Déclaration de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, sur la situation de l'industrie textile et sur les outils mis en place par le gouvernement pour le redressement industriel du pays, Tourcoing le 15 novembre 2012.

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Circonstance : Table-ronde au Centre européen des textiles Innovants (CETI) de Tourcoing, le 15 novembre 2012

Texte intégral

« C’est avec beaucoup de sensibilité que je suis heureux de revenir sur les traces de l’industrie textile qui a décidé de renaître.
En 2004, j’étais venu pour ce jour de fermeture de l’entreprise de la Tossée. J’avais rencontré des salariés et leurs patrons désespérés eux-mêmes de voir disparaître ce qui avait fait leur histoire, leur passion et c’est vrai que les désespoirs industriels ne peuvent pas, aujourd’hui, être de notre horizon. Le choix que nous avons fait avec le Président de la République, c’est le choix de la reconstruction de notre industrie. Nous avons perdu ces 10 dernières années et enregistré dans tous les territoires, des dégâts considérables : 750 000 emplois industriels. On peut, comme ça été le cas pour une certaine classe dirigeante il y a un certain nombre d’années, théoriser la France sans usines. La preuve, c’est que nous connaissons la France sans usines dans de nombreux territoires ; et aujourd’hui les gens manifestent pour avoir des usines, pour obtenir du travail, pour être une grande nation productive.
L’esprit dans lequel nous reconstruisons l’industrie française c’est d’abord de considérer qu’un pays qui ne produit pas est dans la main de tous les autres pays qui produiront à sa place et qui deviendront finalement maîtres du monde, des choix, des goûts, des normes, des idées, des emplois et de la prospérité et les autres pays qui consommeront ce que les autres auront inventé, imaginé, créé seront finalement dépendants.
Qu’est-ce qu’une nation puissante politiquement, intellectuellement, culturellement, économiquement ? C’est une nation qui crée et c’est la raison pour laquelle la création, elle est dans de nombreux ordres : dans l’ordre des idées, dans l’ordre de l’imagination, de l’imaginaire, de la création, elle est aussi dans l’ordre de la réalité industrielle, les produits qui changent la vie des gens ; et dans la bataille économique mondiale que nous subissons, dans laquelle nous vivons, les français et ce gouvernement ont décidé de s’organiser pour avoir une ligne de renaissance.
C’est un choix politique historique et cela passe par l’unité, l’union, l’entraide, la coopération, la solidarité : on se donne la main autour de nos outils industriels ; c’est exactement ce que vous faîtes ici.
Les élus, les entrepreneurs, les grands groupes, les petites entreprises, les chercheurs, les collectivités locales institutionnelles, les laboratoires de recherche, bref : les créateurs, les citoyens se coalisent autour d’un projet consistant à faire renaitre de la technologie et derrière de l’industrie.
C’est exactement l’esprit du Pacte de Compétitivité : nous demandons à tous de considérer que la renaissance, la reconstruction de notre industrie est la question numéro 1 et l’enjeu numéro 1 pour le pays France qui, comme l’a écrit Louis Gallois dans son rapport, a subi de graves déconvenues. Et comme la France s’est déjà relevée de nombreuses fois, elle est capable encore une fois de relever le défi, elle en a vu d’autres.
Alors la méthode utilisée ici au CETI, qui d’ailleurs m’a beaucoup impressionné : et je dois remercier le collectif des créateurs, ceux qui l’ont imaginée cette plateforme technologique, ultra performante de capacité d’attractivité mondiale, qui met en face des entreprises et des chercheurs et qui les fait travailler, qui permet aux entreprises de venir ici expérimenter leurs prototypes, leur future production, économiser par la mise en commun de cette plateforme la recherche technologique et plutôt de la partager, bref ce que l’on appelle des écosystèmes où les gens travaillent ensemble, discutent, prennent le café, ont des idées devant la machine à café, vont manger ensemble, partent en vacances ensemble, où finalement échangent ; cette économie de l’échange, c’est la première force créative d’un pays. C’est pour cela qu’on a besoin de travailler tous ensemble.
