Texte intégral
Déclaration de M. Robertson, Ministre britannique de la Défense
Bonjour Mesdames et Messieurs. Notre conférence de presse se déroulera un peu différemment aujourdhui, puisque nous la tiendrons conjointement avec le Ministère français de la Défense. Je suis très heureux dêtre rejoint ce matin par mon homologue et ami Alain Richard, et par le Général Xavier Delcourt, chef adjoint de opérations. Après nos déclarations, nous répondrons aux questions posées à Paris et à Londres.
Il est très symbolique pour nous de tenir cette conférence de presse commune, car cela souligne le fait que nos pays sont engagés côte à côte dans cette campagne, et y contribuent largement. Tout au long de la campagne, la solidarité entre les membres de lAlliance a été exemplaire. Comme la montré le sommet de Washington, les 19 membres de lOTAN sont décidés à maintenir et à accroître la pression sur M. Milosevic, jusqu'à ce quil se plie aux exigences simples et humaines de la communauté internationale. Les forces britanniques et françaises servent déjà ensemble en Bosnie où une fois de plus le fléau du nationalisme a ravagé un pays. Les Français sont à la tête de lun des trois secteurs multinationaux en Bosnie, où ils aident à maintenir la paix et à cicatriser les blessures de la guerre.
Dans les opérations au Kosovo, plus du tiers des appareils de lOTAN sont européens. Les avions-ravitailleurs britanniques ont fourni du carburant aux appareils dautres nations, dont la France, et nous sommes également en étroite coopération sur mer.
Dans quelques instants le Général Sir John Day vous donnera le détail des opérations de ces dernières vingt-quatre heures, qui ont été de nouveau couronnées de succès pour lOTAN et la Royal Air Force. Avant cela, je voudrais dire quelques mots sur ma visite en Albanie de vendredi dernier.
Je métais préparé à ce que jallais voir, mais les scènes dont jai été le témoin dans les camps de réfugiés près de la frontière du Kosovo mont profondément frappé. Je ne parle pas seulement des conditions de vie dans les camps, où les organisations humanitaires internationales et le gouvernement albanais ont accompli un travail remarquable. Comme le Premier Ministre hier en Macédoine, jai surtout été touché par les gens. Ces hommes et femmes ont enduré des actes dune brutalité à peine imaginable du fait de larmée yougoslave, de la police spéciale et des paramilitaires, avant dêtre chassés de chez eux. Malgré leurs souffrances et leur inquiétude au sujet de proches tués ou disparus, ils restent dignes. Ils étaient reconnaissants, infiniment reconnaissants de nos efforts pour fournir des vivres et des médicaments, et ils souhaitent que lOTAN poursuive son action contre les brutes de Milosevic.
LOTAN a déployé plus de 7000 hommes en Albanie, mais des pays non-membres de lOTAN participent également. Ainsi, lAutriche fournit des hélicoptères et des personnels du Génie, la Slovaquie a aussi envoyé des personnels du Génie, tandis que la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie ont apporté leur concours dans le domaine médical. Les Emirats Arabes Unis ont construit un hôpital de campagne, financent létablissement dun camp et construisent une piste datterrissage.
Toutefois, les réfugiés veulent retourner chez eux, au Kosovo, et mon voyage à Kukes ma renforcé dans ma conviction que lOTAN mène une action juste. Tel est le message que tous mes collègues ministres de lOTAN veulent faire passer. Le contraste entre lunité de lOTAN et les signes de désaccord à Belgrade sont frappants. Le renvoi de Vuk Draskovic, la démission de trois autres ministres, les critiques ouvertes de Vuk Obranovic contre le régime de Milosevic, et linformation selon laquelle 15 généraux ont été assignés à résidence illustrent un mécontentement grandissant.
Cela nest guère surprenant. LOTAN prive larmée yougoslave de ses approvisionnement et de ses renforts. LOTAN a déjà détruit la plupart des structures dont dépend larmée yougoslave, comme les réserves de carburant, les dépôts de munitions, les communications. Nous pouvons y parvenir quand nous le désirons. Ces derniers jours, nos appareils se sont attaqués aux chars et aux troupes à lintérieur du Kosovo. La machine militaire yougoslave saffaiblit de jour en jour de fait de nos actions.
Les chefs de larmée yougoslave doivent savoir ceci : quand les combats seront terminés, laide à la reconstruction de la Yougoslavie ne concernera pas les forces armées de ce pays. Chaque jour dentêtement de la part de Milosevic diminue la puissance et la cohésion de larmée yougoslave.
