC par la langue. Il y a donc un véritable intérêt dans le développement de la langue française.
Deuxièmement, je vois que la Chine et les France sont très présentes dans l'espace francophone...
Q - Oui, c'est justement cela la question ! Parce que pour l'instant, après avoir dit de l'Afrique, ça c'était l'aspect erroné du monde, l'Afrique noire est mal partie, il y a maintenant des années.
R - Exactement !
Q - On s'intéresse de plus en plus, la croissance est souvent supérieure à 5 %. Mais on a l'impression que depuis que cela marche, les Américains, les Chinois, une grande partie des puissances économiques mondiales se ruent vers l'Afrique et nous, on nous fait le procès, ce sera peut-être le cas autour du Mali, justement, encore d'une France-Afrique qui ne dit pas son nom ! C'est un peu ça le contexte ?
R - Je crois qu'il faut absolument se décomplexer sur cette histoire de France Afrique et se dire que, définitivement, la langue française s'est débarrassée des oripeaux du colonialisme. La langue française a fait sa mutation.
Q - Donc la guerre du Mali, n'est pas une opération néocoloniale ?
R - Non, c'est une opération d'État à État. Il y a eu une demande du Mali.
Je vois les problèmes que rencontre la République démocratique du Congo, où on demande à la France d'intervenir peut-être, au nord du Kivu, où il y a une guerre, où il y a des groupes armés qui agressent, etc. ils sont demandés à hauteur d'hommes et je crois qu'on ne doit pas rater ce virage avec l'Afrique. On ne doit pas. On doit pouvoir avoir une politique égalitaire, une francophonie solidaire et égalitaire, et ça, c'est possible. Et quant à la Chine...
Q - Sauf que cela se passe par les armes et pas par l'apprentissage culturel ?
R - Il y a une question sur le Mali, mais j'étais justement en train de vous parler de cette francophonie économique et culturelle, et de cet espace extraordinaire. Encore une fois, comme vous le disiez justement, sur une Afrique que l'on donnait moribonde. Je me souviens que dans les années 90, on nous montrait des pays entiers, il y avait tout ce spectre du sida et on disait : c'est une Afrique qui va être dévastée. Et ce n'est pas le cas.
Maintenant, pour ce qui concerne la Chine et les États-Unis, il faut savoir que ces pays seront bloqués dans l'espace francophone par la langue. Les Chinois ont monté des instituts Confucius mais cela ne marche pas. On ne peut pas prendre que les marchés et ne pas faire évoluer les populations. Donc, la France a une carte à jouer parce qu'avec le français, c'est la langue nationale, elle pourra à la fois être compétitive et faire participer la population.
Q - Vous venez de la société civile, vous êtes une des rares ministres qui vient d'un autre univers. Après 9 mois d'exercices, est-ce que vous êtes vous êtes comblée, désenchantée, ravie ?
R - Je suis immensément ravie dans ce que je fais, vous le voyez et la francophonie s'est ouverte sur le monde. En 9 mois, j'ai fait 27 pays, j'ai signé des accords économiques au Vietnam, on a lancé une opération «100.000 professeurs pour l'Afrique». Tout cela est extraordinaire et cela marche.
(...)
Q - Dernier point, je rappelle qu'il y a une soirée, donc à l'UNESCO ce soir, pour le Mali, et que c'est donc un colloque toute la journée.
( )
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2013
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Alors on va évidemment parler de tous les sujets, y compris celui qu'on a annoncé tout à l'heure, le Mali. Mais je voulais vous poser une question personnelle. Au fond, pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette aventure, parce que vous êtes réalisatrice, documentariste ? Quel était l'intérêt pour vous, au moment où cette carrière prend une certaine ampleur, de tout d'un coup, rentrer dans un gouvernement ?
R - Ce n'est pas n'importe quel gouvernement. Pourquoi on fait le choix, un jour, de rentrer en politique ? J'étais adjointe au maire de Paris depuis déjà 5 ans. J'avais donc déjà cette double casquette, à la fois cinéaste et engagée. Je fais des films et je mène un combat sociétal depuis presque une vingtaine d'années. Sur mon terrain, j'ai toujours rencontré la politique. Cette fois-ci, la francophonie, c'était quelque chose qui était un peu une continuité de tout ce que j'avais fait dans ce cinéma engagé.
Q - Il n'y a pas eu d'hésitation ? C'était une logique ?
R - Non ! Il y a toujours une hésitation. Lorsque le président de la République m'appelle et me présente cette vision de la francophonie, qu'il avait envie de remettre au centre de gouvernement, c'est quelque chose qui est ouvert sur l'autre, c'est aussi un nouveau regard sur l'Afrique, un nouveau regard sur le monde, qu'est-ce que l'influence du français ? Et puis, je trouvais peut-être de mettre ma carrière comme ça, entre parenthèses, je ne sais pas pour combien de temps et d'y aller avec une vraie mission, voilà ! J'ai dit oui.
