Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à RTL le 6 mai 2013, sur la situation économique et le chômage des jeunes.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


PHILIPPE CORBE
Est-ce que vous vous souvenez de ça, c’était le 6 mai 2012 à Tulle, « La vie en rose » à l’accordéon, François HOLLANDE est élu depuis quelques minutes, il prend la parole, ses premiers mots de président et il fait cette promesse, il promet de réenchanter le rêve français.
FRANÇOIS HOLLANDE, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Ce rêve français qui est celui que vous partagez tous, de donner à nos enfants une vie meilleure que la nôtre. C’est ce rêve français que je vais m’efforcer d’accomplir.
PHILIPPE CORBE
Un an après, à défaut de rêve il y a beaucoup de français qui vivent – et sans jeu de mots – un cauchemar, le chômage explose, le pouvoir d’achat recule pour la première fois depuis 30 ans, la consommation qui est le moteur de notre économie recule également, la situation de déficit est telle que Bruxelles nous accorde 2 ans de répit supplémentaire. Jamais un président n’a été aussi impopulaire et on se demande où est passé le rêve.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais le rêve est toujours là et je vais vous dire, les leviers du rêve ont commencé à être mis en action. Et je crois que c’est ce qui importe aux Français, parce qu’au fond un an après la prise de responsabilité, quel est le seul bilan qu’on puisse raisonnablement tirer ? C’est celui des actions qui ont été mises en oeuvre, pas des résultats, on le sait bien et les Français le comprennent bien, ce ne sont pas des enfants crédules les Français, ils comprennent bien qu’il faut du temps pour que les choses produisent leurs effets. En revanche, le bilan des actions et des engagements qui ont été tenus à l’égard des Français, comme ils avaient été pris pendant la campagne présidentielle, celui-là on peut le tirer. Or quand vous prenez sur tous les fronts, l’assainissement des finances publiques dans un pays qui était en train de les laisser filer ces déficits, au point d’atteindre un endettement qui n’avait jamais été vu dans l’histoire, la lutte contre le chômage à coup de mesures qui sont totalement inédites dans l’histoire comme les contrats de génération, comme la Banque publique d’investissement qui vient soutenir les entreprises, comme le pacte de compétitivité…
PHILIPPE CORBE
Par exemple sur le chômage, le gouvernement continue à dire…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tous ces leviers sont là.
PHILIPPE CORBE
Qu’il va reculer avant la fin 2013, Bruxelles dit « il continuera à augmenter même en 2014 ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais que faut-il voir dans la décision de Bruxelles, enfin ce qui est extrêmement intéressant c’est que la décision de Bruxelles, elle vient donner raison à François HOLLANDE. Qu’a fait François HOLLANDE dès le 15 mai, jour de son intronisation ? Il est allé en effet plaider au niveau européen pour que l’on puisse réorienter un petit peu la construction européenne vers davantage de soutien à la croissance, et pas simplement vers des objectifs nominaux de respect des déficits publics qui étaient susceptibles de porter atteinte à la croissance. Il a dit : il faut trouver le bon rythme, le bon équilibre pour qu’on puisse à la fois avoir du sérieux budgétaire dans nos pays respectifs – et la France s’est appliquée ce sérieux budgétaire – et en même temps soutenir la croissance. Et il a réussi progressivement, en ne ménageant pas son énergie, à convaincre les institutions européennes, à convaincre ses partenaires. Tant et si bien que la Commission vient de nous dire : eh bien ! En effet, ce fameux déficit de 3 %, plutôt que de devoir l’atteindre en 2014, nous vous demandons jusqu’à 2015…
PHILIPPE CORBE
2015.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour l’atteindre. Qu’est-ce que ça signifie, juste pour que les Français comprennent bien, ça veut dire que nous n’aurons pas à prendre des mesures de rigueur budgétaire, c'est-à-dire à couper dans des politiques publiques ou dans des politiques sociales, mais au contraire nous allons pouvoir nous donner des moyens pour soutenir la croissance jusqu’en 2015. C’est une très bonne nouvelle.
PHILIPPE CORBE
Alors il y a beaucoup d’appel Najat VALLAUD-BELKACEM pour vous ce matin. On va commencer par Lucie, bonjour Lucie.
LUCIE
Bonjour.
PHILIPPE CORBE
Je vais vous demander concrètement, si ce n’est pas indiscret, vous avez voté HOLLANDE il y a un an ?