Donc le gouvernement travaille à briser les cloisons. Ce matin, j’étais avec le ministre de l’éducation nationale où nous devons briser les cloisons subsistant entre le système éducatif et le système économique ; nous devons briser les cloisons entre la recherche publique et le système économique privé ; nous devons y compris briser les cloisons qui sont dans le mental, dans la tête des citoyens entre le consommateur et le producteur ; le consommateur a deux cerveaux : il a un côté, c’est le côté portefeuille, c’est le côté droit ; il veut faire des économies, économiser le pouvoir d’achat, il a raison tout citoyen a envie de cela ; mais aussi le côté gauche, il est citoyen du monde, il veut avoir un bon salaire, une bonne protection sociale : il faut les réconcilier. Même dans la tête de nos représentations mentales, nous devons réconcilier ce qui nous a souvent séparés. C’est le sens d’une nation qui arrive à se coaliser autour de son système productif et à le faire renaître.
Les filières sur lesquelles la France se met à travailler, partout, d’abord partent du terrain ; pour nous c’est très important : nous n’avons pas une vision ministérielle, parisianiste de l’industrie. Nous pensons, et je crois que c’est plutôt sagesse que d’agir ainsi, que ce qui naît des ressources du terrain et des sociétés de coopérations locales comme tel est le cas ici est très productif. C’est à dire qu’il y a des idées, des gens qui veulent les concrétiser et généralement, ils nous demandent des moyens ; et bien nous essayons de les donner, le plus possible.
La question des pôles de compétitivité a été évoquée. Les problèmes d’évaluation : je vais vous dire, les évaluations d’abord ne devraient pas être publiques, point numéro un, mais elles devraient être sévères. Pourquoi ? Parce qu’elles ne peuvent dans ces conditions-là qu’améliorer tout le monde et aider tout le monde et faire en sorte que l’on garde le désir de continuer. Même quand on n’est pas toujours performant, on peut avoir envie de poursuivre le chemin et c’est la raison pour laquelle le gouvernement, le ministère dont j’ai la charge a dit que les pôles de compétitivité devraient non seulement continuer et toujours améliorer leur capacité à aller vers l’industrie et que nous étions là non pas pour les supprimer, pour les empêcher mais pour les aider, quels qu’ils soient parce que s’il y a des gens, quelque part, dans une région qui ont décidé de s’associer pour défendre une production, une tradition, c’est qu’il y a de la ressource et que pour nous c’est une richesse !
Voilà ce que je voulais dire et je veux saluer ici les inventeurs du CETI, de ce qu’il y a derrière, ce que vous avez imaginé derrière, vous dire que le Gouvernement est à vos côtés pour créer ce pôle mondial du textile innovant, attirer encore plus d’entreprises, des entreprises de croissance, financer des programmes de recherche, attirer une population nouvelle de chercheurs.
La vision urbaine développée par Martine Aubry est une vision de mixité, c’est-à-dire, on mélange tout le monde, le travail, le lieu de loisir, le lieu de vie, ou les logements dignes : il n’y a pas des ghettos, d’un côté, là où on vit, de l’autre côté, là où on travaille : bref cette vison-là, elle correspond à l’esprit coopératif dans lequel la France peut se relever, filière par filière, secteur par secteur. Nous nous attachons à soutenir et à défendre partout où des ressources naissent du terrain.
Je veux vous adresser donc des compliments au nom du Gouvernement, vous remercier pour ce travail de très belle facture comme on dit dans le textile, très belle facture, et en espérant que ce CETI sera connu dans le monde entier : il fera la fierté de notre pays dans cette région où après des années de pertes, on peut imaginer des années de renaissance et d’avenir dans le textile innovant, technologique et de très haut vol.
