Texte intégral
Je suis très heureuse que vous mayez invitée à inaugurer aujourdhui ce magnifique ensemble immobilier.
Mais il se trouve que vous mavez invitée ici et aujourdhui, et cest une circonstance heureuse. Le Gouvernement sest réuni ce matin au "FacLab" de lUniversité de Cergy Pontoise, pour un comité interministériel consacré au numérique, et présidé par le premier ministre.
Ce comité a débouché sur 15 grandes propositions, dont plusieurs touchent directement la recherche et lenseignement supérieur. Jaurais donc loccasion de les évoquer, car je sais que vos établissements ont pris de belles initiatives dans ce domaine, et que certaines dentre elles sincarnent déjà dans ce nouvel équipement.
* Linauguration du bâtiment : une réussite immobilière au service de la connaissance des autres civilisations ]
Je voudrais commencer par rappeler doù vient ce projet, car il incarne bien le travail gagnant/gagnant entre les collectivités territoriales et lEtat, lorsquil sagit dinvestir dans lenseignement supérieur et la recherche. Je souhaite, cher Jean-Paul, que ce partenariat croisé continue.
Avec le plan université 2000, lancé au début des années 1990, il sagissait de répondre au défi de la croissance du nombre détudiants et doffrir un accès équitable à lenseignement supérieur à tous sur lensemble du territoire national.
Avec le plan Université du 3ème millénaire, baptisé U3M, lancé à la fin des années 1990, ce sont des nouvelles priorités qui sont apparues, notamment en Ile-de-France. Il sagissait alors de proposer une vision de long terme, couplée aux contrats de plan Etat-Régions. Une vision fondée sur le développement des espaces de vie étudiante, sur un rééquilibrage en faveur du Nord et de lEst de lÎle-de-France, et sur la création dun véritable quartier universitaire sur la ZAC Paris Rive Gauche.
La construction du nouveau site de luniversité Paris Diderot en a été la première opération emblématique. Avec lensemble constitué de lINALCO et de la BULAC, ce nouveau quartier complète de façon remarquable son offre de formation et de recherche. Cest aussi un quartier "lieu de vie", ouvert à la mixité sociale, à louverture culturelle, qui bénéficie dune architecture diversité.
Après les plans Université 2000 et U3M, cest lOpération Campus, lancée en 2007, qui a incarné la vision prospective de lEtat en matière dimmobilier universitaire.
Cette opération est demeurée virtuelle pendant cinq ans. Jai déjà eu loccasion de mexprimer sur les raisons cette déception, notamment lorsque la mission dirigée par Roland Peylet ma rendu son rapport à la fin du mois doctobre dernier.
Je ne veux pas métendre ici davantage sur lOpération Campus, mais simplement indiquer que le choix de procédures Partenariat public-privé (P.P.P.) et lexclusion du tour de table des collectivités territoriales est à lorigine de ces difficultés. Avec les diférents partenaires et les établissements porteurs des différents projets, je présenterai, dans quelques jours, des mesures fortes pour enfin accélérer le démarrage des chantiers et la réalisation des opérations.
Je referme provisoirement cette parenthèse.
La Bibliothèque universitaire des langues et civilisations et lInstitut national des langues et civilisations orientales forment désormais un ensemble immobilier de 32 000 mètres carrés. Ce projet a permis de regrouper des enseignements, des bibliothèques et des équipes jusqu'alors dispersées.
Ce pôle des langues et civilisations est une porte ouverte sur des cultures et des civilisations auxquelles la France a toujours consacré des recherches passionnées, issues dune longue tradition déchanges qui furent dabord missionnaires, puis scientifiques, politiques et culturels avec lOrient, lExtrême-Orient, lAfrique, lAmérique et lOcéanie.
A lheure de la mondialisation, mon ministère entend plus que jamais défendre létude et la connaissance vivante de ces aires culturelles, qui sont devenues les géants daujourdhui et de demain. Cela participe du caractère universel de notre recherche et de notre enseignement supérieur, que le projet de loi qui va venir en discussion entend réaffirmer et amplifier. Cest ce caractère universel qui a motivé la suppression de la circulaire Guéant qui freinait la circulation internationale des étudiants et faisait tâche sur notre tradition universaliste.
Et comme une autre priorité de ce projet de loi, cest louverture sur la société, sur le grand public, je me réjouis que chacun puisse aujourdhui accéder à la grande richesse des ressources regroupées sur ce site. Je sais que vous y avez veillé, et je vous en félicite.
