Interview de M. Jérôme Cahuzac, ministre du budget, à "RTL" le 27 février 2013 sur la situation politique de l'Italie, sur le maintien des efforts budgétaires en France.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Jérôme CAHUZAC.
JEROME CAHUZAC
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
L’Italie, d’après les élections législatives, semble ingouvernable, faut-il redouter une nouvelle crise de l’euro ?
JEROME CAHUZAC
Une crise de l’euro non, car on voit bien, et Alba VENTURA vient de l’indiquer, c’est une crise politique qui menace l’Italie, pour des raisons institutionnelles. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont le même pouvoir, et chacune de ces deux chambres peut faire tomber le gouvernement. Or le centre gauche est majoritaire à l’Assemblée, mais ne l’est pas au Sénat. Leurs institutions sont celles que nous avions sous la IIIème République. La France a tiré la leçon….
JEAN-MICHEL APHATIE
Merci DE GAULLE ?
JEROME CAHUZAC
Merci, pardonnez-moi, merci les Français qui ont approuvé la constitution que le Général DE GAULLE leur a proposée, et qui garantit à notre pays une stabilité politique, celle que les Français ont votée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans ce vote des Italiens, il y a un refus de la politique d’austérité, Beppe GRILLO qui fait un quart de l’électorat dit « il faut en finir avec l’euro ». Il n’y a quand même pas que des éléments institutionnels, il y a aussi des éléments politiques. Ils nous regardent, on a un peu les mêmes débats chez nous, et donc on peut, certains disent, une crise de l’euro est possible.
JEROME CAHUZAC
Moi je crois qu’il faut tirer deux enseignements de ces élections italiennes avec prudence car malgré tout le scrutin est encore récent. Le premier enseignement est que la France par la voix de François HOLLANDE avait raison de demander aux Allemands un budget de relance, lorsqu’il s’est agit d’élaborer le budget européen. Le projet européen est un projet initialement protecteur, enthousiasmant, un projet de paix. C’est devenu ou en tout cas c’est la perception que les Italiens semblent en avoir, eu le sentiment, c’est devenu un projet punitif, répressif, incarné par Mario MONTI ; et donc deuxième enseignement, je crois que les pays qui se sont trop endettés, l’Italie, l’Espagne, bien sur la France, peut-être avez-vous vu d’ailleurs il y a quelques jours Edouard BALLADUR indiquer que ces dix dernières années la droite avait manifesté une indifférence coupable à l’égard des déficits. Donc il faut procéder à l’ajustement budgétaire mais je crois qu’il faut le faire avec discernement, en comprenant ce que sont les efforts que l’on demande à nos concitoyens. Mario MONTI, vous l’avez dit, avait l’appui de la Commission des marchés, mais la politique qu’il a menée n’était peut-être pas suffisamment compréhensive à l’égard des souffrances que les Italiens ont eu à endurer ou à supporter, les efforts qui leur ont été demandés, et ça c’est la deuxième leçon. Je pense qu’on a raison en France, en 2013, et en dépit d’un objectif de déficit qui ne sera pas de 3 % on a raison de ne pas demander d’effort supplémentaire soit en économie, soit en impôt.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les Italiens ont dit qu’ils n’étaient pas d’accord avec la politique imposée par les marchés, ça c’est Arnaud MONTEBOURG qui parle votre collègue, madame MERKEL ne peut diriger seule l’Europe. Vous êtes d’accord avec Arnaud MONTEBOURG ?
JEROME CAHUZAC
Je n’aurais pas dit les choses comme cela car en France ce ne sont pas les marchés, ce n’est pas madame MERKEL, ce n’est pas la Commission qui nous impose cette politique, c’est un choix consenti librement par le gouvernement français, en responsabilité devant le Parlement et en ayant des comptes à rendre à nos concitoyens, au peuple. Et c’est un choix qui est fondé sur un constat très simple : à ce niveau d’endettement, 90 %, c’est la souveraineté nationale qui est aliénée. Il faut retrouver notre souveraineté nationale…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ça passe par la rigueur !!