Q - Vous avez dit oui, sauf qu'on est en temps de crise, en temps de rigueur, on en parle encore beaucoup ce matin. Est-ce que réellement la défense de la langue française dans cette période-là, c'est encore une priorité ? Vous avez fait adopter un plan de 15 millions d'euros pour 3 ans. Cela suffit pour défendre cette cause ?
R - C'est une priorité, la défense de la langue française. Elle n'est pas simplement virtuelle ou avec uniquement le côté culturel. Je défends un plan énorme sur la francophonie économique.
Aujourd'hui qu'est-ce que la francophonie ? C'est un espace de 77 pays, 220 millions de locuteurs. Ils seront 800 millions en 2050, dont 80 % en Afrique. Et on voit aujourd'hui la montée en puissance de l'Afrique. C'est un continent que l'on donnait moribond, c'est un continent que la France ne regardait plus. Prenez l'exemple d'un pays énorme, comme la République démocratique du Congo, qui fait 4 fois la France, avec des ressources énormes. Nous avons cette langue française en partage qui peut être une mobilité, qui peut organiser une mobilité économique.
Q - Le français progresse en Afrique aujourd'hui ?
R - Le français progresse en Afrique. C'est la langue nationale dans plusieurs pays. C'est notamment la langue nationale de la RDC. Cela veut donc dire qu'il ne faut pas raisonner en termes d'État mais en termes d'espace. Si des entreprises françaises se développent en Côte d'Ivoire, elles peuvent aussi arriver en RDC par la langue. Il y a donc un véritable intérêt dans le développement de la langue française.
Deuxièmement, je vois que la Chine et les France sont très présentes dans l'espace francophone...
Q - Oui, c'est justement cela la question ! Parce que pour l'instant, après avoir dit de l'Afrique, ça c'était l'aspect erroné du monde, l'Afrique noire est mal partie, il y a maintenant des années.
R - Exactement !
Q - On s'intéresse de plus en plus, la croissance est souvent supérieure à 5 %. Mais on a l'impression que depuis que cela marche, les Américains, les Chinois, une grande partie des puissances économiques mondiales se ruent vers l'Afrique et nous, on nous fait le procès, ce sera peut-être le cas autour du Mali, justement, encore d'une France-Afrique qui ne dit pas son nom ! C'est un peu ça le contexte ?
R - Je crois qu'il faut absolument se décomplexer sur cette histoire de France Afrique et se dire que, définitivement, la langue française s'est débarrassée des oripeaux du colonialisme. La langue française a fait sa mutation.
Q - Donc la guerre du Mali, n'est pas une opération néocoloniale ?
R - Non, c'est une opération d'État à État. Il y a eu une demande du Mali.
Je vois les problèmes que rencontre la République démocratique du Congo, où on demande à la France d'intervenir peut-être, au nord du Kivu, où il y a une guerre, où il y a des groupes armés qui agressent, etc. ils sont demandés à hauteur d'hommes et je crois qu'on ne doit pas rater ce virage avec l'Afrique. On ne doit pas. On doit pouvoir avoir une politique égalitaire, une francophonie solidaire et égalitaire, et ça, c'est possible. Et quant à la Chine...
Q - Sauf que cela se passe par les armes et pas par l'apprentissage culturel ?
R - Il y a une question sur le Mali, mais j'étais justement en train de vous parler de cette francophonie économique et culturelle, et de cet espace extraordinaire. Encore une fois, comme vous le disiez justement, sur une Afrique que l'on donnait moribonde. Je me souviens que dans les années 90, on nous montrait des pays entiers, il y avait tout ce spectre du sida et on disait : c'est une Afrique qui va être dévastée. Et ce n'est pas le cas.
Maintenant, pour ce qui concerne la Chine et les États-Unis, il faut savoir que ces pays seront bloqués dans l'espace francophone par la langue. Les Chinois ont monté des instituts Confucius mais cela ne marche pas. On ne peut pas prendre que les marchés et ne pas faire évoluer les populations. Donc, la France a une carte à jouer parce qu'avec le français, c'est la langue nationale, elle pourra à la fois être compétitive et faire participer la population.
Q - Vous venez de la société civile, vous êtes une des rares ministres qui vient d'un autre univers. Après 9 mois d'exercices, est-ce que vous êtes vous êtes comblée, désenchantée, ravie ?
R - Je suis immensément ravie dans ce que je fais, vous le voyez et la francophonie s'est ouverte sur le monde. En 9 mois, j'ai fait 27 pays, j'ai signé des accords économiques au Vietnam, on a lancé une opération «100.000 professeurs pour l'Afrique». Tout cela est extraordinaire et cela marche.
(...)
Q - Dernier point, je rappelle qu'il y a une soirée, donc à l'UNESCO ce soir, pour le Mali, et que c'est donc un colloque toute la journée.
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source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2013