Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur l'apprentissage et la formation en alternance, Paris le 5 mars 2013.

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Circonstance : Rencontre avec la Fédération nationale des Travaux Publics à Paris le 5 mars 2013

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
Je suis ravi d’être ce matin parmi vous pour signer l’accord LGV - Bretagne - Pays de Loire entre la Fédération nationale des travaux publics, Pôle emploi, le groupement d’employeurs Clere qui réunit les filiales d’Eiffage engagées sur ce grand chantier et leur OPCA, Constructys. Ce qui caractérise et décrit ce beau projet a été rappelé avant moi : il organise l’anticipation des recrutements de quelques 1000 demandeurs d’emploi formés aux besoins spécifiques du chantier pour être dès que possible embauchés et opérationnels.
* Le projet LGV
Je retiens surtout que la convention signée ce matin, comme l’accord cadre qu’elle décline, conclu l’année dernière, témoigne de la synergie du service public de l’emploi, des régions en charge de la politique publique de la formation des demandeurs d’emploi, de la fédération du Bâtiment et de l’OPCA de la construction au service de l’insertion des personnes en recherche d’emploi et de la dynamique d’un chantier stratégique, la LGV. Bref c’est un accord au service de la sécurisation des parcours professionnels, au service de l’insertion durable de personnes formées aux compétences utiles aux entreprises du territoire.
Cette démarche de coopération et d’anticipation entre acteurs public et privés, exemplaire, témoigne d’un processus qui doit devenir un réflexe, une évidence, désormais.
Elle contribue à la mise en œuvre de la priorité du Président de la République qui souhaite une réforme de la formation professionnelle afin que cette dernière bénéficie sensiblement plus et mieux à ceux qui en ont le plus besoin, les jeunes, les demandeurs d’emploi et les salariés précaires, en recherche d’insertion professionnelle.
C’est une priorité. C’est une question de justice sociale autant que de compétitivité. Justice sociale car, vous le savez, la formation professionnelle, continue ou en alternance, est gage d’insertion et de nouvelle chance professionnelle. La phase de crise aigüe que nous traversons aggrave et élargit l’exclusion. Elle interpelle la société sur des questions de fond autour de la solidarité, des modèles de croissance, des nouvelles formes d’emploi, la place des plus vulnérables, quelle que soit l’origine de ces fragilités.
Dans ce contexte, il est exclu de se résoudre à l’impuissance. Ce serait non seulement moralement inacceptable mais contreproductif en terme de compétitivité.
Compétitivité car le marché de l’emploi mobilise toujours plus de contrats court et en intérim et génère de fortes inégalités qui, au bout du compte, réduisent sa performance globale. Les demandeurs d’emploi, salariés précaires ou flexibles ont peu accès à la formation, les entreprises ayant peu intérêt à les former puisqu’elles ne les gardent pas. La conséquence est une perte de compétences pour les hommes comme pour l’économie dans son ensemble.
Ce sont ces formidables défis que l’accord du 11 janvier dernier a commencé de relever. Je ne peux qu’en profiter pour rendre hommage à tous les négociateurs, et bien sûr aux signataires dans leur ensemble pour le travail remarquable qui a été conduit. Vous en faisiez parti M. Bernasconi, soyez en remercié. Vous le savez, le dialogue social est au cœur de notre conception de la démocratie sociale, complément indispensable de la démocratie parlementaire en République. Le Président de la République François Hollande, Michel Sapin et moi-même souhaitons le renforcer. La prochaine loi de décentralisation, vous le verrez, est d’ores et déjà porteuse d’une vision nouvelle de la concertation quadripartite entre l’Etat, les régions et les partenaires sociaux, pour la mise en œuvre coordonnée de nos compétences et responsabilités respectives sur le champ de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle.
