Texte intégral
Laissez-moi tout dabord vous féliciter davoir organisé ce colloque denvergure internationale sur un sujet majeur pour nos sociétés.
Nous sommes heureux et fiers daccueillir déminents spécialistes du monde entier et de pouvoir avec eux penser, analyser, débattre des politiques actives du marché du travail.
Naturellement, un ministre est dabord tourné vers laction et non pas vers létude. Cest le cas également dun grand nombre dentre vous qui, sur le terrain, dans les DIRECCTE, à Pôle Emploi, à la DGEFP, avez en charge la conduite de la politique de lemploi.
Mais lexpertise des chercheurs, des hommes et des femmes détudes ou de statistiques, est utile -et même indispensable- à laction.
Indispensable avant dagir, pour nourrir la conception, ouvrir ou suggérer des pistes nouvelles aux acteurs sociaux, éclairer la décision politique.
Indispensable après dagir en amont mais aussi en aval, pour évaluer les politiques conduites, capitaliser les expériences pour mieux progresser et ne pas réinventer en permanence les mêmes solutions ou les mêmes « fausses pistes ».
Ma présence ici est donc naturelle : ce colloque sera une source précieuse dinspiration et danalyse critique.
Vous allez parler tout au long de ces deux jours des politiques actives du marché du travail, que je traduis pour ma part comme les politiques actives de lutte contre le chômage mais je ne doute pas que cette distinction sémantique pourrait à elle seule alimenter une table ronde du colloque !
Et donc permettez-moi de commencer par parler de lenjeu de ces politiques, cette donnée à la fois centrale et brutale : lexistence dun chômage de masse en France, comme presque partout en Europe, depuis de nombreuses années.
Dans la crise que nous affrontons, mon ministère est celui de la lutte contre le chômage, celui qui est en première ligne dans la bataille de linversion de la courbe du chômage, bataille engagée derrière le Président de la République.
Le chômage apparait aujourdhui comme une formulation contemporaine de la question sociale, après la pauvreté dans la société dAncien Régime dont les figures étaient les mendiants et les vagabonds et le paupérisme du XIXe siècle, représenté sous les traits de louvrier dont le maigre salaire permettait à peine de « reproduire la force de travail ». La question sociale contemporaine a désormais, dabord, le visage du chômeur.
La construction de la catégorie « chômage » -qui a intéressé plusieurs des chercheurs ici présents- est le fait des réformateurs du début du XXe siècle, férus de statistiques, de données sociologiques, économiques ou même médicales. Dans leur optique, la question sociale ne se réduit pas au traitement de la misère, mais soulève les problèmes causés par le système économique lui-même, incapable de maintenir la cohésion de la société, au moment même où la classe ouvrière grossit dans les faubourgs des grandes villes et fait planer sa « menace » sur la société toute entière.
Mais, phénomène nouveau de ces dernières années, le chômage sest extrêmement diversifié : chômage des jeunes, des femmes, de longue durée, des peu qualifiés, des diplômés, induisant des réponses nécessairement spécifiques, cest-à-dire des politiques plus actives, qui appuient exactement là où cest nécessaire et qui sont capables de faire du sur-mesure.
Dans la diversité des parcours professionnels, nous avons besoin de voir plus clair, de nous appuyer sur des études économiques et sociales plus fines pour mettre en uvre des politiques à la fois plus actives et plus efficaces.
Je demeure persuadé quen dépit de contraintes macro-économiques fortes et même dautant plus que le contexte est difficile un ensemble bien conçu de politiques visant le marché du travail contribue à stimuler la création demplois, à lutter contre le chômage ou pourrait-on dire « les » chômages. Je pense notamment à celui des jeunes particulièrement ces 500 000 jeunes qui sont sans diplôme, sans formation et donc sans solution.
Les emplois davenir destinés aux jeunes les moins qualifiés, les contrats de génération pour tous les jeunes, sont des politiques actives, conséquence dun choix politique et démocratique, fruit dune négociation interprofessionnelle pour le contrat de génération, mais aussi politiques instruites par léclairage académique lui-même : des contrats plus ciblés, plus longs et avec un haut niveau dexigence en termes daccompagnement et de formation pendant lemploi, cest aussi ce que nous ont enseigné vos travaux.
Je dois donc vous dire tout lintérêt que je porte aux études et recherches dans le domaine du travail et de lemploi, et au développement de travaux dévaluation des politiques actives du marché du travail. Je ne le dis pas seulement parce que la circonstance sy prête : je le dis parce que nous nous appuyons sur un certain nombre détudes économiques et sociales pour conduire nos politiques.
Je parlais à linstant du contrat de génération : les évaluations des politiques du marché du travail ont montré clairement les limites et les effets pervers des politiques pour faire sortir les seniors du marché du travail pour faire entrer des jeunes. Au contraire, vous le savez tous ici, taux de chômage des jeunes et taux dactivité des seniors sont généralement corrélés. Nous avons donc conçu le contrat de génération en partant de ce constat que vous aviez, comme experts du marché du travail, bien établi.
Mais une politique active du marché du travail, ce ne sont pas seulement des outils. Cest aussi une méthode.
Et nous vivons un moment important où la France je le dis particulièrement à lattention de nos collègues étrangers- sengage dans un nouveau modèle de relations sociales, celui de ladaptation anticipée et négociée. Je parle naturellement de laccord du 11 janvier et de loi sur la sécurisation de lemploi qui en découle.
Cest une perspective innovante danticiper davantage, daméliorer les politiques de lemploi non pas après la cassure du chômage, mais avant, au cur des entreprises, tant quil est encore temps déviter le pire.
Cest une perspective audacieuse de faire confiance et de développer dans notre pays une véritable culture du dialogue social en faveur de lemploi.
Cest au cur de la loi de sécurisation de lemploi bientôt débattue au Parlement. Il appartiendra à chacun de sen saisir dans les entreprises, dans les branches professionnelles, et il vous appartiendra de mesurer les effets de cet accord majeur du 11 janvier et de cette future loi sur les comportements des acteurs. Je suis certain quil y a là la matière pour de futurs colloques que la DARES saura bâtir.
Vous lavez compris, je suis convaincu de lutilité et de la nécessité de vos travaux, tant dans la sphère universitaire quen lien avec les administrations du Ministère du Travail et de lEmploi, via la DARES, le Centre dEtudes de lEmploi, le CEREQ, mais aussi via Pôle emploi qui a développé un réel savoir-faire dans ce domaine et qui veut renforcer ses interactions avec la communauté des chercheurs de la sphère académique.
Beaucoup reste à faire pour mieux apprécier leffet différencié des politiques actives du marché du travail selon les différents publics, les effets à long terme, le rapport coût/efficacité, les meilleures pratiques européennes. Vous avez encore largement de quoi faire !
En conclusion, je vous souhaite des échanges fructueux et instructifs tout au long de ces trois demi-journées de débat.
Je veux remercier les équipes de la DARES pour lorganisation de ce colloque et plus largement je saisi cette occasion- pour les travaux quelles mènent et la contribution quelle apporte à notre ministère, seules ou en collaboration avec dautres organismes et des équipes de chercheurs. Une fois encore, soyez certains de lutilité de cette tâche pour participer au débat mais aussi à laction publics.
Avant de céder la parole aux intervenants, je veux saluer tout particulièrement John Martin qui prendra bientôt une retraite méritée, un acquis de nos modèles sociaux quil faut réformer et défendre, réformer pour défendre.
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 20 février 2013