Texte intégral
Les programmes de stabilité et de réforme décrivent la stratégie économique du gouvernement, les prévisions macroéconomiques qu'il a élaborées et la trajectoire des finances publiques. Ils revêtent une importance et une portée symbolique égales à celles d'un projet de loi de finances, même si leur nature diffère. C'est donc avec solennité et avec la conscience des responsabilités qui nous incombent que M. Bernard Cazeneuve et moi-même présentons à la commission des Finances ces premiers programmes de la législature.
Le président de la République a récemment rappelé les grandes orientations de la politique suivie par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le redressement de l'économie du pays autour d'une approche équilibrée conciliant la remise en ordre des finances publiques, les réformes ambitieuses de notre économie et la recherche active de la croissance. Nous traçons ce sillon depuis notre arrivée aux responsabilités, équipés d'une boussole - la justice - et ne perdant pas de vue la ligne d'horizon représentée par l'inversion de la courbe du chômage.
Le programme de stabilité et le PNR s'inscrivent dans un contexte difficile. En 2012, la France a souffert d'un endettement supplémentaire - le ratio de la dette rapportée à la richesse nationale a augmenté de vingt points en l'espace de peu d'années -, d'un déficit structurel élevé et d'un déficit nominal supérieur à 5 % du PIB sans les mesures d'ajustement prises à l'été 2012. Souffrant de lourdes faiblesses structurelles, notre pays a connu, au cours de la période 2007-2011, une croissance nulle en moyenne annuelle et une forte augmentation du chômage. Le rapport Gallois avait également mis en évidence le grand affaiblissement de la compétitivité de notre économie dans les dix dernières années, qui s'est traduit par le développement d'un fort déficit commercial - encore supérieur à 65 milliards d'euros en 2012. Nous menons des efforts de redressement de long terme pour faire face à cette situation.
En outre, la zone euro se trouve confrontée à une crise sans précédent. Nous avons apporté des réponses adaptées à chacun des pays qui ont dû faire face à de forts déséquilibres financiers. Néanmoins, la zone n'a pas encore retrouvé la croissance et subit même, depuis la fin de l'année 2012, une dégradation de sa situation économique ; ainsi, la Commission européenne prévoit que la zone euro restera en récession - de l'ordre de 0,3 point de PIB - en 2013, sachant que le chômage touche près de 19 millions de personnes en Europe.
Le programme de stabilité illustre le sens de notre action, visant à conduire des réformes pour le redressement économique du pays. En France et en Europe, on débat du rythme et de l'ampleur de la réduction des déficits au regard de la croissance. Pouvons-nous redresser l'économie sans assainir les finances publiques ? D'autres choix sont-ils envisageables ? Il y a toujours des alternatives en économie, car toutes les décisions résultent d'arbitrages, mais il nous paraît impossible de laisser dériver les comptes publics, car l'excès d'endettement pèserait sur les générations futures et le coût de la dette se renchérirait - alors que la France emprunte à un taux d'intérêt à dix ans qui ne dépasse pas 1,8 %, record historique qui allège le service de la dette et favorise le financement des entreprises. Nous partageons tous le constat selon lequel un pays qui s'endette est un pays qui s'appauvrit et qui s'affaiblit. Or la France souffre d'un endettement public excessif - supérieur à 90 % du PIB - qui ne doit plus s'accroître.
La vraie question ne concerne donc pas la nécessité du redressement des finances publiques, mais son rythme et son équilibre par rapport à la croissance. Depuis l'élection de François Hollande, la France porte ce sujet avec force dans l'ensemble des forums de coopération économique internationale ; à l'échelle européenne, nous plaidons depuis mai 2012 pour un rééquilibrage des politiques en faveur de la croissance, notamment auprès de notre partenaire allemand - notre relation avec l'Allemagne constituant un moteur puissant dans la zone euro -, dont la solidité des finances publiques devrait l'inciter à dynamiser davantage son économie. Nos idées progressent dans les enceintes du G7, du G20, du FMI, de l'OCDE où nous défendons l'importance des politiques de relance de la croissance, mais notre voix sera d'autant plus entendue que nous serons crédibles et forts. Le programme de stabilité et le PNR ont précisément pour objet de définir cette politique conciliant soutien à la croissance et remise en ordre des comptes. Nous devons trouver le bon rythme pour que le nécessaire assainissement ne bride pas les moteurs de l'activité.
Afin de peser dans le débat européen, nous devons conduire - à notre façon et sans reniement - les réformes qui sont attendues de nous. C'est dans cet esprit que nous avons élaboré le pacte de compétitivité et le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, et nous devons poursuivre cette politique de réforme pour nous renforcer et peser davantage sur la scène internationale.
Nos prévisions de croissance pour les années 2013 et 2014 - progression du PIB de 0,1 % et de 1,2 % - sont identiques à celles de la Commission européenne. Nous tablons sur une croissance annuelle de 2 % entre 2015 et 2017, niveau qui ne nous permettrait d'ailleurs pas de rattraper la diminution de notre croissance potentielle enregistrée ces dernières années. Le HCFP - nouvelle instance de notre cadre rénové de gouvernance des finances publiques - estime que le scénario macroéconomique retenu par le gouvernement est entouré d'aléas - certains à la baisse, d'autres à la hausse. Je confirme devant la Commission les prévisions de croissance du programme de stabilité. Compte tenu de l'ampleur des réformes engagées, il serait inopportun de se fixer un objectif de croissance plus prudent, comme vous l'évoquez, Monsieur le Président, et de prendre par exemple en compte la prévision du FMI - qui pense que la France connaîtra une récession de 0,1 % cette année ; cela conduirait en outre à programmer un ajustement excessif pour ramener le déficit sous la barre de 3 % du PIB en 2014. Nos hypothèses reposent sur la conviction du redémarrage progressif de l'économie européenne - puisque la plus grande part de l'effort a déjà été effectuée dans de nombreux pays - et sur celle de l'impact des réformes que nous avons menées - le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 20 milliards d'euros, la réforme du financement de l'économie, les mesures volontaristes pour l'emploi, le plan d'urgence en faveur du logement, l'action pour l'investissement des collectivités locales, la création de la Banque publique d'investissement (BPI).
Le programme de stabilité et le PNR portent des réformes nécessaires pour renouer avec une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire. Ils s'orientent autour de trois axes.
Le premier concerne la compétitivité. Beaucoup a été fait en onze mois et l'année en cours sera consacrée à la mise en oeuvre et à l'approfondissement des mesures prises. Le CICE traduit la réorientation de notre système fiscal vers l'encouragement de la compétitivité et de l'innovation ; nous incitons les entreprises à se saisir de ce dispositif déjà opérationnel et dont la montée en puissance va se poursuivre - notamment grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les PME. La nouvelle fiscalité des dividendes et l'extension du crédit impôt recherche constituent d'autres mesures favorables à l'investissement.
