Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à France-Info le 5 février 2013, sur le dossier Pétroplus et la situation économique.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral


RAPHAËLLE DUCHEMIN
On va peut-être d’abord évoquer le dossier PETROPLUS puisque visiblement ça bouge. Hier soir, réunion entre l’intersyndicale et les services de Matignon avec des propos, un communiqué de Matignon précisant que les chances de reprise étaient limités. Et puis ce matin, déclaration d’Arnaud MONTEBOURG : l’État prêt à une participation minoritaire. Ça signifie quoi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Comme vous le disiez, les discussions ne sont pas encore tout à fait terminées avec le repreneur potentiel. Attendons donc la fin de la journée pour en savoir plus mais, ce qui est bien naturel en effet, c’est que le gouvernement se prépare à tous les scénarios en attendant la fin de ces discussions. Je crois que c’est son rôle d’envisager encore une fois toutes les possibilités, et surtout de se préparer à utiliser tous les moyens à sa disposition pour préserver le maximum d’emplois possible.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et les promesses qui ont été faites notamment par François HOLLANDE sur ce site, sur la pérennité de ce site ? Tout ça qu’est-ce qu’on en fait aujourd'hui finalement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais elles sont toujours là. L’engagement du gouvernement, du président de la République est toujours là.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Même si demain le site ferme ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous verrons. Encore une fois, pour l’instant les négociations pour une reprise potentielle sont encore en cours. Les choses ne sont pas définitivement clôturées, elles le seront ce soir et nous verrons bien. Nous aurons à coeur évidemment de veiller à ce que les salariés, s’il devait y avoir par exemple, un plan social, puissent être accompagnés vers une transition, une reconversion professionnelle et l’employeur lui-même devra d’ailleurs prendre un certain nombre d’engagements en la matière.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais l’État est prêt donc à mettre la main à la poche si c’est nécessaire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous le verrons ce soir.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui. Donc Arnaud MONTEBOURG s’avance peut-être un peu vite.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Arnaud MONTEBOURG est ministre du Redressement productif. Je crois que c’est le mieux placé.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Je réagis au fur et à mesure que les informations me parviennent.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le ministre du Redressement productif est le mieux placé, je crois, pour en effet dire ce qu’il compte dire.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui. Ce ne serait pas la première fois qu’il dit des choses et qu’il est contredit par ailleurs, mais ce n’est pas grave. Arnaud MONTEBOURG juge inéluctable aussi la fermeture de PSA à Aulnay. C’est aussi votre avis ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, je crois que sur PSA, personne ne doutera de l’engagement que le gouvernement a mis pour éviter une fermeture, pour faire en sorte à la fois que chacun des salariés qui avait vocation a priori à être licencié de façon sèche, si vous vous souvenez bien avant l’été dernier, puisse être accompagné pour qu’il y ait une revitalisation économique des sites en question. Aujourd'hui, nous en sommes encore au stade des négociations entre partenaires sociaux au sein de PSA ; donc là encore les choses ne sont pas abouties mais ce serait vous mentir que de vous dire que tout se passe…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous êtes prudente.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais bien sûr. Mais en même temps, si vous voulez, quand des négociations comme celles-là ont cours je pense qu’il faut les laisser se tenir dans de bonnes conditions, le plus loyalement possible. L’État est autour de la table pour veiller à ce que cette discussion ait lieu. Aujourd'hui elle n’est pas clôturée et nous allons attendre que les choses soient plus claires, tout simplement, sur ce dossier.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous êtes beaucoup plus prudente que le ministre du Redressement productif mais, allez-vous me dire, c’est normal c’est son travail. Dites-moi, puisqu’on parle d’esprits qui s’échauffent puisque c’est le cas notamment des syndicats, ça chauffe aussi pas mal en ce moment sur les bancs de l’Assemblée nationale. Qu’est-ce qui se passe ? Vous siégez trop longtemps ? C’est trop compliqué ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, moi ce qui se passe, pour vous dire franchement, je suis assez déçue par la teneur des débats à l’Assemblée nationale autour du projet de loi mariage pour tous. Je savais évidemment que nous ne serions pas d’accord entre la majorité et l’opposition, je m’en doutais.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C’est le moins qu’on puisse dire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est le moins qu’on puisse dire. Et en même temps, j’attendais quand même de l’opposition qu’elle ait à coeur de faire valoir sa conception de la famille, de l’égalité, de la société. En réalité cette conception, ce grand discours de réponse à celui de Christiane TAUBIRA qu’on aurait pu attendre, n’est jamais venu. La hauteur de vue qu’on pourrait attendre d’une formation politique comme celle-là, on l’attend depuis longtemps et je crains qu’elle ne vienne pas.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et Christiane TAUBIRA a eu hier soir, par exemple, la bonne attitude ? Elle a remis un peu d’huile sur le feu, non quand même, avec sa passe d’arme avec les députés UMP, notamment Christian JACOB. Franchement, ce n’est pas forcément une bonne image qui est donnée.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce qui n’est pas une bonne image, c’est en effet cette espèce de guérilla permanente qui se déroule en ce moment à l’Assemblée nationale, à coups d’amendements, cinq mille amendements, dont beaucoup sont au mieux totalement superflus voire scandaleux. Je trouve qu’on n’en parle pas assez mais, vous savez, quand il y a cent-dix-huit amendements qui sont déposés par l’opposition exactement dans les mêmes termes, on ne peut pas dire que ce soit du travail parlementaire qui a vocation à être utile ; on est bien d’accord.