Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christiane TAUBIRA, bienvenue à la prison de Fleury-Mérogis. Merci, dabord, de cette rencontre exceptionnelle avec EUROPE 1. Depuis Robert BADINTER, en 1976, à Fresnes, aucun ministre de la Justice navait accepté de faire une émission en direct dune prison. Quand la majorité des 249 prisons de France ressemblera-t-elle à ce département tout neuf, et encore inoccupé, de Fleury-Mérogis, quand ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors cest vrai quà Fleury-Mérogis nous avons des travaux conséquents de rénovation, cest un programme de rénovation qui a commencé il y a 6 ans, qui coûte au total 500 millions deuros, mais cest ce gouvernement, celui de Jean-Marc AYRAULT, qui a mis la moitié du budget pour cette rénovation, puisque nous avons mis 250 millions deuros.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça veut dire que vous allez accélération pour toute la construction de prisons.
CHRISTIANE TAUBIRA
Nous avons deux grands programmes de rénovation, nous en avons un à La Santé aussi, ainsi quaux Baumettes à Marseille, nous avons augmenté le budget de restauration du parc pénitentiaire, nous avons des constructions de prisons, parce queffectivement nous avons des établissements extrêmement vétustes, nous avons donc hérité
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qui a une surpopulation, comme ici, le disait Jean-Marie DELARUE, il y a une surpopulation de 160% dans ce géant européen des prisons. Vous lancez, Christiane TAUBIRA, un plan pour renforcer la sécurité dans les prisons, 33 millions deuros seront consacrés à de nouvelles technologies de surveillance. Est-ce quune nouvelle évasion de Redoine FAÏD, qui est ici à Fleury-Mérogis, et qui écoute peut-être sil a une radio, ou dautres détenus, deviendra impossible ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors nous allons revenir sur la surpopulation carcérale, jespère, dans cette émission. Concernant ce plan de sécurité, alors les évasions, ce quil faut noter cest que plus les établissements sont sécurisés, parce que cest vrai que cette évasion a été spectaculaire, du coup elle a fait oublier que la France est un des pays dEurope où le taux dévasions est le plus faible.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour celle-ci, pour cette évasion, on en parle, pour cette évasion
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, oui
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous dites
CHRISTIANE TAUBIRA
Ça nempêche pas davoir une vision globale, Monsieur ELKABBACH
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, on va lavoir
CHRISTIANE TAUBIRA
Parce que je ne fonctionne pas aux faits divers, et je nétablis pas un plan de sécurité de 33 millions deuros sur la base de lévasion dun individu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce quon peut être sûr que tous ceux qui ont été complices de cette évasion seront sanctionnés ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Bien entendu, parce que lenquête est faite, le Parquet, ainsi que la JIRS de Lille, a pris les choses en main dès le premier jour, le travail se poursuit et vous verrez les résultats en temps utiles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sur le plan général, vous faites installer différentes sortes de portiques, on la expliqué sur EUROPE 1 depuis 6H30 avec Bruce TOUSSAINT et toutes les équipes dEUROPE, de la surveillance, des filets, pour lutter contre ce qui est projeté de lextérieur, il paraît quil y a beaucoup déléments qui viennent de lextérieur, à lintérieur des prisons, cest un premier pas important. Mais, ici, la sécurité, est-ce que cest une question de portiques, de filets, de chiens dressés et dargent, est-ce que cest suffisant ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Dabord ce nest pas un premier pas, cest un plan de sécurité, sérieux, conséquent, 33 millions deuros, ça veut dire un effort de la part de lEtat, mais cest surtout un plan de sécurité qui sinscrit dans une politique globale. Donc effectivement il y a ce quon appelle la sécurité passive, ce sont ces portiques, ces filets, ces caméras, ces glacis, voilà, toute une série de dispositifs, il y a aussi les miradors, vous savez quil y avait un plan de désarmement des miradors qui en était à sa troisième phase définitive, lorsque je suis arrivée, jai décidé de regarder les choses avec discernement et de ne pas désarmer certains miradors, mais il faut effectivement la sécurité active. Donc, ce plan de sécurité, qui nest pas juste un premier pas, qui est un plan conséquent, permet dune part de crédibiliser linstitution judiciaire, parce que ça na pas de sens quune décision soit prise par la justice et que dans nos établissements puissent entrer, des armes, des explosifs, des stupéfiants, ou dautres choses, y compris des téléphones portables. Donc, ce plan de sécurité, il est évidemment logistique en termes déquipements, comme les portiques, mais il concerne aussi des pratiques, des pratiques professionnelles notamment, parce quil y a le rappel dun certain nombre de règles professionnelles, il implique aussi dautres partenaires tels que les Parquets pour décider
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc cest un plan densemble. Christiane TAUBIRA, on va prendre un certain nombre de questions qui ont été posées tout au long de cette matinale spéciale
CHRISTIANE TAUBIRA
Si cest un plan densemble il est peut-être bon que vous me laissiez le développer, mais je pense que
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais on aura loccasion à travers
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous avez fait le travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, non non, on le fait.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il faut montrer la cohérence, notamment, du plan lui-même, et de son raccord avec la logique globale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La cohérence va se dégager à travers tout ce que vous allez dire, y compris sur des questions
CHRISTIANE TAUBIRA
Si vous arrivez à me laisser faire trois phrases, Monsieur ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bien sûr. Les téléphones portables restent interdits, ils seront brouillés. Ils étaient, pour les détenus, un moyen daprès ce quon entend de parler avec les familles, en dehors de quelques exceptions, et dapaiser le climat à lintérieur. Cest Jean-Marie DELARUE qui dit que plus on serre la vis en prison, plus les détenus deviennent agressifs et ils deviennent récidivistes. Est-ce quil ny a pas un risque de tension si on boucle complètement le système des portables ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non mais ça ne se pose pas en termes de vis. Les portables ne sont pas autorisés en prison, ça ninterdit pas, parce quil est permis de passer des appels dans les établissements pénitentiaires, simplement cest un établissement pénitentiaire, et on ne peut pas permettre des portables qui puissent permettre, par exemple, à des détenus, notamment dangereux, dorganiser des coups, à lextérieur, ou de préparer des évasions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc on va développer les téléphones à lintérieur des prisons.