Dans le cadre des assises de l'entrepreneuriat, d'autres décisions seront arrêtées. La création de la BPI, la loi bancaire, le plan trésorerie et le soutien à l'investissement des collectivités locales ont remis le secteur financier au service de l'investissement des PME, des PMI et des ETI. Pour la prochaine étape de la réforme du financement de l'économie, nous mobiliserons le rapport de Mme Karine Berger et de M. Dominique Lefebvre pour utiliser plus efficacement l'épargne abondante des Français.
Plusieurs réformes dans les secteurs des services, de l'énergie et du logement visent également à soutenir notre compétitivité ; je présenterai ainsi début mai avec Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et luttera contre les rentes injustifiées. Une réforme ferroviaire sera élaborée prochainement. Enfin, le président de la République nous a demandé de conduire un choc de simplification. Toutes ces initiatives tendent à restaurer la compétitivité de notre tissu productif.
Le deuxième axe vise à préparer l'avenir en structurant notre économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d'investissements ciblés. Un fonds multisectoriel, doté de 590 millions d'euros et placé au sein de la BPI, appuie les filières prioritaires. Nous développons également une stratégie d'investissement de long terme dans les secteurs cruciaux du logement, de la rénovation thermique et du numérique, notamment.
Le troisième axe englobe la politique de lutte contre le chômage et la précarité avec le plein déploiement des mesures déjà adoptées, comme la réforme du marché du travail.
Au total, nous souhaitons mettre en oeuvre ces réformes dans les prochains mois avec le concours de la représentation nationale, afin de stimuler la croissance, objectif principal de notre action.
Trois temps scandent notre stratégie de redressement des comptes publics. Le premier couvre 2013 où nous ajusterons le rythme d'assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Le deuxième s'ouvrira en 2014 où nous approfondirons notre effort structurel pour atteindre nos objectifs de déficit. Enfin, à partir de 2015, nous commencerons à réduire la part de l'endettement dans le PIB afin de progresser vers l'équilibre structurel grâce à la montée en puissance des économies en dépenses.
Il ne s'agit pas, comme l'a rappelé le président de la République, d'une politique d'austérité, mais d'une politique sérieuse et juste, car nous sommes revenus sur notre objectif - voté par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques - de 3 % de déficit en 2013 du fait de la détérioration du contexte économique européen : le maintenir nous aurait conduits à précipiter l'entrée de la France en récession avec des conséquences sur les entreprises et sur l'emploi. Nous avons donc élaboré une nouvelle prévision de déficit - identique à celle de la Commission européenne et située à 3,7 % du PIB. Il n'y aura pas d'effort d'ajustement budgétaire supplémentaire - et pas de collectif budgétaire - en 2013 afin de ne pas peser sur la croissance.
En 2014, nous réduirons le déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel de 1 point de PIB, obtenu notamment par la modernisation de l'action publique - MAP -, qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser l'activité. Au-delà de 2014, nous maintenons le cap de l'équilibre structurel pour l'atteindre en 2017.
En 2013, deux tiers des efforts d'assainissement proviennent de la fiscalité et un tiers seulement des dépenses ; cette proportion sera inversée à partir de 2014, l'objectif étant de stabiliser le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2015, avant de le faire diminuer en 2016 et 2017. Le rythme de progression de la dépense publique n'atteindra que 0,5 % et sera donc divisé par quatre par rapport à celui de la dernière décennie ; le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de trois points de PIB au cours du quinquennat - soit plus de 60 milliards d'euros - grâce à la montée en puissance de la MAP qui dégagera des économies pérennes. Enfin, tous les acteurs publics contribueront à l'effort de redressement des comptes : ainsi, les dépenses de l'État - hors dette et pensions - baisseront de 1,5 milliard d'euros en 2014 et les concours financiers aux collectivités locales diminueront de 1,5 milliard d'euros en 2014 et de 3 milliards d'euros en 2015.
Le programme de stabilité et le PNR représentent l'occasion de valider nos orientations responsables et équilibrées de politique économique. Le gouvernement entend associer crédibilité et ambition en adoptant un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, en mettant en oeuvre les réformes qui préparent l'avenir, qui permettent de réorienter la construction européenne et qui donnent plus de poids à la France. Nous refusons l'austérité que les Français ne veulent pas, mais nous opérons des choix sérieux et responsables, ambitieux et réalistes. Je souhaite donc que votre Commission, avant l'Assemblée nationale dans son ensemble le 23 avril, soutienne ces programmes.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Rapporteur général, la négociation avec la Commission européenne a déjà débuté, puisque, le 12 avril, j'ai rencontré à ce sujet M. Olli Rehn, commissaire aux affaires économiques et monétaires. La Commission joue son rôle de gardienne des textes et souhaiterait que la France consente un effort plus important de réduction de son déficit à partir de 2014, afin qu'il se situe autour de 2,5 % du PIB. J'ai expliqué à M. Rehn que l'essentiel résidait dans l'effort structurel et dans le niveau de la dépense publique, que nous ne voulions pas casser la croissance, que nous refusions l'austérité et que nous défendions une politique sérieuse, calée sur un rythme soutenable de réduction des déficits.
Cette négociation ne sera pas facile, car la Commission nous demandera de documenter l'ensemble des éléments du programme de stabilité - y compris pour l'année 2013, bien que le débat sur la situation de nos finances publiques soit moins vif - et parce qu'elle se montrera exigeante sur les réformes structurelles - nous en faisons d'ailleurs, comme l'atteste ce programme de stabilité. Je veux croire que la Commission européenne sera soucieuse de permettre à la France - deuxième économie de la zone euro - de conserver un taux de croissance qui soit suffisant et qui valide ses propres prévisions.
J'ai également rencontré M. Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand, pour lui dire qu'il était de l'intérêt de l'Allemagne que la France soit forte pour relancer la construction européenne. Ce programme de stabilité sera transmis à la Commission européenne le 30 avril ; celle-ci ajustera ses prévisions de croissance début mai et émettra des recommandations à la fin du mois de mai avant l'adoption des programmes de stabilité nationaux au Conseil européen des 27 et 28 juin.
Le règlement sur le volet correctif du pacte budgétaire - modifié dans le cadre du «Six-Pack» - prévoit une réduction du ratio d'endettement de un vingtième par an pendant trois ans. Compte tenu du niveau de dette publique en France, il faudrait une baisse moyenne de 1,5 point de PIB pour respecter ce critère. La décrue moyenne annuelle entre fin 2014 et fin 2017 sera de l'ordre de deux points, si bien que nous respecterons cette obligation dans la période 2015-2017.
