Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue au Ministère de lEconomie et des Finances. Je suis extrêmement heureux de vous accueillir ici. Bercy est un lieu que vous connaissez bien, puisque FinanciElles est née sous le patronage de celle qui ma précédé dans ces murs, Christine Lagarde. Il y a des enjeux qui dépassent les clivages partisans et doivent rassembler mieux, qui doivent faire lobjet dune saine émulation, et la famille politique à laquelle jappartiens nest pas en reste sur le sujet qui nous réunit ce soir : promouvoir laccession des femmes aux plus hauts niveaux de responsabilités est de ceux-là.
Jai pour ma part une approche assez simple de la question, une approche qui repose sur quatre convictions.
La première, cest que promouvoir des femmes aux postes élevées, il faut arrêter den parler, et le faire. Je ne suis pas quelquun qui croit beaucoup aux grands discours sur les bienfaits de la mixité : cest sans doute une erreur, puisque mes équipes me répètent que jai un déficit chronique de popularité dans les sondages auprès des femmes. Cest comme ça. Ce qui mintéresse, cest laction.
Quelques exemples concrets, alors :
- Dabord, la composition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault : la première équipe ministérielle intégralement paritaire de la Vème République ;
- Dans mon cabinet, les femmes sont bien représentées, et occupent des postes clés. Les affaires européennes, qui mobilisent près dun tiers de mon temps, sont ainsi gérées par une conseillère ; idem pour le lourd portefeuille de la fiscalité des ménages, ou encore celui des participations stratégiques de lEtat dans les grandes entreprises industrielles. Mes ministres délégués sont aussi allés dans ce sens, Bernard Cazeneuve a choisi une directrice de cabinet et Benoît Hamon une directrice adjointe de cabinet.
- Cette conviction est chez moi ancienne : quand jai été nommé Ministre de lEconomie et des Finances, jai fait venir de lextérieur cinq collaborateurs avec qui javais travaillé auparavant ; quatre dentre eux sont des femmes.
- Troisième exemple : dès mon arrivée à Bercy, jai donné instruction daccélérer et dintensifier la mise en uvre du plan daction en faveur de légalité professionnelle. Cest lune des priorités structurantes de la politique de ressources humaines que jai définie en octobre dernier. Jai notamment exigé une parité effective dans les jurys des concours daccès à la fonction publique gérés par ce ministère dès 2013, ainsi que le développement dactions pour mieux concilier vie professionnelle et vie privée, en mobilisant le budget daction sociale ministériel. Lorsque jai rencontré les organisations syndicales il y a une dizaine de jours, je leur ai proposé dengager une négociation pour aboutir, je lespère en fin dannée, à un accord collectif ambitieux en matière dégalité professionnelle sur la période 2014-2016.
- Quatrième exemple : alors que le Parti socialiste a profondément renouvelé son vivier de candidats aux dernières élections législatives, jai contribué à faire émerger de nombreuses jeunes députées de la « nouvelle vague » : Axelle Lemaire, qui a refusé un poste de ministre ; Karine Berger et Valérie Rabault, deux brillantes économistes, batailleuses, lune de lEcole des Ponts lautre de Polytechnique, qui viennent du monde de la finance et qui jouent un rôle clé dans la réforme bancaire en cours ; Corine Narassiguin, à qui jai confié une mission sur la gouvernance des entreprises, ou encore Bernadette Laclais.
Je lai dit : en matière daccession des femmes aux postes de haut niveau, il faut passer de la parole aux actes, et se sentir personnellement tenu par cet objectif. Linégale représentation des femmes à ces postes, cest dabord le fruit dune somme de décisions individuelles iniques. A chacun de prendre ses responsabilités.
Dans le secteur financier, je sais que lon est déjà en mouvement. Plus de 40% des cadres sont féminins, et la part des femmes dans les Conseils étudiés par FinanciElles est supérieure aux normes législatives sur les quotas. Surtout sont rassemblés ce soir, pour ce dîner, de grands groupes qui ont adopté des démarches parfois très audacieuses pour favoriser laccession des femmes aux postes à responsabilités. Et je veux saluer sincèrement et chaleureusement cette volonté dapporter de véritables réponses aux écarts professionnels.