CHRISTIANE TAUBIRA
Attendez
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les téléphones fixes.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, raisonnons. Nous sommes dans des établissements pénitentiaires qui sont régis par la loi, et si vous êtes là aujourdhui Monsieur EUROPE 1, plutôt, EUROPE 1, dabord vous en avez eu lidée, bien entendu, mais je lai accepté très volontiers.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci encore une fois.
CHRISTIANE TAUBIRA
De même non, mais cest surtout pour dire lesprit dans lequel il est important que les Français sachent ce qui se passe dans les établissements, et cest pour ça que dans le projet de loi qui va consolider la protection des sources des journalistes, jai introduit une disposition qui permettra aux journalistes daccompagner les parlementaires qui peuvent librement, déjà, entrer dans nos établissements. Il est important de rappeler que nos établissements sont dans la société, que ce sont des prisons républicaines, en tout cas je veux quelles le deviennent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christiane TAUBIRA
CHRISTIANE TAUBIRA
Donc, il y a des règles, il y a des règles de droit, il y a des règles de droit, qui sont notamment établies dans la loi pénitentiaire de 2009.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que les fouilles intégrales des détenus restent interdites ? Est-ce que vous confirmez, ce matin ici, quelles sont illégales ? Parce que ici ou là on nous dit quelles sont encore pratiquées. Elles sont supprimées, illégales ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Elles sont illégales et hier, lors de la présentation de mon plan sécurité, jai rappelé que nous nallions pas remettre en cause larticle 57 de la loi pénitentiaire
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De 2009.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà, qui interdit ces fouilles systématiques. Il faut respecter, ce qua prévu la loi dune part, et dautre part évidemment, parce que dès le début je dis à quel point le ministère de la Justice cest le ministère de la Loi, le ministère des Libertés, le ministère du Droit, et un ministère de la Sécurité qui protège les citoyens. Donc nous respectons la dignité des détenus qui sont dans nos établissements, les juges ont prononcé la sanction, il ny a pas lieu dajouter de la sanction à la sanction, et par conséquent ce qui est prévu par la loi doit être respecté, nous ne touchons pas à cet article.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous répondez ici à la question que posait tout à lheure, Jean-Marie DELARUE directement à vous, à Bruce TOUSSAINT. Comment équilibrerez-vous enfermement, sécurité et dignité des personnes qui sont là, détenues ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Les prisons sont là pour accueillir les personnes que les juges ont décidé denfermer selon les faits commis. La loi pénitentiaire prévoit des aménagements de peine, pour des décisions dincarcération, jusquà 2 ans, ça cest le travail que font les conseils dinsertion et de probation, qui font un travail colossal, ainsi que les juges dapplication des peines.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors justement
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais, lenfermement dans les prisons, on peut faire un débat sur les prisons, par exemple vous savez que nous avons à Casabianda en Corse un établissement qui est un établissement ouvert. Vous savez quil y a des débats sur la question de savoir dans quel type détablissement parce quon dit prisons, mais il y a les maisons centrales, il y a les maisons darrêt, voilà, il y a des types détablissements différents
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout ce quEUROPE 1 a expliqué depuis ce matin.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je nen doute pas, vous avez fait un excellent travail pédagogique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous voulez toujours rompre avec le tout carcéral et favoriser des peines hors de prison, c'est-à-dire la semi-liberté, le bracelet, le travail dintérêt général ? Est-ce que je peux dire que les peines alternatives coûtent moins cher ? 10 euros par jour sous bracelet, 59 euros la semi-liberté, alors quun détenu coûte en moyenne 32 000 euros par an, donc ça favoriserait des économies, des réinsertions. Je reprends ma question, est-ce que vous favoriserez des peines hors de prison ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, tout carcéral ou rien carcéral, ce nest pas ma façon de raisonner, le coût cest un élément, mais ce nest pas lélément déterminant, lélément déterminant cest quil faut bien se rendre compte que les personnes qui entrent en détention sont des personnes qui vont sortir et revenir dans la société, il faut donc préparer dès le premier jour la sortie de ces personnes. Il faut préparer leur insertion ou leur réinsertion. Il faut réduire les risques de récidive, cest le moyen déviter de nouvelles victimes. Donc, mon objectif cest cela, faire en sorte que la prison soit un temps utile lorsquelle a été décidée par le juge.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, on peut se former, on peut travailler en prison, davantage .