Le taux de prélèvements obligatoires progresse de 0,3 % de PIB entre 2013 et 2014, soit 6 milliards d'euros. Il n'y aura pas d'augmentation générale des impôts d'État sur les ménages en 2014, hors la refonte des taux de TVA - déjà votée par l'Assemblée nationale - pour financer le CICE. S'agissant des taux de TVA, nous serons attentifs aux propositions que pourra avancer la commission des Finances, car je confirme que nous souhaitons respecter le travail du Parlement.
Madame la Présidente, nous sommes préoccupés par les politiques d'austérité à l'échelle européenne ; ce n'est pas l'orientation que suit la France et le président de la République a proposé, dès son premier Conseil européen, un pacte de croissance ciblé sur l'investissement. Nous posons la question du rythme de consolidation budgétaire au regard de nos capacités de croissance, et souhaitons qu'émerge une approche plus coopérative entre les pays qui disposent d'excédents et ceux qui souffrent de déficits. La réorientation de la construction européenne reste insuffisante, mais elle progresse et la France ne réussira à la promouvoir davantage que si sa politique budgétaire est jugée crédible.
Le gouvernement est ouvert à la discussion avec la représentation nationale sur la fiscalité écologique - à condition que le taux de prélèvements obligatoires reste inchangé.
(Interventions des parlementaires)
Le Haut Conseil des finances publiques est une instance indépendante qui a rendu son avis au terme d'une semaine d'échanges avec nos services. Il a d'ailleurs également formulé des observations sur la forme de l'exercice, laquelle est perfectible puisqu'il s'agit d'une procédure nouvelle, qui s'est déroulée dans la plus grande transparence et qui a demandé beaucoup de travail supplémentaire à notre administration. Au total, l'expérience a été concluante et elle sera renouvelée. Son résultat m'inspire le même sentiment qu'à Mme Berger. Si notre scénario ne va pas sans risques ni sans aléas, le gouvernement n'a aujourd'hui aucune raison de modifier ses prévisions de croissance. En effet, il ne serait pas opportun de se fixer un objectif exagérément prudent pour 2014 étant donné la politique que nous menons et l'ampleur des réformes engagées ; en outre, cela nous conduirait à programmer un ajustement structurel excessif.
J'invite à relire l'avis du Haut Conseil, selon lequel «un certain nombre d'aléas pourraient [...] avoir un impact positif sur la prévision», dont «une contribution plus forte des stocks à la croissance sous l'effet d'une amélioration des anticipations d'activité des entreprises», ainsi qu'«une dépréciation éventuelle du taux de change effectif réel». Si les aléas baissiers mentionnés par le Haut Conseil sont plus nombreux que les aléas haussiers, l'on ne peut pour autant passer ces derniers sous silence.
Je le répète, les prévisions du FMI diffèrent très peu des nôtres, les deux variant légèrement autour d'une croissance nulle en 2013. Nous devons viser cet objectif en proscrivant tout pessimisme qui pourrait entraîner un effet récessif supplémentaire.
Plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur la sincérité de nos prévisions. Nous sommes convaincus que, en 2014, la croissance sera soutenue par le redémarrage de l'activité de nos principaux partenaires, par la reprise au sein de la zone euro, à laquelle nous travaillons, et par les réformes mises en oeuvre par le gouvernement. On peut dénombrer quatre bonnes raisons pour que la situation s'arrange dans la zone euro au cours du deuxième trimestre 2013, puis en 2014. D'abord, il y aura forcément moins d'austérité en 2014 qu'en 2013 : à l'exemple de la France, on peut ajouter celui des Pays-Bas et même celui de l'Allemagne, où le débat s'engage sur la reprise de la demande. Ensuite, les décisions adoptées lors du Conseil européen de juin dernier vont produire leurs effets ; je songe notamment à l'union bancaire. Troisièmement, la politique monétaire restera durablement accommodante, comme l'a annoncé la Banque centrale européenne. Enfin, nos partenaires européens appliquent des réformes tendant à réduire le déficit par des politiques de croissance.
Plusieurs éléments expliquent que nous ayons les mêmes prévisions de croissance que la Commission européenne tout en présentant un scénario différent : une demande internationale un peu supérieure du fait de cette réorientation des politiques européennes, l'effet des réformes qui n'avaient pas été intégrées aux calculs de la Commission - ce que nous lui avions d'ailleurs signalé -, auxquels s'ajoute un niveau d'importations légèrement inférieur. Tels sont les éléments dont découlent nos prévisions, qui sont parfaitement sincères. Voilà pourquoi, tout en saluant le travail du Haut Conseil et en prêtant la plus grande attention à ses conclusions, nous avons maintenu nos chiffres.
En ce qui concerne l'important débat sur la cible structurelle, le solde public nominal est passé de + 0,5 % en 2017, prévu en loi de programmation des finances publiques, à - 0,7 % dans le présent programme, et le solde structurel de 0 à - 0,3 %. Mme Berger le sait bien, les évaluations du solde structurel, si intéressantes soient-elles, notamment pour le Haut Conseil auquel elles servent de boussole, sont très incertaines, a fortiori à l'horizon 2017. Elles opposent d'ailleurs les économistes. Toutes choses égales par ailleurs, la Commission estimera que notre progression, vue au prisme de son analyse plutôt conservatrice, devrait nous conduire en 2017 à un solde structurel proche de l'équilibre, mais négatif, alors que selon, l'OFCE, par exemple, nous aurions déjà atteint l'équilibre structurel en 2013 ou en 2014 et devrions donc cesser nos efforts. Je n'approuve ni l'une ni l'autre. Ne mettons pas en péril notre crédibilité, en général et vis-à-vis de la Commission en particulier. Quoi qu'il en soit, l'écart confirme que l'analyse économique n'est pas une science exacte et que nous avons raison de porter au niveau européen le débat relatif au calcul de la croissance potentielle et à l'écart de production. Nous devons nous fonder sur des principes simples : la poursuite de l'effort est indispensable ; le cap, c'est la réduction du déficit structurel sans austérité inutile, sans masochisme et en préservant les moteurs de la croissance. L'inversion de la courbe de l'endettement prévue pour 2015 devrait y concourir.
