Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le management en entreprise et les relations entre les chefs d'entreprise et les DRH, Paris le 28 mars 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Remise des trophées des binômes manager/DRH à Paris le 28 mars 2013

Texte intégral


Merci de votre invitation, je suis heureux de me joindre à la conclusion de votre cérémonie.
Ce n’est pas la première fois que je viens « officier » en pareilles circonstances et j’espère que l’on ne finira pas –avec le temps- par me prendre pour le Président des comices agricoles de Madame Bovary qui vient annoncer les lots !
Car il faut bien reconnaître que nos hôtes, Edgar Added et tout RH&M, ne manquent pas d’imagination en la matière !
Vous le savez, un agenda de ministre est bien chargé et c’est une parfaite excuse pour décliner poliment une invitation. J’ai pourtant tenu à être parmi vous ce soir.
Pourquoi ? Car je crois -comme vous tous ici- que le tandem que forment le dirigeant d’une entreprise et son DRH est absolument décisif dans la marche d’une entreprise, pour sa compétitivité ET pour sa responsabilité sociale.
Ce duo se construit, s’entretient, en tous les cas ne va pas de soi… Alors, si ces trophées mettent en avant des exemples positifs, ils remplissent une mission salutaire.
Chacun sait que la situation économique et sociale de notre pays est difficile : des années de crise aigüe depuis 2008 mais en réalité pratiquement 10 ans de dégradation progressive. Les chiffres du chômage publiés il y a deux jours en attestent. Pourtant, dans des entreprises se construisent chaque jour de belles réalisations. Elles concernent le dialogue social, l’emploi des jeunes, l’adaptation au vieillissement, l’association des salariés aux choix de l’entreprise ou à la définition de leur poste de travail ; Elles touchent aux conditions de travail et à la notion de bien-être au travail –« QVT » en langage RH - , au développement d’une vraie politique de formation, ou à l’accompagnent du salarié dans la construction de sa carrière.
Si hier, sous les pavés, il y avait la plage ; aujourd’hui, sous la morosité et le défaitisme de certains, il y a de multiples initiatives qui ne demandent qu’à grandir, être montrées, être partagées.
Je veux vous dire ce soir : « sentez-vous libres de faire, soyez créatifs dans votre développement des ressources humaines ». Je veux dire à nos administrations, et d’abord à la mienne : « toute idée nouvelle et originale est à considérer –dans tous les sens du terme- et doit être mise en haut de la pile des dossiers à traiter ».
Dans la bataille contre le chômage, nous devons nous appuyer sur tous les acteurs qui innovent, les porteurs d’idées et de belles réussites en termes d’emploi, de formation, de gestion des ressources humaines, de transmission des compétences… Ces initiatives sont parfois microscopiques, mais sont autant de petites victoires. Elles sont ces initiatives une force nouvelle, plus efficace que n’importe quel dispositif standardisé ou n’importe quelle loi.
Je crois à l’alliance des producteurs et des créateurs, des chercheurs et des entrepreneurs et, dans les entreprises, à plus petite échelle, à l’alliance des PDG et des DRH. Dans l’entreprise –comme ailleurs d’ailleurs- le gouvernement solitaire est devenu contre-productif. Je ne dis pas cela parce qu’il est préférable de bien s’entendre plutôt que de s’affronter, je le dis car la performance globale – on pourrait dire aussi bien de la compétitivité globale – en dépend.
Alors j’imagine que vous attendez aussi que le Ministre du Travail vous parle d’une actualité qui vous intéresse particulièrement : la semaine prochaine sera débattue au parlement la loi sur la sécurisation de l’emploi.
Elle procède de cette même logique, de l’idée très forte qu’il est possible de trouver ensemble –PDG et DRH sans doute mais aussi et surtout direction et organisations syndicales- des solutions pour l’emploi, à condition d’avoir des instruments et des garanties qui permettent d’avancer, de construire des compromis positifs ou partager la difficulté, en étant sûr que ses droits sont garantis, que « l’ordre public social » ne sera pas touché.
Ces trophées tombent au bon moment. Le calendrier a ses hasards heureux. Le lien entre PDG et DRH va devenir encore plus central à partir du moment où notre pays se choisit de s’engager davantage dans cette culture sociale fondée sur la négociation. Le succès concret de cette grande loi dépend de la manière dont les acteurs économiques et sociaux s’en saisiront. Je suis persuadé, pour ma part, que ceux qui en contestent le bien fondé aujourd’hui seront demain les premiers à s’en saisir pour négocier.
PDG et DRH vont devoir se saisir et accompagner ce mouvement de « dialogue social à la française », aider les acteurs syndicaux à prendre en main leurs nouveaux pouvoirs qui sont aussi de nouvelles responsabilités. Négocier des accords de maintien de l’emploi, recourir à l’activité partielle, partager l’information, faire entrer les salariés dans les Conseils d’Administration des grandes entreprises. Le jeu en vaut la chandelle car, par ce mouvement, vous aurez face à vous des interlocuteurs forcément différents – ce qui ne veut pas dire moins revendicatifs – mais investit d’une nouvelle responsabilité.
Quand on n’a prise sur rien, que tout changement est une régression et que l’on est balloté au gré de logiques qui vous échappent, on se sent enfermé dans une logique ou on ne peut que résister et s’opposer. Mais à l’inverse, quand on a des pouvoirs et de véritables possibilités d’influer sur le cours des choses, alors la donne peut changer. Tout ne se fera pas en un claquement de doigt et c’est là que l’on aura une épreuve de vérité pour le binôme PDG/DRH : construire cette nouvelle culture sociale et de l’entreprise.
Le redressement de l’économie ne passe pas par moins de cohésion sociale. C’est exactement le contraire, et les actions managériales que vous avez voulu honorer ce soir le montrent bien. Et le but n’est pas de récompenser d’un côté l’économique, c’est-à-dire le PDG, et de l’autre, le social, c’est-à-dire le DRH, comme si c’étaient deux sphères qui cohabitent et se compensent.
Le sujet, c’est bien comment l’économique sert le progrès social et comment l’investissement social dope la performance économique et stratégique. Cette relation mutuelle et réciproque, c’est bien l’idée de binôme. Lui décerner un trophée est totalement pertinent !
Un manager d’aujourd’hui, autant qu’un DRH, sait que l’équité doit faire partie des préoccupations essentielles de l’entreprise ; que la performance est condamnée à s’effriter sans justice et sans reconnaissance. Il est celui qui sait que la motivation se cultive et s’anime ; qui fait confiance, et d’abord aux jeunes. C’est ainsi un multiplicateur d’efficacité.
Le mot durable est employé dans bien des circonstances, il se prête à celles-ci : il n’y a d’entreprise durable que si elle parvient à créer un écosystème de relations et confiance, dans lequel il est possible de se réaliser soi-même et qui, vis-à-vis de l’extérieur, donne envie de la rejoindre. C’est toute une écologie humaine qu’il s’agit de fonder. Le gisement de la compétitivité retrouvée de notre pays, ce sont aussi ces hommes et ses femmes qui s’impliquent tous les jours pour leurs entreprises.
J’adresse donc mes félicitations aux 4 lauréats, France Télévision (trophée des pertinences), Mazars (trophée de l’intelligence collective), Plastic Omnium (trophée de l’indépendance) et Yves Rocher (trophée du bon sens). Les intitulés sont parfois énigmatiques, mais je ne doute pas que les binômes formés dans chaque entreprise incarnent et partagent la vision de l’économique et du social que j’ai décrite ci-dessus. Qu’ils soient encouragés dans cette voie !
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 3 avril 2013