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est indispensable dapporter
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On peut aller vers les études. Et lInternet ? Parce que cest souvent demandé.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est indispensable dapporter, à lintérieur des établissements, les activités, les possibilités de travail, les possibilités détudes. Il y a des propositions, jen ai entendues ce matin sur votre antenne, pour que des détenus passent leur permis de conduire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous répondez oui, peut-être ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument, je fais beaucoup dinterministériel, parce que ce nest pas avec les moyens de la justice que je peux répondre à tous les besoins, et linterministériel nous a permis dobtenir de lhébergement durgence, nous a permis dobtenir un quota de logements, nous a permis de nous inscrire dans le programme jeunesse
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous voyez Christiane TAUBIRA, vous pouvez
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais je suis obligée den profiter pour expliquer
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout, vous avez loccasion de tout dire à travers différentes questions précises. Par exemple, est-ce quil faut réduire les courtes peines qui encombrent certains établissements pénitentiaires
CHRISTIANE TAUBIRA
Evidemment, elles sont désocialisantes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ecoutez, comme vous le demande un détenu, Pascal. On lécoute.
PASCAL
Bonjour Madame TAUBIRA. Je me présente, je mappelle Pascal, et jaurai aimé vous poser une question sur la surpopulation, parce que vous avez dit que vous désengorgerez les prisons avec les petites peines en bracelet, conditionnelle, rien nest fait, et jaurai aimé savoir quest-ce que vous feriez pour que justement désengorger les prisons, pour quon puisse sortir et refaire notre réinsertion normalement ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La réponse de Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il ne peut pas dire que rien nest fait parce que laménagement des peines est prévu, je le répète, par la loi pénitentiaire, il y a le bracelet électronique, il y a les quartiers de semi-liberté, il y a les travaux dintérêt général, il y a le placement à lextérieur, il y a un certain nombre de mesures. Ce sont des mesures qui sont décidées par le juge dapplication des peines. Jai diffusé une circulaire le 19 septembre 2012 pour demander justement quune attention particulière soit portée à laménagement des peines, ce qui est totalement légal. Laménagement des peines est dangereux parce que, le non-aménagement des peines est dangereux, parce que la prison effectivement en courte peine, est très désocialisante, et les conseils dinsertion et de probation
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc moins de courtes
CHRISTIANE TAUBIRA
Nont pas le temps daccompagner les personnes qui passent 1 mois, 2 mois, moins de 6 mois en prison
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Moins de courtes peines en prison.
CHRISTIANE TAUBIRA
Cest plus de la moitié. Mais bien sûr moins de courtes peines
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce que votre objectif est-ce quil reste
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais cest déjà la loi pénitentiaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais il faut quelle soit davantage appliquée.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais bien entendu, cest pour ça quau-delà de ma circulaire de septembre, parce que jai tourné sur les territoires, je me suis rendu compte que lapplication était très inégale, cest pour ça que je vais passer un projet de loi pénal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Lobjectif de Christiane TAUBIRA cest de sortir dici, de ces prisons, et de trouver, pour les détenus, une place, ultérieurement, dans la société, que la prison nest pas le seul remède, même dans une société de plus en plus violente.
CHRISTIANE TAUBIRA
Et cest surtout bien comprendre que les courtes peines, non seulement sont désocialisantes, mais comme il sagit de sorties sèches pour pratiquement toutes, 98% dentre elles, il y a des risques fortes de récidive. On sait quil y a 2 fois plus de risques de récidives lorsque les personnes sortent sans accompagnement. Donc il faut bien comprendre que cest une question de sécurité, non pas la sécurité avec des portiques, mais la sécurité pour la protection des citoyens, parce que la récidive ce sont de nouvelles victimes, il est donc important queffectivement on évite lincarcération lorsquelle est surtout chargée deffets négatifs, et quon accompagne les personnes dans leur réinsertion.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, vous voulez plus de sécurité, vous le montrez, et surtout moins de détenus en prison. Mais comment concilier cela avec ce que demande votre collègue Manuel VALLS, et lopinion, c'est-à-dire plus de sévérité et moins de laxisme, alors que toutes les formes de délinquance augmentent en France ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Moi jentends sans arrêt parler de laxisme et dans la même phrase jentends parler de surpopulation carcérale, il faudrait peut-être que les gens qui parlent arrivent à être daccord avec eux-mêmes. Simplement, Manuel VALLS ne demande pas quil y ait de la surpopulation carcérale, Manuel VALLS est responsable de la sécurité dans lespace public, il est responsable de lordre public, il fait son travail correctement
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y en a un qui veut enfermer davantage, pour répondre à la délinquance et on dit il faut éviter la surpopulation et en mettre dabord.
CHRISTIANE TAUBIRA
Personne ne demande à enfermer davantage, vous avez probablement suivi la journée dévaluation que nous avons faite Manuel VALLS et moi à Lyon le 13 mai sur les zones de sécurité prioritaires où nous avons mis en avant les méthodes de travail que nous avons renouvelées, innovées, améliorées entre la police et la gendarmerie dune part et les procureurs dautre part
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous vous entendez bien avec Manuel VALLS et on va le voir
CHRISTIANE TAUBIRA
Ça nest pas ça le sujet, le sujet cest que nous sommes dans un Etat de droits et que dans un Etat de droits, on respecte la loi. Les juges jugent et décident de la sanction et
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, est-ce que vous ne trouvez pas que les juges aujourdhui font de la politique, trop de politique et quà leur tour, ils politisent la justice ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors on était quand même sur les détenus et sur lapplication de lEtat de droits
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui on va en sortir.