La seconde de mes convictions, cest celle dun Ministre de lEconomie et des Finances : laccession des femmes aux postes à responsabilités est dabord un enjeu économique. Le plafond de verre est une injustice, évidemment. Il est aussi une source majeure dinefficacité économique. Se priver de femmes dans les cercles de pouvoir les plus élevés, cest se priver de talents et didées.
Et cest là où lon retrouve tout lintérêt de la démarche de FinanciElles qui tourne autour de la mesure. Nous connaissons tous ces études spectaculaires sur la performance économique des entreprises où les femmes sont bien représentées. Jen cite une, celle de Michel Ferrary, de 2010 qui se demandait si les femmes influencent la performance des entreprises, à partir dune étude du CAC 40 sur la période 2002-2006, mais dautres études existent. Ferrary relève quentre 2002 et 2006, les 14 entreprises du CAC 40 qui comptaient plus de 35% de femmes dans leur encadrement le seuil minimal à ses yeux pour quune minorité puisse commencer à peser dans un processus de décision ont connu une croissance moyenne de leur chiffre daffaires de 23,5%, contre seulement 14,6% pour les 28 entreprises du CAC où les femmes étaient sous ce seuil. La différence de performance est de 61,1%. Ces 14 entreprises à lencadrement féminisé ont connu sur la période une rentabilité moyenne de 19,5%, contre 10% pour les 28 autres. La différence de performance est de 96,1%. Les 14 entreprises à lencadrement féminisé ont eu une productivité du travail supérieur de 33,9% à celle des 28 entreprises dont lencadrement était moins féminisé. Les 14 entreprises à encadrement féminisé ont connu une augmentation moyenne de 18,9% de leur nombre demplois, contre 7,4% pour celles qui étaient moins féminisées, soit une différence de plus de 150%.
Féminisation et performance économique : chacun a bien compris que ma présence à ce dîner était tout à fait intéressée, puisquil me revient la noble mais néanmoins difficile tâche de redonner de lélan à la croissance en France. Je compte sur les dirigeants présents ce soir !
Ce nest pas à moi de donner une explication à ces chiffres, mais aux entreprises de faire elles-mêmes leurs calculs. Nous sentons tous, intuitivement, que la féminisation des postes à responsabilités favorise la diversité et la confrontation des points de vue, et que du bon sort de cela. Leffet économique joue au-delà, cependant. Je me souviens de cette déclaration déjà un peu ancienne du PDG de Deloitte je sais que le cabinet est présent ce soir qui avait mesuré que la politique de lentreprise à légard des femmes avait permis de réduire le turnover de 25 à 18% entre 1990 et 1999, et éliminé le différentiel de turnover hommes/femmes, permettant des économies de recrutement et de formation denviron 250 millions de dollars.
Mais je ne confonds pas corrélation et causalité, et il y a sans doute des études plus approfondies à mener sur les différences de performance économique entre entreprises à directions significativement féminisées, et les autres. « Ce qui ne se mesure pas nexiste pas », selon la devise de FinanciElles : cela pourrait être une piste pour les travaux futurs de lassociation.
La troisième des convictions que jai, concernant laccession des femmes aux postes à responsabilités, cest que le grand défi à relever pour le futur, cest celui du renouvellement du vivier. Je sais que ce problème de vivier trop ténu et trop peu travaillé sera abordé en détails ce soir par les intervenants qui vont me suivre, je ne my attarde donc pas. Je veux simplement mentionner que ce nest pas un enjeu propre au secteur de la finance, et que jy sois moi-même confronté à la tête de Bercy. Il y a là un effort extrêmement important à réaliser, qui doit mobiliser les entreprises et la puissance publique, dans une action concertée. Et il faut sen préoccuper dès à présent, parce que le travail dapprofondissement dun vivier ne peut que se dérouler sur le temps long.
