Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les ministres, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout dabord de dire ma satisfaction de me retrouver aujourdhui parmi vous, ici, à Moscou, dans cette conférence générale sur la sécurité européenne voulue par nos hôtes et notamment par Sergei Choïgou que je souhaite ici remercier pour son initiative et son hospitalité.
Monsieur le Président,
Vous avez placé cette réunion sous le signe dun échange approfondi et nécessaire sur notre espace commun de sécurité. Jy vois beaucoup dintérêt, tant il est vrai que lactualité de ces dernières années pourraient faire oublier que notre continent na pas encore résolu toutes les incompréhensions et tous les problèmes qui nous préoccupent, et alors même que la sécurité de lespace européen ne saurait aujourdhui être assurée sans prendre en compte les bouleversements dune zone immense qui va de lAfrique de lOuest à Kandahar. Comme vous, je pense que nous avons le devoir de traiter ces questions dans ce type denceinte comme dans les forums dédiés. Je pense ici à lOSCE ou au conseil OTAN/Russie.
Il y a quelques jours, en France, se sont conclus les travaux de notre nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Le Livre blanc de 2013 présente une vision clarifiée et renouvelée, en distinguant trois catégories de dangers : les menaces de la force, les risques de la faiblesse, et limpact de la mondialisation.
Les menaces dites de la force recouvrent au moins trois phénomènes : les possibilités de résurgence de conflits entre Etats pouvant toucher la sécurité de lEurope ; la prolifération nucléaire, balistique ou chimique ; le développement des capacités informatiques offensives de certaines puissances.
Les risques de la faiblesse, quant à eux, rassemblent les conséquences négatives, pour la stabilité et la sécurité internationale, donc très vite celle des Européens, de la défaillance de certains Etats, lorsquils ne sont plus en mesure dexercer les fonctions de base de la souveraineté, favorisant le terrorisme, les trafics ou les atteintes à nos voies dapprovisionnement par exemple. Nous lavons vu en particulier au Mali.
La mondialisation, enfin, intensifie la puissance dun certain nombre de menaces : terrorisme dinspiration djihadiste ; trafics de groupes criminels disposant de moyens et dune organisation quasi militaires ; attaques dans le cyberespace ; ou encore agressions dans lespace extra-atmosphérique.
L'interdépendance entre sécurité régionale et sécurité globale est l'une des réalités nouvelles de la mondialisation. Le Livre blanc français le met en lumière.
Face à la complexité de ces menaces, aucun Etat n'est à l'abri. Aucun Etat ne peut agir seul. La paix et la stabilité mondiale exigent des coopérations sans faille. Elles supposent aussi l'émergence d'acteurs disposant de la taille critique pour faire respecter le droit international et intervenir là où la situation l'exige. Elles soulignent plus que jamais la nécessité accrue dune coordination internationale, au sein de laquelle la France et la Russie se doivent dêtre des partenaires crédibles et disponibles.
Le Livre blanc met dans ce contexte laccent sur une définition claire des trois priorités de notre stratégie de défense : la protection de la France et des Français, la dissuasion nucléaire, et lintervention extérieure. Ces priorités ne sont pas dissociables. Elles se renforcent mutuellement. Le président de la République le rappellera dans un discours concernant la défense, vendredi 24 mai.
La protection du territoire et de la population reste première dans notre stratégie, mais elle ne saurait être assurée sans la capacité de dissuasion et dintervention. Nous devons veiller à protéger nos compatriotes, y compris face aux risques de la cybermenace. Dans ce dernier domaine, un effort significatif sera conduit pour développer nos capacités à détecter les attaques, à en déterminer lorigine, à organiser la résilience de la Nation et à y répondre, y compris par la lutte informatique offensive. Cest là une orientation majeure du Livre blanc de 2013.
La dissuasion, quant à elle, continue de demeurer la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de lindépendance de la Nation. Elle nous protège de toute agression ou menaces dagression contre nos intérêts vitaux, doù quelle vienne et quelle quen soit la forme. Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait notre liberté dappréciation, de décision et daction.