Les mesures contenues dans le PNR ont fait pour la plupart l'objet d'études d'impact : c'est le cas du CICE, des emplois d'avenir, des contrats de génération. L'effet de chaque réforme est intégré au scénario macroéconomique. Toutefois, il est exact que nous ne disposons pas d'une évaluation globale. Je vais donc demander à mes services d'y travailler afin d'améliorer l'information du Parlement. Précisons que le rythme de la croissance potentielle va, selon nos prévisions, s'accélérer au cours des quatre années à venir sous l'effet de nos réformes, pour atteindre 1,5 à 1,6 %, ce qui représente une hausse de 0,5 point au cours du quinquennat.
Monsieur Mariton, vous m'avez interrogé sur les prévisions du FMI. Après avoir été, de son propre aveu, trop optimiste quant aux effets des politiques d'ajustement, il semble avoir aujourd'hui tendance à accroître exagérément les multiplicateurs. Plusieurs facteurs sont en jeu. Notre hypothèse de croissance potentielle de 1,5 à 1,6 % intègre l'évolution du stock de capital, du travail, de la productivité globale des facteurs.
Quel est notre cap ? Nous visons l'équilibre structurel à la fin du quinquennat et comptons nous rapprocher de l'équilibre nominal en 2017. Nous nous y tiendrons, compte tenu des incertitudes attachées aux prévisions à long terme. En ce qui concerne l'après-2017, il conviendra de déterminer à nouveau la meilleure trajectoire.
La baisse du taux d'épargne me paraît logique, car elle reflète une résilience de la consommation dans un contexte où les ajustements ciblent les agents les plus susceptibles d'épargner. Elle n'est pas du tout incompatible avec la réforme des retraites. Sur ce dernier sujet, l'approche qui sera retenue dépend des partenaires sociaux, qui doivent jouer leur rôle, et des travaux de la commission Moreau. Il s'agit d'assurer l'équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long terme.
Les cessions d'actifs n'apporteront pas de recettes maastrichtiennes, mais des recettes en capital, que l'État peut affecter soit au désendettement, soit à des dépenses en capital. On peut citer l'exemple de la cession de 3,1 % d'actions Safran, pour un peu plus de 450 millions d'euros. Par ailleurs, l'État apporte des ressources nouvelles à la BPI pour financer des investissements d'avenir. Responsable de la politique patrimoniale - prérogative du ministre des Finances depuis 1948 -, je vous présenterai une doctrine globale d'utilisation de ces cessions d'actifs, préférable à des débats au coup par coup.
S'agissant de l'effet du CICE, nous escomptons la création de 300 000 emplois et un gain de 0,5 point de PIB d'ici à 2017. Nul ne peut le nier, la mise en oeuvre du dispositif a été exceptionnellement rapide. On nous a même reproché de l'avoir fait voter trop vite une fois que le président de la République l'eut décidé dans le cadre du pacte national pour la compétitivité. Nous avons lancé l'offre de préfinancement de la BPI dès le 26 février et nous l'avons étendue le 5 avril aux TPE pour lesquelles le CICE ne dépasse pas 25 000 euros, constatant que les banques commerciales ne jouaient pas leur rôle auprès d'elles. Selon mes informations, plus de 1 400 demandes de préfinancement ont été accordées au cours de ce bref laps de temps, pour près de 500 millions d'euros. Je vous propose de revenir vous présenter d'ici à un mois l'état d'avancement de ce dispositif, qui fonctionne bien et dont nous souhaitons accélérer la mise en place, comme l'a rappelé ce matin le président de la République en Conseil des ministres.
En ce qui concerne la sincérité de nos prévisions, notre objectif de croissance pour les années 2015 à 2017 n'est pas hors de portée ; je le qualifierais même de tout à fait raisonnable - même si, vous le savez comme moi, à cet horizon l'exercice de prévision demeure très conventionnel et assez incertain. Mais ce n'est pas parce que la France vient de vivre deux années de croissance nulle qu'elle y est condamnée pour l'éternité. Au cours des dix années qui ont précédé la crise, la croissance française était en moyenne supérieure à 2 %, soit un rythme à peine supérieur à la croissance potentielle que nous prévoyons pour la période 2015 à 2017, alors que nous disposons d'une capacité de rebond nettement plus élevée qu'alors.
Je n'ai pas pour habitude de raisonner avec des «si». Si la croissance n'atteint pas 2 %, nous en débattrons le moment venu. Mais, pour notre part, nous n'avons nullement l'intention de mener une politique d'austérité. Il n'y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative, parce que notre stratégie est absolument opposée à celle du gouvernement précédent : nous n'entendons pas revenir tous les trois mois sur le cap et sur la trajectoire que nous avons fixés. Je le répète, nous ne ferons pas d'effort supplémentaire outre ce qui a déjà été voté.
Je n'ai pas exclu des mesures techniques, mais un plan d'ajustement supplémentaire. Toute mesure d'ajustement pèse incontestablement sur la croissance. Cela étant, s'il n'y a pas de consolidation expansionniste, l'évaluation du multiplicateur budgétaire n'est pas non plus une science exacte qui vaut partout et toujours. Elle dépend de la nature de la consolidation, notamment du partage entre recettes et dépenses, et surtout du ciblage des mesures. En l'espèce, nous nous sommes efforcés de faire porter la hausse des prélèvements sur les agents dont les capacités contributives sont les plus élevées.
En ce qui concerne les taux d'intérêt, la France jouit d'une crédibilité qui résulte de son statut économique, de l'importance de son épargne, de la politique qu'elle mène. Nous devons la préserver, car une hausse de 100 points de base a des effets considérables sur nos finances publiques, sans parler de la croissance. Les exemples de l'Espagne et de l'Italie montrent un effet boule de neige : on sait comment cela commence, on ignore comment cela finit. Pour ces raisons, je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur Gorges : l'endettement ne peut pas être considéré comme un atout. Je le maintiens, une économie qui s'endette est une économie qui s'appauvrit, qui s'affaiblit, et qui subit une hausse déraisonnable du service de la dette.
S'agissant de l'assiette de la fiscalité écologique, M. Cazeneuve et moi-même sommes tout disposés à y réfléchir. En ce qui concerne la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, je vous répondrai, comme hier lors de la séance de questions au gouvernement : il s'agit d'un impératif à la fois moral - car ces comportements sont insupportables dans le contexte que nous connaissons - et économique.