Merci à tous. »
Intervention de Martine Aubry :
« Monsieur le ministre, merci pour ces encouragements et puisqu’on va continuer à évaluer les pôles de compétitivité, moi je voulais juste passer un message. Nous avons été évalués comme peu performants : nous ici, on est des petits « diseux » mais des grands « faiseux » comme on dit ; on parle peu, mais on fait beaucoup. Alors si on pouvait classer les pôles en fonction de ce qu’ils font et pas de seulement de ce qu’ils communiquent, je pense qu’on serait très très bien placés. Voilà, je passe la parole à Bertrand Delesalle, le Président de l’Union des Industries Textiles et le Président du CETI pour que quelques entreprises vous fassent part de leurs expériences. »
Intervention de Bertrand Delesalle, Président de l’UIT Nord et Président du CETI (cf. pièce jointe)
Interventions des 5 industriels représentants de la Profession et de la salle :
- Gilles Damez, Président d’UP-Tex et Directeur du Développement Industriel de Damartex :
o Profonde surprise des conclusions de l’évaluation du pôle UP-Tex,
o Nécessité d’inscrire le financement de l’Etat dans la continuité et la durée et de simplifier,
o Projet de constitution d’un inter-pôle mondial des Textiles innovants.
- Jean-François Gribomont, PDG Tissage de Baisieux :
o Externalisation des marchés des armées : cri d’alarme contre les prix anormalement bas ne prenant pas en compte tous les critères.
- Jean-Marc Viénot, Directeur Général de Tissage de la Lys/Pansu :
o Le textile traditionnel (tapisserie, tapis, dentelles…) peut aussi être très innovant
o Problème de la compétitivité à l’exportation vis-à-vis des barrières tarifaires (exemple : au Brésil = 97 %) et de la nécessaire réciprocité dans les accords internationaux,
o Nécessité d’exemplarité de l’Etat quand l’Etat est acheteur : pas seulement vis-à-vis des PME innovantes,
o Thème de la marque « France » : d’accord sur le principe mais à condition qu’une simple broderie ne suffise pas à son obtention et que le coût d’obtention du label ne soit pas exorbitant comme c’est le cas aujourd’hui.
- Tanguy Le Gall, PDG Cousin Trestec :
o Nous investissons beaucoup dans la R & D, nous déposons beaucoup de brevets et utilisons les aides comme le C.I.R, OSEO… Toutefois, nous avons besoin de visibilité, de stabilité à moyen terme dans ces dispositifs,
o Aux U.S.A, ils ne paient que 10 % de ce que nous payons et les allemands ont des systèmes très performants avant le dépôt du brevet : pourrions-nous également être mieux aidés dans le financement de nos brevets ?
- Guillaume Tiberghien, PDG Tibetech Innovations :
o Problème de besoins importants en fonds de roulement pour les start-up industrielles en croissance avec un « time to market » important (entre 3 et 10 ans),
o Simplifier les dossiers administratifs lorsque l’on monte un dossier d’aides (C.I.R, OSEO…) : les PME n’ont pas les moyens humains disponibles,
o Pouvoir assimiler les frais de sous-traitance externe à notre masse salariale dans les dossiers d’aides, notamment pour le calcul du C.I.R ?
- Olivier Noyon, PDG Noyon : est-ce que le nouveau Crédit d’Impôt reprendra toutes les taxes, CVE, taxe professionnelle… dans son calcul ?
- Kader CHIGRI, Cgt :
o Remercie André Beirnaert qui a « mis tout son coeur » dans le projet CETI et Manoël Dias qui a fait beaucoup pour le Textile,
o Toute aide aux entreprises doit être contrôlée avec des contreparties sur l’emploi,
o Ne pas oublier les salariés qui sont à 80 % au smic dans le textile : un nouvel E.D.E.C est nécessaire, on en a besoin, il faut le reconduire au plus vite pour former nos salariés.