JEROME CAHUZAC
Et ça passe par l’ajustement budgétaire, c'est-à-dire par des efforts rudes cette année, probablement rudes l’année prochaine, rudes, mais des efforts qui doivent être demandés avec discernement, avec discernement, ce que probablement monsieur MONTI n’a pas fait en Italie. Il faut demander ces efforts avec discernement en sachant jusqu’où on peut aller trop loin, en 2013. Le Premier ministre et le président de la République ont eu raison je crois de décider qu’il ne fallait pas demander d’effort supplémentaire car cette année est déjà très dure pour nos concitoyens.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour 2013, mais pour 2014 – vous l’avez déjà dit - il faut trouver des recettes supplémentaires, vous parliez de 6 milliards, et c’est peut-être une hypothèse basse.
JEROME CAHUZAC
Non, cette présentation, enfin je comprends que vous la fassiez, mais elle n’est pas rigoureusement exacte ni factuelle. Nous aurons en 2014 a priori le même montant de recette à demander à nos concitoyens, or d’une année sur l’autre, certains impôts baissent, d’autres montent. Il se trouve et on le savait dès le vote du budget à l’Assemblée et au Sénat, on savait qu’en 2014 des recettes perçues en 2013 ne seraient plus perçues en 2014. Alors on n’en est pas à demander ou à solliciter ou à envisager une augmentation d’impôt en 2014, mais on n’en est pas non plus – je ne regrette mais c’est ainsi – à envisager une baisse des impôts. Et pour que les impôts ne baissent pas, il faut maintenir le niveau de recette de 2013. Je n’ai rien voulu dire d’autre que cela en parlant de ces 6 milliards.
JEAN-MICHEL APHATIE
La baisse des impôts, on imagine qu’on ne la verra pas. Une hausse des impôts, donc 6 milliards pour compenser, on a compris votre raisonnement, Jérôme CAHUZAC.
JEROME CAHUZAC
Avec un montant d’impôt qui reste identique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pourriez dire ce matin, vous vous engagez là-dessus, il n’y aura pas d’augmentation des impôts pendant le budget 2014 ?
JEROME CAHUZAC
Ce à quoi je vais m’engager devant vous, ça a déjà été dit, c’est que les efforts porteront d’abord sur les économies. D’ailleurs je proposerai au président de la République et au Premier ministre en loi de finance initiale pour 2014 un projet de budget qui mettra en évidence une baisse en valeur absolue des dépenses de l’Etat…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous ne vous engagez pas sur une absence de hausse des impôts ?
JEROME CAHUZAC
Ca, ça ne s’est pas fait souvent. Ce à quoi je m’engage c’est à faire autant d’économie qu’il est possible de faire pour éviter les hausses d’impôt.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et on a entendu sur quoi vous ne vous engagez pas. La potion amère on en est qu’au début ?
JEROME CAHUZAC
Je ne m’engage pas non plus Jean-Michel APHATIE à ce qu’il fasse beau tous les jours. Mais ce n’est pas pour autant qu’il fera mauvais tous les jours l’année prochaine.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, mais ce n’est pas pour autant qu’il fera beau tous les jours. Et voilà. On en est qu’au début de la potion amère, maintenant c’est la réforme des retraites qui approche. Ecoutez ce que disait Henri EMMANUELLI.
HENRI EMMANUELLI
La biologie fait qu’il faut quand même se poser la question de la durée de cotisation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il a raison, il faut se poser la question de la durée des cotisations, pour la réforme des retraites.
JEROME CAHUZAC
Cette question n’est pas nouvelle. On sait très bien que l’allongement de l’espérance de vie, c’est ce que Henri EMMANUELLI évoque en parlant de la biologie, l’allongement de l’espérance de vie on le sait, c’est d’ailleurs une forme de consensus non seulement politique mais également avec les partenaires sociaux, l’allongement de l’espérance de vie doit se partager entre le temps travaillé et le temps retraité. Et donc Henri EMMANUELLI parle de biologie et de durée de cotisation, il ne fait que confirmer ce que le parti socialiste lui-même avait dit…
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand ?
JEROME CAHUZAC
Il y a deux ans, il y a trois ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui, pas en 2010. En 2010 le parti socialiste disait l’inverse.
JEROME CAHUZAC
Non, je ne suis pas d’accord avec vous….