Au vu des efforts de MM. Tchernomyrdine et Annan, certains se demandent si lOTAN est prête au règlement diplomatique de la crise. La réponse est la suivante : nous préférons toujours résoudre les différends pacifiquement. Robin Cook et ses homologues ont fait tout leur possible pour obtenir une solution pacifique à Rambouillet, et aujourdhui encore, si Milosevic se plie aux cinq exigences raisonnables de la communauté internationale, lOTAN mettra fin à son action militaire. Dans le cas contraire, sil sentête encore, lOTAN poursuivra son action jusqu'à ce que les réfugiés puissent rentrer au Kosovo et y vivre dans la paix et la sécurité.
Je passe la parole à Paris. Bonjour Alain, voulez-vous faire une déclaration ?
Déclaration de M. Richard, Ministre français de la Défense
Je suis très heureux dêtre présent aujourd'hui, ici, face aux médias de nos deux pays, et davoir la chance de pouvoir exprimer ce dont nous avons tous deux conscience depuis longtemps, la forte convergence des points de vue de nos deux pays, et la grande solidarité qui nous lie, au sein de lAlliance atlantique et de lUnion Européenne.
Au delà de nos originalités, qui, jespère, ne seront jamais effacées, cette solidarité a fait notre force et nous mènera à lemporter dans cette crise du Kosovo, qui oppose une coalition de pays démocratiques à un régime agressif. Ensemble, à Washington, nous avons rappelé que M. Milosevic ne pouvait pas compter sur de quelconques divisions au sein de lAlliance, et que nous resterons insensibles à ses tentatives de nous faire dévier de nos objectifs clairs et très simples : rendre possible pour les habitants du Kosovo une vie paisible et en sécurité dans leur province.
Cette exigence a été exprimée sous la forme de cinq conditions de base, qui sont devenues celles de la communauté internationale, et que nous ne cessons de répéter chaque jour : la fin des massacres et des destructions, le retrait des forces serbes du Kosovo, le retour des réfugiés dans leurs foyers en sécurité, la sécurité garantie par une force de maintien de la paix autorisée par le conseil de sécurité de lONU, et une réelle autonomie pour la province.
Quelles que soient les gesticulations de M. Milosevic, tant que ces conditions ne seront pas remplies, les frappes continueront, de plus en plus fortes, mais en gardant à lesprit le sort des populations avec lesquelles nous ne sommes pas en guerre. Notre position nest pas une logique de guerre : nous voulons forcer le régime serbe à accepter une solution politique raisonnable. Cest ce que nous avons toujours essayé de faire depuis plus dun an aujourd'hui, et je veux souligner limportance du rôle joué par lEurope dans cette crise : dans le processus de négociations, où la France et la Grande-Bretagne coprésidaient les pourparlers, et dans laction militaire, où nos deux pays sont les deux principaux contributeurs européens. Nous avons pris nos responsabilités pour mettre fin à dix ans dune attitude intolérable en Europe, et ensemble, nous continuerons à les prendre. Cest pourquoi nous ne pouvons pas échouer, même si la route est encore longue et difficile. Nos concitoyens soutiennent notre action et nous accordent toute leur confiance dans la poursuite de nos objectifs.
Déclaration du Général de corps aérien Sir John Day
Bonjour. Puisquil sagit dune conférence de presse commune, jévoquerai dans un moment certains aspects des opérations de lOTAN où les forces britanniques et françaises travaillent en étroite collaboration. Je voudrais dabord me pencher sur les opérations de ces dernières 24 heures.
Les attaques se sont concentrées sur les unités tactiques de larmée serbe et des forces spéciales de la police déployées au Kosovo (chars, artillerie, troupes). En plus de cela, 50 cibles statiques ont été visées dans toute la Yougoslavie (dépôts, ponts, bâtiments militaires, centres de commandement, centres de communication). Tous les appareils de lOTAN sont rentrés à leur base.
Les Harrier GR7 britanniques ont effectué 17 sorties contre des véhicules blindés et des troupes, larguant principalement des bombes à fragmentation RBL 775. Sur le plan naval, je voudrais souligner le fait quun bâtiment de la Royal Navy continue dopérer au sein du groupe aéronaval du Foch. De notre point de vue, cette coopération est très fructueuse, et a contribué à renforcer les liens entre nos deux marines. Elle a surtout permis daugmenter la capacité opérationnelle de nos forces navales contre la Serbie.
En ce qui concerne les forces terrestres, Français et Britanniques ont été très proches partenaires en Macédoine depuis le mise sur pied de la force de vérification sur le Kosovo à lautomne dernier. Depuis, nous sommes partenaires au sein de la force de lOTAN qui continue de se renforcer en Macédoine, prête à faire respecter un accord de paix et à assurer le retour des réfugiés au Kosovo dès que Milosevic aura cédé.
Je passe maintenant la parole à mon homologue, le Général Delcourt.