Mais pour revenir à l’accord qui nous réunit ce jour, la recherche de justice sociale et de compétitivité est aussi la raison d’être d’un dispositif tel que la Préparation opérationnelle à l’emploi. La POE permet de former des demandeurs d’emploi sur des programmes directement négociés avec les employeurs afin de sécuriser leur insertion professionnelle durable. Cette logique de « gagnant - gagnant » qui permet une formation en amont du contrat de travail, généralement cofinancée par le servie public de l’emploi et l’OPCA du futur employeur, permet aux demandeurs d’emploi d’être immédiatement opérationnels ; la contrepartie de cet engagement du service public dans le financement d’une formation d’adaptation au poste de travail est la qualité d’un contrat de travail qui, même qualifié de contrat de chantier, doit être gage d’insertion durable dans le secteur.
Cela dit, vous avez rappelé, M. Bernasconi, l’importance des recrutements dans le secteur des travaux publics malgré la crise qui nous touche, je suis donc certain que les demandeurs d’emploi du chantier LGV trouveront à s’insérer durablement au sein de la profession au-delà de ce chantier. La qualité de la formation suivie et l’expérience acquise seront pour eux des atouts majeurs.
Dans ce contexte, je veux ici rendre un hommage particulier à Pôle emploi, ce grand service public à qui le législateur a confié des missions stratégiques sur le champ de l’accompagnement des transitions professionnelles. Votre coopération intense avec les fédérations professionnelles et les OPCA est la garantie d’un regard aiguisé sur les enjeux de développement de compétences dans les branches et sur les territoires ; c’est un gage d’opportunité d’emplois durables pour les demandeurs d’emploi.
Je ne peux que vous encourager à continuer sur cette voie stratégique. Je sais que le plan stratégique Pôle emploi 2015 vous met sur ces bons rails.
* L’apprentissage
Maintenant, M. Bernasconi, vous m’avez interpelé sur la question de l’apprentissage, et plus particulièrement de la réglementation relative à la conduite de machines dangereuses et aux horaires de travail, peu adaptée aux contraintes des chantiers et frein à l’embauche de jeunes apprentis. Je vous en remercie car vous me donner là l’occasion d’aborder un sujet qui me tient à cœur.
Comme vous le savez je porte l’ambition d’une réforme de l’apprentissage car je suis convaincu que cette modalité de formation et d’insertion professionnelle doit se développer. C’est pourquoi sans attendre j’ai soutenu l’action "Formation en alternance et Hébergement" du Programme des investissements d’avenir.
Je sais que la profession des Travaux publics s’est investie dans ce programme pour moderniser l’école de référence de la branche à Egletons. Je me réjouis que ce dossier ait été sélectionné et reçoive ainsi un soutien de l’Etat à hauteur de 10,7 M€, dont 7,2 M€ pour augmenter la capacité d’hébergement, dont une partie sera dédiée exclusivement aux jeunes filles. Le développement et la modernisation des filières de formation, leur articulation avec l’Université et des écoles d’ingénieurs, et le déploiement de matériels pédagogiques innovants vont conforter le rayonnement de cette école délibérément tournée vers l’avenir.
En ce qui concerne l’utilisation des machines dangereuses par des mineurs dans le cadre de la formation, ainsi que sur la question de leur temps de travail, je peux témoigner, Monsieur le Président, que les services de votre Fédération veillent avec beaucoup de constance à l’avancement de ce dossier. J’y veille moi aussi car je veux faire tout ce qui sera possible pour lever tous les obstacles au développement de l’apprentissage. C’est pourquoi j’ai demandé que soit remis à l’ordre du jour ce dossier un peu « oublié » depuis la loi du 24 novembre 2009. Je peux donc vous dire aujourd’hui que le travail interministériel de rédaction des décrets est bien avancé et que votre avis sera requis sur ces projets dans un avenir proche.