CHRISTIANE TAUBIRA
là on est sur des appréciations suggestives des juges en général
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas suggestives, factuelles.
CHRISTIANE TAUBIRA
ou bien on désigne un juge et des faits, des actes, des comportements, mais je ne conçois pas que lon mette en cause tout un corps de la magistrature, quil sagisse du Parquet ou des juges du siège, je ne conçois pas et je nadmets pas que lon jette le discrédit sur lensemble dun corps, ce nest pas votre cas, mais cette habitude que lopposition à prise, et qui fait que lopinion publique aussi, shabitue à parler des juges, des juges non, il peut y avoir un juge
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y a certains juges qui font de la politique et ceux-là vous les désavouez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non attendez, les juges sont des citoyens, qui ont des droits civiques, je nai pas connaissance quils en aient été privés, je connais des juges qui dailleurs se présentent à des élections, ceux-là on en parle beaucoup moins, en général ils ont linvestiture dun pays qui critique beaucoup les juges, dailleurs, donc moi je ne vois pas pourquoi on interdirait à un juge davoir une opinion politique. Ce que nous attendons, et ce que jexige de la magistrature, cest quune fois que la robe est endossée, le juge il juge au nom du peuple français, il juge en droit, et en cette matière il doit
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christiane TAUBIRA, je continue. Il y a 12 avocats qui
CHRISTIANE TAUBIRA
Et vous minterrompez.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, parce que le temps passe, et cest passionnant dêtre avec vous, surtout que vous parlez rarement, mais avec telle passion, telle flamme, etc., quon a du mal à vous arrêter, même moi. 12 avocats, qui représentent 7 mises en examen de laffaire BETTENCOURT, vous demandent de saisir lInspection des services judiciaires, ils lont fait hier, sur les liens entre le juge GENTIL et une experte amie. Dabord, est-ce que ce juge a fait preuve dimpartialité ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Je ne viens pas porter des jugements sur les juges
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce quil a symbolisé lindépendance de la juge à laquelle vous tenez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Incontestablement, et je le démontre depuis 1 an, nous ne faisons plus dintervention dans les dossiers individuels, donc pas dinstruction
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non non, mais lui, en appelant une juge
CHRISTIANE TAUBIRA
Je vous rappelle dabord que cest un juge dinstruction, ce nest pas un procureur. Le Garde des Sceaux a la responsabilité des Parquets généraux et des Parquets, donc il sagit là dun juge dinstruction, et les juges du siège, de toute façon, sont tenus à limpartialité, comme dailleurs les juges du Parquet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais en loccurrence, est-ce quil a été impartial ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Attendez, je vous répète que je ne porte pas de jugement sur un juge, ce juge a fait son travail, ce juge a une hiérarchie, cest le président de son tribunal et le Premier président de la cour dappel, si ce juge na pas fait preuve dimpartialité, sa hiérarchie sen empare, et si cette hiérarchie peut prouver quil y a faute disciplinaire, elle saisit le Conseil Supérieur de la Magistrature, cest ainsi que cela se passe. Je demande simplement quon comprenne une chose, je ne défends pas les juges parce que je ne suis présidente dun syndicat de juges, simplement je défends lEtat de droit. Dans un Etat de droit, notamment pour
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous demandez quon le respecte, que tout le monde le respecte.
CHRISTIANE TAUBIRA
Pour les justiciables et les citoyens les plus vulnérables, qui nont pas de réseau, qui nont pas dinfluence, ils ont besoin dune institution judiciaire indépendante et impartiale, et cest ce que je tiens à faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et pourtant, beaucoup voient dans laffaire TAPIE une opération politique contre Nicolas SARKOZY.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ecoutez, la justice va se prononcer. La justice va se prononcer. Il y a quand même des juridictions de droit commun saisies, il y a la cour de justice de la République saisie, je ne vois pas pourquoi il y a alors, on peut avoir des débats et juger en dehors de la justice, mais la justice va se prononcer, lEtat lui-même remet en cause larbitrage, il se porte partie civile, il se constitue partie civile
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour obtenir quoi, quest-ce quil veut lEtat ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il vous le dira.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non non mais vous
CHRISTIANE TAUBIRA
Il le dira.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes aussi une part importante de lEtat et de lEtat de droit, alors, cest pour demander quoi ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Moi je voudrais bien que vous réalisiez que je suis Garde des Sceaux
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça je sais.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et je lentends.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, mais cela veut dire plus de devoirs encore que les autres, plus de responsabilités que les autres, plus de réserve encore que les autres. autant on peut critiquer les voix politiques qui se permettent de porter un jugement sur les juges ou sur la justice, autant je me linterdit, et je dois me linterdire, pour viser à lefficacité de linstitution judiciaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut que dans la justice il ny ait que des saints. En tout cas merci de répondre
CHRISTIANE TAUBIRA
Je ne prétends pas ça, nous sommes sur terre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci de répondre Christiane TAUBIRA, votre habitude, avec franchise, à EUROPE 1, en direct de la prison de Fleury-Mérogis, et on voit bien quune société se juge à létat des prisons et à sa manière de traiter ses prisonniers. Merci davoir été là.
