Texte intégral
ANNE-LAURE JUMET
Les lettres de cadrage, on en parlait à linstant, sont transmises aujourd'hui aux ministres pour le budget 2014. Matignon va demander un effort important au-delà de quatre milliards deuros, cinq milliards disent même Les Échos ce matin. Aucun ministère ne devrait être épargné, pas même léducation dont la mission est jugée prioritaire. Est-ce que cest un obstacle finalement aux politiques que vous souhaitez mener ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Depuis la campagne présidentielle, François HOLLANDE avait bien fixé lobjectif qui était de désendetter le pays puisque nous vivons un peu à crédit sur nos enfants. Par conséquent, il ny a pas me semble-t-il véritablement de tournant dans la manière daborder la question de la crise. Seulement pour nous, à léducation nationale et à la réussite éducative, nous faisons partie des priorités qui ont été définies pour le pays.
ANNE-LAURE JUMET
Mais vous devrez quand même faire des efforts.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Nous avons effectivement la possibilité de maintenir le cap en matière dembauches mais sur la vie courante, sur les autres dépenses du ministère, bien évidemment comme tout le monde on participera à leffort.
ANNE-LAURE JUMET
Les dépenses de fonctionnement. Vous êtes à los comme le disent certains ministres aujourd'hui ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Je pense queffectivement il faut quon gère les choses sérieusement. Léducation nationale na jamais eu des dépenses somptuaires dans son fonctionnement mais je crois quen cherchant bien, on trouvera quand même la possibilité de faire quelques économies sur le fonctionnement.
ANNE-LAURE JUMET
De combien ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Je pense quen ce qui nous concerne, effectivement le respect de lengagement sur la priorité accordée à léducation nationale et à la jeunesse sera respecté.
PERRINE TARNEAUD
George PAU-LANGEVIN, la cote de popularité de François HOLLANDE est au plus bas ; il décroche même auprès des électeurs de gauche. Comment renouer alors avec les Français ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Il me semble que la difficulté dans laquelle nous sommes aujourd'hui, cest que bien évidemment pour redresser ce pays, il faut demander des efforts à tout le monde. Ce que François HOLLANDE avait dit et que nous sommes en train de faire, cest essayer de répartir leffort pour que les plus modestes ne soient pas impactés le plus par leffort. Dans la période SARKOZY, il y avait une difficulté. Cest queffectivement les plus riches étaient, me semble-t-il, trop épargnés. Mais il nen reste pas moins que quand il y a des suppressions demplois, quand des gens sont au chômage, il est normal quils vivent la situation difficilement. On doit essayer de prendre des mesures pour quà moyen terme ou même dans quelques temps la situation se redresse. Mais aujourd'hui il y a manifestement pour tout le monde une période qui est un peu difficile.
PERRINE TARNEAUD
Oui ; mais surtout visiblement les Français ne comprennent pas quelle politique est menée. Cest notamment le résultat du sondage CSA pour Les Échos ce matin : cinquante-cinq pour cents des Français estiment que François HOLLANDE navigue à vue. Alors, est-ce que c'est une question dabsence de pédagogie ou tout simplement labsence de caps politique et économique clairs ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Non. Je ne pense pas quon puisse dire une chose pareille puisque, effectivement, il y a des ajustements qui tiennent de la conjoncture, mais on voit bien que, me semble-t-il, il y a une cohérence absolue entre ce qui avait été annoncé avant lélection et ce qui est fait aujourd'hui. Dans notre cas, par exemple, quand nous faisons la loi sur la refondation de lécole, quand nous modifions les rythmes scolaires, cela simplement décline des engagements de campagne.
PERRINE TARNEAUD
Mais en matière déconomie, certains à gauche trouvent que ce nest pas tout à fait le cap qui avait été fixé pendant la campagne, et quil est plus social libéral quil ne lavait montré pendant la campagne présidentielle.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Je pense queffectivement il est normal quil y ait certains qui sont plus à gauche que nous ne lavons été qui essayent dinfléchir la politique du gouvernement dans le sens qui leur semble préférable.
PERRINE TARNEAUD
Cest peut-être ça qui gêne les Français ; cest ce tiraillement entre deux caps économiques au sein du Parti socialiste.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Ce nest pas simplement au sein du Parti socialiste. Le Parti socialiste a toujours été un lieu de débats. Vous avez toujours lun ou lautre qui vous dira : « Il faut faire davantage ceci ou davantage cela ».