Réponses d’Arnaud Montebourg :
« Merci pour ce tour de table tout à fait éclairant et interrogatif et c’est normal : nous imaginons de nouvelles politiques, nous voulons les mettre en oeuvre avec toute l’efficacité possible.
Beaucoup a été dit sur le crédit d’impôt, je vais en dire un mot.
Qu’est-ce que le crédit d’impôt ? C’est un droit de tirage que la nation offre aux entreprises avec un certain nombre de contreparties derrière pour que celles-ci puissent réduire leurs coûts de production dans la compétition européenne et mondiale d’ailleurs ; donc c’est un acte de survie économique qui, pour nous, doit se traduire par des investissements supplémentaires, de la croissance pour les entreprises et des emplois. Rien ne serait pire si la nation, dans un acte historique, décidant de réunir 20 milliards de ses ressources, y compris prélevées sur la population vous l’avez compris, ne se traduisait pas par un redressement productif. Donc c’est un outil politique pour le redressement de notre industrie.
Un certain nombre de questions sont posées :
Est-ce que ce n’est pas trop compliqué : ça c’est plutôt ce qu’on nous dit du côté des employeurs. C’est un crédit d’impôts : ça veut dire que vous y avez droit même si vous ne gagnez pas d’argent et même si vous ne payez pas d’impôts. C’est un avantage. On nous dit : « oui mais quelles sont les contreparties ? » : la première des contreparties, c’est que vous allez en discuter avec les organisations syndicales dans l’entreprise en comité d’entreprise. Qu’est-ce que vous faîtes de cet argent, des 6% de baisse de la masse salariale, l’équivalent ? Le Comité d’Entreprise va en discuter avec vous. Nous on ne veut pas, le Gouvernement ne souhaite pas que cela aille dans les dividendes ; nous souhaitions que ça aille dans l’investissement, dans l’augmentation des capacités productives, la robotisation et donc derrière la croissance et l’emploi. Quelles sont les contreparties que nous allons demander ? Le débat parlementaire est ouvert. Le 1er ministre est venu devant le groupe des députés socialistes, il a dit : « le Gouvernement fait une proposition, il va y avoir un débat.» Comme ministre chargé du redressement productif, moi, je vais réunir mes filières et je vais leur dire : les filières qui sont performantes, qui gagnent de l’argent, qui sont aujourd’hui à l’attaque et prennent des positions positives, je vais leur dire : « qu’est-ce que vous pouvez faire pour la France parce que la France vient de faire beaucoup pour vous ? Vous allez relocaliser des activités sur le territoire national. » Beaucoup sont partis loin, maintenant on va regarder avec les organisations syndicales dans les comités d’entreprise « tiens ça c’est parti au Vietnam ; tiens, ça c’est parti en Roumanie, ça c’est parti au Maghreb, tiens ça s’était là, pourquoi c’est plus là ? Si on baisse de 6%, on peut demander le retour ; ça, ça va être ma politique, filière par filière.
Donc voilà les éléments qui sont sur la table de ce pacte ; si c’est un pacte, c’est incontournable alors on me dit « oui, mais est-ce que la taxe professionnelle rentre dedans ? » C’est un tout ; de toutes façons cela concerne l’impôt sur les sociétés, mais si vous ne payez pas d’impôts parce que vous ne gagnez pas d’argent, vous avez droit à un crédit, donc ça concerne finalement la rentabilité de l’entreprise. Pourquoi nous avons fait ça ? Pour bien comprendre : les marges dans le secteur manufacturier se sont effondrées. Que ce soit les petites entreprises, les entreprises de taille moyenne ou même les grandes entreprises qui opèrent sur le territoire national. Je ne parle pas du secteur des services qui se porte finalement correctement. Je ne dis pas que c’est toujours formidable mais dans le secteur des services, les marges ont été épargnées ; elles n’ont pas été abimées par la crise. Dans le secteur manufacturier - et s’il y a bien un secteur qui porte bien ce nom, c’est le textile ! - là, il y a eu effondrement. On les reconstitue ; nous ne voulons pas que cette reconstitution des marges serve une autre cause que la cause de la croissance, de l’investissement et l’emploi.
