Déclaration de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur son ambition de rapprocher le monde du "design" de celui des entreprises, Paris le 1er mars 2013

Prononcé le 1er mars 2013

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Circonstance : Assises du design, à Paris le 1er mars 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Souvenez-vous : lors de notre dernière rencontre, à l’occasion de la remise du Prix de l’Observeur du Design, je vous avais promis une vaste concertation. Et bien, nous y sommes !
Je suis donc très heureuse et très fière d’inaugurer aujourd’hui ces Assises du Design, qui sont pour nous tous une grande première – un rendez-vous unique et sans précédent, je me permets d’insister !
Lautréamont, à la fin des années 1860, comparait la beauté à la "rencontre fortuite, sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie". De cette seule comparaison, est sorti, comme d’un chapeau, tout le surréalisme.
J’y vois, en ce qui nous concerne, l’intuition selon laquelle l’objet manufacturé le plus banal, le plus quotidien, peut en réalité, si nous le décidons, être lesté d’une formidable charge esthétique. Lautréamont n’a certes pas inventé le design – mais, au fond, qu’est-ce que le design, sinon la rencontre sans cesse étonnante, sur la table de travail d’un créateur, de la volonté d’art et de l’exigence de fonctionnalité, de l’imagination débridée et de l’objet industriel ?
Le design, c’est donc d’abord de l’art injecté dans les objets du quotidien. Autrement dit, de la beauté rendue accessible au plus grand nombre, par l’intermédiaire de l’industrie.
Ainsi, le design, c’est un levier majeur de compétitivité – tout sauf de la décoration superflue. Aussi est-ce, je crois, un symbole fort que d’avoir organisé cette réunion de concertation à Bercy. Non pas que le design ne soit pas un fait de culture, ni même une catégorie de l’art – loin de moi l’idée d’aller contre l’histoire de la création artistique récente –, mais ce qui nous intéresse, ce qui nous réunit aujourd’hui – ce qui m’importe, à moi, ministre de l’Innovation – c’est précisément la fécondité industrielle du design, que nous serions très mal inspirés de négliger.
Je crois à l’alliance de la créativité et de l’industrie ! Ministre de l’Innovation, c’est justement mon rôle de faire le lien entre les deux.
Et, au fond, c’est d’ailleurs là une définition tout à fait pertinente de ce qu’est l’Innovation : à la fois, la créativité mise au service du développement industriel – et, en retour, l’industrie comme source d’inspiration, foyer d’idées et de formes nouvelles. Si je devais résumer mon propos, je dirais tout simplement que l’Innovation, c’est donc l’imagination plus la réussite économique.
C’est cette alliance de la créativité et de l’industrie qui fera, j’en suis convaincue, le succès de notre économie, à l’heure où le Gouvernement sonne la mobilisation générale pour la réindustrialisation de notre pays.
Voilà pourquoi je suis aujourd’hui ravie d’ouvrir cet échange entre tous les acteurs du secteur du design – échange qui ne manquera pas, j’en suis certaine, d’être fécond.
De quoi s’agit-il aujourd’hui ? Pourquoi sommes-nous tous réunis ici ?
L’esprit qui anime cette réunion – l’esprit qui doit tous nous animer –, c’est celui de l’imagination et de l’ambition ! Concrètement, qu’est-ce que j’entends pas là ?
Dans un domaine où la France n’a pas à rougir de ses talents – nombreux, mais parfois dispersés –, que manque-t-il aujourd’hui ? De mon point de vue, la réponse est évidente : une véritable politique publique, ambitieuse et inédite, qui soutiendrait pleinement l’industrie du design, et lui permettrait de jouer à fond son rôle de levier décisif de compétitivité. C’est donc un manque criant que nous voulons aujourd’hui combler.
Cette politique publique, je propose que nous la définissions ensemble ! Jouons collectif, cela ne peut que payer ! C’est la rencontre des horizons différents, le parti pris de l’échange tous azimuts, qui est au fondement de l’activité créatrice.
Je ne crois pas à l’enfermement solitaire dans une tour d’ivoire.
Le monde du design a lui aussi besoin de cet échange, pour construire cette organisation collective qui le renforcera.
Je souhaite donc que tous les esprits puissent s’exprimer, et surtout participer à l’élaboration de notre politique de soutien au design. Je le répète, le brassage des idées est essentiel pour moi.