LUCIE
Tout à fait.
PHILIPPE CORBE
Et vous avez une question à la porte-parole du gouvernement.
LUCIE
Tout à fait. Voilà, je souhaiterais savoir quels sont les projets du gouvernement vis-à-vis des jeunes diplômés et surdiplômés qui, compte tenu de leurs études, ont du mal à se projeter dans l’avenir et qui, lorsqu’ils veulent se reconvertir compte tenu de leur âge, il n’y a rien de prévu pour eux. Et donc que compte-t-on faire pour les aider éventuellement afin d’éviter qu’ils partent à l’étranger, alors qu’ils pourraient ensuite créer des emplois ici mais bon ! Ils se retrouvent bloqués. Et parfois, on est obligés de continuer à les aider parce que comme ils sont assez âgés, les loyers étant très élevés, nombreux sont les jeunes qui ont bac +5, bac +10, voire plus et qui rament depuis des années en stages ou autres sans avoir d’emploi stable, et qui préfèrent les petits boulots moins payés mais qui parfois sont plus sympathiques que les domaines qu’ils ont choisis et qui sont bloqués.
PHILIPPE CORBE
Ce que veut dire Lucie et pour élargir un petit peu cette question, c’est que la priorité de François HOLLANDE, la jeunesse, a créé une attente incroyable dans le pays. Et aujourd’hui, cette attente est en partie déçue, en tout cas un certain nombre de ces jeunes sont déçus ou attendent.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour madame.
LUCIE
Bonjour.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord, je confirme que la priorité, le fil conducteur de François HOLLANDE pendant toute sa campagne mais aussi aujourd’hui aux responsabilités, c’est la jeunesse. Vous le retrouvez d’ailleurs dans la priorité qui a été donnée à l’éducation, à l’investissement dans l’éducation, c’est quand même dans l’éducation qu’on va créer 80.000 postes quand partout ailleurs, au nom du sérieux budgétaire que j’évoquais tout à l’heure, on fait plutôt des économies. Mais pourquoi est-ce qu’on fait ça ? Parce qu’on estime qu’il nous faut une jeunesse bien formée pour affronter justement les enjeux de demain et être capable de se défendre dans la mondialisation. Mais ensuite pour ce qui est des jeunes d’aujourd’hui, puisque vous me direz la formation c’est pour les jeunes de demain, mais les jeunes d’aujourd’hui, ceux qui sont d’ores et déjà en situation d’entrer sur le marché du travail, l’une des difficultés qui était la leur ses dernières années, c’était ce que vous venez de décrire parfaitement. C'est-à-dire qu’en gros on ne les prenait pas en prétextant qu’ils n’avaient pas suffisamment d’expérience, ils avaient beau être diplômés, finalement ils n’avaient jamais cette première expérience qui leur permettait de s’intégrer dans le marché du travail. Les contrats de génération, c’est précisément à cela que ça sert. Lorsqu’on dit aux entreprises : écoutez, vous avez moins de 300 salariés, eh bien ! Si vous prenez un jeune de moins de 26 ans et que vous conservez en même temps un senior, parce qu’il ne s’agit pas de jouer une génération contre une autre, on vous donne comme allègement de charges 2.000 € sur chacun de ces deux emplois, ce qui signifie 4.000 € pour une entreprise de moins de 300 salariés. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, c’est en revanche des allègements de charges qui sont supprimés si elles ne jouent pas ce jeu du contrat de génération. C’est extrêmement important parce que ces contrats de génération, ils s’adressent plutôt à des jeunes qualifiés, et on en attend 500.000 emplois sur le quinquennat.
