Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, en réponse à une question sur les orientations de la politique économique du gouvernement, au Sénat le 6 juin 2013.

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Circonstance : Question au gouvernement posée par Mme Chantal Jouanno, sénatrice (UDI-UC) de Paris, au Sénat le 6 juin 2013

Texte intégral

Monsieur le président,
Madame la ministre Chantal Jouanno
Vous avez lu attentivement un rapport d'un cabinet d'expertise, Ernst & Young, qui, comme vous l'avez certainement remarqué, s'arrête à l'année 2012 Et donc, comme vous avez été membre du gouvernement précédent - vous n'avez sans doute pas perdu la mémoire - vous devez sans doute savoir que cette évaluation porte sur les dix dernières années, c'est-à-dire la période où la droite, les conservateurs ont gouverné la France.
Le président de la République a été élu le 6 mai 2012, et moi-même j'ai été nommé le 15 mai 2012, avec un programme, une feuille de route, qui est celle de redresser la France, de lui permettre de retrouver des marges de manœuvre, en maîtrisant ses déficits publics ; de redonner à notre économie toute sa force et sa compétitivité. Mais en même temps, de réformer notre système social, que ce soit la branche famille, la politique de santé, ou encore notre système de retraite, non pas pour le détruire mais pour le sauver. C'est toute la tâche du Gouvernement. C'est à quoi nous consacrons tous nos efforts depuis le premier jour, et donc ici et maintenant, avec l'objectif, en effet, que notre pays retrouve toute son attractivité. Parce qu'il a perdu en effet une partie de cette attractivité.
Mais j'aimerais que vous ayez avec nous un discours un peu plus positif et un peu plus généreux à l'égard de la France. Nous restons la cinquième puissance économique du monde. Nous avons un niveau de qualité de vie et d'infrastructures inégalé. Mais nous avons des réformes à faire : la réforme de notre système éducatif, car c'est vrai que l'école de la République ne respecte pas toutes ses promesses de former jeunesse, et c'est le chantier de la refondation de l'école, vous en avez parlé il y a quelques jours. C'est aussi la réforme des collectivités territoriales, pour qu'elles soient plus efficaces, le Sénat y apporte sa contribution et je m'en félicite. Mais ce sont tous les autres chantiers dont un, en effet, que vous avez mentionné, vous avez parlé du crédit d'impôt compétitivité-emploi, Vous auriez pu parler par exemple de la réforme du marché du travail, sécurisation des parcours professionnels d'un côté, une plus grande flexibilité de l'autre. Et le Sénat s'est prononcé, c'est maintenant devenu la loi de la République. Le chantier de la formation professionnelle, il est devant nous pour plus d'efficacité. C'est tout cela que nous avons entrepris pour redonner à la France toute sa force, pour lui permettre de retrouver son rôle leader en Europe. Elle le peut, les Français en ont la capacité, il y a beaucoup de choses qui marchent heureusement dans notre pays.
Nous voulons que la France soit plus forte, plus attractive, mais elle ne le sera que si elle est plus juste. Et j'aimerais bien que vous, vous soyez juste et lucide avec ce que vous avez été incapables de faire, avec ce qui a contribué à affaiblir la France. Eh bien soyez lucide. Retrouvez en quelque sorte un peu de lucidité pour soutenir l'entreprise de redressement que nous avons engagée.
Source http://www.gouvernement.fr, le 7 juin 2013|N|N|N|N|Texte intégral70064|Merci Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député, Alain Claeys,
Vous avez raison, les Français attachés au système de retraite par répartition, sont préoccupés de l'avenir de ce système de retraite. Et je les comprends.
Il y a les retraités d'aujourd'hui, qui veulent voir leur pension garantie. Il y a les jeunes qui aujourd'hui sont en activité et commencent à cotiser, et qui se demandent si cette cotisation sera utile pour avoir une retraite digne et juste. Et puis il y a ceux qui ne travaillent pas encore et qui s'interrogent aussi sur l'avenir de la retraite.
