Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur la sécurisation des parcours professionnels et notamment sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, (FPSPP), Paris le 12 février 2013.

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Intervenant(s) : 
  • Thierry Repentin - Ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Circonstance : Signature de la convention cadre entre le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et l'Eat le 12 février 2013

Texte intégral

On souligne souvent les inégalités qui caractérisent le monde de la formation professionnelle : une formation qui profite plus aux salariés qu’aux demandeurs d’emploi, aux déjà qualifiés plutôt qu’aux moins qualifiés, aux salariés des grandes entreprises plutôt qu’à ceux des petites.
Même si la formation professionnelle ne saurait se résumer à ces défauts, ces critiques nous alertent et nous devons nous efforcer d’y remédier afin de construire un dispositif qui soit à la fois plus juste et plus efficace. Notre ambition collective doit en effet être guidée par la belle injonction que nous délivre le Préambule de la Constitution de 1946 qui précise que « la Nation assure un égal accès de l’adulte et de l’enfant à l’éducation, la formation professionnelle et la culture ».
Fort de ce constat les partenaires sociaux ont ouvert une voie en créant par un accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, que nous appelons plus communément le FPSPP.
FPSPP : ce sigle est compliqué ; pourtant il commence à sortir du cercle des initiés puisque le Président de la République lui-même, lors de ses voeœux au début du mois de janvier aux acteurs économiques et sociaux, a cité ce fonds sans se heurter à chacune des lettres !
Derrière ce sigle il y a une belle idée : celle de la sécurisation des parcours professionnels ; dans un marché du travail où les trajectoires sont de plus en plus heurtées et discontinues, et ce souvent de façon subie, l’objectif est de favoriser l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi des plus fragiles grâce à ce formidable outil que peut constituer la formation professionnelle.
Ainsi en 2013 ce sera plus de 890 M euros qu’il mobilisera, ce qui n’est pas négligeable au regard des 13 Mds d’euros que les entreprises consacrent chaque année à la formation continue et des 6,3 Mds euros qui transitent par les OPCA.
Peu sensible aux questions d’égalité et de redistribution, le Gouvernement précédent avait fini par dévoyer entièrement le FPSPP en atténuant considérablement son impact positif. Une mécanique négative s’était mise en place : d’une part l’'Etat ponctionnait le Fonds – 300 M euros en 2011 puis en 2012 – afin de financer parfois des missions régaliennes de la formation professionnelle comme l’ingénierie des titres du ministère du travail ; les partenaires sociaux d’autre part réduisaient en conséquence le montant potentiel des ressources du Fonds, en faisant passer de 13 à 10 points le taux de contribution, soit un manque à gagner de près de 200 M euros par an en sus de la ponction. Voilà ce qu’il faut bien appeler une logique perdant / perdant, ou le conte de « la peau de chagrin » appliqué à la formation professionnelle.
La rénovation du dialogue social et la confiance retrouvée que Michel Sapin a évoquées tout à l’heure, fondées sur l’engagement à ne plus opérer de ponction, ont permis de redonner sens et puissance au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Du point de vue quantitatif d’abord : avec un taux de contribution rétabli à 13 % et, je l’ai déjà dit, des ressources supérieures en 2013 de plus de 300 M euros à 2012 !

Du point de vue qualitatif ensuite, avec un ciblage volontariste en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. Je citerais à titre d’exemples :

  • les 54 M euros consacrés à la lutte contre l’illettrisme qui doit devenir, Michel Sapin et moi-même en sommes convaincus, la « Grande cause nationale pour 2013 ».
  • Les actions ciblées sur certains territoires fragiles comme les DOM. Je reviens de Guadeloupe où j’ai présidé le séminaire des DIECCTE et je peux vous dire qu’avec un taux de chômage proche de 25 %, voire de 60 % pour les jeunes, ces territoires, qui ont l’envie de faire, ont besoin pour avancer d’un appui particulier des partenaires sociaux au niveau national et interprofessionnel.