Enfin, le chiffre de 2,9 % de déficit public en 2014 correspond à la voie que nous avons choisie et qui concilie l'exigence de redressement des comptes et l'impératif de croissance. Cet objectif doit nous permettre de respecter nos engagements en termes tant nominaux que structurels. La Commission européenne en demande évidemment davantage, mais la France ne souhaite pas ajouter l'austérité à la récession. La négociation sera donc difficile, mais elle aboutira. Nous modifions l'approche en faisant découler les cibles nominales de l'effort structurel plutôt que l'inverse. Cela étant, sans être identique à celle de la Commission, notre cible nominale est défendable : elle ne constitue pas un handicap dans nos discussions au niveau de l'Union européenne et de la zone euro dans la situation que celle-ci connaît actuellement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 avril 2013
Le président de la République a récemment rappelé les grandes orientations de la politique suivie par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le redressement de l'économie du pays autour d'une approche équilibrée conciliant la remise en ordre des finances publiques, les réformes ambitieuses de notre économie et la recherche active de la croissance. Nous traçons ce sillon depuis notre arrivée aux responsabilités, équipés d'une boussole - la justice - et ne perdant pas de vue la ligne d'horizon représentée par l'inversion de la courbe du chômage.
Le programme de stabilité et le PNR s'inscrivent dans un contexte difficile. En 2012, la France a souffert d'un endettement supplémentaire - le ratio de la dette rapportée à la richesse nationale a augmenté de vingt points en l'espace de peu d'années -, d'un déficit structurel élevé et d'un déficit nominal supérieur à 5 % du PIB sans les mesures d'ajustement prises à l'été 2012. Souffrant de lourdes faiblesses structurelles, notre pays a connu, au cours de la période 2007-2011, une croissance nulle en moyenne annuelle et une forte augmentation du chômage. Le rapport Gallois avait également mis en évidence le grand affaiblissement de la compétitivité de notre économie dans les dix dernières années, qui s'est traduit par le développement d'un fort déficit commercial - encore supérieur à 65 milliards d'euros en 2012. Nous menons des efforts de redressement de long terme pour faire face à cette situation.
En outre, la zone euro se trouve confrontée à une crise sans précédent. Nous avons apporté des réponses adaptées à chacun des pays qui ont dû faire face à de forts déséquilibres financiers. Néanmoins, la zone n'a pas encore retrouvé la croissance et subit même, depuis la fin de l'année 2012, une dégradation de sa situation économique ; ainsi, la Commission européenne prévoit que la zone euro restera en récession - de l'ordre de 0,3 point de PIB - en 2013, sachant que le chômage touche près de 19 millions de personnes en Europe.
Le programme de stabilité illustre le sens de notre action, visant à conduire des réformes pour le redressement économique du pays. En France et en Europe, on débat du rythme et de l'ampleur de la réduction des déficits au regard de la croissance. Pouvons-nous redresser l'économie sans assainir les finances publiques ? D'autres choix sont-ils envisageables ? Il y a toujours des alternatives en économie, car toutes les décisions résultent d'arbitrages, mais il nous paraît impossible de laisser dériver les comptes publics, car l'excès d'endettement pèserait sur les générations futures et le coût de la dette se renchérirait - alors que la France emprunte à un taux d'intérêt à dix ans qui ne dépasse pas 1,8 %, record historique qui allège le service de la dette et favorise le financement des entreprises. Nous partageons tous le constat selon lequel un pays qui s'endette est un pays qui s'appauvrit et qui s'affaiblit. Or la France souffre d'un endettement public excessif - supérieur à 90 % du PIB - qui ne doit plus s'accroître.
La vraie question ne concerne donc pas la nécessité du redressement des finances publiques, mais son rythme et son équilibre par rapport à la croissance. Depuis l'élection de François Hollande, la France porte ce sujet avec force dans l'ensemble des forums de coopération économique internationale ; à l'échelle européenne, nous plaidons depuis mai 2012 pour un rééquilibrage des politiques en faveur de la croissance, notamment auprès de notre partenaire allemand - notre relation avec l'Allemagne constituant un moteur puissant dans la zone euro -, dont la solidité des finances publiques devrait l'inciter à dynamiser davantage son économie. Nos idées progressent dans les enceintes du G7, du G20, du FMI, de l'OCDE où nous défendons l'importance des politiques de relance de la croissance, mais notre voix sera d'autant plus entendue que nous serons crédibles et forts. Le programme de stabilité et le PNR ont précisément pour objet de définir cette politique conciliant soutien à la croissance et remise en ordre des comptes. Nous devons trouver le bon rythme pour que le nécessaire assainissement ne bride pas les moteurs de l'activité.
Afin de peser dans le débat européen, nous devons conduire - à notre façon et sans reniement - les réformes qui sont attendues de nous. C'est dans cet esprit que nous avons élaboré le pacte de compétitivité et le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, et nous devons poursuivre cette politique de réforme pour nous renforcer et peser davantage sur la scène internationale.
Nos prévisions de croissance pour les années 2013 et 2014 - progression du PIB de 0,1 % et de 1,2 % - sont identiques à celles de la Commission européenne. Nous tablons sur une croissance annuelle de 2 % entre 2015 et 2017, niveau qui ne nous permettrait d'ailleurs pas de rattraper la diminution de notre croissance potentielle enregistrée ces dernières années. Le HCFP - nouvelle instance de notre cadre rénové de gouvernance des finances publiques - estime que le scénario macroéconomique retenu par le gouvernement est entouré d'aléas - certains à la baisse, d'autres à la hausse. Je confirme devant la Commission les prévisions de croissance du programme de stabilité. Compte tenu de l'ampleur des réformes engagées, il serait inopportun de se fixer un objectif de croissance plus prudent, comme vous l'évoquez, Monsieur le Président, et de prendre par exemple en compte la prévision du FMI - qui pense que la France connaîtra une récession de 0,1 % cette année ; cela conduirait en outre à programmer un ajustement excessif pour ramener le déficit sous la barre de 3 % du PIB en 2014. Nos hypothèses reposent sur la conviction du redémarrage progressif de l'économie européenne - puisque la plus grande part de l'effort a déjà été effectuée dans de nombreux pays - et sur celle de l'impact des réformes que nous avons menées - le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 20 milliards d'euros, la réforme du financement de l'économie, les mesures volontaristes pour l'emploi, le plan d'urgence en faveur du logement, l'action pour l'investissement des collectivités locales, la création de la Banque publique d'investissement (BPI).
Le programme de stabilité et le PNR portent des réformes nécessaires pour renouer avec une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire. Ils s'orientent autour de trois axes.
Le premier concerne la compétitivité. Beaucoup a été fait en onze mois et l'année en cours sera consacrée à la mise en oeuvre et à l'approfondissement des mesures prises. Le CICE traduit la réorientation de notre système fiscal vers l'encouragement de la compétitivité et de l'innovation ; nous incitons les entreprises à se saisir de ce dispositif déjà opérationnel et dont la montée en puissance va se poursuivre - notamment grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les PME. La nouvelle fiscalité des dividendes et l'extension du crédit impôt recherche constituent d'autres mesures favorables à l'investissement.
