Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE
Les syndicats de salariés et le MEDEF étaient reçus à Matignon hier, pour préparer la conférence sociale qui aura lieu le 20 et 21 juin prochain. Cette conférence sociale sera finalement baptisée, cest le Premier ministre qui la dit : « grande conférence sociale pour lemploi. » Vous nallez quand même pas créer des emplois dans cette grand-messe, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Ce nest pas une grand-messe dabord. Parce quune grand-messe, cest à un moment donné et puis ensuite, on en sort et on soccupe dautres choses. Lobjectif et au fond que ce soit la deuxième grande conférence le montre, cest dinscrire dans la durée une autre manière de dialoguer en France, une autre manière dapprocher des sujets souvent difficiles, parfois conflictuels, qui sont le fonctionnement des entreprises, du marché du travail et la création demploi. Donc ce nest pas une grand-messe
JEAN-MICHEL APHATIE
La réforme des retraites.
MICHEL SAPIN
La réforme des retraites parce que, le financement de nos systèmes de protection sociale, tout ce qui aujourdhui sur les entreprises et les salariés et qui est pourtant extrêmement décisif pour lavenir, pour la confiance que les Français doivent avoir dans leur avenir. Donc ce nest pas une grand-messe, cest un processus, cest une volonté et aujourdhui, le sujet qui préoccupe les Français cest lemploi. On va le dire autrement, cest le chômage. Donc
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous nallez pas prendre des mesures qui vont révolutionner le marché de lemploi ?
MICHEL SAPIN
Elles ont été déjà prises
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Tiens, on ne sen est pas rendu compte !
MICHEL SAPIN
Mais oui, cest ça les bonnes nouvelles, cest celles quon ne voit pas !
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Très bien.
MICHEL SAPIN
Mais en plus vous êtes trop modeste, parce que vous vous êtes parfaitement rendu compte, quil y a eu une grande réforme du marché du travail, qui a été adoptée par lAssemblée nationale et par le Sénat, qui est en cours dexamen au Conseil Constitutionnel, et qui va devenir une réalité dans les entreprises, le 1er juillet prochain. Que cette grande réforme, elle ne sest pas faite par des affrontements comme ça, elle sest faite par le dialogue
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous parlez de laccord du 11 janvier ?
MICHEL SAPIN
Cest le fameux accord du 11 janvier
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais qui est défensif, qui fait quon ne perdra pas des emplois si jamais, il y a des problèmes dans les entreprises.
MICHEL SAPIN
Qui nest pas seulement défensif, et déjà ne pas perdre des emplois, quand il y a des problèmes, cest très important. En Allemagne, ils ont traversé la crise, il ny a pas plus de chômeur après la crise, quavant. Chez nous, il y en a 1 200 000 de plus. Donc si on avait pu éviter ce 1 200 000 grâce à la mise en oeuvre dun accord comme celui-ci, je pense quon aurait été gagnant. Mais il nest pas seulement défensif, cest linformation des salariés dans lentreprise. Cest lanticipation des évolutions dans lentreprise, cest parler avant que le problème ne se pose, des difficultés éventuelles de lentreprise. Cest tout cela qui permettra dêtre aussi offensif du point de vue de lemploi, du bon fonctionnement de notre économie.
JEAN-MICHEL APHATIE
PEUGEOT CITROEN propose à ses salariés douvrir à la fin du mois, une négociation compétitivité. Chez RENAULT ça sest soldé par des blocages de salaires, une augmentation du temps de travail. Vous êtes favorable à ce type de négociations qui traduit une régression des conditions sociales, les conditions de travail ?
MICHEL SAPIN
Non, ce nest pas régression, vous le savez, puisque cest une manière de sauver des emplois, permettre que soit réintroduit en France des fabrications qui étaient fabriquées à létranger. Donner de la visibilité, de la durée, donner de la confiance à des salariés dans une entreprise, ce nest pas une régression, cest un progrès considérable, faire en sorte
JEAN-MICHEL APHATIE
Bloquer les salaires, cest hélas, pas un progrès ?
MICHEL SAPIN
Mais bien sûr quen soi
JEAN-MICHEL APHATIE
Sans doute dans certains conditions ça peut être fait, mais
MICHEL SAPIN
Bloquer les salaires ce nest pas un progrès, mais lorsque vous avez un accord avec les partenaires sociaux, ce nest pas le patron qui impose sa volonté, cest le produit dun accord, dune négociation, avec des contreparties dans lentreprise, et lorsquil est dit, dans cet accord, aujourdhui, il doit y avoir un effort de tous ! Y compris des actionnaires et demain, quand les choses iront mieux, il y aura un partage et un partage serait une sorte de récompense, pour ceux qui ont fait, un effort. Je le répète, cest ce qui sest passé en Allemagne. En Allemagne, chez VOLKSWAGEN, les salariés au bout du compte, ils ont gagné plus à la fin du processus, avec une entreprise sauvée, que si, ils avaient continué à être payés comme avant. Voilà, cest là, où il y a un changement de mentalité profond et je compte beaucoup, cest des réformes de profondeur, cest des réformes de fond. Cest des offensives en profondeur, aussi des offensives qui soient immédiates.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et hélas dans lintervalle, avant que tout ceci nentre en fonction, enfin, soit efficace, le chômage, hélas va continuer daugmenter ?
MICHEL SAPIN
Cest pour ça que, je disais, il y a deux offensives ou deux batailles. Il y a la bataille
JEAN-MICHEL APHATIE
Il va continuer daugmenter le chômage ?
MICHEL SAPIN
Il va continuer à augmenter là, au cours de ces quelques mois, il va sinverser dici la fin de lannée.
JEAN-MICHEL APHATIE
A un moment !
