Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur les filières de l'apprentissage et de l'alternance et la situation économique, Gaillard (Haute Savoie) le 13 mars 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 3ème journée de l'alternance et de l'apprentissage à Gaillard (Haute Savoie) le 13 mars 2013

Texte intégral


Je suis particulièrement heureux d’être parmi vous aujourd’hui à l’occasion de ce salon de l’alternance et de l’apprentissage, dont on me dit qu’il a d’ores et déjà rassemblé beaucoup plus de monde que l’an passé.
C’est d’ailleurs une constante dans ce type d’initiative. Je me suis rendu dans plusieurs salons de l’alternance ces dernières semaines, notamment à Chambéry et à Paris, et partout on me dit : il y a plus de monde que l’an dernier ! Sans doute, l’inquiétude à l’égard de l’avenir y est-elle pour quelque chose : les familles mettent dans l’orientation de leurs enfants beaucoup d’enjeux… je dirais même beaucoup de pression ! Hélas, trop souvent, elles y mettent aussi beaucoup de préjugés, notamment sur les filières d’alternance.
C’est pour cela qu’il est important que des jeunes visitent ce salon. Je pense en particulier aux collégiens et aussi à leurs parents qui peuvent avoir une mauvaise vision des filières de formation en alternance alors qu’elles sont de réelles voies de réussite.
Des initiatives telles que la vôtre sont donc précieuses.
Oui, l’apprentissage est une voie d’excellence, à parité de dignité avec les autres voies qui lui sont complémentaires.
Il en est ainsi pour tous les niveaux de formation, pour tous les types de métiers auxquels l’apprentissage prépare. Et tous ces métiers sont d’une égale noblesse. Je participais la semaine dernière à la remise des médailles des Meilleurs Apprentis de France au Sénat.
Quelle fierté dans le parcours de ces jeunes, dans leurs regards, dans leur expertise ! Et quelle diversité de leurs savoir-faire : fleuristes, bouchers, photographes, décorateurs, coiffeurs, sculpteurs, maçons… c’est extrêmement varié. Voilà, aussi, ce qu’un salon comme le vôtre peut donner à voir : ces parcours exemplaires, ces jeunes qui tombent amoureux de leur métier.
Le « métier », tel est justement le maître mot de l’apprentissage. Les jeunes qui s’engagent dans ces filières le font, bien souvent, non par choix d’une « formation » mais pour « apprendre un métier ». C’est essentiel et c’est ainsi que nous continuerons d’attirer toujours davantage vers l’apprentissage.
Je sais que votre salon d’aujourd’hui est un temps fort d’une action menée en continu tout au long de l’année notamment par la Mission locale, Pôle Emploi, les services de l’Etat, mais aussi par votre dispositif « Le But vers l’Emploi » qui s’appuie lui-même sur un Point d’Information Jeunesse dynamique.
En somme, on peut dire que tout le monde s’y met et c’est bien le moins que l’on puisse faire dans cette période difficile pour les jeunes, les demandeurs d’emploi, les familles et les entreprises.
Dans les années qui viennent, nous avons en effet à résoudre le grave problème du chômage, en particulier celui des jeunes dépourvus de toute qualification à l’issue de leur parcours scolaire, ce qui est le cas de 130 000 d’entre eux chaque année.
On pourrait considérer que la situation de l’emploi en Haute-Savoie est plus favorable – ou moins défavorable – que sur l’ensemble du territoire puisque le taux de chômage, qui s’élève à 7,6 %, y est inférieur de plus de 2 points au taux national.
Mais la situation est toutefois difficile dans certains territoires. C’est le cas de la Vallée de l’Arve dont le taux de chômage frôle aujourd’hui 11 %. Je me félicite donc que le projet « Vallée de l’Arve » ait été retenu au plan national parmi les 13 plates-formes territoriales d’appui aux mutations qui permettront de renforcer le travail d’anticipation dans les démarches d’adaptation et d’élévation des compétences sur les emplois et les métiers dont les entreprises et l’économie ont besoin.