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous avez bien raison.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2013
Christiane TAUBIRA, bienvenue à la prison de Fleury-Mérogis. Merci, dabord, de cette rencontre exceptionnelle avec EUROPE 1. Depuis Robert BADINTER, en 1976, à Fresnes, aucun ministre de la Justice navait accepté de faire une émission en direct dune prison. Quand la majorité des 249 prisons de France ressemblera-t-elle à ce département tout neuf, et encore inoccupé, de Fleury-Mérogis, quand ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors cest vrai quà Fleury-Mérogis nous avons des travaux conséquents de rénovation, cest un programme de rénovation qui a commencé il y a 6 ans, qui coûte au total 500 millions deuros, mais cest ce gouvernement, celui de Jean-Marc AYRAULT, qui a mis la moitié du budget pour cette rénovation, puisque nous avons mis 250 millions deuros.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça veut dire que vous allez accélération pour toute la construction de prisons.
CHRISTIANE TAUBIRA
Nous avons deux grands programmes de rénovation, nous en avons un à La Santé aussi, ainsi quaux Baumettes à Marseille, nous avons augmenté le budget de restauration du parc pénitentiaire, nous avons des constructions de prisons, parce queffectivement nous avons des établissements extrêmement vétustes, nous avons donc hérité
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qui a une surpopulation, comme ici, le disait Jean-Marie DELARUE, il y a une surpopulation de 160% dans ce géant européen des prisons. Vous lancez, Christiane TAUBIRA, un plan pour renforcer la sécurité dans les prisons, 33 millions deuros seront consacrés à de nouvelles technologies de surveillance. Est-ce quune nouvelle évasion de Redoine FAÏD, qui est ici à Fleury-Mérogis, et qui écoute peut-être sil a une radio, ou dautres détenus, deviendra impossible ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors nous allons revenir sur la surpopulation carcérale, jespère, dans cette émission. Concernant ce plan de sécurité, alors les évasions, ce quil faut noter cest que plus les établissements sont sécurisés, parce que cest vrai que cette évasion a été spectaculaire, du coup elle a fait oublier que la France est un des pays dEurope où le taux dévasions est le plus faible.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour celle-ci, pour cette évasion, on en parle, pour cette évasion
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, oui
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous dites
CHRISTIANE TAUBIRA
Ça nempêche pas davoir une vision globale, Monsieur ELKABBACH
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, on va lavoir
CHRISTIANE TAUBIRA
Parce que je ne fonctionne pas aux faits divers, et je nétablis pas un plan de sécurité de 33 millions deuros sur la base de lévasion dun individu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce quon peut être sûr que tous ceux qui ont été complices de cette évasion seront sanctionnés ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Bien entendu, parce que lenquête est faite, le Parquet, ainsi que la JIRS de Lille, a pris les choses en main dès le premier jour, le travail se poursuit et vous verrez les résultats en temps utiles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sur le plan général, vous faites installer différentes sortes de portiques, on la expliqué sur EUROPE 1 depuis 6H30 avec Bruce TOUSSAINT et toutes les équipes dEUROPE, de la surveillance, des filets, pour lutter contre ce qui est projeté de lextérieur, il paraît quil y a beaucoup déléments qui viennent de lextérieur, à lintérieur des prisons, cest un premier pas important. Mais, ici, la sécurité, est-ce que cest une question de portiques, de filets, de chiens dressés et dargent, est-ce que cest suffisant ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Dabord ce nest pas un premier pas, cest un plan de sécurité, sérieux, conséquent, 33 millions deuros, ça veut dire un effort de la part de lEtat, mais cest surtout un plan de sécurité qui sinscrit dans une politique globale. Donc effectivement il y a ce quon appelle la sécurité passive, ce sont ces portiques, ces filets, ces caméras, ces glacis, voilà, toute une série de dispositifs, il y a aussi les miradors, vous savez quil y avait un plan de désarmement des miradors qui en était à sa troisième phase définitive, lorsque je suis arrivée, jai décidé de regarder les choses avec discernement et de ne pas désarmer certains miradors, mais il faut effectivement la sécurité active. Donc, ce plan de sécurité, qui nest pas juste un premier pas, qui est un plan conséquent, permet dune part de crédibiliser linstitution judiciaire, parce que ça na pas de sens quune décision soit prise par la justice et que dans nos établissements puissent entrer, des armes, des explosifs, des stupéfiants, ou dautres choses, y compris des téléphones portables. Donc, ce plan de sécurité, il est évidemment logistique en termes déquipements, comme les portiques, mais il concerne aussi des pratiques, des pratiques professionnelles notamment, parce quil y a le rappel dun certain nombre de règles professionnelles, il implique aussi dautres partenaires tels que les Parquets pour décider
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc cest un plan densemble. Christiane TAUBIRA, on va prendre un certain nombre de questions qui ont été posées tout au long de cette matinale spéciale
CHRISTIANE TAUBIRA
Si cest un plan densemble il est peut-être bon que vous me laissiez le développer, mais je pense que
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais on aura loccasion à travers
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous avez fait le travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, non non, on le fait.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il faut montrer la cohérence, notamment, du plan lui-même, et de son raccord avec la logique globale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La cohérence va se dégager à travers tout ce que vous allez dire, y compris sur des questions
CHRISTIANE TAUBIRA
Si vous arrivez à me laisser faire trois phrases, Monsieur ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bien sûr. Les téléphones portables restent interdits, ils seront brouillés. Ils étaient, pour les détenus, un moyen daprès ce quon entend de parler avec les familles, en dehors de quelques exceptions, et dapaiser le climat à lintérieur. Cest Jean-Marie DELARUE qui dit que plus on serre la vis en prison, plus les détenus deviennent agressifs et ils deviennent récidivistes. Est-ce quil ny a pas un risque de tension si on boucle complètement le système des portables ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non mais ça ne se pose pas en termes de vis. Les portables ne sont pas autorisés en prison, ça ninterdit pas, parce quil est permis de passer des appels dans les établissements pénitentiaires, simplement cest un établissement pénitentiaire, et on ne peut pas permettre des portables qui puissent permettre, par exemple, à des détenus, notamment dangereux, dorganiser des coups, à lextérieur, ou de préparer des évasions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc on va développer les téléphones à lintérieur des prisons.