PERRINE TARNEAUD
Oui, mais en période de crise, il faut peut-être aller un peu plus loin que le débat et montrer un cap clair.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Je ne crois pas quon arrivera à faire du Parti socialiste quelque chose de monolithique. Pour autant, vous avez quand même la grande majorité du groupe qui est soudée derrière le président de la République et derrière le gouvernement. Donc quil y ait du débat, à mon avis au sein du PS, on narrivera jamais à léviter. Mais il y a, me semble-t-il, un cap qui a été défini. On sy tient et véritablement je nai pas le sentiment que François HOLLANDE a toujours été quelqu'un qui était un social-démocrate. Ça na jamais été un révolutionnaire.
ANNE-LAURE JUMET
Il y a peut-être quand même, George PAU-LANGEVIN, un problème de pédagogie. Dailleurs, on voit que François HOLLANDE semble avoir compris et il va passer plus de temps en province, il va sexprimer à la télévision. Est-ce quil y a un problème quand même de faire savoir de laction gouvernementale ? Est-ce quil ny a pas ce problème-là ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Je pense quen toute hypothèse, il est toujours utile de ne pas senfermer et daller voir les gens, de parler avec les gens. Si on veut effectivement quils comprennent ce quon fait, il faut leur en parler. Nous par exemple, à notre niveau, sagissant de la réforme des rythmes scolaires, comme elle nétait pas comprise, on multiplie les déplacements pour prendre directement le pouls des gens qui se posent des questions. En toute hypothèse, aller discuter avec les gens est de toutes les manières quelque chose qui, me semble-t-il, relève finalement un peu des obligations des personnes qui exercent des responsabilités.
PERRINE TARNEAUD
Est-ce que vous savez aujourd'hui, sur la réforme des rythmes scolaires, combien de communes vont lappliquer en septembre 2013 ? Il y a une opposition très forte de la part des maires. Est-ce que vous avez un pourcentage ? Un chiffre ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
On na pas un pourcentage, on va lavoir fin mars puisque les maires ont jusquà la fin du mois de mars pour se décider. Il y a surtout, me semble-t-il, des interrogations de leur part, puisque nous sommes en train dintroduire une modification sensible dans la manière dont la semaine des enfants est organisée. Par conséquent, il est normal quil y ait des interrogations des parents, des enseignants et des maires. Nous sommes donc en train aujourd'hui dexpliquer et surtout de recueillir un petit peu les points de blocage, pour voir comment on peut apporter des réponses adaptées.
ANNE-LAURE JUMET
Il y a quand même un problème de financement de cette réforme. Les collectivités doivent en partie financer ce temps périscolaire rendu par la semaine de quatre jours et demi. Vous leur dites aujourd'hui : « On na pas de moyens supplémentaires à vous accorder. » Alors, est-ce que ce nest pas compliqué quand même pour elles de mettre en oeuvre cette réforme ? On voit des réticences : Lyon qui ne va lappliquer quen 2014, à Paris cest difficile également.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Je pense quil faut bien repartir de lobjectif de la réforme. Il faut bien se dire quil ny a pas une heure de classe en moins pour les enfants, donc les collectivités nont pas à les accueillir plus longtemps quauparavant. Simplement, nous modifions en ce sens quau lieu de travailler tous les après-midis jusquà une certaine heure, ils vont avoir classe le mercredi matin. En réalité, léducation nationale reprend à sa charge une matinée qui, pour linstant, était occupée souvent par du périscolaire. Il va y avoir des adaptations et des modifications à faire dans la répartition de la semaine, mais je ne pense quon puisse dire au total que les collectivités auront beaucoup dheures supplémentaires.
ANNE-LAURE JUMET
Cest leur sentiment néanmoins. Le transport notamment à prendre en charge.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Elles auront à modifier leur organisation. On est conscient de ce que ça demandera des efforts dajustement pour elles et surtout, pour les communes qui navaient pas de périscolaire, elles seront amenées à en proposer parce que les enfants seront libérés plus tôt. Mais encore une fois, ça fait apparaître surtout linégalité actuelle entre les enfants puisque dans certains endroits, il y a du périscolaire qui est bien organisé, qui est riche et qui est fourni. Dans dautres endroits, il y avait peu de choses et cest loccasion pour les maires de se poser la question et de répondre aux attentes des parents, donc denrichir loffre quils font en matière de périscolaire.
PERRINE TARNEAUD
George PAU-LANGEVIN, on va parler de la journée de la femme entre femmes. La réforme du congé parental : le gouvernement souhaite inciter le second parent à rester aussi à la maison - dans quatre-vingt-dix-sept pour cents des cas, cest lhomme, cest le père avec une allocation dans ce cas bonifiée. Je ne comprends pas. Pourquoi avantager finalement plus les hommes que les femmes en termes dallocation pour le congé parental ? Est-ce que ce nest pas finalement entériner une discrimination salariale qui existe déjà ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
En tous cas, cest une mesure incitative, mais on tente de régler un problème qui, me semble-t-il, est important. C'est que le congé parental repose actuellement exclusivement sur les femmes. Or, si vous prenez ce qui se passe dans les pays nordiques, ce nest pas le cas.