D’ailleurs, je me réjouis de vous voir si nombreux aujourd’hui – plus de 160 acteurs représentés, une impressionnante diversité de profils et de parcours, aussi bien des designers exerçant leurs talents dans de grandes entreprises que des indépendants travaillant en agence – mais aussi des représentants des grandes écoles de design (l’ENSCI, l’ENSAD, le Strate College, l’école de design de Nantes, etc.), ainsi que les responsables des principales institutions du secteur (le Lieu du Design, la Cité du Design, le groupe VIA). Votre présence même me conforte dans mon ambition.
Rassurez-vous : je n’ai pas l’intention de créer un énième machin administratif qui, d’en haut, vous dicterait ce que vous devez faire ! Mon objectif, au contraire, est d’offrir toute latitude à vos initiatives, de faire toute la place aux idées de chacun d’entre vous, pour que tous, vous puissiez participer à l’oeuvre collective.
Ce premier rendez-vous est le démarrage d’un processus : nous nous reverrons tous les semestres pour maintenir le contact. Nous construirons les axes de notre politique en faveur du design sur les principales conclusions de vos échanges.
Arnaud MONTEBOURG et moi-même partageons la même volonté : rapprocher les designers et les entreprises. Les designers doivent entrer dans les entreprises, et les chefs d'entreprises doivent être convaincus que se lancer dans une démarche de design ! C’est ainsi que nous réinventerons la production française, anticiperons la transformation de la vie quotidienne et l’apparition des nouveaux usages.
A mes yeux, c’est même l’enjeu n°1 de notre politique de soutien au design. L’enjeu autour duquel tous ensemble, nous devrions réfléchir en priorité.
Les designers auraient en effet tout à gagner à être davantage présents dans les entreprises. De même que les chefs d’entreprise, en pariant sur une telle démarche, renouvelleront ainsi la production française, inventant la vie quotidienne de demain. Et par là même, en tireront un avantage compétitif extraordinaire, en particulier à l’export. Nous souhaitons donc aider les entreprises qui le désirent à franchir ce pas.
Comment rapprocher le monde de l'innovation technologique de celui du design ? Avec Arnaud MONTEBOURG nous avons déjà pris quelques initiatives concrètes.
Les Pôles de compétitivité peuvent être le lieu d’une telle alchimie. En particulier, la nouvelle phase des pôles que nous avons lancée leur donne comme objectif de faciliter la commercialisation et l’industrialisation de produits issus de leurs programme de R&D, et pour réussir cette commercialisation, le design est un atout incontournable.
Nous avons donc décidé de consacrer 100M€ issus des Investissements d’Avenir pour soutenir, sous forme de prêts bonifiés, l’industrialisation de tels projets issus des pôles, et avons fait en sorte que les dépenses de design soient éligibles.
Nous mobiliserons aussi l’INPI, qui est certes chargé du dépôt des brevets, ce que tout le monde sait, mais aussi de la protection des dessins et modèles, donc de vos productions : il oeuvrera aussi au rapprochement des PME et des designers.
De même, nous avons décidé d’étendre le Crédit Impôt Recherche aux dépenses liées à la réalisation de prototypes et, là encore, les dépenses de design seront prises en compte dans le calcul du crédit d’impôt : c’est l’apport du design au processus d’innovation qui est enfin pris en compte !
Bien sûr, en parallèle, nous allons continuer à financer les initiatives en cours, qui contribuent déjà au rapprochement des designers et des entreprises. Je pense à la Cité du Design, au Lieu du Design, à l’APCI, aux différentes écoles, etc. Ces actions ont largement fait leurs preuves, et elles continueront à l’avenir, je n’ai aucun doute là-dessus.
Ce que je propose donc, vous l’aurez compris, c’est l’alliance des talents et des bonnes volontés.
Voilà pourquoi, j’insiste, Arnaud MONTEBOURG et moi-même, souhaitons travailler avec vous afin de mieux cerner les problèmes qui sont les vôtres, et par là même identifier les principales directions dans lesquelles vous souhaitez aller.
N’hésitez surtout pas à nous faire part de vos initiatives. C’est ainsi que nous pourrons vous aider ! Je vous assure que le ministère étudiera les projets avec attention, ce qui lui permettra de soutenir les meilleurs, afin de les aider à se développer.
Notre idée, in fine, c’est d’aboutir à un grand plan stratégique pour le développement du secteur. Pour cela, nous avons besoin de vous.
Au fond, nous partageons tous le même objectif : réinventer la production française, créer les champions mondiaux de l’économie française de demain. Le travail ne fait que commencer. Nous avons encore un bout de chemin à faire ensemble !
Je vous remercie.
Source http://www.redressement-productif.gouv.fr, le 5 mars 2013