Interview de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à RMC le 14 mai 2013, sur l'éventualité de cours en anglais dans les universités françaises.

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Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Projet de loi sur l’enseignement supérieur débattu à l’Assemblée nationale à partir de la semaine prochaine, le 22 je crois. C’est bien cela ?
GENEVIEVE FIORASO
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le mercredi 22. L’un des volets du texte prévoit des cours en anglais dans certaines universités françaises et ça fait débat. J’ai vu le nombre de pétitions qui ont surgi après cette volonté gouvernementale que vous avez de développer des cours en anglais dans les universités. Pourquoi vouloir développer des cours en anglais dans les universités françaises ?
GENEVIEVE FIORASO
D’abord il y a soixante articles dans la loi et j’ai vu qu’il y avait une espèce de polarisation sur cet article. De fait, il existe déjà plus de sept cents formations en langue étrangère, principalement en anglais, qui sont dispensées surtout par les écoles, très peu par l’université. Pour les écoles, ça se passe depuis quinze ans. Personne n’a jamais trouvé quoi que ce soit à y redire et maintenant qu’on propose aux universités de le faire mais de façon très encadrée, et puis on propose de régulariser ce qui se fait aujourd'hui parce que les écoles, les universités qui le font aujourd'hui, le font en infraction avec la loi Toubon, on propose de le faire pour accueillir les étudiants des pays émergents – la Corée, l’Indonésie, l’Inde – qui veulent multiplier par deux pour l’Inde, le Brésil, l’Indonésie leur nombre d’étudiants qui aujourd'hui vont tous dans les universités anglo-saxonnes et qui pourraient utilement venir suivre des formations scientifiques et technologiques en France puisqu’on manque de vocations scientifiques et technologiques dans notre pays et plus largement en Europe. L’Allemagne l’a fait, les pays scandinaves l’ont fait, l’Allemagne est passée devant nous d’ailleurs comme pays d’attractivité pour les étudiants. Nous étions longtemps au deuxième rang puis au troisième rang, nous sommes au cinquième rang maintenant. Donc il s’agit d’une mesure très encadrée qui vise un public spécifique et des disciplines spécifiques. Ça n’est pas une généralisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup d’enseignants ou de chercheurs à l’université disent : « Oh ! Ça n’apporte pas grand-chose. Rien ne prouve que dispenser des cours en anglais est un avantage compétitif » disent-ils dans leur pétition.
GENEVIEVE FIORASO
Ma loi défend la francophonie. Il n’y a pas de pétition d’enseignant d’université. Il y a une pétition très générale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Enfin, il y a beaucoup d’enseignants d’université qui sont contre cette idée, non ? J’en ai vus qui protestaient.
GENEVIEVE FIORASO
Écoutez, moi j’ai vu deux Prix Nobel, une médaille Fields, le président du CNRS, le président de la conférence des présidents d’université qui se sont prononcés favorablement, l’UNEF également, donc les étudiants y sont favorables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les étudiants y sont favorables mais dites-moi, je vais être direct.
GENEVIEVE FIORASO
Moi, ce qui m’importe c’est la réussite étudiante, et dans les universités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je comprends ça Geneviève FIORASO, mais il y a des enseignants qui sont contre parce qu’ils ne parlent pas anglais. Parce qu’ils ne peuvent pas enseigner en anglais, ils sont incapables d’enseigner en anglais.
GENEVIEVE FIORASO
Personne ne va contraindre un enseignant à enseigner en anglais, vous l’aviez bien compris. Il s’agit d’un anglais de spécialité des enseignements spécifiques pour des gens, des enseignants qui sont bilingues, qui parlent correctement l’anglais – il n’est pas question de parler un mauvais anglais – ou bien pour des universités qui vont pouvoir, comme ça se fait déjà dans les écoles, embaucher des enseignants anglophones ou qui pratiquent l’allemand pour le droit roman. Voilà, il s’agit d’une ouverture au monde. Moi ce qui m’inquiète dans les réactions, je vais vous le dire franchement, c’est cette espèce de manque de confiance. La francophonie, elle n’est pas en danger. Ma collège Yamina BENGUIGUI la défend, tout le gouvernement la défend, je la défends. Nous sommes deux cent cinquante millions d’individus sur cette planète à parler français ; nous serons sept cent cinquante millions d’ici à 2050 avec l’évolution démographique. Il faut être davantage offensif avec l’Afrique subsaharienne, avec le Maroc ; c’est ce que je fais pour maintenir notre communauté francophone mais il faut aussi la développer en ouvrant notre culture.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et s’ouvrir au monde.
GENEVIEVE FIORASO
Il faut s’ouvrir au monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la France a peur ?
GENEVIEVE FIORASO
La France a une culture formidable. La France a un enseignement et à l’université, je le dis - pas seulement dans les écoles, et puis d’ailleurs je les rapproche les universités des écoles parce que cette dualité à la fin on finit par en souffrir- la France a une culture, un enseignement, une recherche avec ses prix Nobel et ses médailles Fields d’un niveau formidable. Il faut en être fier et il faut s’ouvrir au monde, il ne faut pas avoir peur. Nous ne sommes pas menacés. Retrouvons un peu la confiance qui doit nous porter. C’est comme ça qu’on développera notre commerce extérieur, c’est comme ça qu’on s’ouvrira au monde, c’est comme ça qu’on développera la francophonie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. On aura l’occasion de revenir sur votre projet de loi concernant l’université et la recherche.
GENEVIEVE FIORASO
Oui, merci.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Simplement, j’ai vu qu’avec Manuel VALLS vous vouliez professionnaliser la formation des imams en France.
GENEVIEVE FIORASO
Ah non ! Là, il s’agit d’un travail commun que nous menons avec Manuel VALLS effectivement, parce que nous pensons que les imams doivent bénéficier d’une formation qui soit une formation sérieuse et homogène. Nous avons un groupe de travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que ces imams soient formés en France.
GENEVIEVE FIORASO
Absolument, absolument. Ils vivent en France mais ils vivent aussi avec leur communauté. Nous avons tout un travail. C’est un travail – on n’a pas bien le temps d’en parler aujourd'hui – c’est un travail sérieux, c’est un travail en profondeur que nous menons avec la communauté musulmane et je crois que c’est important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je crois qu’il y a un spécialiste qui a été nommé pour réfléchir aux moyens d’améliorer la formation de ces imams.
GENEVIEVE FIORASO
Oui, absolument mais i y a déjà Strasbourg par exemple où il y a des formations pour d’autres religions puisque Strasbourg est une ville qui accueille de nombreuses religions et qui a une grande pratique de la formation en théologie. Il y a déjà des formations mais elles se font dans un cadre laïque, je vous rassure.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2013