Je tiens particulièrement à féliciter et à remercier la Région Ile-de-France et la Ville de Paris pour leur engagement financier et opérationnel dans ce projet. La Région a financé les deux tiers de linvestissement sur un total de 83 millions deuros, et en a assuré la maîtrise douvrage via une société déconomie mixte, la Société d'études de maîtrise d'ouvrage et d'aménagement parisienne (SEMAPA), dont je suis heureuse de saluer les équipes. La Ville de Paris, quant à elle, a fourni le foncier, sans lequel le projet naurait pu se réaliser.
On critique parfois la complexité des contrats de projets Etat-Régions (C.P.E.R.) mais la réalisation de cette opération doit être mise à leur crédit puisquelle a été programmée dans le cadre des contrats 2000-2006 et 2007-2013, qui ont permis de le financer et de laccompagner jusquà son terme.
Ces contrats sont de mon point de vue indispensable à la programmation territoriale et au financement des grands projets. Lorsque jentends sexprimer, parfois, Jean-Paul Huchon la dit, des réticences vis-à-vis du rôle croissant des collectivités territoriales en matière denseignement supérieur et de recherche, jai envie de rappeler à quel point ceux-ci ont bénéficié, depuis quinze ans, des investissements et du savoir-faire desdites collectivités !
La période est compliquée, sur le plan budgétaire, je ne vous lapprends pas, je le vis comme vous chaque jour. Vous le savez, nous devons impérativement redresser les comptes publics, après deux quinquennats de laisser-aller et faire en sorte que nos premiers investissements soient productifs. Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a préservé linvestissement dans lenseignement supérieur et la recherche, qui ont été reconnus à juste titre comme des secteurs prioritaires pour préparer lavenir du pays, tant sur le plan des investissements que de la création de poste. Le président la réaffirmé, en félicitant notre prix Nobel de physique, Serge Haroche, au collège de France : nous créerons bien 1000 postes chaque année, soit 5 000 sur lensemble du quinquennat.
Je veux dire aussi que nous sommes dans une conjoncture politique favorable pour faire avancer les dossiers immobiliers en Île-de-France et à Paris, car nous partageons une même vision. Cest pourquoi je suis confiante dans notre capacité collective à relancer et à mener à terme dautres projets ambitieux. Je pense en particulier au projet Condorcet, qui bénéficiera pleinement de laction conjointe de la Région Ile-de-France, de la Ville de Paris et de lEtat en faveur du rayonnement des sciences humaines et sociales.
* Une bibliothèque savante et innovante au service des chercheurs et du grand public
Jai pu remarquer, lors de notre visite, que cet ensemble nest pas seulement un geste architectural. Il est aussi et surtout remarquable par ses conditions daccueil et par laccès aux nouvelles technologies quil offrira à tous ses usagers.
Vous avez su, ici, avant bien dautres, prendre le tournant du numérique pour inventer des pratiques documentaires et pédagogiques innovantes, qui illustrent bien les enjeux et les mesures développées ce matin par le Premier ministre et par mes collègues, au premier rang Fleur Pellerin.
Notamment, vous avez procédé, avec le soutien de l'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur, à la numérisation des catalogues de lensemble de vos fonds en langues et civilisations. La BULAC représente à elle seule un million de documents référencés dans le catalogue national de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont un grand nombre en langues de caractères non-latins.
Votre site Internet permet aussi daccéder à des fonds anciens qui ont été numérisés, notamment des manuscrits japonais, turcs et arabes. Leur nombre va encore saccroître grâce aux partenariats de neuf établissements de recherche au terme dune coopération exemplaire. Permettez-moi de les citer car cette réussite est aussi la leur : lInstitut national des langues orientales, bien sûr, mais aussi le C.N.R.S., lEcole française dExtrême-Orient, lE.H.E.S.S., lEcole pratique des hautes études (E.P.H.E.) et les Universités Panthéon-Sorbonne, Sorbonne Nouvelle, Paris-Sorbonne et Paris Diderot.
Le pilotage scientifique de la BULAC, par le biais dun conseil scientifique composé de chercheurs français et étrangers, spécialistes des grandes aires concernées, a été particulièrement efficace.
Au-delà de la réussite scientifique, vous vous êtes aussi saisis du numérique pour repenser les pratiques pédagogiques, notamment en matière denseignement des langues. Une soixantaine de langues orientales sont aujourdhui représentées, et cette offre ne cesse daugmenter. La mezzanine de la bibliothèque que nous avons visitée, offre en libre-service des plates-formes dautoformation qui permettent à chacun détudier et de progresser à son rythme.