Déclaration du Général Xavier Delcourt
Bonjour. Je commencerai par faire un bilan de la situation ; je voudrais vous donner quelques informations sur la participation française et faire quelques commentaires sur la participation de la France et de la Grande-Bretagne depuis le début de cette crise. Comme vous le savez, la contribution française est denviron 10% en moyens déclarés et 10% des activités de sortie. Depuis le début, la participation française a atteint 1000 sorties, dans des missions de patrouille, représentant 25% de notre activité, des missions de frappes, représentant environ 40% de notre activité, des missions de reconnaissance, représentant 12% de notre activité, et des ravitaillements en vol, représentant environ 17% de notre activité.
Je souhaite souligner que les contributions de la Grande-Bretagne et de la France sont très comparables, sans être absolument identiques. En fait, elles sont complémentaires. Ensemble, les contributions de la Grande-Bretagne et de la France représentent 20% du matériel aérien de lAlliance, et environ 50 % de la contribution européenne.
Un petit mot sur lactivité dhier pour le matériel français : environ 40 sorties au total, pour des missions de patrouille avec six Mirage 2000C, de ravitaillement en vol avec trois avions C135, de renseignement électronique et photographique avec deux F1CR et deux Mirage 4P. De jour, six Jaguar ont effectué des missions de frappe, et de nuit, huit Mirage 2000D ont participé aux missions de frappes. Lactivité de demain sera très similaire ; le total des sorties prévues est de 650, dont des missions de reconnaissance, de ravitaillement en vol, de soutien rapproché et de frappes avec des Mirage 2000D.
Juste un mot au sujet de la Task Force 470. Depuis le début de la crise, nous avons déployé notre groupe CTF 470, composé du porte-avions Foch, et de 14 Super-Etendard et 4 Etendard 4P à bord. Pour le combat, le Foch a aussi deux hélicoptères Super Frelon, en plus des deux Puma appartenant à lArmée de lAir et basés en Macédoine. Le Foch est accompagné de la frégate antiaérienne Cassard, du pétrolier ravitailleur Meuse, du navire dentretien Jules Verne et du sous-marin Emeraude. Le général Day vient de rappeler la présence du HMS Grafton dans ce groupe. Jaimerais souligner lexcellente coopération avec le HMS Grafton intégré au sein de la Task Force 470.
Quelques mots au sujet de la Macédoine : le général Kelche, chef dEtat-major des armées, sest rendu en Macédoine vendredi, où il a rencontré le général Kuwenski, et ils ont discuté du problème de la sécurité des forces, et plus spécifiquement celle de la brigade du général Valentin, dont certains éléments ont essuyé récemment des attaques de roquette qui nont heureusement pas causé de dégâts. Le général Kelche a publiquement mis en garde ceux qui seraient tentés, contre toute nouvelle action. Bien sûr le général Kelche a aussi rencontré le commandant de la KFOR, le général Sir Mike Jackson, et a déclaré quil était très satisfait des excellentes relations entre les forces françaises et britanniques. Il a mis laccent sur la totale confiance entre le général Jackson et le général Valentin. Pour nos amis journalistes britanniques, je dois préciser que la brigade française est actuellement composée de deux bataillons qui représentent à peu près 3000 hommes. Le second échelon est une brigade blindée, forte denviron 2000 hommes, en alerte en France. Nous avons récemment déployé un dispositif complémentaire dacquisition de renseignement en Macédoine, Crécerelle, avec un petit UAV CL289 et un radar aérien du nom dHorizon.
Enfin, quelques mots au sujet de lAlbanie. En Albanie, nous avons accepté la responsabilité dune des trois forces, la Task Force South, qui est déployée dans la partie sud du pays, dans la zone dElbasan. Un peu plus de 800 soldats français se trouvent en Albanie en ce moment. Comme vous le savez, les trois forces en Albanie seront placées sous le commandement du général Reith, et je répète que nous sommes très contents de la coopération excellente avec les forces britanniques. La mission de la Task Force South consiste dabord à aider les réfugiés en construisant des camps et en apportant eau et électricité, puis à réparer les principales routes. Outre les Français, la Force comprend aussi des soldats danois et grecs et un détachement des Emirats Arabes Unis. Nous disposons de six hélicoptères Puma (plus quatre autres fournis pas les EAU), ainsi que de moyens de transport. Entre le 1er et le 8 avril, nous avons effectué un effort significatif pour venir en aide aux réfugiés.
