Interview de Mme George Pau-Langevin, ministre de la réussite éducative à RMC le 3 février 2013, sur la réforme des rythmes scolaires et les conditions d'exercice des enseignants.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
La réforme des rythmes scolaires, le décret sur les rythmes scolaires est paru au Journal Officiel, ça donne quoi ? Pour le primaire : 180 jours de classe par an contre 144 actuellement. Ministre déléguée chargée de la Réussite éducative, cette réforme est importante, vous êtes partie, vous allez organiser un tour de France pour l’expliquer cette réforme parce qu’elle n’est pas toujours appréciée, George PAU-LANGEVIN, et notamment par les enseignants du primaire.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Il est normal qu’il y ait quelques hésitations et quelques inquiétudes puisque les choses vont être modifiées et évidemment les gens se posent des questions tout à fait légitimes. Donc c’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’aller les rencontrer, de leur expliquer de quoi il s’agit et de leur faire surtout ressentir que cette réforme elle est dans l’intérêt des enfants. Nos enfants ne sont pas bien traités, ils vont à l’école 144 jours par an, vous l’avez dit, alors que dans la plupart des pays d’Europe ils vont à l’école plus de 180 jours. Par conséquent nous essayons de leur apprendre les mêmes choses sur un nombre de jours réduit avec des journées de classe qui sont longues. Et par conséquent à un moment ils ne peuvent plus absorber des connaissances. En étalant à nouveau la possibilité pour eux d’apprendre sur davantage de jours, nous leur donnons plus de chance de réussir leurs apprentissages et nous allégeons leurs journées puisque ce sont des enfants et on ne peut pas leur demander de travailler plus de six heures.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les communes ont jusqu’au 31 mars pour décider si elles appliquent cette réforme à la rentrée 2013 ou à la rentrée 2014. On est bien d’accord ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mercredi matin cours ou samedi matin sur dérogation ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Alors voilà, la plupart du temps nous pensons qu’il vaut mieux que ce soit le mercredi matin. Toutefois s’il y a des motifs pédagogiques on peut toujours faire la demande auprès du directeur départemental de l’Education nationale. Mais je crois que pour la plupart des familles, il est manifestement plus simple que les apprentissages se fassent toujours jours, régulièrement. Les chronobiologistes sont également d’accord sur l’idée que c’est favorable aux apprentissages et c’est mieux pour les enfants. Par conséquent, même s’il y a des efforts qui seront demandés aux communes pour se réorganiser, aux enseignants pour revenir le mercredi matin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca va coûter cher aux communes, c’est ce qu’elles disent les communes.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Voilà, il y aura des efforts qui seront demandés aux uns et aux autres, mais c’est l’intérêt des enfants. Je crois que nous sommes tous conscients de ce que nous devons améliorer, les conditions de vie et l’apprentissage de nos enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j’ai écouté les maires des grandes villes, Paris : la réforme sera appliquée dès septembre prochain George PAU-LANGEVIN. A Lyon on ne sait pas encore, le maire n’a pas décidé, il était avec moi la semaine dernière, il a dit, je ne sais pas, ça me coûte 5 millions d’euros de surcoût, il va bien falloir que je trouve l’argent. Marseille n’appliquera pas la réforme au mois de septembre a dit le maire car le surcoût serait à Marseille de 15 millions d’euros. George PAU-LANGEVIN, qu’est-ce que vous dites à ces maires ? Qu’ils ne veulent pas appliquer la réforme ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Moi je dis que l’échec scolaire, le décrochage scolaire, ça coûte beaucoup plus cher à notre pays. Par conséquent, il faut qu’ils se disent qu’effectivement il y a l’effort financier à faire par les communes pour se réorganiser, mais nous ne pouvons pas accepter une situation dans laquelle, année après année nos résultats au niveau des évaluations internationales se dégradent. Ce qui signifie que nous préparons à nos enfants, un décrochage scolaire et à partir de là des difficultés d’insertion professionnelle et notre pays, notre pays, la stratégie de l’Europe est de dire : face à la mondialisation, ce que nous avons à faire en Europe c’est d’augmenter le niveau de compétences des jeunes. Si nous ne le faisons pas, eh bien nous allons décrocher dans la compétition internationale. Par conséquent, nos enfants on doit les mettre en mesure demain d’être, enfin d’avoir un bon métier et se faisant, c’est en modifiant la manière dont on leur fait la classe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors le premier syndicat d’enseignants dans le primaire appelle à la grève pour mardi prochain et ce syndicat demande le report à la rentrée 2014 de la réforme des rythmes scolaires. Pas question de reporter George PAU-LANGEVIN ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Ce serait une erreur. Je crois que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites « non » ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Non, les organisations syndicales, on comprend très bien qu’elles essaient de défendre au maximum leurs troupes, mais il faut qu’on se dise que cette réforme, tout le monde est d’accord, y compris d’ailleurs les organisations, enfin les enseignants, tout le monde est d’accord sur l’idée que c’est mieux pour les enfants. Par conséquent il faut arrêter de se dire, c’est mieux, mais on le fera plus tard, un jour ou l’autre il faut passer à l’acte et il y a des concertations à mener pour que ça se passe dans les meilleures conditions possibles pour les communes et pour les enseignants, mais l’idée que ça ira mieux en reportant à nouveau une réforme indispensable je pense que ce n’est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais George PAU-LANGEVIN, je me mets à place des enseignants du primaire qui sont mal payés, très mal payés, alors est-ce que oui ou non, vous allez leur offrir une prime de 400 euros ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Alors il faut bien voir d’abord que