Ces actions exemplaires illustrent la politique numérique que nous allons déployer dans le cadre du programme France Universités Numériques.
* Une politique numérique beaucoup plus ambitieuse
En effet, comme je lai indiqué ce matin devant le Premier ministre, il est temps de ne plus considérer lusage du numérique sous la forme dune « fonction support ». Notre projet doit être beaucoup plus ambitieux et beaucoup plus global : nous devons installer le numérique au cur même de lenseignement supérieur et de la recherche.
Le numérique a déjà révolutionné laccès à linformation, à la culture, au savoir. Mais nous nen avons pas encore tiré toutes les conséquences, ni entrevu tout le potentiel, en matière denseignement supérieur. Le numérique gomme la hiérarchie, le « fact checking » en ligne ramène à davantage de modestie et créé des relations nouvelles entre les enseignants et les étudiants.
Il ne sagit pas seulement de mettre en ligne des contenus, mais surtout de transformer la pédagogie et de démultiplier les opportunités denseignement à travers un usage plus systématique du numérique.
Cest un enjeu pédagogique pour la réussite des étudiants, cest aussi un enjeu économique pour lattractivité internationale de la France, et un enjeu de compétitivité pour nos entreprises à travers la formation initiale et tout au long de la vie.
Au Royaume-Uni, luniversité virtuelle est la première du pays quant au nombre détudiants depuis plus de quinze ans avec 150 000 étudiants. Elle est 5e au niveau qualitatif. La France, ne nous le cachons pas, est en retard dans ce domaine et jose le mot, « sur ce marché ».
Dici lété 2013, France Universités Numériques sera lancé au service des acteurs de lenseignement supérieur et de la recherche.
Ce programme, assis sur un fonds de financement dont nous sommes en train de finaliser les contours, comportera une quinzaine de sous-programmes pour amplifier à la fois la formation par le numérique et la formation au numérique.
En effet, nous avons besoin de développer les compétences numériques, qui sont un enjeu majeur de compétitivité. La commissaire Nelly Kroes a lancé au niveau européen une initiative remarquable avec la Grand Coalition For ICT Jobs qui vise à répondre au défi de former des dizaines de milliers demplois de haut niveau (bac+5 au moins) dans le domaine du numérique. La France, à elle seule, manque de quelques 5 000 emplois de type, par nature interdisciplinaires. Cest à nous de répondre à ce manque. Cest à nous de convaincre les jeunes de sengager dans ces métiers du numérique ; nous y arriverons.
Ce détour par le numérique, qui est par nature interdisciplinaire, me permet de revenir à la bibliothèque réelle et numérique que nous inaugurons aujourdhui.
Linterdisciplinarité, cest lune des caractéristiques remarquables de la BULAC. Vous avez conclu des partenariats avec la Bibliothèque nationale de France, le Collège de France (qui a mis ses cours en ligne, je le signale), et vous saurez en nouer de nouveaux, je le souhaite, avec le projet Condorcet.
Mais je retiens aussi comme caractéristiques du Pôle des langues et civilisation, qui est un peu notre Quartier latin oriental, selon votre joli mot cher Jacques Legrand, le travail en réseau, louverture internationale et le pilotage par la recherche.
Vous avez tout mon soutien, en conclusion, pour développer cette belle entreprise qui illustre le décloisonnement entre filières, entre établissements, entre disciplines que je mefforce de promouvoir pour toutes les formations et toutes les recherches.
Je tiens, enfin, à saluer le travail de Jacques Legrand qui sapprête à quitter la présidence de lINALCO. Vous avez su encourager le dialogue entre ses différents partenaires pour réussir ce projet. Vous lavez conduit en visionnaire avisé et dynamique, avec le souci du consensus de lensemble de la communauté universitaire. Spécialiste du nomadisme, vous pourrez vous vanter davoir donné à lINALCO une demeure durable. Soyez en remercié.
Je suis heureuse de saluer à cette occasion Mme Manuelle Franck, qui vous succèdera à compter du 13 mars prochain.
Enfin, je vous remercie, Madame la directrice de la BULAC, chère Marie-Lise Tsagouria, pour le travail que vous avez accompli tout au long de ce projet au long cours. Je sais que vous vous y êtes engagée avec énergie, détermination et passion. Je crois que ce sont les mots qui nous rassemblent tous aujourdhui.
Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 5 mars 2013