Dans le cadre des assises de l'entrepreneuriat, d'autres décisions seront arrêtées. La création de la BPI, la loi bancaire, le plan trésorerie et le soutien à l'investissement des collectivités locales ont remis le secteur financier au service de l'investissement des PME, des PMI et des ETI. Pour la prochaine étape de la réforme du financement de l'économie, nous mobiliserons le rapport de Mme Karine Berger et de M. Dominique Lefebvre pour utiliser plus efficacement l'épargne abondante des Français.
Plusieurs réformes dans les secteurs des services, de l'énergie et du logement visent également à soutenir notre compétitivité ; je présenterai ainsi début mai avec Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et luttera contre les rentes injustifiées. Une réforme ferroviaire sera élaborée prochainement. Enfin, le président de la République nous a demandé de conduire un choc de simplification. Toutes ces initiatives tendent à restaurer la compétitivité de notre tissu productif.
Le deuxième axe vise à préparer l'avenir en structurant notre économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d'investissements ciblés. Un fonds multisectoriel, doté de 590 millions d'euros et placé au sein de la BPI, appuie les filières prioritaires. Nous développons également une stratégie d'investissement de long terme dans les secteurs cruciaux du logement, de la rénovation thermique et du numérique, notamment.
Le troisième axe englobe la politique de lutte contre le chômage et la précarité avec le plein déploiement des mesures déjà adoptées, comme la réforme du marché du travail.
Au total, nous souhaitons mettre en oeuvre ces réformes dans les prochains mois avec le concours de la représentation nationale, afin de stimuler la croissance, objectif principal de notre action.
Trois temps scandent notre stratégie de redressement des comptes publics. Le premier couvre 2013 où nous ajusterons le rythme d'assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Le deuxième s'ouvrira en 2014 où nous approfondirons notre effort structurel pour atteindre nos objectifs de déficit. Enfin, à partir de 2015, nous commencerons à réduire la part de l'endettement dans le PIB afin de progresser vers l'équilibre structurel grâce à la montée en puissance des économies en dépenses.
Il ne s'agit pas, comme l'a rappelé le président de la République, d'une politique d'austérité, mais d'une politique sérieuse et juste, car nous sommes revenus sur notre objectif - voté par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques - de 3 % de déficit en 2013 du fait de la détérioration du contexte économique européen : le maintenir nous aurait conduits à précipiter l'entrée de la France en récession avec des conséquences sur les entreprises et sur l'emploi. Nous avons donc élaboré une nouvelle prévision de déficit - identique à celle de la Commission européenne et située à 3,7 % du PIB. Il n'y aura pas d'effort d'ajustement budgétaire supplémentaire - et pas de collectif budgétaire - en 2013 afin de ne pas peser sur la croissance.
En 2014, nous réduirons le déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel de 1 point de PIB, obtenu notamment par la modernisation de l'action publique - MAP -, qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser l'activité. Au-delà de 2014, nous maintenons le cap de l'équilibre structurel pour l'atteindre en 2017.
En 2013, deux tiers des efforts d'assainissement proviennent de la fiscalité et un tiers seulement des dépenses ; cette proportion sera inversée à partir de 2014, l'objectif étant de stabiliser le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2015, avant de le faire diminuer en 2016 et 2017. Le rythme de progression de la dépense publique n'atteindra que 0,5 % et sera donc divisé par quatre par rapport à celui de la dernière décennie ; le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de trois points de PIB au cours du quinquennat - soit plus de 60 milliards d'euros - grâce à la montée en puissance de la MAP qui dégagera des économies pérennes. Enfin, tous les acteurs publics contribueront à l'effort de redressement des comptes : ainsi, les dépenses de l'État - hors dette et pensions - baisseront de 1,5 milliard d'euros en 2014 et les concours financiers aux collectivités locales diminueront de 1,5 milliard d'euros en 2014 et de 3 milliards d'euros en 2015.
Le programme de stabilité et le PNR représentent l'occasion de valider nos orientations responsables et équilibrées de politique économique. Le gouvernement entend associer crédibilité et ambition en adoptant un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, en mettant en oeuvre les réformes qui préparent l'avenir, qui permettent de réorienter la construction européenne et qui donnent plus de poids à la France. Nous refusons l'austérité que les Français ne veulent pas, mais nous opérons des choix sérieux et responsables, ambitieux et réalistes. Je souhaite donc que votre Commission, avant l'Assemblée nationale dans son ensemble le 23 avril, soutienne ces programmes.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Rapporteur général, la négociation avec la Commission européenne a déjà débuté, puisque, le 12 avril, j'ai rencontré à ce sujet M. Olli Rehn, commissaire aux affaires économiques et monétaires. La Commission joue son rôle de gardienne des textes et souhaiterait que la France consente un effort plus important de réduction de son déficit à partir de 2014, afin qu'il se situe autour de 2,5 % du PIB. J'ai expliqué à M. Rehn que l'essentiel résidait dans l'effort structurel et dans le niveau de la dépense publique, que nous ne voulions pas casser la croissance, que nous refusions l'austérité et que nous défendions une politique sérieuse, calée sur un rythme soutenable de réduction des déficits.
Cette négociation ne sera pas facile, car la Commission nous demandera de documenter l'ensemble des éléments du programme de stabilité - y compris pour l'année 2013, bien que le débat sur la situation de nos finances publiques soit moins vif - et parce qu'elle se montrera exigeante sur les réformes structurelles - nous en faisons d'ailleurs, comme l'atteste ce programme de stabilité. Je veux croire que la Commission européenne sera soucieuse de permettre à la France - deuxième économie de la zone euro - de conserver un taux de croissance qui soit suffisant et qui valide ses propres prévisions.
J'ai également rencontré M. Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand, pour lui dire qu'il était de l'intérêt de l'Allemagne que la France soit forte pour relancer la construction européenne. Ce programme de stabilité sera transmis à la Commission européenne le 30 avril ; celle-ci ajustera ses prévisions de croissance début mai et émettra des recommandations à la fin du mois de mai avant l'adoption des programmes de stabilité nationaux au Conseil européen des 27 et 28 juin.
Le règlement sur le volet correctif du pacte budgétaire - modifié dans le cadre du «Six-Pack» - prévoit une réduction du ratio d'endettement de un vingtième par an pendant trois ans. Compte tenu du niveau de dette publique en France, il faudrait une baisse moyenne de 1,5 point de PIB pour respecter ce critère. La décrue moyenne annuelle entre fin 2014 et fin 2017 sera de l'ordre de deux points, si bien que nous respecterons cette obligation dans la période 2015-2017.