Question dun journaliste :
M. le ministre, la France envisage-t-elle daugmenter sa participation en moyens aériens aux opérations de lAlliance ?
Réponse de M. Richard :
Notre intention est daugmenter denviron un quart au moins la part de notre contribution à lAlliance. Nous discutons simplement avec le général Clark du contenu de cette adaptation de notre contribution, puisque nous devons faire en sorte que cette participation accrue soit aussi profitable que possible à lAlliance en général. Mais avec la décision dêtre prêts 24h/24 à frapper des cibles, en particulier au Kosovo, nous avons besoin de plus dappareils de toutes sortes. Cest compliqué dun point de vue logistique, en particulier à cause de la nécessité de ravitailler ces appareils depuis des bases plus en plus lointaines, mais nous voulons contribuer de façon efficace à cette extension de la force.
Question dun journaliste sur les conséquences de laccord franco-britannique de Saint-Malo, et la volonté des Européens de se substituer aux Etats-Unis, qui traversent une crise de lautorité présidentielle :
Réponse de M. Richard :
Je parle sous le contrôle vigilant de mon ami George Robertson sur les interprétations possibles de Saint-Malo. Lidée de base nest pas de remplacer un allié défaillant, mais de prendre notre part de responsabilités, de savoir maîtriser les situations conflictuelles en Europe, lorsque lEurope est, de fait, plus concernée. Je ne pense pas que le conflit présent soit une opportunité adaptée pour tester les concepts de Saint-Malo, parce quil est trop tôt, et il faut en discuter avec nos autres amis européens. Il y a eu, et nos amis britanniques ont été très actifs dans ce but, une reconnaissance de cette idée dans la déclaration finale du sommet de Washington. Donc nous attendons la suite, et nous sommes sûrs que le prochain sommet européen, à Cologne, en juin prochain, sera aussi une étape importante dans la définition dambitions plus larges pour lEurope de la défense. Mais il nous faut du temps pour ajuster les conceptions et les idées de tous les partenaires européens et de nos amis américains. Nous nimproviserons pas pour ce conflit, mais nous serons prêts pour le prochain, sil y en a un.
Question dun journaliste :
Vous venez de dire que la France comptait augmenter sa contribution. Sagit-il des forces terrestres, maritimes et aériennes, ou seulement aériennes ? Combien dappareils de combat seraient en cause ?
Réponse de M. Richard :
Cest ce que je voulais dire lorsque je disais que le contenu de laccroissement de notre contribution, pour être aussi efficace que possible, devait être discuté avec le général Clark. Notre intention est daugmenter dau moins un quart notre contribution aérienne.
Question dun journaliste :
La France va-t-elle accueillir sur son sol encore plus davions alliés ? Vous avez parlé tout à lheure de problèmes liés au ravitaillement. Y aura-t-il encore plus de ravitailleurs, notamment américains, dans le sud de la France ?
Réponse de M. Richard :
Nous sommes ouverts à laccueil de plus dappareils alliés sur nos bases du sud de la France, en particulier parce que nos amis italiens ont fait un extraordinaire effort pour recevoir différentes forces aériennes. En ce qui concerne le ravitaillement, notre base la plus proche, celle dIstres, est dores et déjà saturée, parce que le contenu des réservoirs est juste à la limite pour ravitailler environ 20 à 25 appareils par jour. Nous avons donc ouvert une seconde base dans le sud-ouest de la France, afin dorganiser un circuit de ravitaillement plus large pour les Alliés. Mais bien sûr, nous devons rester vigilants sur le fait que rallonger la distance des missions est une difficulté supplémentaire. Tout ce qui peut être fait au plus près du théâtre dopérations est le mieux.
Question dun journaliste :
Nous en sommes à peu près à six semaines de conflit ; dans le cadre de votre réflexion sur le pilier européen de défense, à quelles conclusions ces six semaines de conflit vous amènent-elles ? Y a-t-il a des manques pour ce pilier européen de défense ? Est-ce que ce sont des manques en termes de matériel, ou en termes de procédure, voire dorganisation ? En tiendrez-vous compte dans vos réflexions futures ?
Réponse de M. Richard :
Il est trop tôt pour tirer une conclusion générale de cette première phase du conflit. Mais il est clair que, comme nous le préconise également George Robertson, nos amis britanniques et nous-mêmes, ainsi que lensemble des pays européens, devons moderniser et harmoniser nos capacités de défense pour pouvoir réagir de façon flexible, et rapidement, à des situations de crise comme celle-ci. Il doit y avoir un certain nombre de critères de convergence sur la conception et ladaptation des forces terrestres et aériennes. Comme nous le constatons aujourd'hui, les forces aériennes européennes sont plutôt en deçà du niveau nécessaire pour faire face à une campagne de haute intensité comme celle que nous menons actuellement. Il existe donc des problèmes quantitatifs, mais aussi et surtout des problèmes qualitatifs au sujet de cette capacité européenne commune. Mais heureusement, nous en discutons avec les pays européens les plus concernés, et je crois que nous faisons des progrès en ce qui concerne nos futurs objectifs communs.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mai 1999)
Bonjour Mesdames et Messieurs. Notre conférence de presse se déroulera un peu différemment aujourdhui, puisque nous la tiendrons conjointement avec le Ministère français de la Défense. Je suis très heureux dêtre rejoint ce matin par mon homologue et ami Alain Richard, et par le Général Xavier Delcourt, chef adjoint de opérations. Après nos déclarations, nous répondrons aux questions posées à Paris et à Londres.