Voilà je voulais répondre à certaines de vos questions.
Vous avez posé la question, qui est dans le pacte, de la commande publique. Je vais vous dire : nous avons une vision de l’achat public qui est naïve et notre évolution dans ce pacte, c’est d’abord d’instaurer un nouveau droit qui va permettre de favoriser l’innovation, les clauses locales, donc les PME, et donc d’avoir une nouvelle politique d’achats publics. Moi j’en ai assez et d’ailleurs je viens de nommer un médiateur de la commande publique et des marchés publics parce que nous avons un afflux de plaintes de PME en France qui en ont assez de perdre des marchés publics parce qu’évidement tous ceux qui délocalisent leur production à 2 000 ou 10 000 km sont favorisés par rapport à ceux qui restent des patriotes à produire sur le territoire ; donc on a quand même un tout petit problème, donc on ne peut pas nous-mêmes organiser à coups d’argent public le « garnissement » des carnets de commandes de ceux qui sont les moins patriotiques. Voilà, c’est une position gouvernementale ; nous commençons à rédiger un autre droit de la commande publique bruxello-compatible. Voilà, moi je n’ai pas la « bruxellose », personnellement, je ne pense pas que nous avons besoin d’être les bons élèves de la classe libérale européenne. Nous avons besoin, d’abord, de défendre l’industrie et l’économie ; ça tombe bien ! Le Commissaire européen à l’industrie vient de dire qu’il faut que 20 % de notre richesse nationale soit consacrée à l’industrie d’ici 2020. Je dis : il va falloir que vous révisiez sérieusement un certain nombre de politiques européennes. Pour cela, on va vous en demander les moyens et parmi ceux-là, il y a le fait qu’avoir décidé d’ouvrir les appels d’offres européens aux vents mondiaux a pour conséquence, finalement, de détruire une partie de nos capacités productives donc là aussi nous allons faire mouvement. Nous allons le faire disons de façon raisonnable et responsable, mais nous allons le faire de façon significative.
Certains d’entre vous ont évoqué les pôles de compétitivité et les évaluations : moi, je ne suis pas favorable à ces évaluations données à des cabinets privés qui travaillent sur des analyses multicritères opaques et invisibles. Ça c’était la politique de mes prédécesseurs. Nous sommes pour faire des évaluations mais nous préférons travailler avec les acteurs pour les amener à bouger si on juge qu’il y a un problème par rapport à ce qu’est un pôle de compétitivité mais en même temps nous n’avons pas, nous, dans nos têtes, les canons idéaux de ce que doit être un pôle de compétitivité parce qu’un pôle de compétitivité, c’est un écosystème, c’est des gens qui font des choses ensemble. Donc, de quel droit on devrait les juger ? Evidemment, il faut qu’il y ait des résultats mais à quoi on juge des résultats ? Comme vous le dites, c’est de la semence sur le long terme, comme dans les entreprises et donc on a besoin de temps, on a besoin de réfléchir ensemble. Donc, nous allons faire évoluer la méthode d’évaluation et nous n’accordons qu’un très faible crédit à ce qui a pu être écrit ; le Gouvernement soutient les pôles de compétitivité quels qu’ils soient et vous pouvez, de ce point de vue-là, considérer que d’ailleurs les arbitrages budgétaires ont été rendus pour la loi de finance actuelle en ce sens puisque le budget des pôles de compétitivité dont j’ai la charge a été reconduit, même si le ministère du budget cherchait quelques économies à réaliser. J’ai dit que le redressement productif devait passer avant toute autre considération.