La situation est difficile aussi pour les jeunes dont le taux de chômage s’est accru cette même année de près de 13 %, et même de 17 % pour les jeunes hommes.
Mais s’agissant des jeunes, je vois des signes d’espoir tangibles, notamment sur le registre de l’alternance, sur lequel la Haute-Savoie a fait aussi mieux que la moyenne.
Vous me permettrez de rappeler à ce sujet qu’au printemps dernier, une rumeur persistante s’était répandue, selon laquelle l’année 2012 serait une année catastrophique pour l’apprentissage. Cela ne partait pas de rien, il faut le reconnaître : le contexte économique étant très morose, on pouvait effectivement craindre sinon un effondrement, du moins un tassement sensible du nombre d’entrées en apprentissage.
Eh bien il n’en a rien été !
Le nombre de contrats d’apprentissage enregistrés du 1er janvier au 31 décembre 2012 s’est élevé très exactement à 297 768, soit une progression de 1 % par rapport à 2011. Et en Haute-Savoie, la croissance a atteint 3,1 %. Félicitations !
Vous pourriez me dire qu’il n’y a pas là particulièrement matière à s’enthousiasmer.
Je me réjouis toutefois de ce résultat, car il montre qu’en dépit des difficultés parfois lourdes qu’elles rencontrent, les entreprises continuent de préparer l’avenir. C’est le cas tout particulièrement des plus petites : je rappelle en effet que 77 % des apprentis sont embauchés par des entreprises de moins de 50 salariés, et 57 % dans des entreprises de moins de 10 salariés, principalement artisanales.
Les entreprises continuent donc très majoritairement de faire confiance aux jeunes et de vouloir transmettre le flambeau. J’y vois un signe d’espoir qui doit nous encourager à poursuivre nos efforts.
Alors il faut continuer d’agir sans relâche pour développer l’alternance et l’apprentissage.
Comme vous le savez, le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi a fixé l’objectif de faire progresser le nombre d’apprentis dans notre pays de 435 000 actuellement à 500 000 d’ici 2017. Au vu des résultats de l’année 2012, c’est un objectif raisonnable, réaliste, atteignable si tous les partenaires se mobilisent : les entreprises, les organisations professionnelles et consulaires, tous les prescripteurs et bien entendu les CFA eux-mêmes.
Je reçois en effet de trop nombreux courriers de parents et de jeunes désespérés qui ont trouvé une place dans un centre de formation mais ne trouvent pas d’entreprise et de contrat d’apprentissage. Je ne m’y résous pas.
Le succès de l’apprentissage nous oblige tous et on ne peut laisser la responsabilité de trouver l’entreprise sur les seules épaules des familles et des jeunes car alors celles et ceux qui n’ont aucun réseau familial ou social resteront durablement exclus de cette voie de réussite.
Je compte aussi sur l’action des développeurs de l’apprentissage dont j’ai décidé de renouveler le financement pour 2013.
23 d’entre eux sont implantés en Région Rhône-Alpes et ont vu ainsi confortées leurs missions au service de la recherche de contrats d’apprentissage, y compris dans des secteurs qui y recourent encore trop peu.
Je compte beaucoup également sur le tout nouveau contrat de génération dont j’entends dire trop souvent qu’il risque de concurrencer les contrats en alternance alors qu’il constitue au contraire un levier de leur développement. En effet, l’entreprise qui recrute un jeune en contrat de professionnalisation CDI ou bien qui embauche en CDI un jeune au terme de son contrat d’apprentissage chez elle pourra comptabiliser ces deux recrutements au titre du contrat de génération et bénéficier des avantages qui en découlent.
Le Président de la République a signé la semaine dernière à Blois les premiers engagements relatifs à ce nouveau contrat. Et trois des signataires sur quatre étaient justement des jeunes qui achèvent un contrat en alternance.
Je constate aussi que malgré les doutes qui s’expriment souvent, les emplois d’avenir montent en charge. C’est le cas aussi en Haute-Savoie : je signerai d’ici ce soir des conventions sur ce registre. Je tiens d’ailleurs à souligner ici l’engagement de Madame le Maire de Gaillard qui embauche 7 jeunes, ce qui est un bel engagement pour une commune de taille modeste.