MICHEL SAPIN
Non, pas à un moment, monsieur APHATIE, dici la fin de lannée, la courbe du chômage sinversera.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous savez que personne ny croit !
MICHEL SAPIN
Eh bien ! Tant mieux !
JEAN-MICHEL APHATIE
Daccord !
MICHEL SAPIN
Comme ça, ça sera une bonne surprise, une bonne nouvelle. Je préfère que personne ny croie, et quon le constate. Plutôt que les cas où tout le monde y croit et on ne voit rien. Donc cest exactement dans cette situation-là que nous nous trouvons aujourdhui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des emplois davenir dans les collectivités territoriales peuvent remplacer valablement des emplois industriels qui seront détruits ?
MICHEL SAPIN
Ils ne remplacent pas, cest lautre front de la lutte contre le chômage. Cest lautre front de la lutte contre le chômage. Dans toutes les périodes de très forte hausse du chômage, ça a été vrai en 97, ça a été vrai en 2009/2010, avec le gouvernement de droite, lorsquil y a une montée très forte du chômage, lorsquil y a pleins de jeunes qui sont au chômage, lorsquil y a des gens qui sont au chômage depuis très longtemps, oui, on essaie de répondre à lurgence immédiate, par des emplois de cette nature. Et encore, nous le faisons avec des emplois de qualité, donc nous disons les emplois davenir, cest pour les jeunes, les plus en difficultés et il y a forcément de la formation qui va avec. Ça, cest aussi une manière de leur redonner de la fierté en eux-mêmes, de la confiance dans leur avenir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans ce contexte, des députés socialistes, Michel SAPIN, vous ont écrit : sil vous plait, ouvrez plus largement le droit à ouvrir des magasins le dimanche ? Vous allez leur répondre oui ou non ?
MICHEL SAPIN
Cest une situation qui est épouvantablement complexe aujourdhui
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors ça cest vrai !
MICHEL SAPIN
Dailleurs assez peu compréhensible, parce que la législation, la règlementation est complexe et dailleurs cest la droite qui la rendue encore plus complexe, en croyant, lui apporter une solution. Vous avez parfois un magasin qui est ouvert dun côté de la rue, et qui est fermé de lautre côté de la rue.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors quest-ce que vous allez faire ?
MICHEL SAPIN
Donc je comprends que chacun
JEAN-MICHEL APHATIE
On ferme tous ! Ou on les ouvre tous ?
MICHEL SAPIN
Je comprends que chacun se pose des questions. Mais au fond, quest-ce quil y a là-dedans ? Est-ce quon veut maintenir ou non, le fameux repos dominical ? Je vais le dire avec le sourire. Quand vous posez la question aux Français, voulez-vous que les magasins soient ouverts le dimanche ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils répondent oui.
MICHEL SAPIN
Et voulez-vous travailler le dimanche ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Certains répondent oui.
MICHEL SAPIN
Ils répondent extrêmement majoritairement non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a des manifestations de salariés ! On est payé plus cher, on est volontaire ?
MICHEL SAPIN
Lorsque vous demandez à lensemble des Français, ils disent : non, moi, je ne veux pas travailler le dimanche, parce que je tiens au dimanche, cest le moment où je peux voir ma famille, me reposer, enfin bref ! Changer un peu, par rapport aux restes de la semaine.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous ne changerez pas la législation ?
MICHEL SAPIN
Donc je ne souhaite pas que lon grignote par petits morceaux, ce repos dominical, qui est un élément important de la vie des travailleurs en France.
JEAN-MICHEL APHATIE
Durant la campagne présidentielle, vous étiez lun des porte-paroles de François HOLLANDE, enfin vous étiez dans la campagne. François HOLLANDE disait : il faut embaucher 60 000 enseignants dans lEducation nationale. Et hier, la COUR DES COMPTES rend un rapport : des enseignants, il y en a assez, 834 000, mais alors quest-ce que cest mal organisé ! Dune certaine manière, cest une critique de la proposition importante à lépoque de François HOLLANDE ?
MICHEL SAPIN
Non, comme vous le savez, dailleurs, cest une critique de ce qui existait. Puisque cest par définition lexamen de la COUR DES COMPTES na pas porté sur les 12 derniers mois, mais a porté sur les 8 années précédentes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ils disent : il y a assez denseignants ?
MICHEL SAPIN
Ils ne disent pas ça, seulement. Pardon de le dire, comme ça !
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas seulement non !
MICHEL SAPIN
Je pourrais le présenter de manière plus positive. Ils disent : ce nest pas quune question deffectif, il y a aussi dautres questions qui se posent dans lEducation et de ce point de vue-là, ils ont raison. Mais quil y ait besoin deffectifs supplémentaires, dans les classes où les jeunes sont en situation difficiles. Par exemple, dans un certain nombre de quartiers, cest évident ! Mais il faut dautres choses. On parlait de lenseignement de langues, en loccurrence à luniversité, oui, il y a des réformes qui doivent être menées dans lEducation nationale, pour quelles soient encore plus pertinentes. Mais il ne faut pas opposer les moyens aux réformes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Cest subtile la politique. Votre collègue FABIUS, à votre place, la semaine dernière, disait : il manque un patron à Bercy. Vous êtes daccord avec lui ?
MICHEL SAPIN
Bercy fonctionne et
JEAN-MICHEL APHATIE
Mal ?
MICHEL SAPIN
Et Bercy va fonctionner et Bercy fonctionnera encore mieux demain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il manque un patron ou pas ?
MICHEL SAPIN
Non, je pense que ce nest pas une vision de patron
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre nom est cité pour être patron de Bercy ?
MICHEL SAPIN
Oui, écoutez, on laissera cela à ceux qui me citent. Mais je suis très bien là où je suis.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mai 2013