cette réforme va modifier les conditions d’exercice des enseignants mais ne va pas accroître leurs obligations de service, ils auront le même nombre d’heures…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ne vont pas travailler plus ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Non ! Ils auront le même nombre d’heures. Ça sera simplement réparti différemment mais ils auront le même nombre d’heures et je dois dire qu’au contraire, ils avaient des heures complémentaires en accompagnement personnalisé, et ça, ça va bouger, ils en auront plutôt moins. Donc je comprends qu’ils soient un petit peu réticents parce qu’ils devront modifier leur organisation, mais leurs conditions de travail ne seront pas aggravées, au contraire. Comme on met plus de maîtres que de classes, comme on a rétabli la formation, comme on a rajouté dans les écoles des adultes, je pense qu’au contraire, leurs conditions de travail seront plus faciles et à ce moment-là il me semble que pour eux-mêmes, cette modification des rythmes scolaires ne sera pas quelque chose de pénible mais au contraire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai qu’ils vont toucher une prime de 400 euros ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Pour l’instant je pense que c’est normal, ils négocient. Toute profession…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais vous êtes prêts à leur offrir une prime ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Toute profession…
JEAN-JACQUES BOURDIN
George PAU-LANGEVIN, ne tournons pas autour du pot ! Vous êtes prêts à leur offrir une prime ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Non pour l’instant nous sommes tout à fait conscients que les enseignants, notamment ceux du primaire ne sont pas bien payés, mais je crois aussi avoir entendu des organisations syndicales dire, ce n’est pas avec une prime qu’on va nous acheter. Donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D’accord, vous n’allez pas les acheter avec la prime, mais vous allez leur verser cette prime ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
On veut d’abord qu’ils soient conscients…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez leur proposer ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
On veut d’abord qu’ils soient conscients de l’intérêt de la réforme. Moi je table surtout sur le fait que les enseignants ils font ce métier parce qu’ils ont envie que les enfants progressent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais ils disent aussi qu’ils sont mal payés ! Moi je les entends et vous aussi…
GEORGE PAU-LANGEVIN
On va discuter, il y a un agenda des négociations et je crois que tout est sur la table mais ils savent aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que vous êtes prêts à leur offrir une prime ou pas ? C’est vrai ou pas ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Ils savent aussi qu’on ne peut pas faire des miracles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi vous ne voulez pas me répondre ??
GEORGE PAU-LANGEVIN
… parce qu’on est en période de crise, déjà l’Education nationale fait de gros efforts, donc il me semble qu’ils savent qu’on va essayer de faire au mieux….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une prime ??
GEORGE PAU-LANGEVIN
…mais ils savent aussi que pour l’instant, l’essentiel est de recruter et qu’on ne pourra pas leur offrir des miracles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, mais vous allez leur offrir une prime !
GEORGE PAU-LANGEVIN
On va faire ce qu’on peut.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J’ai bien compris. Une prime, 400 euros dit-on, on verra comment c’est négocié. Je dis 400 euros, mais George PAU-LANGEVIN, c’est une solution quand même.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Non mais c’est normal qu’ils essaient de négocier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et c’est normal qu’ils aient une prime non ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
On verra, on verra…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas normal qu’ils aient une prime ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
On verra ce qui possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais attendez, ce n’est pas normal qu’ils touchent une prime ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Mais tout le monde a envie de gagner plus, c’est normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D’accord, bon George PAU-LANGEVIN, alors vraiment, franchement. Alors les nouvelles activités périscolaires créées avec la réforme des rythmes scolaires seront facultatives et les communes pourront choisir de les faire payer aux parents j’ai vu.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Alors à partir du moment, aujourd'hui si vous voulez les parents le mercredi matin ils paient pour faire garder leurs enfants, donc leurs enfants iront à l’école le mercredi matin, ils n’auront plus à payer la baby-sitter. En revanche d’ores et déjà quand ils vont dans les activités périscolaires, quand ils emmènent les enfants à des ateliers ou à d’autres activités, en général ils sont amenés à payer. Donc nous notre souhait est que les parents, ça se fasse pour eux, à coût nul et les collectivités auront des aides pour mettre sur pied ces activités…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils pourront faire payer les parents.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Par conséquent sans doute elles vont demander une participation aux parents…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et en fonction du quotient familial ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Bien sûr, enfin la plupart du temps c’est comme ça que ça se passe notamment à Paris. Je crois que c’est quelque chose de raisonnable mais en même temps je me suis rendue hier à Hirson, vous voyez tout au nord et on voit que d’ores et déjà les maires se sont mis autour de la table pour proposer des tas d’activités aux enfants. L’idée est que si vous voulez, à l’arrivée pour les enfants ça soit mieux parce que, à côté des heures normales de classe eh bien on va essayer de leur trouver des tas d’activités périscolaires pour que ce temps libéré soit un temps où les enfants apprennent davantage de choses.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2013