PHILIPPE CORBE
Enfin Najat VALLAUD-BELKACEM, Lucie rappelle, 40.000 diplômés partent chaque année de France pour trouver du travail à l’étranger.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr, et c’est pour cela que nous avons aussi consacré autant d’énergie – vous avez vu les Assises de l’entrepreneuriat la semaine dernière – à donner aussi envie aux jeunes de créer leur entreprise, et pas seulement envie, de leur donner les moyens, c'est-à-dire de soutenir le dispositif « jeunes entrepreneurs », d’avoir des dispositifs fiscaux et des dispositifs d’épargne des Français réorientés vers la création d’entreprise, de faire en sorte par exemple que les petites entreprises créent par ces jeunes puissent bénéficier d’un crédit d’impôt recherche qui, auparavant, était plutôt réservé aux grandes entreprises. Il y a beaucoup de mesures, je vous invite à les regarder dans les Assises de l’entrepreneuriat qui ont été conclues par le président de la République la semaine dernière, qui vont ainsi inciter les jeunes à utiliser leur talent et leurs compétences au service de la France, même si dans l’absolu – je vais vous dire – ça n’est pas un problème que les jeunes partent quelques temps à l’étranger, l’important c’est qu’ils puissent revenir, c’est qu’ils aient le choix au fond. Mais aller acquérir une expérience étrangère dans un monde où on sait bien que c’est important de pouvoir parler plusieurs langues, de pouvoir vivre dans la mondialisation, ça n’est pas une mauvaise chose, il faut les former pour cela. Et puis à côté de cela, pardon ! Je termine, mais il y a aussi les jeunes peu ou pas qualifiés. Et ça, les emplois d’avenir, je redis à quel point c’est un enjeu pour nous extrêmement fort parce que ça signifie donner un coup de pouce, une première chance à des jeunes qui, pour l’instant, étaient juste relégués hors du marché du travail.
PHILIPPE CORBE
Najat VALLAUD-BELKACEM, vous restez avec nous, dans un instant d’autres questions d’auditeurs au 32.10.
(…)
PHILIPPE CORBE
La porte-parole du gouvernement Najat VALLAUD-BELKACEM répond à toutes vos questions au 32.10. On a en ligne Gérard, bonjour Gérard… Gérard, vous êtes avec nous ?
GERARD
Oui, tout à fait.
PHILIPPE CORBE
Vous avez une question qui revient beaucoup au standard ce matin.
GERARD
Oui, je voulais poser à madame VALLAUD-BELKACEM la question suivante : pourquoi le gouvernement s’est-il attelé avec autant d’acharnement à faire voter la loi pour le mariage pour tous, alors que pour moi en période de crise la priorité c’était quand même de s’atteler au cumul des mandats, chose que monsieur HOLLANDE criait vertement pendant sa campagne dont il allait s’occuper, et finalement j’ai l’impression que c’est mis en standby, qu’on n’en parle pas trop là. J’aimerais savoir où ça en est, quand est-ce qu’on va pouvoir voir enfin cette question abordée par le gouvernement, parce que je trouve que c’est quand même une priorité.
PHILIPPE CORBE
Najat VALLAUD-BELKACEM…
GERARD
Plutôt que de satisfaire seulement 1 % de la population, je trouve que…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
GERARD
Bonjour.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour, merci pour cette question… à vrai dire, moi j’estime que les deux sujets sont tout aussi importants l’un que l’autre. Et s’agissant du cumul des mandats ou plutôt de la fin du cumul des mandats, sachez que le gouvernement s’y attaque puisqu’un projet de loi va être discuté au Parlement très rapidement, dans les prochains mois, et que ce non-cumul des mandats vaudra donc pour les prochaines élections. S’agissant des législatives, le prochain renouvellement étant prévu en 2017, donc il prendra effet en 2017. Mais enfin je peux quand même vous dire, s’agissant du mariage pour tous, que vous savez il y a une erreur qui est souvent faite qui consiste à opposer les sujets soit disant prioritaires dans une période de crise que seraient les sujets économiques et sociaux, et puis les sujets plus périphériques que seraient les sujets sociétaux. Moi je ne suis pas d’accord pour une raison très simple, c’est que… d’abord je pense qu’il faut toujours marcher sur deux jambes, que quand on s’engage en politique – et en tout cas c’est mon cas personnellement – on le fait aussi au nom de valeurs, d’idéaux, d’un projet de société, et que quand on est aux responsabilités on fait tout en sorte pour mettre en oeuvre ces réformes. Et puis qu’ensuite c’est précisément en période de crise que la tentation du repli sur soi, du rejet de l’autre et donc des discriminations, des violences, des peurs est là, et que donc il faut lutter contre tout ce qui peut nourrir ce rejet de l’autre, ces discriminations, ces violences. Et donc que c’est en période de crise que tout ce qui va dans le sens de l’égalité des droits est le bienvenu. Et cela vaut pour l’égalité des droits quelle que soit l’orientation sexuelle, cela vaut pour l’égalité des droits qu’on soit femme ou homme, comme je m’y attèle tous les jours comme ministre des Droits des femmes, cela vaut pour l’égalité des droits quelle que soit son origine ou son territoire d’habitation. Je pense qu’il faut vraiment veiller à cela, c’est en période de crise que les Français ont besoin que le gouvernement dise haut et fort et défende haut et fort la devise de la République : liberté, égalité, fraternité.