Lintervention des forces à lextérieur du territoire national, enfin, confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable, bien au-delà de son territoire. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion et assure la protection de nos intérêts de sécurité dans le monde. Nous nentendons pas laisser le moindre doute sur notre volonté et notre capacité dagir, conformément à nos intérêts, dans le respect du droit international.
Dans cette logique, la France entend disposer des capacités militaires lui permettant de sengager dans les zones prioritaires pour sa défense et sa sécurité : la périphérie européenne, le bassin méditerranéen, une partie de lAfrique du Sahel à lAfrique équatoriale -, le Golfe arabo-persique et lOcéan indien. Ces capacités doivent aussi lui permettre dapporter sa contribution à la paix et à la sécurité internationales dans lensemble du monde.
Face aux risques et aux menaces qui nous entourent, la première condition du succès demeure bien la volonté déterminée dy faire face en consentant leffort nécessaire. Comme nous lavons fait au Mali, en Libye ou en Afghanistan, cette même volonté, la France na de cesse de la mettre en uvre.
Cest cette même volonté qui, malgré la contrainte financière, sous-tend aujourdhui le choix majeur du Président de la République, dans notre dernier livre blanc, de maintenir à son niveau actuel notre effort de défense, permettant ainsi une capacité dintervention extérieure forte et la constitution dun nouveau modèle darmée garantissant notre capacité dentrée en premier sur les théâtres dopérations.
Dans le même esprit, nous avons décidé le maintien de notre effort industriel, des moyens consacrés à la recherche de défense : notre industrie et notre technologie sont des atouts majeurs pour notre autonomie stratégique, comme pour la compétitivité de notre économie.
La France dans ce nouveau Livre blanc a également clarifié sa position et sa vision de lEurope de la défense et de lOTAN. Elle la fait en préservant le principe dune coopération plus étroite avec Moscou, qui reste lun de ses objectifs politiques depuis les sommets de Lisbonne et de Chicago. Je voudrais à cet égard revenir sur deux points :
- notre vision de lEurope de la défense, de lOTAN, de la relation OTAN-Russie et, plus particulièrement du dossier de la défense anti-missile ;
- le besoin de renforcement de notre dialogue stratégique et de défense, nécessaire pour construire la confiance.
Le livre blanc de 2013 ne manque pas de rappeler lengagement historique de la France avec ses partenaires européens dans une communauté de destin. La construction européenne reste, malgré ses lenteurs, un axe important de notre stratégie. Jen ai fait un axe politique majeur. Je pense à la contribution russe au Tchad et dans le golfe dAden. Nous considérons quil peut y avoir dautres champs de coopération future dans le domaine des opérations.
Cet engagement va de pair avec notre engagement plein et entier dans lOTAN. Le Livre blanc 2013 tire toutes les conséquences de la mission confiée par le Président de la République à M. Hubert Védrine. La France entend jouer dans ce qui est notre Alliance un rôle actif, déterminé et décomplexé, dans tous les domaines, y compris de lorganisation et de la doctrine.
Notre ambition y reste intacte sagissant du dialogue OTAN-Russie. Des avancées ont certes déjà pu être réalisées dans des domaines aussi divers que la coopération sur lAfghanistan, la coopération aérienne, le soutien logistique, la lutte anti-terroriste Mais les progrès que pouvait laisser espérer le sommet de Lisbonne sont malheureusement demeurés lotage des suspicions. Je veux le redire ici. LAlliance nest pas une menace pour la Russie. La France ne laccepterait pas.
De la même façon, la défense anti-missile que lAlliance entend mettre en place nest motivée que par le déploiement et la croissance rapides des potentiels balistiques de certains proliférateurs au premier rang desquels lIran.
Permettez-moi dy revenir en rappelant ce que nest pas la défense anti-missile de lOTAN. Ce nest pas un bouclier. Le système envisagé na pas pour vocation de contrer une frappe massive. Ce nest pas non plus un substitut à la dissuasion nucléaire. La défense anti-missile de lOTAN na pas pour but de remettre en cause la dissuasion russe. Techniquement, elle en est incapable. La défense anti-missile de lOTAN ne doit donc pas conduire à une nouvelle course aux armements avec la Fédération de Russie. Ce nest pas notre volonté.