Mais la qualité c’est aussi la capacité de proposition et d’innovation qu’exercent les partenaires sociaux à travers ce Fonds. Ces dernières années le FPSPP a trop souvent été abordé sous le seul angle financier et gestionnaire ; on a trop peu reconnu les innovations contenues dans certaines actions entreprises telles que l’ouverture des contrats de sécurisation professionnelle aux travailleurs précaires, intérimaires ou CDD. L’innovation, c’est pourtant depuis toujours l’âme de la formation continue …
Enfin nous retrouvons, je crois, l’esprit partenarial entre l’'Etat et les partenaires sociaux qui est au fondement de la création du FPSPP. Celui-ci ne peut fonctionner que sur la base d’une convention cadre avec l’'Etat, que nous signons aujourd’'hui. L'’Etat peut abonder les ressources du Fonds, à travers notamment du FSE, ce que nous faisons en 2013 en mobilisant 75 M euros, et que nous continuerons à faire, je m’y engage, lors de la prochaine programmation des Fonds européens.
Je le répète souvent : le partenariat, le partage des objectifs, la coordination des actions et des financements sont fondamentaux dans un contexte de maîtrise des deniers publics. A titre d’exemple de convergence je citerais la jeunesse, qui vous le savez est le grand dessein du Président de la République et notamment l’accès à la qualification des jeunes : vous renouvelez en 2013 votre engagement en faveur de l’accompagnement des jeunes décrocheurs et nous lancerons dans les prochains jours un appel à projets - pour lequel nous avons du il est vrai un peu insister … - dédié à la formation des jeunes en emploi d’avenir.
Le Fonds contribuera ainsi aux deux grands objectifs de ce nouveau dispositif : offrir une première expérience professionnelle réussie mais aussi la possibilité de redémarrer un parcours d’accès à la qualification. Enfin plus de 160 M euros de fonds de la péréquation seront consacrés à de nouveaux contrats de professionnalisation
Enfin, c’est aussi cette logique coopérative qui nous a permis de conclure positivement pour l’année 2013 l’avenant consacré à la rémunération de fin de formation. La discussion n’a pas toujours été aisée sur ce sujet et nous avons bien entendu votre souhait légitime d’une plus grande transparence en matière de suivi. Je veux dire ici, que si je comprends qu’il y débat sur ce sujet, il faut souligner que cette rémunération de fin de formation, s’inscrit totalement dans la notion de sécurisation des parcours. Car quelle autre mesure peut bien participer plus à celle-ci que le versement d’une rémunération aux stagiaires suivant une action qualifiante, en phase avec des besoins avérés d’emploi et dont les droits à l’assurance chômage s’épuisent avant le terme de leur formation ?
Je me réjouis donc que la convention-cadre que nous allons signer rétablisse la capacité d’action du FPSPP et renoue avec l’esprit qui a animé la négociation des partenaires sociaux lorsqu’ils ont souhaité créer ce Fonds. Mais, vous le savez, la famille politique à laquelle j’appartiens ne me permet guère de me contenter des phases de « restauration ». J’appartiens plutôt au parti du mouvement et c’est pourquoi je souhaite que le FPSPP soit une instance et un instrument vivants, qui poursuive plus avant des évolutions déjà entamées.
Avec cette nouvelle convention-cadre le Fonds a déjà un pied dans l’avenir.
Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger sur le sujet de nombreuses fois à la suite à la Grande conférence sociale : le nouvel acte de la décentralisation va donner plus d’importance aux stratégies concertées entre acteurs sur les territoires en matière d’orientation, de formation professionnelle, d’emploi et de développement économique. En consacrant 50 M euros dès 2013, FSE compris, à des actions d’accompagnement des mutations économiques, le FPSPP s’inscrit dans cette logique de territorialisation tout en préservant son caractère national. Il s’agit là aussi d’une évolution forte car nos prédécesseurs cultivaient une méfiance systématique à l’égard des collectivités territoriales, ce qui avait conduit à l’échec, je le sais, un certain nombre d’appels à projets innovants que vous aviez déjà voulu lancer ces dernières années.
Ces initiatives, à la fois défensives et offensives, portant sur l’accompagnement des mutations économiques que vous souhaitez appuyer au sein des territoires, en lien notamment avec les Conseils régionaux, ne devront pas se limiter à de simples accords techniques entre opérateurs. Elles devront s’inscrire dans une gouvernance politique territoriale rénovée de l’alternance et de la formation professionnelle, associant étroitement Etat, partenaires sociaux et Régions : nous aurons l’occasion d’en reparler bientôt.
Mais l’avenir ne se résume pas à la décentralisation. Différents segments de l’orientation et de la formation professionnelle tout au long de la vie ont vocation à évoluer dans les mois qui viennent, parfois fortement : je pense notamment à la création par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier du compte personnel de formation et du conseil en évolution professionnelle. Portabilité des droits, possibilité pour les salariés de disposer en dehors de l’entreprise d’un lieu neutre d’accompagnement : afin de répondre pleinement à l’ambition de ces dispositifs, vous aurez besoin, nous aurons besoin de construire les articulations nécessaires avec les autres outils de la formation continue et le service public de l’orientation qui sera bientôt rénové.
Nous sommes là au cœur de la sécurisation des parcours et le FPSPP sera sans doute bientôt confronté à ces nouveaux enjeux. Le dispositif conventionnel qui lie l’'Etat et le Fonds, assorti d’une déclinaison annuelle, permet d’ailleurs cette adaptation :
Mais je vous le dis, le projet de loi que je présenterai à l’été prochain peut aussi être l’occasion de revisiter ensemble les missions assignées au Fonds paritaire. Ce texte aura en effet l’ambition d’améliorer l’accès à la formation, dans une logique d’équité, tant pour les jeunes candidats à l’alternance que pour les actifs, salariés et demandeurs d’emploi. Notre dialogue régulier nous permettra bientôt de ré-aborder ce sujet et de déterminer une méthode pour avancer.
D’ores et déjà nous avons eu l’occasion d’évoquer quelques questions qui se posaient à propos des règles de la péréquation ou de l’étroitesse de la mission actuelle du Fonds en matière d’orientation qui reflète mal l’importance qu’est en train de prendre cet enjeu. Je souhaite que nous abordions tous ces sujets sereinement. Nous sommes à l’écoute des difficultés que vous pouvez rencontrer ou que rencontrent les OPCA. Mais il nous faut les traiter après une analyse partenariale approfondie, pour mesurer concrètement l’impact des décisions que nous sommes amenés à prendre.
Je suis fier, aux côtés de Michel Sapin, de signer avec vous aujourd’'hui cette convention-cadre, fier de son contenu et de la méthode ayant présidé à son élaboration. Vous devez maintenant la mettre en œoeuvre à travers différents appels à projets dont celui sur la formation des emplois d’avenir sur lequel nous travaillons ces jours-ci d’arrache pied afin qu’il soit très vite publié. A plus long terme, l’esprit fédératif qui nous anime, la nécessité de coordonner les dispositifs doit faire tache d’huile et s’étendre à l’ensemble des sujets de compétence partagée, dans le respect bien sûr de l’autonomie et des financements de chacun.
Je crois fermement en l’utilité du Fonds paritaire et c’est pourquoi je veux qu’il sécurise les parcours professionnels d’'aujourd’'hui et de demain.

Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 20 février 2013