PHILIPPE CORBE
Merci Sébastien (sic) en tout cas de nous avoir appelés. On va revenir justement sur les questions économiques et sociales avec Dominique, bonjour Dominique.
DOMINIQUE
Oui, bonjour.
PHILIPPE CORBE
Allez-y ! Posez votre question à Najat VALLAUD-BELKACEM.
DOMINIQUE
Oui, madame bonjour. Voilà, j’appelais pour dire que j’ai plus de 40 ans, 45 bientôt, et donc je voudrais savoir qu’est-ce que vous comptez faire pour les gens qui ont plus de 40 ans pour les emplois ? Est-ce que vous ne faites que des contrats d’avenir pour les jeunes, on ne parle que des jeunes mais on ne parle pas des gens qui ont plus de 40 ans, on les oublie.
PHILIPPE CORBE
Oui, on parle des seniors, on parle des jeunes. Dominique est chômeur, l a une quarantaine d’années, qu’est-ce qu’on fait pour lui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour monsieur.
DOMINIQUE
Oui, bonjour.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord, on parle des jeunes et on parle des seniors parce que statistiquement, quand on regarde la situation quand on est arrivés au pouvoir, ce sont ces deux populations-là qui avaient le plus de difficultés avec l’emploi. Les jeunes parce que… pour les raisons que j’évoquais tout à l’heure, on ne leur laissait pas la chance d’avoir ce premier pas dans l’emploi qui leur donnait l’expérience nécessaire ; et les seniors parce que d’une certaine façon, c’était un peu devenu facile pour les entreprises de mettre fin à leur contrat prématurément. Mais il y a des chômeurs évidemment dans toutes les classes d’âge et vous en faites partie malheureusement. Moi je veux vous dire que le chômage, la lutte contre le chômage est la priorité numéro 1 du gouvernement, son obsession même, l’obsession du président de la République, et que donc tous les moyens sont activés. Je vous en donne quelques exemples qui vont vous parler. Par exemple, on sait que POLE EMPLOI ne disposait vraiment pas des moyens nécessaires et suffisants jusqu’à présent pour accompagner, dans de bonnes conditions, les chômeurs pour les aider à retrouver un emploi. Eh bien ! On a recréé 2.000 emplois supplémentaires à POLE EMPLOI, ce qui signifie que chaque conseiller à POLE EMPLOI va pouvoir accompagner moins de chômeurs mais le faire mieux. Ensuite lutter contre le chômage, ça veut dire se battre au moment où les entreprises licencient ou ferme, et on en a eues quelques exemples parfois un peu tragiques ces derniers mois, se battre pour qu’il y ait des plans sociaux dans lesquels on forme les chômeurs, on les accompagne, on les accompagne vers une reconversion, on fait en sorte qu’ils retrouvent un emploi et qu’ils ne passent pas par la case chômage. C’est tous les plans sociaux qui ont été négociés chez PSA ou dans d’autres entreprises grâce à l’intervention du gouvernement. Ensuite, la question au moment où vous êtes au chômage de la formation est extrêmement importante, parce que ça signifie qu’il faut maintenir l’employabilité, c'est-à-dire la susceptibilité que le chômeur revienne facilement sur le marché du travail quand les choses reprennent un peu. Et le président de la République François HOLLANDE s’est engagé à ce qu’un chômeur sur deux puisse avoir accès à une formation en moins de 2 mois. Je crois que c’est un objectif quand même relativement ambitieux et dont on peut… voilà, lui reconnaître le crédit.
PHILIPPE CORBE
Najat VALLAUD-BELKACEM merci, vous êtes la porte-parole du gouvernement, merci d’avoir répondu à la question de Dominique, d’avoir répondu à la question de Dominique et des autres auditeurs de RTL. Vous serez tout à l’heure au séminaire du gouvernement, c’est ça, 10 h 30 à l’Elysée ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je serai au séminaire, comme l’ensemble des membres du gouvernement.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2013