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C’est déjà arrivé dans l’autre sens aussi me semble-t-il.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne crois pas qu’on ait atteint des sommets d’ignominie même parfois, comme quand par exemple vous avez des amendements qui sont déposés pour autoriser l’inceste ou la polygamie si vous voulez. Est-ce que vous avez le sentiment que ça participe vraiment d’un débat parlementaire constructif ? Aujourd'hui, je pense qu’il faut que l’opposition reprenne ses esprits et puis qu’elle s’interroge vraiment à la fois sur le message qu’elle est en train d’envoyer à la France en s’opposant avec cette espèce d’énergie du désespoir à un texte sur lequel en réalité elle a beaucoup de mal à expliquer pourquoi elle s’oppose. Les seuls arguments qu’elle trouve pour expliquer pourquoi elle s’oppose au mariage pour tous, ce sont des arguments qui ne sont pas dans le texte. PMA, GPA, disparition de la différence entre les sexes, tout ça n’est pas dans le texte.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
La PMA justement…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc qu’elle se concentre sur le texte qu’on lui demande aujourd'hui de discuter. Sur la PMA…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Il y a eu un flottement ; il y a un flottement aujourd'hui sur cette question de la PMA ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, ce serait mentir que de vous dire que la communication a toujours été parfaite en la matière, bien sûr. Mais en même temps, si vous voulez, on parle d’un sujet d’abord qui n’est pas simple. Si ça avait été simple, ça fait longtemps qu’on l’aurait adopté dans nos textes. Un sujet qui soulève un certain nombre de questions d’éthique et c’est bien pour cela que le conseil national d’éthique a décidé de s’en auto-saisir.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Est-ce qu’il ne fallait pas commencer par ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Par quoi, pardon ?
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Par consulter le comité avant d’avancer un calendrier, avant d’avancer un projet de famille reporté.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aujourd'hui, c’est bien ce que nous faisons puisque nous avons décidé d’attendre que le conseil d’éthique ait rendu son avis - cela sera vraisemblablement le cas d’ici le mois d’octobre – pour que ce texte soit présenté au Parlement. En même temps, si vous voulez, le conseil d’éthique…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Octobre. Octobre dites-vous.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, vraisemblablement. C’est ce qu’annonce le président du conseil d’éthique. Mais ce qu’il faut bien avoir à l’esprit, c’est que le conseil d’éthique qui existe depuis trente ans, vous savez il a rendu plus d’une centaine d’avis depuis. Parfois ces avis ont été suivis et parfois non. L’important, c’est qu’il puisse venir éclairer une réflexion, un débat, et en même temps c’est au pouvoir politique, c’est au Parlement en l’occurrence, qu’appartient le pouvoir souverain de décider si nous voulons ou pas élargir la PMA aux couples de femmes.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc, vous n’êtes pas en train de reculer sur la question ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument pas. Et comme l’a reprécisé le Premier ministre, ce projet de loi famille qui comportera l’élargissement de la PMA sera présenté au parlement d’ici la fin de l’année 2013.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et est-ce que ça n’est pas gênant, comme on le lit ce matin dans le journal Le Parisien que des gynécologues soient aujourd'hui menacés de sanction en France s’ils orientent leurs patientes vers des établissements étrangers qui pratiquent justement la PMA ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attention ! les gynécologues sont menacés de sanctions s’ils orientent leurs patientes à l’étranger pour pratiquer la PMA contre rémunération. C’est bien cela le sujet en réalité. C’est qu’aujourd'hui on se retrouve dans des situations où certains profitent de la souffrance de ces femmes, qui en effet souhaiteraient pouvoir faire famille, créer une famille, et qui ne peuvent pas le faire en France comme on le sait. C’est bien tout le sujet. À l’étranger en revanche, en Belgique et en Espagne notamment, se sont développées un certain nombre de cliniques spécialisées en la matière, certaines qui opèrent très bien et d’autres qui le font dans des conditions parfois assez louches et qui, pour attirer de la clientèle française, rémunèrent des médecins français qui se font les intermédiaires. C’est vrai que cette pratique qui consiste en réalité à contourner la loi française contre rémunération de la part des médecins, lorsqu’elle existe – elle est quand même ultra-minoritaire, précisons-le – est insupportable et condamnable évidemment.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Najat VALLAUD-BELKACEM, vous avez annoncé que vous souhaitiez démissionner d’une partie de vos mandats locaux. Vous vous mettez en conformité finalement avec la loi sur le non-cumul, c’est ça, enfin, la loi à venir ? Montrer l’exemple ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, je suis dans une situation un peu particulière en réalité puisque…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous êtes Lyonnaise. Mandat de conseillère générale.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je suis Lyonnaise comme vous le savez. Voilà. J’avais jusqu’à présent le plaisir d’être à la fois conseillère générale, conseillère municipale et conseillère communautaire à Lyon. En réalité, le département du Rhône et l’agglomération lyonnaise s’apprêtent à fusionner dans le cadre d’une grande métropole européenne. C’est un projet totalement inédit et assez enthousiasmant à l’horizon sans doute 2014. En réalité, les mandats qui étaient les miens s’apprêtent à fusionner ; j’ai voulu anticiper en en abandonnant en effet deux et en en gardant un seul – celui de conseillère générale. Par ailleurs, c’est vrai que nous allons bientôt présenter la loi sur le non-cumul des mandats dont je respectais à la fois la lettre et l’esprit. Et donc, j’ai pensé que c’était bien aussi de me l’appliquer à moi-même, même si je n’étais pas directement concernée, n’étant pas parlementaire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2013