Plus largement, ce que ce dossier de la défense anti-missiles nous montre, cest limpérieuse nécessité dun dialogue euro-russe et OTAN/Russie plus substantiel, plus sincère et plus fréquent. Nous ne devons pas nous satisfaire de nos perceptions mutuelles actuelles, trop souvent marquées par des incompréhensions et des manifestations de puissance qui nont plus lieu dêtre.
Nous avons besoin de davantage de dialogue de sécurité et de plus de transparence dans nos politiques de défense. En ce sens, le livre blanc de 2013, en présentant par le détail le modèle darmée souhaité pour la France à lhorizon 2020, en détaillant le cadre financier de son effort, en rappelant le maintien de notre effort de dissuasion à un niveau de stricte suffisance, offre un exemplede transparence que nous aimerions également voir adopter par tous, et qui contribuerait utilement à la sécurité de notre espace européen commun.
QUE METTRE EN PLACE POUR LA SECURITE DE NOTRE ESPACE ?
Car notre défi, cest bien de trouver les moyens pour construire un espace européen commun plus sûr et plus stable.
En matière de maîtrise des armements, nous pouvons et devons avoir lambition de lancer un nouveau partenariat et de jeter les fondements d'une communauté de sécurité dans les espaces euro-atlantique et euro-asiatique. Quentendre par là ?
- une communauté qui repose sur lacquis de l'Acte final dHelsinki et de la Charte de Paris ;
- une communauté basée sur le respect de lintégrité territoriale, qui sappuie sur un régime fiable de maîtrise des armements, cest-à-dire aussi sur de nouvelles négociations pour définir lavenir du régime des Forces conventionnelles en Europe, et sur lexclusion du recours à la force pour résoudre les différends ;
- une communauté qui reconnaît la liberté pour les Etats de choisir leurs alliances, tout comme elle reconnaît le caractère indivisible de la sécurité de notre espace commun;
- une communauté, enfin, qui se souvienne que pour garantir une sécurité durable, nous avons besoin dune approche globale.
LOSCE nest bien sûr par la seule organisation apte à assurer ces missions. Mais elle est unique, tant par le nombre de ses membres, que par la diversité de ses mandats. Fut-ce au prix dune réforme certainement nécessaire de cette institution, cette enceinte doit pour la France être maintenue et revitalisée.
Comme je lai souligné au début de mon propos, noublions pas que la sécurité de notre espace ne peut être assurée sans prendre en compte les bouleversements et les défis de sécurité dune zone plus large qui va du sud Sahel à lAfghanistan.
La France a, à cet égard, des relations de confiance avec la Russie. Je pense notamment au Mali et à lAfghanistan. Elle a aussi des divergences, il ne faut pas sen cacher, sur le dossier syrien.
En conclusion, je veux dire à cette tribune la certitude qui est la mienne que, pour travailler à un monde plus sûr, nous avons besoin dune coopération forte avec la Russie. Il ne sagit pas là dune option, pas plus pour les pays de lUnion européenne que pour la Russie.
Plus encore quune conviction, il sagit dun choix raisonné, dune ligne de fond, dune nécessité pour notre sécurité commune. Ma présence ici aujourdhui est en le témoin. Il nest pas dautre chemin, à lexception de celui, dévastateur, de la méfiance, du doute et in fine du repli sur soi. Son aboutissement, au profit de notre sécurité à tous, impose que ce choix soit naturellement partagé par tous pour produire tous ses effets. Jen forme ici le vu et lespérance et veux redire mon engagement plein et entier à travailler sans relâche à son renforcement.
Lan prochain, la France avec dautres pays entamera les cérémonies commémoratives du déclenchement de la Grande Guerre et de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je veux à ce titre saluer, ici à Moscou, le soixante-dixième anniversaire de la bataille de Stalingrad qui a beaucoup marqué et permis que de nouvelles perspectives souvrent lors du dernier conflit mondial.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 mai 2013