Alors c'est bien le défi qui est devant nous. Et malheureusement, ce qui renforce la préoccupation, c'est qu'en 2003 il y a eu une réforme des retraites, qui devait tout régler. Il y en a eu une autre en 2010, qui devait tout régler. Et malheureusement les problèmes sont là encore. Non seulement les problèmes financiers ne sont pas réglés - 20 milliards de déficit à l'horizon 2020, et il faudra bien payer les retraites -, et en même temps les inégalités face à la retraite se sont creusées, pour les femmes, pour les poly-pensionnés, ceux qui ont eu de multiples carrières, ceux qui ont fait des études longues.
Et je crois qu'aujourd'hui il n'est plus possible de dire aux retraités, qui aujourd'hui attendent de percevoir leur retraite et qui souhaitent que cette retraite soit garantie, - comme il n'est pas non plus acceptable pour les jeunes - : votre retraite sera payée par emprunt, sera payée par la dette. C'est la situation dans laquelle nous sommes. Situation que, mesdames et messieurs les députés de la droite vous avez acceptée fin 2012, en prolongeant la durée d'amortissement de la caisse de la dette sociale de quatre ans.
Il faut tourner cette page, il faut arrêter de faire payer par la dette le régime par répartition qui est au cœur du système social français.
Alors il y a une méthode : après les deux rapports du Conseil d'orientation des retraites, la commission Moreau doit présenter des hypothèses de solutions. Elles seront multiples. Il appartiendra au Gouvernement de choisir celle qui leur paraîtra à la fois la plus efficace, la plus durable et la plus juste. Mais avant, il y a des rendez-vous. Le premier rendez-vous c'est la conférence sociale des 20 et 21 juin.
Il y aura une table-ronde spécialement consacrée aux retraites. Les partenaires sociaux, les représentants de la fonction publique, débattront et discuteront des meilleures réponses, des meilleures solutions. Et ensuite la concertation se poursuivra. Il n'y aura pas de décision comme en 2010, en plein cœur de l'été, j'en prends l'engagement. Ce n'est qu'après l'été, après la concertation qui se sera poursuivie, que le Gouvernement dira la ligne qui est la sienne. Et le Parlement sera saisi pour prendre ses responsabilités.
L'objectif il est clair : maîtriser les déficits, c'est l'intérêt des retraités d'aujourd'hui et de demain, mais en même temps corriger les inégalités et les injustices, ne pas déstabiliser ce qui existe déjà et qui marche aussi bien dans le privé que dans le public. Et puis enfin, garantir dans la durée un système qui fasse que les retraites soient accordées à tous, tous les Français d'aujourd'hui, tous les Français de demain. C'est le modèle social français.
Nous avons montré comment nous étions capables de le réformer sans perdre son âme et son identité. Je suis sûr que pour les retraites, nous procéderons de la même façon, dans le respect des partenaires sociaux, dans le respect du sens des responsabilités et aussi dans la justice.|N|N|N|N|Texte intégral 70065|Monsieur le président,
Monsieur le président Jacob, pourquoi toujours caricaturer ? Mais tout simplement parce que vous êtes mal à l'aise, vous vous étiez mis dans la tête, et ça c'est votre problème, que nous allions mettre en cause l'universalité des allocations familiales. Vous vous êtes trompés, nous l'avons préservée.
Quant à la prestation pour jeunes enfants, le congé parental, il n'est pas diminué, il est préservé. Simplement il est proposé qu'une partie soit partagée entre la mère et le père, et cela vous dérange. C'est aussi un progrès. Je voudrais aussi ajouter quelque chose, monsieur Jacob, ne pas reprendre tout ce que j'ai dit. Moins de 12% des familles avec enfant devront contribuer avec un acte de solidarité, de justice fiscale à l'effort pour améliorer les conditions de vie des familles, en particulier pour les familles les plus pauvres. Est-ce que vous connaissez les chiffres que l'UNICEF ne cesse de rappeler, et rappelle à tous les pays qui sont concernés ? Le nombre d'enfants pauvres en France est un nombre profondément scandaleux, et qu'il faut absolument réduire ; un enfant sur cinq est en état de pauvreté. Est-ce acceptable ? Est-ce que dans notre République, pour rester fidèle à l'esprit de la solidarité en faveur des familles, il ne faut pas faire un effort pour faire reculer la pauvreté des enfants ? C'est le choix qu'a fait le Gouvernement.