Il est très symbolique pour nous de tenir cette conférence de presse commune, car cela souligne le fait que nos pays sont engagés côte à côte dans cette campagne, et y contribuent largement. Tout au long de la campagne, la solidarité entre les membres de lAlliance a été exemplaire. Comme la montré le sommet de Washington, les 19 membres de lOTAN sont décidés à maintenir et à accroître la pression sur M. Milosevic, jusqu'à ce quil se plie aux exigences simples et humaines de la communauté internationale. Les forces britanniques et françaises servent déjà ensemble en Bosnie où une fois de plus le fléau du nationalisme a ravagé un pays. Les Français sont à la tête de lun des trois secteurs multinationaux en Bosnie, où ils aident à maintenir la paix et à cicatriser les blessures de la guerre.
Dans les opérations au Kosovo, plus du tiers des appareils de lOTAN sont européens. Les avions-ravitailleurs britanniques ont fourni du carburant aux appareils dautres nations, dont la France, et nous sommes également en étroite coopération sur mer.
Dans quelques instants le Général Sir John Day vous donnera le détail des opérations de ces dernières vingt-quatre heures, qui ont été de nouveau couronnées de succès pour lOTAN et la Royal Air Force. Avant cela, je voudrais dire quelques mots sur ma visite en Albanie de vendredi dernier.
Je métais préparé à ce que jallais voir, mais les scènes dont jai été le témoin dans les camps de réfugiés près de la frontière du Kosovo mont profondément frappé. Je ne parle pas seulement des conditions de vie dans les camps, où les organisations humanitaires internationales et le gouvernement albanais ont accompli un travail remarquable. Comme le Premier Ministre hier en Macédoine, jai surtout été touché par les gens. Ces hommes et femmes ont enduré des actes dune brutalité à peine imaginable du fait de larmée yougoslave, de la police spéciale et des paramilitaires, avant dêtre chassés de chez eux. Malgré leurs souffrances et leur inquiétude au sujet de proches tués ou disparus, ils restent dignes. Ils étaient reconnaissants, infiniment reconnaissants de nos efforts pour fournir des vivres et des médicaments, et ils souhaitent que lOTAN poursuive son action contre les brutes de Milosevic.
LOTAN a déployé plus de 7000 hommes en Albanie, mais des pays non-membres de lOTAN participent également. Ainsi, lAutriche fournit des hélicoptères et des personnels du Génie, la Slovaquie a aussi envoyé des personnels du Génie, tandis que la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie ont apporté leur concours dans le domaine médical. Les Emirats Arabes Unis ont construit un hôpital de campagne, financent létablissement dun camp et construisent une piste datterrissage.
Toutefois, les réfugiés veulent retourner chez eux, au Kosovo, et mon voyage à Kukes ma renforcé dans ma conviction que lOTAN mène une action juste. Tel est le message que tous mes collègues ministres de lOTAN veulent faire passer. Le contraste entre lunité de lOTAN et les signes de désaccord à Belgrade sont frappants. Le renvoi de Vuk Draskovic, la démission de trois autres ministres, les critiques ouvertes de Vuk Obranovic contre le régime de Milosevic, et linformation selon laquelle 15 généraux ont été assignés à résidence illustrent un mécontentement grandissant.
Cela nest guère surprenant. LOTAN prive larmée yougoslave de ses approvisionnement et de ses renforts. LOTAN a déjà détruit la plupart des structures dont dépend larmée yougoslave, comme les réserves de carburant, les dépôts de munitions, les communications. Nous pouvons y parvenir quand nous le désirons. Ces derniers jours, nos appareils se sont attaqués aux chars et aux troupes à lintérieur du Kosovo. La machine militaire yougoslave saffaiblit de jour en jour de fait de nos actions.
Les chefs de larmée yougoslave doivent savoir ceci : quand les combats seront terminés, laide à la reconstruction de la Yougoslavie ne concernera pas les forces armées de ce pays. Chaque jour dentêtement de la part de Milosevic diminue la puissance et la cohésion de larmée yougoslave.