Vous avez évoqué le point important de la politique de la mondialisation : qu’est-ce que l’union européenne fait dans le système des échanges internationaux avec une montée du protectionnisme dans le monde entier pendant que l’Europe continue, elle, à avoir la même politique naïve d’ouverture au monde ; bref, l’Europe serait le village « des bisounours » pendant que le reste du monde se réarme.
Bon cette naïveté, elle est au coeur du débat européen : je dois vous indiquer d’ailleurs que comme ministre chargé de l’industrie et donc animant, au nom de la France, le conseil dit de compétitivité, qui est l’équivalent du Conseil Ecofin qui traite des malheurs de la zone euro, des problèmes de la Grèce etc… il y a le conseil des ministres de l’industrie et a été évoquée la question de savoir comment nous allions faire de la priorité industrielle, la priorité de toutes les autres politiques européennes. Et avec l’aide de 13 autres états membres, nous avons obtenu que nous puissions commencer à ouvrir la révision de toutes les politiques européennes :
- politique de la concurrence, qui consiste à mettre la concurrence en tout et y compris dans des secteurs où nous avons besoin de préserver nos appareils productifs, nous les européens.
- politique commerciale l’ouverture à la mondialisation déloyale sans limite : l’entrée de la chine en 10 ans dans l’organisation mondiale du commerce, sans aucune contrepartie, a eu pour conséquence la destruction de l’industrie textile européenne et les survivances que vous connaissez ici, que l’Italie connait un peu, dans certains pays du nord de l’union, sont des actes de résistance héroïques par rapport à ce qu’a été le dumping économique, commercial, social, environnemental de la puissance asiatique montante. Qu’est-ce que fait l’Europe ? Elle a des instruments de défense commerciale qui sont d’une grande componction par rapport à la brutalité des mêmes instruments américains : les américains nous interdisent ; ils mettent 250 % de droits de douane, ils vont discuter après devant les tribunaux pendant 10 ans ; nous on discute gentiment autour d’une tasse de thé ou d’un verre de bordeaux pendant 10 ans et après on décide de ne rien faire. Donc, notre choix, la France défend une musculation des outils de protection de l’Union Européenne. Dans le secteur des panneaux photovoltaïques, la France soutient la stratégie de la commission européenne. Dans le secteur des importations de véhicules coréens, la France a demandé, elle n’y est pas parvenu pour l’instant car il faut lutter contre le libéralisme dans les têtes, a demandé la mise sous surveillance des véhicules Hyundai, Kia en raison d’actes de dumping. Dans les secteurs d’un certain nombre de biens de consommation grand public nous demandons en permanence des mesures à la commission. L’intensification de l’activité de juste échange, c’est-à-dire de mise à niveau et de réciprocité des états membres, commence à se faire sentir. Donc j’invite les professionnels à ne pas considérer cette affaire, cette activité de protection de nos outils industriels comme vaine, et donc de saisir le Gouvernement lorsqu'il est nécessaire de le faire. Le Gouvernement, dans un certain nombre de domaines que je ne peux pas citer publiquement à ce stade, a pris des initiatives sous mon impulsion, pour que la commission européenne commence à examiner et mettre sous surveillance un certain nombre de flux en provenance de pays émergeants, ne respectant pas les règles du commerce international. Donc je vous invite à nous saisir des mesures de déloyauté que vous seriez amenés à constater sur les marchés car nous ne manquons jamais une occasion de mettre la commission européenne devant ses responsabilités, ni nos collègues membres de l’ensemble des états de l’union.