Alors, vous nous racontez des histoires, monsieur Jacob. À la veille de l'élection présidentielle, vous aviez décidé, en catimini, de réduire le montant réel des allocations familiales puisque vous aviez revalorisé de 1% alors que l'inflation est de 1,75%, les allocations familiales. Croyez-vous que je l'ai oublié ?
Je vais terminer par autre chose, parce que ce Gouvernement a le courage de traiter les problèmes de déficit sans détruire le système social français. Mais vous, dans votre programme, monsieur Jacob, j'espère que vous n'avez pas la mémoire courte, en tout cas votre voisin monsieur Copé ne peut pas l'avoir parce qu'il avait donné son approbation à une proposition de monsieur Le Maire, qui était responsable du programme de l'UMP, et que vous auriez appliqué si vous aviez été réélu : c'est à dire mettre à l'impôt les allocations familiales, c'est à dire faire payer l'impôt à toutes les familles qui auraient reçu les allocations familiales. Voilà ce qu'était le programme caché de l'UMP. Ce programme caché, je le rappelle, ce n'est pas le nôtre. Le nôtre, c'est la justice fiscale et c'est la justice sociale.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 juin 2013|N|N|N|N|Texte intégral 70066|Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député Jean-Marc Germain,
J'ai eu la semaine dernière l'occasion de rappeler les fondamentaux du modèle social français. A la Libération, le programme du Conseil national de la Résistance a inspiré ceux qui ont gouverné la France. C'est d'ailleurs ce qui est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, « le principe de la solidarité » ; c'est de là qu'est née la Sécurité sociale. La Sécurité sociale, c'est le droit à la santé pour tous, financé par la solidarité. C'est le droit à la retraite financé par la solidarité et le régime par répartition. Mais aussi, c'est la branche famille, financée par la solidarité, avec un système d'allocations familiales égal pour tous, pour tous les enfants, quel que soit leur milieu. C'est-à-dire, le principe d'égalité.
Le Gouvernement était face à un problème majeur. Ceux qui nous ont précédés avaient laissé le déficit de la branche famille s'installer, le risque était grand de voir remis en cause ce qui marche et qui est notre fierté, c'est-à-dire, le modèle de la politique familiale française. Nous avons décidé de sauver ce modèle.
Tous les enfants continueront de percevoir les allocations familiales à travers leurs parents, quel que soit leur milieu. Mais il fallait en même temps réduire les déficits et aussi lutter contre la pauvreté ; un enfant sur cinq est en situation de pauvreté. Il fallait aussi répondre à des besoins nouveaux des familles qui se posaient moins en 1945. Aujourd'hui, la famille a changé, la société a changé, les modes de garde sont une priorité. Le projet du Gouvernement répond aux trois questions : réduire le déficit, réduire la pauvreté des familles - des familles monoparentales, des familles nombreuses pauvres -, mais aussi 275 000 places d'accueil pour les jeunes enfants. Voilà ce que le Gouvernement a décidé.
Alors en préservant l'universalité des allocations familiales, nous avons demandé un effort de solidarité. Oui, c'est vrai, nous l'assumons, c'est le courage du Gouvernement. C'est-à-dire que, par la modification du quotient familial, nous demandons aux familles les plus aisées de contribuer à l'effort de solidarité.
Je voudrais, là, donner une information. Le quotient familial, qui va effectivement être modifié, concerne les familles les plus aisées et non pas comme on dit les classes moyennes. Lorsqu'on gagne près de 6000 euros par mois, aujourd'hui le quotient familial donne un avantage considérable par rapport aux classes moyennes et aux classes populaires. Et je voudrais vous donner deux chiffres, Mesdames et Messieurs les députés :
- Pour un couple avec enfants, qui gagne 2000 euros par mois, l'effet du quotient familial donne un avantage fiscal par an de 1000 euros ;
- Mais quand vous gagnez 5000 euros par mois, avec deux enfants, cet avantage fiscal est de 4000 euros.
