Déclaration de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur les mesures gouvernementales en faveur de l'innovation, Paris le 13 février 2013.

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Circonstance : 1ère édition du Forum du Capital Innovation organisé par l'Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) , à Paris le 13 février 2013

Texte intégral


Monsieur le Président de la Commission Capital-Innovation,
Monsieur le Directeur de l’Ecole des Mines Paris-Tech,
Monsieur le Délégué Général de l’AFG,
Monsieur le Délégué Général de l’AFIC,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d’être là parmi vous ce soir, à l’occasion du tout premier Forum du Capital-Innovation : c’est le début d’une belle aventure, qui, j’en suis certaine, ira loin ! Je n’ai aucun doute là-dessus.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi tout d’abord de remercier Dominique RENCUREL, Président de la Commission Capital-Innovation, et Romain SOUBEYRAN, directeur de l’Ecole des Mines, qui ont organisé ce Forum inaugural avec talent et efficacité. Messieurs, soyez-en remerciés !
Je me réjouis d’ailleurs que l’Ecole des Mines nous ait accueillis aujourd’hui. L’ambition du Forum Capital-Innovation s’inscrit en effet dans une histoire longue dont l’Ecole est, depuis longtemps, l’un des acteurs : je vous rappelle à ce propos que ce haut lieu de l’innovation a pour raison d’être, depuis 230 ans – je cite l’ordonnance royale de mars 1783 –, la formation des "directeurs intelligents". Innovation technologique et progrès économique, intelligence collective et talents individuels, force d’impulsion de l’Etat et liberté de création : ces nobles ambitions sont toujours les nôtres, en ce début de XXIème siècle !
L’Innovation n’est pas un concept abstrait : c’est une réalité économique et une ambition politique globale. C’est d’ailleurs pour incarner cette ambition qu’un portefeuille ministériel spécifique a été créé, celui de l’Innovation, dont, à ma grande fierté, j’ai la charge. C’est une première dans l’histoire de la République, qui montre que le Gouvernement a pleinement conscience des enjeux. L’Innovation, c’est la nouveauté plus la réussite économique.
Voilà le coeur de la stratégie gouvernementale pour redresser l’économie française. De la France, nous entendons faire un pôle d’Innovation de rang mondial. C’est le sens de la campagne d’attractivité portée par l’AFII et que j’ai inaugurée à Boston "Say oui to France, Say oui to innovation". D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si j’ai été choisie par le Premier ministre pour défendre l‘attractivité de la France à l’international. Je me suis rendue à Boston et à Davos dans ce but, et je défendrai l’image de la France en Asie dans les prochaines semaines. C’est aussi dans ce but que je porte le projet Paris Capitale Numérique qui vise, à travers la concentration géographique des acteurs du secteur, à accroître le dynamisme de l’économie numérique française ainsi que la visibilité des talents d’envergure mondiale qui en font partie.
Nous sommes bien sûr tout à fait conscients que plusieurs obstacles d’ordre financier se dresseront – se dressent déjà – devant nous. Et bien, ces obstacles, nous devons les dépasser : ne nous résignons pas ! Les contraintes budgétaires sont ce qu’elles sont, rien de nouveau sous le soleil, il faut faire avec. Comme en poésie, la contrainte stimule l’imagination. Nous serons donc, dans les années qui viennent, très imaginatifs.
Je voudrais commencer par un rapide bilan de la situation. Dès l’année 2012, malgré les très fortes contraintes budgétaires, le Gouvernement a donné la priorité à l’Innovation, dont le Pacte de Compétitivité a fait le principal levier de notre ambition économique. Je tiens vraiment à insister sur ce point dont nous pouvons, je crois, nous féliciter.
Ainsi, avons-nous garanti la stabilité du CIR pour les cinq années qui viennent, de même que celle des budgets des Pôles de Compétitivité, tandis que, dans le même temps, nous renforcions le statut de la JEI. Parallèlement, nous avons créé, pour les PME, le Crédit d’Impôt Innovation : désormais, les dépenses de prototypage sont soutenues à hauteur de 20%. Par conséquent, pour le développement d’un produit nouveau, c’est jusqu’à 400 000 € qui peuvent être aujourd’hui économisés.