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah bon ! Il était pour un allongement de la durée des cotisations le parti socialiste ?
JEROME CAHUZAC
Le parti socialiste est opposé au report de l’âge légal de prise de retraite, de 60 à 62, et de 65 à 67, car ça c’est d’une férocité folle, notamment à l’égard …
JEAN-MICHEL APHATIE
L’âge légal sous entend l’augmentation de la durée des cotisations.
JEROME CAHUZAC
C’est un tout petit peu différent, parce que parler de l’allongement de la durée de cotisation, c’est tenir compte de ceux qui ont commencé à travailler très jeune, en général avec des métiers très durs, très pénibles, et souvent très mal rémunérés. Et donc quand on parle d’allongement de la durée de cotisation, on veut simplement dire ce qui a toujours été dit, l’allongement de l’espérance de vie doit se partager entre le temps travaillé et le temps retraité. Et ça je crois que c’est une pétition de bon sens.
JEAN-MICHEL APHATIE
43 900 chômeurs supplémentaires au mois de janvier, c’est la fin de l’idée fausse que la courbe du chômage s’inverse avant 2013 ?
JEROME CAHUZAC
Cet objectif reste le même, Michel SAPIN, qui a d’ailleurs d’une certaine manière, présidé un accord historique entre partenaires sociaux, un accord qu’on n’avait jamais vu, Michel SAPIN se bat avec une énergie absolument admirable contre ce que aujourd’hui nous constatons, c'est-à-dire une aggravation du chômage. Beaucoup de moyens sont déjà ou seront consacrés par l’Etat pour lutter contre le chômage. En début d’année j’ai procédé à un surgel de 2 milliards d’euros car nous savons que nous allons avoir des dépenses supplémentaires pour traiter le chômage en France. Et Michel SAPIN a eu raison de demander des budgets supplémentaires.
JEAN-MICHEL APHATIE
La courbe ne s’inversera pas en 2013, il faut en convenir quand même.
JEROME CAHUZAC
Je ne vous dirais pas ça aujourd’hui parce que je ne veux pas à aucun moment donner l’impression que le gouvernement se démobiliserait d’une manière ou d’une autre. Nous avons nous toujours l’espérance de respecter cet engagement du président de la République. Je pense que nous y parviendrons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une question personnelle, Jérôme CAHUZAC, la justice tente actuellement de déterminer le propriétaire de la voix qui sur un enregistrement datant de 2000, s’inquiète du sort donc d’un compte qu’il possèderait en Suisse, cette voix est-elle la votre Jérôme CAHUZAC ?
JEROME CAHUZAC
Elle n’est pas la mienne, car elle ne peut pas être la mienne puisque je n’ai pas et n’ai jamais eu le compte qu’on m’accuse d’avoir détenu. Je vous ferais simplement observer que des documents je crois décisifs ont été obtenus par l’administration française, ces documents sont en possession de la justice.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous les avez vus ?
JEROME CAHUZAC
Le droit ne me permet pas de les voir, mais en revanche le droit commandé que mes avocats soient informés que toutes les réponses avaient été données à toutes les questions que l’administration avait posées. La justice est en train d’enquêter. Comment vous dire, Jean-Michel APHATIE, vous me voyez inquiet ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Jérôme CAHUZAC, la voix cassée, mais ça c’était…
JEROME CAHUZAC
La voix cassée oui…
LAURENT BAZIN
C’était Angleterre-France, la voix cassée, vous avez trop crié ?
JEROME CAHUZAC
Angleterre-France a été un match de rugby incertain, c’était un beau match de rugby, mais l’arbitre a toujours raison, ça je ne dirais jamais le contraire…
LAURENT BAZIN
Oui mais le sifflet…
JEROME CAHUZAC
Mais c’est quand même difficile de gagner quand on est arbitré par un monsieur qui nous avait déjà arbitrés en finale de la coupe du monde. S’il avait arbitré en finale de la coupe du monde, la zone plaqueur-plaquée, comme il a arbitré le Angleterre-France, je pense qu’on aurait gagné la coupe du monde.
LAURENT BAZIN
On refait le match.
JEROME CAHUZAC
Voilà, on refait le match.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 mars 2013