Au vu des efforts de MM. Tchernomyrdine et Annan, certains se demandent si lOTAN est prête au règlement diplomatique de la crise. La réponse est la suivante : nous préférons toujours résoudre les différends pacifiquement. Robin Cook et ses homologues ont fait tout leur possible pour obtenir une solution pacifique à Rambouillet, et aujourdhui encore, si Milosevic se plie aux cinq exigences raisonnables de la communauté internationale, lOTAN mettra fin à son action militaire. Dans le cas contraire, sil sentête encore, lOTAN poursuivra son action jusqu'à ce que les réfugiés puissent rentrer au Kosovo et y vivre dans la paix et la sécurité.
Je passe la parole à Paris. Bonjour Alain, voulez-vous faire une déclaration ?
Déclaration de M. Richard, Ministre français de la Défense
Je suis très heureux dêtre présent aujourd'hui, ici, face aux médias de nos deux pays, et davoir la chance de pouvoir exprimer ce dont nous avons tous deux conscience depuis longtemps, la forte convergence des points de vue de nos deux pays, et la grande solidarité qui nous lie, au sein de lAlliance atlantique et de lUnion Européenne.
Au delà de nos originalités, qui, jespère, ne seront jamais effacées, cette solidarité a fait notre force et nous mènera à lemporter dans cette crise du Kosovo, qui oppose une coalition de pays démocratiques à un régime agressif. Ensemble, à Washington, nous avons rappelé que M. Milosevic ne pouvait pas compter sur de quelconques divisions au sein de lAlliance, et que nous resterons insensibles à ses tentatives de nous faire dévier de nos objectifs clairs et très simples : rendre possible pour les habitants du Kosovo une vie paisible et en sécurité dans leur province.
Cette exigence a été exprimée sous la forme de cinq conditions de base, qui sont devenues celles de la communauté internationale, et que nous ne cessons de répéter chaque jour : la fin des massacres et des destructions, le retrait des forces serbes du Kosovo, le retour des réfugiés dans leurs foyers en sécurité, la sécurité garantie par une force de maintien de la paix autorisée par le conseil de sécurité de lONU, et une réelle autonomie pour la province.
Quelles que soient les gesticulations de M. Milosevic, tant que ces conditions ne seront pas remplies, les frappes continueront, de plus en plus fortes, mais en gardant à lesprit le sort des populations avec lesquelles nous ne sommes pas en guerre. Notre position nest pas une logique de guerre : nous voulons forcer le régime serbe à accepter une solution politique raisonnable. Cest ce que nous avons toujours essayé de faire depuis plus dun an aujourd'hui, et je veux souligner limportance du rôle joué par lEurope dans cette crise : dans le processus de négociations, où la France et la Grande-Bretagne coprésidaient les pourparlers, et dans laction militaire, où nos deux pays sont les deux principaux contributeurs européens. Nous avons pris nos responsabilités pour mettre fin à dix ans dune attitude intolérable en Europe, et ensemble, nous continuerons à les prendre. Cest pourquoi nous ne pouvons pas échouer, même si la route est encore longue et difficile. Nos concitoyens soutiennent notre action et nous accordent toute leur confiance dans la poursuite de nos objectifs.
Déclaration du Général de corps aérien Sir John Day
Bonjour. Puisquil sagit dune conférence de presse commune, jévoquerai dans un moment certains aspects des opérations de lOTAN où les forces britanniques et françaises travaillent en étroite collaboration. Je voudrais dabord me pencher sur les opérations de ces dernières 24 heures.
Les attaques se sont concentrées sur les unités tactiques de larmée serbe et des forces spéciales de la police déployées au Kosovo (chars, artillerie, troupes). En plus de cela, 50 cibles statiques ont été visées dans toute la Yougoslavie (dépôts, ponts, bâtiments militaires, centres de commandement, centres de communication). Tous les appareils de lOTAN sont rentrés à leur base.
Les Harrier GR7 britanniques ont effectué 17 sorties contre des véhicules blindés et des troupes, larguant principalement des bombes à fragmentation RBL 775. Sur le plan naval, je voudrais souligner le fait quun bâtiment de la Royal Navy continue dopérer au sein du groupe aéronaval du Foch. De notre point de vue, cette coopération est très fructueuse, et a contribué à renforcer les liens entre nos deux marines. Elle a surtout permis daugmenter la capacité opérationnelle de nos forces navales contre la Serbie.
En ce qui concerne les forces terrestres, Français et Britanniques ont été très proches partenaires en Macédoine depuis le mise sur pied de la force de vérification sur le Kosovo à lautomne dernier. Depuis, nous sommes partenaires au sein de la force de lOTAN qui continue de se renforcer en Macédoine, prête à faire respecter un accord de paix et à assurer le retour des réfugiés au Kosovo dès que Milosevic aura cédé.
Je passe maintenant la parole à mon homologue, le Général Delcourt.