Par ailleurs, je vous rappelle que les dispositifs fiscaux d’aide à l’investissement dans les entreprises, les FIP et les FCPI, ont été pérennisés pour 5 ans. Certes, ils sont soumis aux contraintes que j’ai évoquées, et donc au plafonnement global des niches fiscales, mais nous avons mis en place un mécanisme de report permettant d’en lisser les effets.
Enfin, nous avons amorcé une politique de large mobilisation de la commande publique, qui mobilise d’ores et déjà les grandes entreprises à capitaux publics afin de les inciter à acheter en priorité auprès des PME innovantes.
Mais beaucoup reste encore à faire.
Si je devais résumer mon ambition pour l’Innovation, je mettrais en avant quatre notions : communauté, priorités, solidarité, et enfin, créativité.
Je m’explique :
1. D’abord, les "communautés", briques de base de l’Innovation. Nous voulons en effet renforcer les écosystèmes innovants qui sont le véritable creuset de la créativité française.
2. Par "priorités", ensuite, j’entends le rôle d’impulsion et d’orientation que nous voulons redonner à l’Etat : ce dernier doit être en effet le catalyseur des idées et des projets nouveaux. J’en profite pour vous annoncer que nous lancerons très bientôt, Arnaud MONTEBOURG et moi-même, un programme de soutien à l’innovation de rupture, qui doit concrétiser cette ambition.
3. Par ailleurs, quand je parle de "solidarité", je veux dire que notre rôle est également de susciter, d’encourager les efforts de tous en faveur de l’Innovation. Notre ambition concerne en effet la communauté nationale tout entière. Si l’Innovation doit servir l’intérêt général, la solidarité nationale doit elle aussi être au service de l’Innovation. L’une ne va pas sans l’autre.
4. Enfin, la "créativité" : c’est la raison d’être des trois mots d’ordre précédents. Cette créativité, nous devons l’encourager, la valoriser, la protéger – bref, contribuer à la rendre possible.
Aujourd’hui, je voudrais surtout insister sur la notion de "solidarité" collective. Autrement dit, sur la politique que mène le Gouvernement pour susciter, comme je vous le disais, les efforts de tous en faveur de l’Innovation, et plus particulièrement, du financement des projets.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de nos classements mondiaux actuels en matière d’innovation. 14e mondial pour la Commission européenne, parfois même 64e mondial pour l’efficacité de son système mondial d’innovation pour l’INSEAD ! Alors même que nous sommes bien placés en ce qui concerne les moyens consacrés à l’innovation.
Nous devons donc libérer les énergies créatives de notre pays et supprimer un certain nombre de verrous. Ces verrous sont aussi financiers, nous en sommes bien conscients, et je le dis volontairement ici.
Malgré les contraintes budgétaires que nous connaissons tous, nous travaillons à supprimer ces verrous financiers.
Le fer de lance de notre politique en la matière, c’est la Banque publique d’Investissement, mise en place début janvier qui est, par excellence, la banque du soutien à l’Innovation. C’est là son originalité, c’est là sa mission.
Je vous l’annonce aujourd’hui : la BPI lance cette semaine deux nouveaux produits, le Prêt pour l’Innovation (ou PPI), et le préfinancement du Crédit d’Impôt Recherche, qui vont grandement faciliter le financement des entreprises innovantes.
Le PPI, annoncé par le Président de la République le 25 octobre dernier, prendra ainsi en charge les dépenses matérielles et immatérielles liées à l’industrialisation et à la commercialisation des produits. D’une durée de 7 ans (remboursable à partir de la troisième année), pour un montant compris entre 30 000 et 1 500 000 €, ce Prêt permettra aux entreprises de traverser plus facilement la fameuse "vallée de la mort" en finançant le passage d’un projet de recherche et développement à une production industrielle régulière.