Nous avons simplement mis plus de justice.
C'est la preuve que l'on peut sauver le modèle social français en le réformant, en réduisant les injustices, en répondant à des besoins nouveaux, et en apportant plus de solidarité en faisant reculer les inégalités sociales.
C'est la politique du Gouvernement, ce sera celle qui nous conduira pour les autres réformes de notre système social, et celle qui nous inspirera pour la réforme des retraites.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 juin 2013|N|N|N|N|Texte intégral 70067|La politique familiale est un des piliers du modèle social français, c'est même une de nos fiertés, une de nos réussites, qui est souvent enviée, et en particulier dans les autres pays européens. Tout notre défi, alors que cette politique familiale, ce modèle français, connaît des difficultés financières, c'est de le sauver, de le préserver, et donc le défi du gouvernement c'est de trouver la bonne solution, et pour y parvenir il faut réformer le modèle social français en le pérennisant dans ses financements, en le rendant plus juste dans sa mise en œuvre, et en étant plus solidaire pour assurer son financement. C'est ce que le gouvernement a décidé.
Vous savez, la politique familiale de la France elle existe déjà depuis la IIIe République, elle s'est surtout consolidée à la Libération, avec le Conseil National de la Résistance et son programme, qui a fondé la Sécurité Sociale. La Sécurité Sociale elle est basée sur le principe de solidarité et de répartition, le plus juste possible, des contributions et des efforts. Mais la société de 1945 n'est plus tout à fait la même qu'aujourd'hui, la situation des familles a évolué, en particulier le taux d'activité des femmes est particulièrement élevé, et en particulier dans notre pays, et c'est aussi à cela qu'il faut répondre, d'où une grande mesure en faveur de l'accueil des jeunes enfants. 275 000 places nouvelles, apportant une solution de garde, vont être proposées, dont 100 000 places supplémentaires en crèche.
Mais il y a aussi un autre défi à relever, c'est de lutter contre les inégalités et en particulier, un phénomène inacceptable dans notre pays, qui est la pauvreté d'une partie des enfants et des familles. Un enfant sur cinq est en situation de pauvreté. Nous avons prévu des aides supplémentaires, pour les mères isolées, pour les familles monoparentales, pour les familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Et puis s'agissant des prestations familiales, des Allocations Familiales, le gouvernement a décidé de préserver l'universalité des Allocations Familiales, elles continueront d'être versées de façon égale à tous les enfants, de toutes les familles, mais en même temps il faut trouver des solutions pour financer. Ce financement doit se faire sur la base de la justice, de la solidarité. C'est pour cela que le gouvernement a choisi de faire appel aux familles les plus aisées, en réduisant un avantage fiscal, à travers le quotient familial, mais qui concernera un nombre très limité de familles puisque c'est moins de 12% des familles qui seront concernées par cet effort supplémentaire.
Donc vous voyez bien qu'il est tout à fait possible de préserver le modèle social français, qui est au cœur de notre pacte républicain, personne n'a à nous dicter notre conduite sur la manière de conduire nos réformes, on peut parfaitement réduire les déficits et en même temps sauver l'essentiel qui est au cœur de ce modèle social. A travers la réforme que j'ai présentée ce matin au Haut Conseil de la Famille, nous en apportons la preuve, pour la pérennité, la consolidation, le renforcement de l'équité, de la politique familiale française.
Source http://www.gouvernement.fr, le 4 juin 2013 |N|N|N|N|Texte intégral 70068|Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les membres du Haut conseil de la famille,
Mesdames les ministres
Je vous avais tous réunis le 7 février dernier pour la réinstallation du Haut conseil de la famille. Je vous avais dit mon attachement à la famille et à ses valeurs, à la politique familiale française et à ses réussites. Dans le cadre des engagements du Président de la République (16e engagement), je vous avais fait part de l'intention du gouvernement de la moderniser, pour la rendre plus efficace et plus juste.
