Texte intégral
La c
onstruction de Notre-Dame est le fruit de lheureuse rencontre entre lélan spirituel, la volonté politique et le savoir-faire technique.
Lélan spirituel porte ces femmes et ces hommes du douzième siècle, dans un monde médiéval où la foi habite toutes les consciences. Cette foi prend les formes les plus diverses, depuis les débats théologiques entre Bernard de Clairvaux et Abélard jusquaux formes les plus simples de la dévotion. Elle est la pierre dangle sur laquelle sédifient Notre-Dame et toutes les grandes cathédrales.
La volonté politique est celle dun pouvoir royal, celui des premiers Capétiens, qui saffirme avec de plus en plus de force. Ce pouvoir, qui se réduisait au onzième siècle à Paris et ses environs immédiats, prend alors puissance et sétend progressivement sur la France du Nord. Mais ce pouvoir est aussi celui de ces classes urbaines émergentes, marchandes et intellectuelles, qui profitent des progrès de la monarchie pour sépanouir. Cest aussi cette puissance nouvelle qui sincarne dans les murs et les tours de Notre-Dame.
Le savoir-faire technique, cest celui de tous ces artisans qui, avec une ingéniosité admirable, parviennent, malgré des moyens techniques rudimentaires, à édifier des chefs duvre tels que celui qui nous réunit aujourdhui. La transmission des connaissances et des méthodes de construction dans toute lEurope occidentale permet, malgré les difficultés de communication, cette expansion si rapide du style gothique qui suscite encore aujourdhui notre émerveillement.
Cest bien cette conjonction du spirituel, du politique et de la technique qui permet à Maurice de Sully dentreprendre, en 1163, la construction de Notre-Dame. Et comment ne pas percevoir, à loccasion de cette cérémonie dinstallation des nouvelles cloches qui nous rassemble aujourdhui, que, huit cent cinquante ans plus tard, cette conjonction demeure indispensable pour faire vivre les cathédrales ?
Il faut évidemment, Monseigneur, que lélan spirituel garde toute sa vitalité. Cest celui qui anime ces manifestations jubilaires, marquées par des célébrations religieuses, mais aussi par une programmation culturelle dune qualité remarquable et, bien entendu, par le renouvellement de lensemble campanaire de Notre-Dame. Ces événements sont ouverts à tous, quelles que
soient leurs convictions, et le succès public extraordinaire remporté par lexposition des nouvelles cloches, ayant attiré un million et demi de personnes en trois semaines dans la cathédrale, en est la preuve.
Mais il faut aussi une volonté politique, traduite par les investissements effectués par lÉtat au bénéfice dune cathédrale dont il est le propriétaire. Depuis dix ans, lÉtat a dépensé près de 18 millions deuros pour la restauration et lentretien de Notre-Dame. Parmi les réalisations les plus récentes, je retiendrais les travaux de restauration du grand orgue et de la porte rouge ornée des sculptures de la vie de saint Marcel. La mise aux normes en matière de sécurité incendie et dévacuation des eaux usées est un chantier moins spectaculaire, mais tout aussi indispensable. Enfin, linstallation des nouvelles cloches naurait pas été possible sans les travaux de confortement de la tour nord, qui permettront de supporter la poussée de cet ensemble campanaire.
Je sais quà Notre-Dame, la coopération entre le clergé affectataire et les services du ministère de la Culture et de la Communication, quil sagisse de la direction régionale des affaires culturelles ou du centre des monuments nationaux, est excellente. Je salue, à ce titre, laccord intervenu il y a quelques semaines, dans le cadre de linstance nationale de dialogue placée sous lautorité du Premier ministre, entre le clergé affectataire et le ministère de la Culture et de la Communication sur la gestion des cathédrales. Fruit dune négociation entreprise depuis plusieurs années entre le clergé et le ministère de la Culture et de la Communication, cet accord permet de régir les différents usages des cathédrales, quils soient cultuels ou culturels. On peut ainsi envisager avec sérénité lavenir des relations entre lÉtat propriétaire et le clergé affectataire sagissant des cathédrales.
Enfin, ces cloches que nous admirons témoignent de la continuité des savoir-faire de ceux qui, depuis des siècles, bâtissent, équipent et embellissent les cathédrales. Et je voudrais rappeler une nouvelle fois tout lapport à notre économie des entreprises qui oeuvrent dans le domaine du patrimoine. Les huit nouvelles cloches de la tour nord ont été fondues en France, à Villedieu-les- Poëles dans la Manche, ville dont le savoir-faire en la matière lui vaut sa notoriété nationale. Les emplois du secteur du patrimoine sont hautement qualifiés, valorisants et non délocalisables. Nos entreprises bénéficient en la matière de compétences remarquables.
Nous voici donc réunis aujourdhui autour de ce sujet populaire, consensuel et fédérateur quest le patrimoine. Chacun vient ici avec ses choix spirituels, sa sensibilité, sa vision de la société. Ces différences, ces divergences parfois, font la vitalité de notre démocratie. Mais en voyant ces belles cloches rejoindre les tours de Notre-Dame nous pouvons être assurés que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 10 avril 2013