Je voudrais enfin dire un mot des problèmes de financement : la Banque Publique d’Investissement est un outil qui est en train de naître ; lorsqu’on me demande ce que c’est, je dis « eh bien, écoutez c’est simple, la banque publique d’investissement, c’est une mesure de concurrence déloyale par rapport au système financier et bancaire qui n’a pas fait son travail ces dernières années ; concurrence déloyale parce qu’avec de l’argent public, nous allons faire autrement ; nous allons faire moins cher, nous allons faire plus patient. Le système financier, aujourd’hui, finance avec beaucoup de gourmandise et beaucoup d’impatience ; moi, je me souviens ce que racontait Louis Gallois lorsqu’il a pris la tête d’Airbus. Il a dit : « pendant 6 ans après la fondation d’Airbus, on n’a pas vendu un avion, les ingénieurs se rongeaient les ongles ; y-avait-il des banquiers pour payer à l’époque ? Oui, ils payaient, ils attendaient. » Aujourd’hui vous ne trouverez pas un seul banquier, un seul fond de la « private equity » - d’ailleurs quelle « equity » ? On pourrait en parler - pour financer tout ça. Notre souhait est donc d’avoir une autre doctrine d’orientation et d’utilisation dans le financement des entreprises sur les fonds propres, sur les besoins de fonds de roulement, sur la trésorerie ; bref et donc, d’avoir une alternative au marché financier et bancaire. C’est par ailleurs, Martine a raison de le rappeler, c’est une banque de terrain, sur le terrain, à vos côtés, avec les Régions, vous pourrez aller les voir à Lille et pas besoin d’appeler Paris, le Ministre-ci, le Sous-Ministre-ça : vous aurez accès aux financements de cette manière.
C’est un choix de crise dans une période où le système financier s’est replié sur lui-même et a abandonné l’économie industrielle. Si nous voulons redresser, reconstruire l’industrie, nous avons besoin de financer cette reconstruction. C’est la banque de la reconstruction de l’industrie la B.P.I : vous êtes évidemment les bienvenus et là, comme vous disiez « time to market », je ne connais pas bien tout ce langage mais j’ai compris que vous aviez besoin de patience. Un prix Nobel de l’économie a dit que le système financier était le triomphe de la cupidité ; il est vrai que nous instaurons la victoire de la modération.
Les coûts de production dont nous avons parlé, c’est le sens du pacte de compétitivité dans 3 sujets, 3 facteurs de production :
- la rémunération du capital : quand elle est excessive, elle est trop gourmande, elle détruit de l’industrie,
- le prix de l’énergie : quand elle est trop élevée, les entreprises fuient et délocalisent,
- le coût du travail dont on a parlé mais surtout non pas des salaires mais le financement de la protection sociale qui est dans notre pays acquis sur le travail, l’embauche, l’emploi, le salaire. C’est un choix historique, c’est un point de handicap. C’est un peu d’ailleurs la CSG, le débat sur la CSG ou les cotisations, c’est ce débat-là.
L’ensemble de ces éléments-là, c’est que nous devons travailler sur les 3 :
- prix de l’énergie, c’est un atout de compétitivité gardons la,
- prix du capital, faisons baisser : nous créons la B.P.I, concurrence déloyale.
- L’affaire du financement de la protection sociale : nous respectons les partenaires sociaux car eux-mêmes discutent en ce moment de la manière dont ils voient les choses pour que cela évolue. Mais la nation fait un effort pour diminuer les coûts de production.
C’est le sens de la mobilisation de la nation toute entière autour de l’objectif de reconstruction de notre industrie.
Nous voudrions que tout le monde s’y retrouve : les salariés, les citoyens, les territoires, les entrepreneurs. C’est un nouveau modèle économique que nous sommes en train de construire. Avant, on avait le modèle libéral financier : libéral, vous avez le droit de tout faire, même n’importe quoi ; financier, seul prime et compte l’argent et la rentabilité financière.
Là, nous inventons un nouveau modèle, le modèle :
- entrepreneurial, ce que vous faîtes ici,
- innovant, ce que vous faîtes
- et patriotique parce qu’on est tous ensemble.
Vive le CETI,
Vive la Région Nord Pas-de-Calais et sa créativité et ses élus
et vive la République
et vive la France : voilà ! »
source http://r3ilab.fr, le 5 mars 2013