Comme je m'y étais engagé, je reviens vers vous pour vous présenter les décisions que nous avons prises, à la suite du rapport de Bertrand Fragonard, dont je salue à nouveau la qualité. Car c'est cela notre démarche : il y a le temps du diagnostic, le temps de la concertation et du dialogue et enfin le temps de la décision.
Le gouvernement prend ses responsabilités. Ce qu'il engage aujourd'hui, c'est une rénovation de la politique familiale. Car la société et les familles ont évolué, et les besoins des parents et des enfants aussi. Nous ne sommes plus dans la France de 1945. A cette époque, les aides financières aux familles étaient primordiales. Les besoins de garde des enfants étaient plus limités.
Si la société a changé, si les besoins des familles ont évolué, les principes, les valeurs de la politique familiale sont en revanche toujours les mêmes. Ces principes, ce sont ceux de notre République. Ceux que nous avons hérités de la IIIème République et du Conseil national de la Résistance.
Ils sont gravés dans le préambule de la Constitution de 1946. Ils forment un large consensus, car ils ont été portés par toutes les forces engagées dans la Résistance. Ils sont d'autant plus forts qu'ils tiennent en une seule phrase : "La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement."
La Nation, c'est l'Etat, les collectivités locales, les caisses d'allocations familiales, les associations, les entreprises. Ensemble, nous devons garantir aux parents et aux enfants qui composent les familles les moyens de réaliser durablement leur projet de vie.
Les valeurs qui sont les nôtres, ce sont celles de la sécurité sociale : une solidarité des ménages sans enfants vers les ménages avec enfants, une solidarité entre les hauts revenus et les bas revenus.
L'Etat est bien sûr garant de ces principes et de ces valeurs. En tant que Premier ministre, je m'engage à protéger toutes les familles. Et avec moi, c'est tout le gouvernement qui s'engage. Je salue en particulier Marisol Touraine et Dominique Bertinotti, qui sont pleinement investies sur cette question.
Oui, toutes les familles continueront à être aidées, à être épaulées. Mais ma responsabilité, c'est aussi de redresser le pays, de réduire les déficits. Nous avons l'obligation de le faire, car c'est la seule façon de garantir la pérennité de notre protection sociale.
Cette tâche, je m'y suis attelé dès mon arrivée. Dès juin 2012, nous avons augmenté de 25% l'allocation de rentrée scolaire. C'était l'un des 60 engagements du Président de la République. 3 millions de familles et 5 millions d'enfants en ont bénéficié.
Aujourd'hui, nous passons à une nouvelle étape, celle de la modernisation en profondeur de la politique familiale. Elle s'appuie sur un diagnostic précis, celui de l'atout essentiel que représente la politique familiale française. Elle nous permet d'afficher une natalité et un taux d'activité féminin parmi les plus élevés d'Europe. En 2045, la population de la France dépassera celle de l'Allemagne !
Mais nous pouvons faire mieux sur de nombreux aspects, alors même que nous consacrons 3,8% de notre PIB à la politique familiale.
Les familles les plus aisées, qui cumulent les allocations familiales et d'importantes réductions d'impôt, sont très favorisées par cette politique. Dans le même temps, le taux de pauvreté des enfants dans notre pays est inacceptable : un enfant sur cinq est touché, selon l'UNICEF. Des besoins essentiels sont encore mal couverts, avec de fortes disparités sociales et territoriales : je pense bien sûr aux places d'accueil des jeunes enfants.
La rénovation de la politique familiale que nous engageons repose sur trois piliers, qui intègrent toutes les composantes de cette politique : les prestations familiales ; les aides fiscales ; les services aux familles.
1. Premier pilier : assurer la pérennité de notre politique familiale, et la rendre plus juste.
Le déficit de la branche famille s'est élevé à 2,5 milliards d'euros en 2012. Il sera plus important encore en 2013. Il est donc urgent d'agir ! C'est la condition de sa pérennité. Pour réduire ce déficit, nous avons choisi de mieux cibler certaines aides aux familles, tout en préservant l'universalité des allocations familiales.