Déclaration du Général Xavier Delcourt
Bonjour. Je commencerai par faire un bilan de la situation ; je voudrais vous donner quelques informations sur la participation française et faire quelques commentaires sur la participation de la France et de la Grande-Bretagne depuis le début de cette crise. Comme vous le savez, la contribution française est denviron 10% en moyens déclarés et 10% des activités de sortie. Depuis le début, la participation française a atteint 1000 sorties, dans des missions de patrouille, représentant 25% de notre activité, des missions de frappes, représentant environ 40% de notre activité, des missions de reconnaissance, représentant 12% de notre activité, et des ravitaillements en vol, représentant environ 17% de notre activité.
Je souhaite souligner que les contributions de la Grande-Bretagne et de la France sont très comparables, sans être absolument identiques. En fait, elles sont complémentaires. Ensemble, les contributions de la Grande-Bretagne et de la France représentent 20% du matériel aérien de lAlliance, et environ 50 % de la contribution européenne.
Un petit mot sur lactivité dhier pour le matériel français : environ 40 sorties au total, pour des missions de patrouille avec six Mirage 2000C, de ravitaillement en vol avec trois avions C135, de renseignement électronique et photographique avec deux F1CR et deux Mirage 4P. De jour, six Jaguar ont effectué des missions de frappe, et de nuit, huit Mirage 2000D ont participé aux missions de frappes. Lactivité de demain sera très similaire ; le total des sorties prévues est de 650, dont des missions de reconnaissance, de ravitaillement en vol, de soutien rapproché et de frappes avec des Mirage 2000D.
Juste un mot au sujet de la Task Force 470. Depuis le début de la crise, nous avons déployé notre groupe CTF 470, composé du porte-avions Foch, et de 14 Super-Etendard et 4 Etendard 4P à bord. Pour le combat, le Foch a aussi deux hélicoptères Super Frelon, en plus des deux Puma appartenant à lArmée de lAir et basés en Macédoine. Le Foch est accompagné de la frégate antiaérienne Cassard, du pétrolier ravitailleur Meuse, du navire dentretien Jules Verne et du sous-marin Emeraude. Le général Day vient de rappeler la présence du HMS Grafton dans ce groupe. Jaimerais souligner lexcellente coopération avec le HMS Grafton intégré au sein de la Task Force 470.
Quelques mots au sujet de la Macédoine : le général Kelche, chef dEtat-major des armées, sest rendu en Macédoine vendredi, où il a rencontré le général Kuwenski, et ils ont discuté du problème de la sécurité des forces, et plus spécifiquement celle de la brigade du général Valentin, dont certains éléments ont essuyé récemment des attaques de roquette qui nont heureusement pas causé de dégâts. Le général Kelche a publiquement mis en garde ceux qui seraient tentés, contre toute nouvelle action. Bien sûr le général Kelche a aussi rencontré le commandant de la KFOR, le général Sir Mike Jackson, et a déclaré quil était très satisfait des excellentes relations entre les forces françaises et britanniques. Il a mis laccent sur la totale confiance entre le général Jackson et le général Valentin. Pour nos amis journalistes britanniques, je dois préciser que la brigade française est actuellement composée de deux bataillons qui représentent à peu près 3000 hommes. Le second échelon est une brigade blindée, forte denviron 2000 hommes, en alerte en France. Nous avons récemment déployé un dispositif complémentaire dacquisition de renseignement en Macédoine, Crécerelle, avec un petit UAV CL289 et un radar aérien du nom dHorizon.
Enfin, quelques mots au sujet de lAlbanie. En Albanie, nous avons accepté la responsabilité dune des trois forces, la Task Force South, qui est déployée dans la partie sud du pays, dans la zone dElbasan. Un peu plus de 800 soldats français se trouvent en Albanie en ce moment. Comme vous le savez, les trois forces en Albanie seront placées sous le commandement du général Reith, et je répète que nous sommes très contents de la coopération excellente avec les forces britanniques. La mission de la Task Force South consiste dabord à aider les réfugiés en construisant des camps et en apportant eau et électricité, puis à réparer les principales routes. Outre les Français, la Force comprend aussi des soldats danois et grecs et un détachement des Emirats Arabes Unis. Nous disposons de six hélicoptères Puma (plus quatre autres fournis pas les EAU), ainsi que de moyens de transport. Entre le 1er et le 8 avril, nous avons effectué un effort significatif pour venir en aide aux réfugiés.