Je crois donc pouvoir dire que la priorité Jeunesse fixée par le Président de la République est aujourd’hui la priorité de tous, et je m’en félicite, car c’est une nécessité vitale pour l’avenir du pays tout entier.
Cette priorité Jeunesse passe aussi par l’amélioration des conditions de vie des alternants et en particulier des apprentis.
Je suis très sensible à cela, car je crois que l’on ne peut pas se préoccuper de l’avenir de l’apprentissage sans se soucier des conditions de vie et de travail des apprentis. Une partie significative d’entre eux vit dans des conditions sociales, familiales et financières difficiles qui sont souvent un frein à la conclusion de contrats, mais aussi l’une des causes de certaines ruptures.
Je sais que la plupart des CFA développent avec un soin toujours plus grand des actions d’accompagnement individualisé des apprentis, sur le plan pédagogique bien sûr, mais aussi sur tous les registres de leur vie quotidienne. Je les encourage à amplifier encore leur action dans ce domaine, en pensant particulièrement aux problèmes de transport et d’hébergement. En effet, un apprenti est souvent écartelé entre trois lieux de vie : son domicile familial, son CFA et son entreprise… lesquels sont rarement dans la même ville ni même en proximité. Cet écartèlement induit des coûts importants, difficiles à supporter pour un certain nombre d’apprentis.
Et c’est pourquoi j’attache une grande importance au développement des projets de l’action « formation en alternance et hébergement » du programme des investissements d’avenir, déployé par la Caisse des dépôts et consignations, et qui a déjà permis la mobilisation de près de 240 M€ pour la mise en œuvre de 56 projets innovants qui génèreront 12 000 places de formation supplémentaires pendant que 4 000 places d’hébergement seront construites, reconstruites ou rénovées.
Il nous faut tous ensemble conforter tout cela.
C’est pourquoi un projet de loi est en préparation qui comportera un important volet apprentissage, avec 3 grands objectifs :
- Augmenter le nombre d’apprentis, donc l’offre de contrats, en particulier dans les secteurs où l’apprentissage est peu développé : je pense notamment aux collectivités territoriales, à l’économie sociale
- Améliorer la qualité de l’apprentissage pour lutter contre les ruptures de contrats, en confortant les missions des CFA à cet égard, ainsi que le rôle des maîtres d’apprentissage
- Rendre plus lisibles, plus efficaces et plus équitables les modalités de répartition et de collecte de la taxe d’apprentissage, pour favoriser un développement de l’apprentissage harmonieux à tous les niveaux, en portant une attention toute particulière aux premiers niveaux de qualification. La part des apprentis visant le niveau V (CAP / BEP) a eu en effet tendance à régresser ces dernières années, passant de 49 % en 2009 à 45 % aujourd’hui pendant que celle des apprentis visant les niveaux bac + 2 et au-delà progressait de près de 4 %.
Tous ces grands objectifs ont fait l’objet d’une très large consultation avec l’ensemble des nombreux acteurs concernés : Chambres consulaires, partenaires sociaux, Régions…
J’ai constaté que tous les acteurs sont ouverts au débat dans un esprit constructif. Je fonde donc légitimement l’espoir que chacun saura faire vers l’autre les pas nécessaires pour que l’on puisse déboucher sur une réforme significative de l’apprentissage qui contribuera à une meilleure insertion professionnelle des jeunes. Il ne s’agit évidemment pas de « jouer » l’apprentissage contre les autres voies de qualification car elles sont toutes - je l’ai dit - d’une égale dignité et complémentaires.
Il s’agit au contraire de faire en sorte que chaque jeune puisse trouver une solution - sa solution - pour cultiver et développer ses capacités, construire son avenir professionnel et donc sa vie.
L’emploi des jeunes, de tous les jeunes, est une urgence sociale, sociétale. Je salue donc la contribution de tous les acteurs mobilisés ici aujourd’hui à la construction de l’avenir de notre jeunesse et donc de celui du pays tout entier.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 19 mars 2013