CHRISTIANE TAUBIRA
Attendez
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les téléphones fixes.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, raisonnons. Nous sommes dans des établissements pénitentiaires qui sont régis par la loi, et si vous êtes là aujourdhui Monsieur EUROPE 1, plutôt, EUROPE 1, dabord vous en avez eu lidée, bien entendu, mais je lai accepté très volontiers.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci encore une fois.
CHRISTIANE TAUBIRA
De même non, mais cest surtout pour dire lesprit dans lequel il est important que les Français sachent ce qui se passe dans les établissements, et cest pour ça que dans le projet de loi qui va consolider la protection des sources des journalistes, jai introduit une disposition qui permettra aux journalistes daccompagner les parlementaires qui peuvent librement, déjà, entrer dans nos établissements. Il est important de rappeler que nos établissements sont dans la société, que ce sont des prisons républicaines, en tout cas je veux quelles le deviennent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christiane TAUBIRA
CHRISTIANE TAUBIRA
Donc, il y a des règles, il y a des règles de droit, il y a des règles de droit, qui sont notamment établies dans la loi pénitentiaire de 2009.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que les fouilles intégrales des détenus restent interdites ? Est-ce que vous confirmez, ce matin ici, quelles sont illégales ? Parce que ici ou là on nous dit quelles sont encore pratiquées. Elles sont supprimées, illégales ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Elles sont illégales et hier, lors de la présentation de mon plan sécurité, jai rappelé que nous nallions pas remettre en cause larticle 57 de la loi pénitentiaire
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De 2009.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà, qui interdit ces fouilles systématiques. Il faut respecter, ce qua prévu la loi dune part, et dautre part évidemment, parce que dès le début je dis à quel point le ministère de la Justice cest le ministère de la Loi, le ministère des Libertés, le ministère du Droit, et un ministère de la Sécurité qui protège les citoyens. Donc nous respectons la dignité des détenus qui sont dans nos établissements, les juges ont prononcé la sanction, il ny a pas lieu dajouter de la sanction à la sanction, et par conséquent ce qui est prévu par la loi doit être respecté, nous ne touchons pas à cet article.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous répondez ici à la question que posait tout à lheure, Jean-Marie DELARUE directement à vous, à Bruce TOUSSAINT. Comment équilibrerez-vous enfermement, sécurité et dignité des personnes qui sont là, détenues ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Les prisons sont là pour accueillir les personnes que les juges ont décidé denfermer selon les faits commis. La loi pénitentiaire prévoit des aménagements de peine, pour des décisions dincarcération, jusquà 2 ans, ça cest le travail que font les conseils dinsertion et de probation, qui font un travail colossal, ainsi que les juges dapplication des peines.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors justement
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais, lenfermement dans les prisons, on peut faire un débat sur les prisons, par exemple vous savez que nous avons à Casabianda en Corse un établissement qui est un établissement ouvert. Vous savez quil y a des débats sur la question de savoir dans quel type détablissement parce quon dit prisons, mais il y a les maisons centrales, il y a les maisons darrêt, voilà, il y a des types détablissements différents
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout ce quEUROPE 1 a expliqué depuis ce matin.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je nen doute pas, vous avez fait un excellent travail pédagogique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous voulez toujours rompre avec le tout carcéral et favoriser des peines hors de prison, c'est-à-dire la semi-liberté, le bracelet, le travail dintérêt général ? Est-ce que je peux dire que les peines alternatives coûtent moins cher ? 10 euros par jour sous bracelet, 59 euros la semi-liberté, alors quun détenu coûte en moyenne 32 000 euros par an, donc ça favoriserait des économies, des réinsertions. Je reprends ma question, est-ce que vous favoriserez des peines hors de prison ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, tout carcéral ou rien carcéral, ce nest pas ma façon de raisonner, le coût cest un élément, mais ce nest pas lélément déterminant, lélément déterminant cest quil faut bien se rendre compte que les personnes qui entrent en détention sont des personnes qui vont sortir et revenir dans la société, il faut donc préparer dès le premier jour la sortie de ces personnes. Il faut préparer leur insertion ou leur réinsertion. Il faut réduire les risques de récidive, cest le moyen déviter de nouvelles victimes. Donc, mon objectif cest cela, faire en sorte que la prison soit un temps utile lorsquelle a été décidée par le juge.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, on peut se former, on peut travailler en prison, davantage .