Le Crédit d’Impôt Recherche, quant à lui, a pour objectif de renforcer les entreprises innovantes dont les efforts de R&D sont réalisés en France, en offrant un crédit d’impôt d’un montant 30 % de dépenses de Recherche & Développement. Son préfinancement permettra ainsi aux PME de disposer d’un apport de trésorerie pour couvrir ces dépenses de R&D dès la première année. Ce n’est pas rien quand on connaît la situation des entreprises de croissance !
Le système que nous mettons en place est vertueux : la Banque Publique d’Investissement garantira les banques qui préfinanceront ce Crédit d’Impôt ; et au-delà d’un certain taux, la BPI pourra elle-même octroyer ce préfinancement. Les PME n’auront donc plus à attendre, comme c’était le cas jusqu’à présent, l’année suivante pour récupérer le Crédit d’Impôt Recherche correspondant.
C’est donc dès aujourd’hui la Banque Publique d’Investissement qui est en marche pour soutenir nos entreprises innovantes.
Ces deux produits sont aussi deux pas réalisés en faveur du financement de l’innovation. Mais ce n’est pas tout. Après la trésorerie et l’emprunt, le sujet des fonds propres est essentiel. Une offre de fonds propres abondante est essentielle pour la croissance de nos PME, la création d’ETI et l’investissement.
Dans le contexte que nous connaissons, je suis l'avocate de l'investissement productif et innovant.
Le Gouvernement prend des mesures résolues pour le favoriser, avec la mise en place d’un fonds multisectoriel, doté de 590 M€ issus du redéploiement des investissements d’avenir, orienté vers les secteurs qui en ont le plus besoin, et qui permettra aux PME de croissance de se développer …
Au-delà, avec mes collègues Arnaud MONTEBOURG et Pierre MOSCOVICI, nous avons l’ambition de fluidifier l’ensemble de la chaîne du financement de l’innovation, de la naissance de l’idée à l’introduction en Bourse.
D’abord, nous nous attaquerons à la mobilisation de l’épargne privée pour soutenir l’innovation.
Ensuite, nous veillerons à ce que les différents segments de l’investissement en capital soient convenablement alimentés, je pense ici particulièrement au capital-risque, si crucial dans la phase de commercialisation, mais aussi au capital-développement, car il n’est pas acceptable que la France reste absente des levées de fonds au-dessus de 10M€ qui sont nécessaires pour construire nos ETI. Comment pouvons-nous sinon espérer créer les Google et les Netflix de demain ?
Et enfin, nous travaillons à la mise en place d’un système boursier enfin efficace pour les PME sur notre continent.
Sur chacun de ces chantiers, des travaux sont en cours. J’aurais très prochainement l’occasion de revenir vers vous avec des annonces extrêmement concrètes sur ces différents points. Pour n’en mentionner qu’un, je puis vous assurer qu’un nouveau produit d’épargne de type PEA-PME est bel et bien sur les rails pour permettre à tous les épargnants français de mobiliser leur argent au service de la grande bataille que nous menons pour la croissance des PME innovantes.
Maillon après maillon, c’est ainsi toute la chaîne de l’innovation que nous allons perfectionner. Je m’y engage fermement auprès de vous car la compétitivité de la place de Paris et l’attractivité de ses financements constituent une condition sine qua non du succès de notre politique en matière d’innovation. Nous le ferons avec nos convictions, avec le souci de la justice fiscale et de l’efficacité économique, nous le ferons avec le contexte budgétaire que l’on connaît. Mais notre action n’en sera pas moins résolue.
Faire mieux est une nécessité vitale.
La France est une terre de créativité et d’imagination. France, "mère des arts, des armes et des lois", elle doit être à l’avant-garde du progrès technologique, au service du bien-être de ses citoyens. C’est ici du rôle futur de la France dans le monde et dans l’Histoire qu’il s’agit.
Je vous remercie.
Source http://www.redressement-productif.gouv.fr, le 19 février 2013