Question dun journaliste :
M. le ministre, la France envisage-t-elle daugmenter sa participation en moyens aériens aux opérations de lAlliance ?
Réponse de M. Richard :
Notre intention est daugmenter denviron un quart au moins la part de notre contribution à lAlliance. Nous discutons simplement avec le général Clark du contenu de cette adaptation de notre contribution, puisque nous devons faire en sorte que cette participation accrue soit aussi profitable que possible à lAlliance en général. Mais avec la décision dêtre prêts 24h/24 à frapper des cibles, en particulier au Kosovo, nous avons besoin de plus dappareils de toutes sortes. Cest compliqué dun point de vue logistique, en particulier à cause de la nécessité de ravitailler ces appareils depuis des bases plus en plus lointaines, mais nous voulons contribuer de façon efficace à cette extension de la force.
Question dun journaliste sur les conséquences de laccord franco-britannique de Saint-Malo, et la volonté des Européens de se substituer aux Etats-Unis, qui traversent une crise de lautorité présidentielle :
Réponse de M. Richard :
Je parle sous le contrôle vigilant de mon ami George Robertson sur les interprétations possibles de Saint-Malo. Lidée de base nest pas de remplacer un allié défaillant, mais de prendre notre part de responsabilités, de savoir maîtriser les situations conflictuelles en Europe, lorsque lEurope est, de fait, plus concernée. Je ne pense pas que le conflit présent soit une opportunité adaptée pour tester les concepts de Saint-Malo, parce quil est trop tôt, et il faut en discuter avec nos autres amis européens. Il y a eu, et nos amis britanniques ont été très actifs dans ce but, une reconnaissance de cette idée dans la déclaration finale du sommet de Washington. Donc nous attendons la suite, et nous sommes sûrs que le prochain sommet européen, à Cologne, en juin prochain, sera aussi une étape importante dans la définition dambitions plus larges pour lEurope de la défense. Mais il nous faut du temps pour ajuster les conceptions et les idées de tous les partenaires européens et de nos amis américains. Nous nimproviserons pas pour ce conflit, mais nous serons prêts pour le prochain, sil y en a un.
Question dun journaliste :
Vous venez de dire que la France comptait augmenter sa contribution. Sagit-il des forces terrestres, maritimes et aériennes, ou seulement aériennes ? Combien dappareils de combat seraient en cause ?
Réponse de M. Richard :
Cest ce que je voulais dire lorsque je disais que le contenu de laccroissement de notre contribution, pour être aussi efficace que possible, devait être discuté avec le général Clark. Notre intention est daugmenter dau moins un quart notre contribution aérienne.
Question dun journaliste :
La France va-t-elle accueillir sur son sol encore plus davions alliés ? Vous avez parlé tout à lheure de problèmes liés au ravitaillement. Y aura-t-il encore plus de ravitailleurs, notamment américains, dans le sud de la France ?
Réponse de M. Richard :
Nous sommes ouverts à laccueil de plus dappareils alliés sur nos bases du sud de la France, en particulier parce que nos amis italiens ont fait un extraordinaire effort pour recevoir différentes forces aériennes. En ce qui concerne le ravitaillement, notre base la plus proche, celle dIstres, est dores et déjà saturée, parce que le contenu des réservoirs est juste à la limite pour ravitailler environ 20 à 25 appareils par jour. Nous avons donc ouvert une seconde base dans le sud-ouest de la France, afin dorganiser un circuit de ravitaillement plus large pour les Alliés. Mais bien sûr, nous devons rester vigilants sur le fait que rallonger la distance des missions est une difficulté supplémentaire. Tout ce qui peut être fait au plus près du théâtre dopérations est le mieux.
Question dun journaliste :
Nous en sommes à peu près à six semaines de conflit ; dans le cadre de votre réflexion sur le pilier européen de défense, à quelles conclusions ces six semaines de conflit vous amènent-elles ? Y a-t-il a des manques pour ce pilier européen de défense ? Est-ce que ce sont des manques en termes de matériel, ou en termes de procédure, voire dorganisation ? En tiendrez-vous compte dans vos réflexions futures ?
Réponse de M. Richard :
Il est trop tôt pour tirer une conclusion générale de cette première phase du conflit. Mais il est clair que, comme nous le préconise également George Robertson, nos amis britanniques et nous-mêmes, ainsi que lensemble des pays européens, devons moderniser et harmoniser nos capacités de défense pour pouvoir réagir de façon flexible, et rapidement, à des situations de crise comme celle-ci. Il doit y avoir un certain nombre de critères de convergence sur la conception et ladaptation des forces terrestres et aériennes. Comme nous le constatons aujourd'hui, les forces aériennes européennes sont plutôt en deçà du niveau nécessaire pour faire face à une campagne de haute intensité comme celle que nous menons actuellement. Il existe donc des problèmes quantitatifs, mais aussi et surtout des problèmes qualitatifs au sujet de cette capacité européenne commune. Mais heureusement, nous en discutons avec les pays européens les plus concernés, et je crois que nous faisons des progrès en ce qui concerne nos futurs objectifs communs.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mai 1999)