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est indispensable dapporter
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On peut aller vers les études. Et lInternet ? Parce que cest souvent demandé.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est indispensable dapporter, à lintérieur des établissements, les activités, les possibilités de travail, les possibilités détudes. Il y a des propositions, jen ai entendues ce matin sur votre antenne, pour que des détenus passent leur permis de conduire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous répondez oui, peut-être ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument, je fais beaucoup dinterministériel, parce que ce nest pas avec les moyens de la justice que je peux répondre à tous les besoins, et linterministériel nous a permis dobtenir de lhébergement durgence, nous a permis dobtenir un quota de logements, nous a permis de nous inscrire dans le programme jeunesse
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous voyez Christiane TAUBIRA, vous pouvez
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais je suis obligée den profiter pour expliquer
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout, vous avez loccasion de tout dire à travers différentes questions précises. Par exemple, est-ce quil faut réduire les courtes peines qui encombrent certains établissements pénitentiaires
CHRISTIANE TAUBIRA
Evidemment, elles sont désocialisantes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ecoutez, comme vous le demande un détenu, Pascal. On lécoute.
PASCAL
Bonjour Madame TAUBIRA. Je me présente, je mappelle Pascal, et jaurai aimé vous poser une question sur la surpopulation, parce que vous avez dit que vous désengorgerez les prisons avec les petites peines en bracelet, conditionnelle, rien nest fait, et jaurai aimé savoir quest-ce que vous feriez pour que justement désengorger les prisons, pour quon puisse sortir et refaire notre réinsertion normalement ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La réponse de Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il ne peut pas dire que rien nest fait parce que laménagement des peines est prévu, je le répète, par la loi pénitentiaire, il y a le bracelet électronique, il y a les quartiers de semi-liberté, il y a les travaux dintérêt général, il y a le placement à lextérieur, il y a un certain nombre de mesures. Ce sont des mesures qui sont décidées par le juge dapplication des peines. Jai diffusé une circulaire le 19 septembre 2012 pour demander justement quune attention particulière soit portée à laménagement des peines, ce qui est totalement légal. Laménagement des peines est dangereux parce que, le non-aménagement des peines est dangereux, parce que la prison effectivement en courte peine, est très désocialisante, et les conseils dinsertion et de probation
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc moins de courtes
CHRISTIANE TAUBIRA
Nont pas le temps daccompagner les personnes qui passent 1 mois, 2 mois, moins de 6 mois en prison
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Moins de courtes peines en prison.
CHRISTIANE TAUBIRA
Cest plus de la moitié. Mais bien sûr moins de courtes peines
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce que votre objectif est-ce quil reste
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais cest déjà la loi pénitentiaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais il faut quelle soit davantage appliquée.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais bien entendu, cest pour ça quau-delà de ma circulaire de septembre, parce que jai tourné sur les territoires, je me suis rendu compte que lapplication était très inégale, cest pour ça que je vais passer un projet de loi pénal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Lobjectif de Christiane TAUBIRA cest de sortir dici, de ces prisons, et de trouver, pour les détenus, une place, ultérieurement, dans la société, que la prison nest pas le seul remède, même dans une société de plus en plus violente.
CHRISTIANE TAUBIRA
Et cest surtout bien comprendre que les courtes peines, non seulement sont désocialisantes, mais comme il sagit de sorties sèches pour pratiquement toutes, 98% dentre elles, il y a des risques fortes de récidive. On sait quil y a 2 fois plus de risques de récidives lorsque les personnes sortent sans accompagnement. Donc il faut bien comprendre que cest une question de sécurité, non pas la sécurité avec des portiques, mais la sécurité pour la protection des citoyens, parce que la récidive ce sont de nouvelles victimes, il est donc important queffectivement on évite lincarcération lorsquelle est surtout chargée deffets négatifs, et quon accompagne les personnes dans leur réinsertion.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, vous voulez plus de sécurité, vous le montrez, et surtout moins de détenus en prison. Mais comment concilier cela avec ce que demande votre collègue Manuel VALLS, et lopinion, c'est-à-dire plus de sévérité et moins de laxisme, alors que toutes les formes de délinquance augmentent en France ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Moi jentends sans arrêt parler de laxisme et dans la même phrase jentends parler de surpopulation carcérale, il faudrait peut-être que les gens qui parlent arrivent à être daccord avec eux-mêmes. Simplement, Manuel VALLS ne demande pas quil y ait de la surpopulation carcérale, Manuel VALLS est responsable de la sécurité dans lespace public, il est responsable de lordre public, il fait son travail correctement
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y en a un qui veut enfermer davantage, pour répondre à la délinquance et on dit il faut éviter la surpopulation et en mettre dabord.
CHRISTIANE TAUBIRA
Personne ne demande à enfermer davantage, vous avez probablement suivi la journée dévaluation que nous avons faite Manuel VALLS et moi à Lyon le 13 mai sur les zones de sécurité prioritaires où nous avons mis en avant les méthodes de travail que nous avons renouvelées, innovées, améliorées entre la police et la gendarmerie dune part et les procureurs dautre part
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous vous entendez bien avec Manuel VALLS et on va le voir
CHRISTIANE TAUBIRA
Ça nest pas ça le sujet, le sujet cest que nous sommes dans un Etat de droits et que dans un Etat de droits, on respecte la loi. Les juges jugent et décident de la sanction et
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, est-ce que vous ne trouvez pas que les juges aujourdhui font de la politique, trop de politique et quà leur tour, ils politisent la justice ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors on était quand même sur les détenus et sur lapplication de lEtat de droits
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui on va en sortir.