Au-delà de cette question spécifique, une réforme de l’apprentissage est en préparation et poursuivra trois grands objectifs :
- Augmenter le nombre d’apprentis
- Améliorer la qualité de l’apprentissage pour lutter contre les ruptures de contrats
- Rendre plus lisibles et plus efficaces les modalités de collecte et de répartition de la taxe d’apprentissage
Dans ce cadre, nous travaillons notamment sur deux questions auxquelles, je le sais, vous êtes également attachés :
- L’aménagement du mode de calcul du quota alternance pour valoriser les embauches de jeunes en CDI à l’issue d’un contrat en alternance qui s’est déroulé dans l’entreprise, ce qui serait cohérent avec les opportunités offertes à cet égard par le contrat de génération
- Les clauses sociales des marchés publics afin qu’elles incitent à prendre en compte la politique des entreprises en matière d’insertion professionnelle non seulement pendant l’exécution du marché, mais aussi dans les 2 années qui précèdent.
Quant à la question de la taxe d’apprentissage, je ne vous apprendrai pas que le sujet est complexe. Il méritait donc une concertation large qui a été organisée. Aucune décision n’est encore prise à ce stade mais quatre objectifs sont clairement fixés :
- Rendre le système plus lisible
- Flécher une part plus importante de la taxe vers l’apprentissage lui-même
- Établir un mode de répartition de la taxe qui soit plus équitable et qui ne génère pas d’inégalités, ni en termes de niveaux de formation ni entre territoires
- Responsabiliser davantage les Partenaires sociaux tout en confortant le rôle des Régions.
Enfin, je ne peux finir mon propos sans revenir sur l’actualité et rappeler que demain le conseil des ministres se prononcera sur le projet de loi relatif à la sécurisation des parcours, déjà, mais trop rapidement, évoqué.
Sur le champ de la formation, la création du conseil en évolution professionnelle et du compte personnel formation est une étape importante qui sert directement la nécessité devant laquelle nous sommes de renforcer les droits et garanties collectives propres à faciliter l’accès à la formation et le financement de démarches individuelles de formation alors que « Se former » tend à devenir une injonction adressé à chacun d’entre nous afin d’accéder à l’emploi ou de s’y maintenir.
Ce compte personnel de formation, les partenaires sociaux l’ont souhaité
- universel : toute personne pourra disposer d’un compte personnel de formation dès son entrée sur la marché du travail et jusqu’à son départ à la retraite.
- individuel : chaque personne bénéficie d’un compte, qu’elle soit salariée ou demandeur d’emploi.
- intégralement transférable : la personne garde le même compte tout au long de sa vie professionnelle ; il le suit quel que soit son parcours professionnel et ses changements de statut.
Ces principes fondateurs sont particulièrement vertueux et ne sauraient être contestés : Ils posent cette exigence de dépassement de la problématique récurrente du statut des personnes au regard du contrat de travail notamment, qui a si longtemps rendu si aléatoire et complexe l’élaboration d’outils de sécurisation des parcours. Bien sûr, le compte personnel ne connait pas encore son visage définitif. Nous devons encore en discuter ensemble, Etat, régions partenaires sociaux ; vous aurez certainement aussi à reprendre vos discussions entre partenaires sociaux ensuite, comme l’accord du 11 janvier l’annonce d’ailleurs. Pour ma part, mon ambition sera aussi de faire du compte un outil dynamique de rééquilibrage dans l’accès à la formation des personnes les moins formées.
Cette conviction implique d’affiner, d’enrichir, les conditions dans lesquelles les salariés et demandeurs d’emploi les moins qualifiés peuvent bénéficier d’abondements de droit par rapport à la base de 20 heures par an, plafonnée à 120 heures aujourd’hui posées. Cette conviction implique aussi que les garanties collectives propres à accompagner et sécuriser les transitions professionnelles subies soient renforcées. Mais je ne doute pas un instant, j’y veillerai personnellement, que nous aurons rapidement l’occasion d’en rediscuter. A nous tous, collectivement, d’être à la hauteur de l’enjeu.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 11 mars 2013