Le taux de prélèvements obligatoires progresse de 0,3 % de PIB entre 2013 et 2014, soit 6 milliards d'euros. Il n'y aura pas d'augmentation générale des impôts d'État sur les ménages en 2014, hors la refonte des taux de TVA - déjà votée par l'Assemblée nationale - pour financer le CICE. S'agissant des taux de TVA, nous serons attentifs aux propositions que pourra avancer la commission des Finances, car je confirme que nous souhaitons respecter le travail du Parlement.
Madame la Présidente, nous sommes préoccupés par les politiques d'austérité à l'échelle européenne ; ce n'est pas l'orientation que suit la France et le président de la République a proposé, dès son premier Conseil européen, un pacte de croissance ciblé sur l'investissement. Nous posons la question du rythme de consolidation budgétaire au regard de nos capacités de croissance, et souhaitons qu'émerge une approche plus coopérative entre les pays qui disposent d'excédents et ceux qui souffrent de déficits. La réorientation de la construction européenne reste insuffisante, mais elle progresse et la France ne réussira à la promouvoir davantage que si sa politique budgétaire est jugée crédible.
Le gouvernement est ouvert à la discussion avec la représentation nationale sur la fiscalité écologique - à condition que le taux de prélèvements obligatoires reste inchangé.
(Interventions des parlementaires)
Le Haut Conseil des finances publiques est une instance indépendante qui a rendu son avis au terme d'une semaine d'échanges avec nos services. Il a d'ailleurs également formulé des observations sur la forme de l'exercice, laquelle est perfectible puisqu'il s'agit d'une procédure nouvelle, qui s'est déroulée dans la plus grande transparence et qui a demandé beaucoup de travail supplémentaire à notre administration. Au total, l'expérience a été concluante et elle sera renouvelée. Son résultat m'inspire le même sentiment qu'à Mme Berger. Si notre scénario ne va pas sans risques ni sans aléas, le gouvernement n'a aujourd'hui aucune raison de modifier ses prévisions de croissance. En effet, il ne serait pas opportun de se fixer un objectif exagérément prudent pour 2014 étant donné la politique que nous menons et l'ampleur des réformes engagées ; en outre, cela nous conduirait à programmer un ajustement structurel excessif.
J'invite à relire l'avis du Haut Conseil, selon lequel «un certain nombre d'aléas pourraient [...] avoir un impact positif sur la prévision», dont «une contribution plus forte des stocks à la croissance sous l'effet d'une amélioration des anticipations d'activité des entreprises», ainsi qu'«une dépréciation éventuelle du taux de change effectif réel». Si les aléas baissiers mentionnés par le Haut Conseil sont plus nombreux que les aléas haussiers, l'on ne peut pour autant passer ces derniers sous silence.
Je le répète, les prévisions du FMI diffèrent très peu des nôtres, les deux variant légèrement autour d'une croissance nulle en 2013. Nous devons viser cet objectif en proscrivant tout pessimisme qui pourrait entraîner un effet récessif supplémentaire.
Plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur la sincérité de nos prévisions. Nous sommes convaincus que, en 2014, la croissance sera soutenue par le redémarrage de l'activité de nos principaux partenaires, par la reprise au sein de la zone euro, à laquelle nous travaillons, et par les réformes mises en oeuvre par le gouvernement. On peut dénombrer quatre bonnes raisons pour que la situation s'arrange dans la zone euro au cours du deuxième trimestre 2013, puis en 2014. D'abord, il y aura forcément moins d'austérité en 2014 qu'en 2013 : à l'exemple de la France, on peut ajouter celui des Pays-Bas et même celui de l'Allemagne, où le débat s'engage sur la reprise de la demande. Ensuite, les décisions adoptées lors du Conseil européen de juin dernier vont produire leurs effets ; je songe notamment à l'union bancaire. Troisièmement, la politique monétaire restera durablement accommodante, comme l'a annoncé la Banque centrale européenne. Enfin, nos partenaires européens appliquent des réformes tendant à réduire le déficit par des politiques de croissance.
Plusieurs éléments expliquent que nous ayons les mêmes prévisions de croissance que la Commission européenne tout en présentant un scénario différent : une demande internationale un peu supérieure du fait de cette réorientation des politiques européennes, l'effet des réformes qui n'avaient pas été intégrées aux calculs de la Commission - ce que nous lui avions d'ailleurs signalé -, auxquels s'ajoute un niveau d'importations légèrement inférieur. Tels sont les éléments dont découlent nos prévisions, qui sont parfaitement sincères. Voilà pourquoi, tout en saluant le travail du Haut Conseil et en prêtant la plus grande attention à ses conclusions, nous avons maintenu nos chiffres.
En ce qui concerne l'important débat sur la cible structurelle, le solde public nominal est passé de + 0,5 % en 2017, prévu en loi de programmation des finances publiques, à - 0,7 % dans le présent programme, et le solde structurel de 0 à - 0,3 %. Mme Berger le sait bien, les évaluations du solde structurel, si intéressantes soient-elles, notamment pour le Haut Conseil auquel elles servent de boussole, sont très incertaines, a fortiori à l'horizon 2017. Elles opposent d'ailleurs les économistes. Toutes choses égales par ailleurs, la Commission estimera que notre progression, vue au prisme de son analyse plutôt conservatrice, devrait nous conduire en 2017 à un solde structurel proche de l'équilibre, mais négatif, alors que selon, l'OFCE, par exemple, nous aurions déjà atteint l'équilibre structurel en 2013 ou en 2014 et devrions donc cesser nos efforts. Je n'approuve ni l'une ni l'autre. Ne mettons pas en péril notre crédibilité, en général et vis-à-vis de la Commission en particulier. Quoi qu'il en soit, l'écart confirme que l'analyse économique n'est pas une science exacte et que nous avons raison de porter au niveau européen le débat relatif au calcul de la croissance potentielle et à l'écart de production. Nous devons nous fonder sur des principes simples : la poursuite de l'effort est indispensable ; le cap, c'est la réduction du déficit structurel sans austérité inutile, sans masochisme et en préservant les moteurs de la croissance. L'inversion de la courbe de l'endettement prévue pour 2015 devrait y concourir.
Les mesures contenues dans le PNR ont fait pour la plupart l'objet d'études d'impact : c'est le cas du CICE, des emplois d'avenir, des contrats de génération. L'effet de chaque réforme est intégré au scénario macroéconomique. Toutefois, il est exact que nous ne disposons pas d'une évaluation globale. Je vais donc demander à mes services d'y travailler afin d'améliorer l'information du Parlement. Précisons que le rythme de la croissance potentielle va, selon nos prévisions, s'accélérer au cours des quatre années à venir sous l'effet de nos réformes, pour atteindre 1,5 à 1,6 %, ce qui représente une hausse de 0,5 point au cours du quinquennat.