CHRISTIANE TAUBIRA
là on est sur des appréciations suggestives des juges en général
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas suggestives, factuelles.
CHRISTIANE TAUBIRA
ou bien on désigne un juge et des faits, des actes, des comportements, mais je ne conçois pas que lon mette en cause tout un corps de la magistrature, quil sagisse du Parquet ou des juges du siège, je ne conçois pas et je nadmets pas que lon jette le discrédit sur lensemble dun corps, ce nest pas votre cas, mais cette habitude que lopposition à prise, et qui fait que lopinion publique aussi, shabitue à parler des juges, des juges non, il peut y avoir un juge
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y a certains juges qui font de la politique et ceux-là vous les désavouez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non attendez, les juges sont des citoyens, qui ont des droits civiques, je nai pas connaissance quils en aient été privés, je connais des juges qui dailleurs se présentent à des élections, ceux-là on en parle beaucoup moins, en général ils ont linvestiture dun pays qui critique beaucoup les juges, dailleurs, donc moi je ne vois pas pourquoi on interdirait à un juge davoir une opinion politique. Ce que nous attendons, et ce que jexige de la magistrature, cest quune fois que la robe est endossée, le juge il juge au nom du peuple français, il juge en droit, et en cette matière il doit
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christiane TAUBIRA, je continue. Il y a 12 avocats qui
CHRISTIANE TAUBIRA
Et vous minterrompez.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, parce que le temps passe, et cest passionnant dêtre avec vous, surtout que vous parlez rarement, mais avec telle passion, telle flamme, etc., quon a du mal à vous arrêter, même moi. 12 avocats, qui représentent 7 mises en examen de laffaire BETTENCOURT, vous demandent de saisir lInspection des services judiciaires, ils lont fait hier, sur les liens entre le juge GENTIL et une experte amie. Dabord, est-ce que ce juge a fait preuve dimpartialité ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Je ne viens pas porter des jugements sur les juges
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce quil a symbolisé lindépendance de la juge à laquelle vous tenez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Incontestablement, et je le démontre depuis 1 an, nous ne faisons plus dintervention dans les dossiers individuels, donc pas dinstruction
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non non, mais lui, en appelant une juge
CHRISTIANE TAUBIRA
Je vous rappelle dabord que cest un juge dinstruction, ce nest pas un procureur. Le Garde des Sceaux a la responsabilité des Parquets généraux et des Parquets, donc il sagit là dun juge dinstruction, et les juges du siège, de toute façon, sont tenus à limpartialité, comme dailleurs les juges du Parquet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais en loccurrence, est-ce quil a été impartial ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Attendez, je vous répète que je ne porte pas de jugement sur un juge, ce juge a fait son travail, ce juge a une hiérarchie, cest le président de son tribunal et le Premier président de la cour dappel, si ce juge na pas fait preuve dimpartialité, sa hiérarchie sen empare, et si cette hiérarchie peut prouver quil y a faute disciplinaire, elle saisit le Conseil Supérieur de la Magistrature, cest ainsi que cela se passe. Je demande simplement quon comprenne une chose, je ne défends pas les juges parce que je ne suis présidente dun syndicat de juges, simplement je défends lEtat de droit. Dans un Etat de droit, notamment pour
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous demandez quon le respecte, que tout le monde le respecte.
CHRISTIANE TAUBIRA
Pour les justiciables et les citoyens les plus vulnérables, qui nont pas de réseau, qui nont pas dinfluence, ils ont besoin dune institution judiciaire indépendante et impartiale, et cest ce que je tiens à faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et pourtant, beaucoup voient dans laffaire TAPIE une opération politique contre Nicolas SARKOZY.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ecoutez, la justice va se prononcer. La justice va se prononcer. Il y a quand même des juridictions de droit commun saisies, il y a la cour de justice de la République saisie, je ne vois pas pourquoi il y a alors, on peut avoir des débats et juger en dehors de la justice, mais la justice va se prononcer, lEtat lui-même remet en cause larbitrage, il se porte partie civile, il se constitue partie civile
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour obtenir quoi, quest-ce quil veut lEtat ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il vous le dira.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non non mais vous
CHRISTIANE TAUBIRA
Il le dira.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes aussi une part importante de lEtat et de lEtat de droit, alors, cest pour demander quoi ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Moi je voudrais bien que vous réalisiez que je suis Garde des Sceaux
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça je sais.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et je lentends.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, mais cela veut dire plus de devoirs encore que les autres, plus de responsabilités que les autres, plus de réserve encore que les autres. autant on peut critiquer les voix politiques qui se permettent de porter un jugement sur les juges ou sur la justice, autant je me linterdit, et je dois me linterdire, pour viser à lefficacité de linstitution judiciaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut que dans la justice il ny ait que des saints. En tout cas merci de répondre
CHRISTIANE TAUBIRA
Je ne prétends pas ça, nous sommes sur terre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci de répondre Christiane TAUBIRA, votre habitude, avec franchise, à EUROPE 1, en direct de la prison de Fleury-Mérogis, et on voit bien quune société se juge à létat des prisons et à sa manière de traiter ses prisonniers. Merci davoir été là.
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous avez bien raison.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2013