La première mesure touche naturellement les familles les plus aisées qui sont, comme je l'ai dit, les premières bénéficiaires de la politique familiale. L'avantage fiscal qu'elles tirent de la présence d'enfants au foyer sera ainsi réduit. Le plafond du quotient familial sera fixé à 1500€ par demi-part "enfants à charge".
Cette mesure ne touchera que 12% des ménages avec enfants. Celles dont le revenu mensuel net est (pour les familles de deux enfants) supérieur à 5850 euros.
C'est une mesure évidente de justice : il n'est pas normal qu'une famille aisée bénéficie d'un avantage très supérieur à celui dont bénéficie une famille modeste. Elle sera mise en oeuvre dès 2014 et améliorera de près d'un milliard d'euros la situation de la branche famille.
La Prestation d'accueil du jeune enfant sera également aménagée. La limitation du nombre de familles bénéficiant de l'allocation de base de la PAJE avait été envisagée, mais nous avons jugé cette solution trop pénalisante pour les familles concernées. Nous avons préféré moduler à la baisse le montant de cette allocation pour 10% des familles.
Cette mesure, qui s'appliquera à compter du 1er avril 2014 aux nouveaux bénéficiaires et non à ceux qui la touchent déjà, représente 250 millions d'euros. J'en mesure l'effort.
Le gouvernement mettra par ailleurs en oeuvre, en l'atténuant un peu, la proposition de Bertrand Fragonard de ne pas revaloriser ces prochaines années le montant de l'allocation de base. Il est anormal que ce montant soit supérieur de 17 euros à celui du complément familial, qui concerne des familles très modestes.
Contrairement à ce qui a pu être évoqué, la prime de naissance sera, en revanche, maintenue.
Nous supprimerons la majoration du complément de libre choix d'activité, qui ne bénéficie qu'aux ménages les plus aisés, ainsi que la réduction forfaitaire d'impôt pour frais de scolarité au collège et au lycée, qui ne bénéficie qu'aux familles imposables et n'a aucun effet structurant. Ces deux mesures amélioreront de 450 millions d'euros l'équilibre de la branche.
Enfin, des économies seront réalisées en luttant contre la fraude et en garantissant un meilleur recouvrement des pensions alimentaires non payées.
Une part importante des économies ainsi réalisées – 500 millions d'euros au total - permettra de réduire la pauvreté des enfants et de leurs familles.
Deux mesures du plan pluriannuel contre la pauvreté que j'ai présenté le 21 janvier dernier, seront ainsi mises en oeuvre :
- l'allocation de soutien familial sera augmentée de 25%, pour soutenir les familles monoparentales ; près de 750 000 familles en bénéficieront ;
- le complément familial sera majoré de 50% pour les familles nombreuses sous le seuil de pauvreté ; près de 400 000 familles sont concernées.
Au total, les comptes de la branche famille seront améliorés de 1,7 Md€ en 2016. Il est donc possible de réduire les déficits tout en préservant les principes de base de notre modèle social et en corrigeant les injustices.
2. Deuxième pilier : porter une grande ambition en matière de services aux familles, pour donner les meilleures chances à tous les enfants
La diversité des modes de garde des jeunes enfants est l'une des forces de notre politique familiale. Mais cette question reste l'une des principales préoccupations des familles. Le gouvernement en a fait l'une de ses priorités.
Vous le savez, la préparation de la convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale d'allocation familiale pour la période 2013-2017 arrive à son terme, à l'issue d'un dialogue très constructif.
Les moyens du fonds national d'action sociale progresseront de 7,5% par an en moyenne sur cette période. Une augmentation de 2 milliards d'euros entre 2012 et 2017. C'est ce qui m'a paru nécessaire pour réaliser nos ambitions. Nous pourrons ainsi créer 275.000 solutions d'accueil supplémentaires pour les jeunes enfants.