Monsieur Mariton, vous m'avez interrogé sur les prévisions du FMI. Après avoir été, de son propre aveu, trop optimiste quant aux effets des politiques d'ajustement, il semble avoir aujourd'hui tendance à accroître exagérément les multiplicateurs. Plusieurs facteurs sont en jeu. Notre hypothèse de croissance potentielle de 1,5 à 1,6 % intègre l'évolution du stock de capital, du travail, de la productivité globale des facteurs.
Quel est notre cap ? Nous visons l'équilibre structurel à la fin du quinquennat et comptons nous rapprocher de l'équilibre nominal en 2017. Nous nous y tiendrons, compte tenu des incertitudes attachées aux prévisions à long terme. En ce qui concerne l'après-2017, il conviendra de déterminer à nouveau la meilleure trajectoire.
La baisse du taux d'épargne me paraît logique, car elle reflète une résilience de la consommation dans un contexte où les ajustements ciblent les agents les plus susceptibles d'épargner. Elle n'est pas du tout incompatible avec la réforme des retraites. Sur ce dernier sujet, l'approche qui sera retenue dépend des partenaires sociaux, qui doivent jouer leur rôle, et des travaux de la commission Moreau. Il s'agit d'assurer l'équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long terme.
Les cessions d'actifs n'apporteront pas de recettes maastrichtiennes, mais des recettes en capital, que l'État peut affecter soit au désendettement, soit à des dépenses en capital. On peut citer l'exemple de la cession de 3,1 % d'actions Safran, pour un peu plus de 450 millions d'euros. Par ailleurs, l'État apporte des ressources nouvelles à la BPI pour financer des investissements d'avenir. Responsable de la politique patrimoniale - prérogative du ministre des Finances depuis 1948 -, je vous présenterai une doctrine globale d'utilisation de ces cessions d'actifs, préférable à des débats au coup par coup.
S'agissant de l'effet du CICE, nous escomptons la création de 300 000 emplois et un gain de 0,5 point de PIB d'ici à 2017. Nul ne peut le nier, la mise en oeuvre du dispositif a été exceptionnellement rapide. On nous a même reproché de l'avoir fait voter trop vite une fois que le président de la République l'eut décidé dans le cadre du pacte national pour la compétitivité. Nous avons lancé l'offre de préfinancement de la BPI dès le 26 février et nous l'avons étendue le 5 avril aux TPE pour lesquelles le CICE ne dépasse pas 25 000 euros, constatant que les banques commerciales ne jouaient pas leur rôle auprès d'elles. Selon mes informations, plus de 1 400 demandes de préfinancement ont été accordées au cours de ce bref laps de temps, pour près de 500 millions d'euros. Je vous propose de revenir vous présenter d'ici à un mois l'état d'avancement de ce dispositif, qui fonctionne bien et dont nous souhaitons accélérer la mise en place, comme l'a rappelé ce matin le président de la République en Conseil des ministres.
En ce qui concerne la sincérité de nos prévisions, notre objectif de croissance pour les années 2015 à 2017 n'est pas hors de portée ; je le qualifierais même de tout à fait raisonnable - même si, vous le savez comme moi, à cet horizon l'exercice de prévision demeure très conventionnel et assez incertain. Mais ce n'est pas parce que la France vient de vivre deux années de croissance nulle qu'elle y est condamnée pour l'éternité. Au cours des dix années qui ont précédé la crise, la croissance française était en moyenne supérieure à 2 %, soit un rythme à peine supérieur à la croissance potentielle que nous prévoyons pour la période 2015 à 2017, alors que nous disposons d'une capacité de rebond nettement plus élevée qu'alors.
Je n'ai pas pour habitude de raisonner avec des «si». Si la croissance n'atteint pas 2 %, nous en débattrons le moment venu. Mais, pour notre part, nous n'avons nullement l'intention de mener une politique d'austérité. Il n'y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative, parce que notre stratégie est absolument opposée à celle du gouvernement précédent : nous n'entendons pas revenir tous les trois mois sur le cap et sur la trajectoire que nous avons fixés. Je le répète, nous ne ferons pas d'effort supplémentaire outre ce qui a déjà été voté.
Je n'ai pas exclu des mesures techniques, mais un plan d'ajustement supplémentaire. Toute mesure d'ajustement pèse incontestablement sur la croissance. Cela étant, s'il n'y a pas de consolidation expansionniste, l'évaluation du multiplicateur budgétaire n'est pas non plus une science exacte qui vaut partout et toujours. Elle dépend de la nature de la consolidation, notamment du partage entre recettes et dépenses, et surtout du ciblage des mesures. En l'espèce, nous nous sommes efforcés de faire porter la hausse des prélèvements sur les agents dont les capacités contributives sont les plus élevées.
En ce qui concerne les taux d'intérêt, la France jouit d'une crédibilité qui résulte de son statut économique, de l'importance de son épargne, de la politique qu'elle mène. Nous devons la préserver, car une hausse de 100 points de base a des effets considérables sur nos finances publiques, sans parler de la croissance. Les exemples de l'Espagne et de l'Italie montrent un effet boule de neige : on sait comment cela commence, on ignore comment cela finit. Pour ces raisons, je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur Gorges : l'endettement ne peut pas être considéré comme un atout. Je le maintiens, une économie qui s'endette est une économie qui s'appauvrit, qui s'affaiblit, et qui subit une hausse déraisonnable du service de la dette.
S'agissant de l'assiette de la fiscalité écologique, M. Cazeneuve et moi-même sommes tout disposés à y réfléchir. En ce qui concerne la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, je vous répondrai, comme hier lors de la séance de questions au gouvernement : il s'agit d'un impératif à la fois moral - car ces comportements sont insupportables dans le contexte que nous connaissons - et économique.
Enfin, le chiffre de 2,9 % de déficit public en 2014 correspond à la voie que nous avons choisie et qui concilie l'exigence de redressement des comptes et l'impératif de croissance. Cet objectif doit nous permettre de respecter nos engagements en termes tant nominaux que structurels. La Commission européenne en demande évidemment davantage, mais la France ne souhaite pas ajouter l'austérité à la récession. La négociation sera donc difficile, mais elle aboutira. Nous modifions l'approche en faisant découler les cibles nominales de l'effort structurel plutôt que l'inverse. Cela étant, sans être identique à celle de la Commission, notre cible nominale est défendable : elle ne constitue pas un handicap dans nos discussions au niveau de l'Union européenne et de la zone euro dans la situation que celle-ci connaît actuellement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 avril 2013