PERRINE TARNEAUD
Non, parce quon oblige aussi les hommes à rester à la maison. Pourquoi ne pas faire la même chose en France ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Ce qui est important et ce quon est en train damorcer aujourd'hui, cest de dire que ce congé parental, nous souhaitons quil soit pris en partie par les hommes et en partie par les femmes.
PERRINE TARNEAUD
Mais alors, pourquoi payer plus les hommes pour rester à la maison que les femmes ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Cest une mesure incitative.
PERRINE TARNEAUD
Ça me choque en tant que femme.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Moi aussi je crois que ce congé parental, il faut aboutir à ce quon arrive quasiment à une égalité entre hommes et femmes. Dans les pays nordiques, il est partagé par moitié. Si par exemple la moitié nest pas prise par lhomme, elle est perdue. Mais je crois quon nen est pas encore là, mais il faut avancer à petits pas.
ANNE-LAURE JUMET
Également le sujet de légalité salariale. Najat VALLAUD-BELKACEM, la ministre en charge des droits des femmes, a pris ce dossier à bras-le-corps. Elle parle de sanctions pour les entreprises si rien nest fait dans les six mois. Il y a un décret aujourd'hui qui prévoit des sanctions. Comment on contrôle les entreprises ? C'est quand même très compliqué de savoir ce quelles font exactement.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Ça, depuis une loi qui est déjà due à plusieurs années, dans le bilan social des entreprises ils doivent rendre compte de ce quils font sur le terrain de légalité professionnelle, puisque légalité professionnelle est une obligation qui est imposée aux entreprises depuis une loi (08 :27 :47 phon). Aujourd'hui, on passe au stade ultérieur, c'est-à-dire quon introduit si nécessaire des sanctions. Malheureusement dans certains cas, pour arriver à ce résultat, on est obligé de passer par les sanctions financières. Vous avez à peu près le même problème aussi en matière politique, puisquil a fallu se poser la question des sanctions financières pour les partis qui ne présentaient pas suffisamment de candidates femmes.
PERRINE TARNEAUD
Ça existe aujourd'hui déjà.
ANNE-LAURE JUMET
Qui vont être alourdies
GEORGE PAU-LANGEVIN
Vous avez certains partis comme lUMP qui préfèrent payer lamende plutôt que de présenter des femmes. LAssemblée nationale, à ce point de vue, est encore assez significative.
ANNE-LAURE JUMET
Finalement, la sanction est le seul moyen de faire avancer les choses à ce sujet.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Non mais je crois que le plus important est quand même dexpliquer et de faire de la pédagogie. Ce que nous faisons aujourd'hui à loccasion de cette journée du droit des femmes est une manière de faire réfléchir les responsables et lopinion pour leur dire quaujourd'hui, nous avons progressé dans la situation des femmes dans ce pays, mais nous sommes encore loin du compte.
PERRINE TARNEAUD
Paris Match vous décrit cette semaine comme une des femmes ministres sans flamme sans flamme ! du gouvernement, c'est-à-dire ces femmes ministres qui ont un peu de mal à émerger. Alors, est-ce que cest la faute à un portefeuille un peu trop flou ? ou peut-être un ministre de léducation trop omniprésent ?
GEORGE PAU-LANGEVIN
Jai appris avec intérêt que je passais mon temps à me balader dans les rues de Paris. Je ne sais pas où ils ont pris ça ! Ils auraient mieux fait sans doute de me rencontrer pour savoir ce que je faisais.
PERRINE TARNEAUD
Non mais c'est vrai que vous êtes quelques femmes à avoir du mal un peu à émerger en termes de visibilité.
GEORGE PAU-LANGEVIN
Il est clair, si vous voulez, que quand on est ministre délégué, c'est souvent le cas des ministres délégués. Soit on est ministre délégué avec un portefeuille très identifié, comme par exemple vous vous occupez des transports, de la mer : là, cest quelque chose qui est une attribution claire. En lespèce, il est vrai que la réussite éducative est sans doute un concept qui est moins affirmé. Par ailleurs, je pense aussi quindiscutablement Vincent PEILLON est habité par son sujet ; il a beaucoup de surface médiatique mais sur notre vie quotidienne, jai limpression de faire des choses utiles et finalement dêtre sur un secteur qui est un secteur me semble-t-il important pour notre pays et où vraiment je mépanouis totalement.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2013