Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis ravi dêtre ce matin parmi vous pour signer laccord LGV - Bretagne - Pays de Loire entre la Fédération nationale des travaux publics, Pôle emploi, le groupement demployeurs Clere qui réunit les filiales dEiffage engagées sur ce grand chantier et leur OPCA, Constructys. Ce qui caractérise et décrit ce beau projet a été rappelé avant moi : il organise lanticipation des recrutements de quelques 1000 demandeurs demploi formés aux besoins spécifiques du chantier pour être dès que possible embauchés et opérationnels.
* Le projet LGV
Je retiens surtout que la convention signée ce matin, comme laccord cadre quelle décline, conclu lannée dernière, témoigne de la synergie du service public de lemploi, des régions en charge de la politique publique de la formation des demandeurs demploi, de la fédération du Bâtiment et de lOPCA de la construction au service de linsertion des personnes en recherche demploi et de la dynamique dun chantier stratégique, la LGV. Bref cest un accord au service de la sécurisation des parcours professionnels, au service de linsertion durable de personnes formées aux compétences utiles aux entreprises du territoire.
Cette démarche de coopération et danticipation entre acteurs public et privés, exemplaire, témoigne dun processus qui doit devenir un réflexe, une évidence, désormais.
Elle contribue à la mise en uvre de la priorité du Président de la République qui souhaite une réforme de la formation professionnelle afin que cette dernière bénéficie sensiblement plus et mieux à ceux qui en ont le plus besoin, les jeunes, les demandeurs demploi et les salariés précaires, en recherche dinsertion professionnelle.
Cest une priorité. Cest une question de justice sociale autant que de compétitivité. Justice sociale car, vous le savez, la formation professionnelle, continue ou en alternance, est gage dinsertion et de nouvelle chance professionnelle. La phase de crise aigüe que nous traversons aggrave et élargit lexclusion. Elle interpelle la société sur des questions de fond autour de la solidarité, des modèles de croissance, des nouvelles formes demploi, la place des plus vulnérables, quelle que soit lorigine de ces fragilités.
Dans ce contexte, il est exclu de se résoudre à limpuissance. Ce serait non seulement moralement inacceptable mais contreproductif en terme de compétitivité.
Compétitivité car le marché de lemploi mobilise toujours plus de contrats court et en intérim et génère de fortes inégalités qui, au bout du compte, réduisent sa performance globale. Les demandeurs demploi, salariés précaires ou flexibles ont peu accès à la formation, les entreprises ayant peu intérêt à les former puisquelles ne les gardent pas. La conséquence est une perte de compétences pour les hommes comme pour léconomie dans son ensemble.
Ce sont ces formidables défis que laccord du 11 janvier dernier a commencé de relever. Je ne peux quen profiter pour rendre hommage à tous les négociateurs, et bien sûr aux signataires dans leur ensemble pour le travail remarquable qui a été conduit. Vous en faisiez parti M. Bernasconi, soyez en remercié. Vous le savez, le dialogue social est au cur de notre conception de la démocratie sociale, complément indispensable de la démocratie parlementaire en République. Le Président de la République François Hollande, Michel Sapin et moi-même souhaitons le renforcer. La prochaine loi de décentralisation, vous le verrez, est dores et déjà porteuse dune vision nouvelle de la concertation quadripartite entre lEtat, les régions et les partenaires sociaux, pour la mise en uvre coordonnée de nos compétences et responsabilités respectives sur le champ de lemploi, de lorientation et de la formation professionnelle.
Mais pour revenir à laccord qui nous réunit ce jour, la recherche de justice sociale et de compétitivité est aussi la raison dêtre dun dispositif tel que la Préparation opérationnelle à lemploi. La POE permet de former des demandeurs demploi sur des programmes directement négociés avec les employeurs afin de sécuriser leur insertion professionnelle durable. Cette logique de « gagnant - gagnant » qui permet une formation en amont du contrat de travail, généralement cofinancée par le servie public de lemploi et lOPCA du futur employeur, permet aux demandeurs demploi dêtre immédiatement opérationnels ; la contrepartie de cet engagement du service public dans le financement dune formation dadaptation au poste de travail est la qualité dun contrat de travail qui, même qualifié de contrat de chantier, doit être gage dinsertion durable dans le secteur.
Cela dit, vous avez rappelé, M. Bernasconi, limportance des recrutements dans le secteur des travaux publics malgré la crise qui nous touche, je suis donc certain que les demandeurs demploi du chantier LGV trouveront à sinsérer durablement au sein de la profession au-delà de ce chantier. La qualité de la formation suivie et lexpérience acquise seront pour eux des atouts majeurs.
Dans ce contexte, je veux ici rendre un hommage particulier à Pôle emploi, ce grand service public à qui le législateur a confié des missions stratégiques sur le champ de laccompagnement des transitions professionnelles. Votre coopération intense avec les fédérations professionnelles et les OPCA est la garantie dun regard aiguisé sur les enjeux de développement de compétences dans les branches et sur les territoires ; cest un gage dopportunité demplois durables pour les demandeurs demploi.
Je ne peux que vous encourager à continuer sur cette voie stratégique. Je sais que le plan stratégique Pôle emploi 2015 vous met sur ces bons rails.
* Lapprentissage
Maintenant, M. Bernasconi, vous mavez interpelé sur la question de lapprentissage, et plus particulièrement de la réglementation relative à la conduite de machines dangereuses et aux horaires de travail, peu adaptée aux contraintes des chantiers et frein à lembauche de jeunes apprentis. Je vous en remercie car vous me donner là loccasion daborder un sujet qui me tient à cur.