Nous financerons, en particulier, 100.000 nouvelles places de crèches. Et après la concertation menée par Dominique Bertinotti dans le cadre de la démarche citoyenne « Au tour des parents », nous allons créer un fonds de réduction des inégalités territoriales et améliorer le pilotage territorial de l'offre de garde.
Nous allons scolariser en maternelle 75.000 enfants supplémentaires de 2 à 3 ans, grâce à la création de 3000 postes d'instituteurs, en priorité dans les zones d'éducation prioritaire. Le précédent gouvernement, rappelons-le, avait à l'inverse réduit de 55.000 le nombre d'enfants de moins de 3 ans scolarisés. Pourtant, scolariser les jeunes enfants, c'est une solution d'accueil de qualité, une solution éducative et une mesure de justice sociale.
Nous allons favoriser la création de 100.000 solutions d'accueil auprès d'assistantes maternelles, grâce à un plan reposant sur la formation et les relais assistantes maternelles.
Enfin nous allons doubler les crédits des différentes structures d'aide aux parents et de médiation familiale.
Et nous ferons également un effort supplémentaire au travers des activités périscolaires et des centres sociaux ou de loisirs. Les CAF seront ainsi un acteur majeur de la réussite de la réforme des rythmes scolaires et mobiliseront à terme 250 millions d'euros pour financer les heures d'accueil supplémentaires.
C'est au total un effort sans précédent que nous engageons. Il repose sur une solidarité accrue. C'est cela le sens de notre politique : mieux cibler les aides aux familles ; soutenir davantage les familles qui en ont le plus besoin ; accroître l'offre d'accueil des jeunes enfants.
La question des effectifs des CAF est un autre enjeu de la COG. J'en mesure l'importance. Les CAF sont l'un des services publics les plus sensibles aux difficultés économiques et sociales. Elles sont actuellement en tension, au détriment des personnels et surtout des allocataires.
J'ai donc décidé de les renforcer, notamment pour l'accueil. Cela pourrait passer par le recrutement de jeunes en emplois d'avenir, à hauteur de 700 sur deux ans.
Néanmoins, comme tous les services publics, les CAF doivent améliorer leur organisation, notamment en ayant recours à la mutualisation.
L'Etat soutiendra cet effort de productivité, en prenant des engagements en faveur de la simplification. Cette question devra être réglée dans les jours qui viennent, pour permettre la signature de la Convention.
3. Troisième pilier, enfin : favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes.
Aujourd'hui, 96% des bénéficiaires du congé parental sont des femmes. Najat Vallaud-Belkacem a préparé, en concertation avec les partenaires sociaux, une réforme du congé parental qui poursuit deux objectifs.
* Accroître le niveau d'emploi des femmes, d'abord. Un congé parental trop long éloigne en effet les femmes du marché du travail, notamment lorsqu'elles sont peu qualifiées.
* Favoriser ensuite un meilleur partage des responsabilités parentales.
Désormais, une part du complément de libre choix d'activité, égale à six mois, ne pourra être prise que si le second parent – le plus souvent le père – fait lui aussi usage de son droit.
Cette réforme figurera dans le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui sera présenté en Conseil des ministres le 3 juillet 2013. La création des 275.000 places d'accueil supplémentaires permettra aux parents en congé parental de trouver une solution au moment de la reprise de leur emploi.
Vous le voyez, c'est une véritable rénovation de la politique familiale que le gouvernement engage.
Nous serons guidés dans toutes nos actions par le souci de répondre avec justice et efficacité aux besoins des familles. Nous redresserons les comptes de la branche. Nous rendrons les aides plus justes. Nous offrirons aux familles les solutions de garde qu'elles attendent. En agissant ainsi, le gouvernement prend ses responsabilités. Réduire la dette et les déficits publics, sauver le modèle social républicain en le réformant et en le rendant plus juste. C'est ce que j'appelle le nouveau modèle français. Et je suis convaincu qu'en faisant ces choix, nous restons fidèles à celles et ceux qui ont fondé notre politique familiale.
Je vous remercie encore de votre présence et du travail que vous avez accompli."
source http://www.gouvernement.fr, le 4 juin 2013