Comme vous le savez je porte lambition dune réforme de lapprentissage car je suis convaincu que cette modalité de formation et dinsertion professionnelle doit se développer. Cest pourquoi sans attendre jai soutenu laction "Formation en alternance et Hébergement" du Programme des investissements davenir.
Je sais que la profession des Travaux publics sest investie dans ce programme pour moderniser lécole de référence de la branche à Egletons. Je me réjouis que ce dossier ait été sélectionné et reçoive ainsi un soutien de lEtat à hauteur de 10,7 M, dont 7,2 M pour augmenter la capacité dhébergement, dont une partie sera dédiée exclusivement aux jeunes filles. Le développement et la modernisation des filières de formation, leur articulation avec lUniversité et des écoles dingénieurs, et le déploiement de matériels pédagogiques innovants vont conforter le rayonnement de cette école délibérément tournée vers lavenir.
En ce qui concerne lutilisation des machines dangereuses par des mineurs dans le cadre de la formation, ainsi que sur la question de leur temps de travail, je peux témoigner, Monsieur le Président, que les services de votre Fédération veillent avec beaucoup de constance à lavancement de ce dossier. Jy veille moi aussi car je veux faire tout ce qui sera possible pour lever tous les obstacles au développement de lapprentissage. Cest pourquoi jai demandé que soit remis à lordre du jour ce dossier un peu « oublié » depuis la loi du 24 novembre 2009. Je peux donc vous dire aujourdhui que le travail interministériel de rédaction des décrets est bien avancé et que votre avis sera requis sur ces projets dans un avenir proche.
Au-delà de cette question spécifique, une réforme de lapprentissage est en préparation et poursuivra trois grands objectifs :
- Augmenter le nombre dapprentis
- Améliorer la qualité de lapprentissage pour lutter contre les ruptures de contrats
- Rendre plus lisibles et plus efficaces les modalités de collecte et de répartition de la taxe dapprentissage
Dans ce cadre, nous travaillons notamment sur deux questions auxquelles, je le sais, vous êtes également attachés :
- Laménagement du mode de calcul du quota alternance pour valoriser les embauches de jeunes en CDI à lissue dun contrat en alternance qui sest déroulé dans lentreprise, ce qui serait cohérent avec les opportunités offertes à cet égard par le contrat de génération
- Les clauses sociales des marchés publics afin quelles incitent à prendre en compte la politique des entreprises en matière dinsertion professionnelle non seulement pendant lexécution du marché, mais aussi dans les 2 années qui précèdent.
Quant à la question de la taxe dapprentissage, je ne vous apprendrai pas que le sujet est complexe. Il méritait donc une concertation large qui a été organisée. Aucune décision nest encore prise à ce stade mais quatre objectifs sont clairement fixés :
- Rendre le système plus lisible
- Flécher une part plus importante de la taxe vers lapprentissage lui-même
- Établir un mode de répartition de la taxe qui soit plus équitable et qui ne génère pas dinégalités, ni en termes de niveaux de formation ni entre territoires
- Responsabiliser davantage les Partenaires sociaux tout en confortant le rôle des Régions.
Enfin, je ne peux finir mon propos sans revenir sur lactualité et rappeler que demain le conseil des ministres se prononcera sur le projet de loi relatif à la sécurisation des parcours, déjà, mais trop rapidement, évoqué.
Sur le champ de la formation, la création du conseil en évolution professionnelle et du compte personnel formation est une étape importante qui sert directement la nécessité devant laquelle nous sommes de renforcer les droits et garanties collectives propres à faciliter laccès à la formation et le financement de démarches individuelles de formation alors que « Se former » tend à devenir une injonction adressé à chacun dentre nous afin daccéder à lemploi ou de sy maintenir.
Ce compte personnel de formation, les partenaires sociaux lont souhaité
- universel : toute personne pourra disposer dun compte personnel de formation dès son entrée sur la marché du travail et jusquà son départ à la retraite.
- individuel : chaque personne bénéficie dun compte, quelle soit salariée ou demandeur demploi.
- intégralement transférable : la personne garde le même compte tout au long de sa vie professionnelle ; il le suit quel que soit son parcours professionnel et ses changements de statut.
Ces principes fondateurs sont particulièrement vertueux et ne sauraient être contestés : Ils posent cette exigence de dépassement de la problématique récurrente du statut des personnes au regard du contrat de travail notamment, qui a si longtemps rendu si aléatoire et complexe lélaboration doutils de sécurisation des parcours. Bien sûr, le compte personnel ne connait pas encore son visage définitif. Nous devons encore en discuter ensemble, Etat, régions partenaires sociaux ; vous aurez certainement aussi à reprendre vos discussions entre partenaires sociaux ensuite, comme laccord du 11 janvier lannonce dailleurs. Pour ma part, mon ambition sera aussi de faire du compte un outil dynamique de rééquilibrage dans laccès à la formation des personnes les moins formées.
Cette conviction implique daffiner, denrichir, les conditions dans lesquelles les salariés et demandeurs demploi les moins qualifiés peuvent bénéficier dabondements de droit par rapport à la base de 20 heures par an, plafonnée à 120 heures aujourdhui posées. Cette conviction implique aussi que les garanties collectives propres à accompagner et sécuriser les transitions professionnelles subies soient renforcées. Mais je ne doute pas un instant, jy veillerai personnellement, que nous aurons rapidement loccasion den rediscuter. A nous tous, collectivement, dêtre à la hauteur de lenjeu.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 11 mars 2013