La dernière conviction que je voudrais partager avec vous ce soir, et je madresse là spécialement aux femmes, est purement personnelle. Ce nest pas un conseil, puisque dans cette assemblée ce soir, sont présentes des femmes qui ont déjà gravi les échelons, qui ont déjà des postes à hautes responsabilités. Cest plutôt le souffle dune ambition partagée. Lentreprise, ce nest pas un lieu de confort pour les femmes. Alors jai envie de dire et je vais trahir là mes affinités de jeunesse avec les idéologies révolutionnaires : ce quon ne vous donne pas, prenez-le. Mais je marrête là, car je sais quen vérité, si vous êtres là, cest que vous lavez déjà suivi, mais anticipé. A vous, à nous de le diffuser.
Voilà, je ne veux pas monopoliser davantage la parole. Je veux simplement saluer encore les initiatives des dirigeants, dans le secteur de la finance, qui cherchent à promouvoir la diversité et la mixité dans la gouvernance des entreprises, et qui ont compris tous les bénéfices que lon pouvait tirer de la conjugaison de talents et dénergies variés. Je veux aussi dire à FinanciElles quelle pourra continuer à compter sur le soutien de mes services, qui ont été, je crois, très aidants, dès le début du projet, et sur mon écoute et mon attention. Merci.
Source http://www.pierremoscovici.fr, le 12 juin 2013
Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue au Ministère de lEconomie et des Finances. Je suis extrêmement heureux de vous accueillir ici. Bercy est un lieu que vous connaissez bien, puisque FinanciElles est née sous le patronage de celle qui ma précédé dans ces murs, Christine Lagarde. Il y a des enjeux qui dépassent les clivages partisans et doivent rassembler mieux, qui doivent faire lobjet dune saine émulation, et la famille politique à laquelle jappartiens nest pas en reste sur le sujet qui nous réunit ce soir : promouvoir laccession des femmes aux plus hauts niveaux de responsabilités est de ceux-là.
Jai pour ma part une approche assez simple de la question, une approche qui repose sur quatre convictions.
La première, cest que promouvoir des femmes aux postes élevées, il faut arrêter den parler, et le faire. Je ne suis pas quelquun qui croit beaucoup aux grands discours sur les bienfaits de la mixité : cest sans doute une erreur, puisque mes équipes me répètent que jai un déficit chronique de popularité dans les sondages auprès des femmes. Cest comme ça. Ce qui mintéresse, cest laction.
Quelques exemples concrets, alors :
- Dabord, la composition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault : la première équipe ministérielle intégralement paritaire de la Vème République ;
- Dans mon cabinet, les femmes sont bien représentées, et occupent des postes clés. Les affaires européennes, qui mobilisent près dun tiers de mon temps, sont ainsi gérées par une conseillère ; idem pour le lourd portefeuille de la fiscalité des ménages, ou encore celui des participations stratégiques de lEtat dans les grandes entreprises industrielles. Mes ministres délégués sont aussi allés dans ce sens, Bernard Cazeneuve a choisi une directrice de cabinet et Benoît Hamon une directrice adjointe de cabinet.
- Cette conviction est chez moi ancienne : quand jai été nommé Ministre de lEconomie et des Finances, jai fait venir de lextérieur cinq collaborateurs avec qui javais travaillé auparavant ; quatre dentre eux sont des femmes.
- Troisième exemple : dès mon arrivée à Bercy, jai donné instruction daccélérer et dintensifier la mise en uvre du plan daction en faveur de légalité professionnelle. Cest lune des priorités structurantes de la politique de ressources humaines que jai définie en octobre dernier. Jai notamment exigé une parité effective dans les jurys des concours daccès à la fonction publique gérés par ce ministère dès 2013, ainsi que le développement dactions pour mieux concilier vie professionnelle et vie privée, en mobilisant le budget daction sociale ministériel. Lorsque jai rencontré les organisations syndicales il y a une dizaine de jours, je leur ai proposé dengager une négociation pour aboutir, je lespère en fin dannée, à un accord collectif ambitieux en matière dégalité professionnelle sur la période 2014-2016.
- Quatrième exemple : alors que le Parti socialiste a profondément renouvelé son vivier de candidats aux dernières élections législatives, jai contribué à faire émerger de nombreuses jeunes députées de la « nouvelle vague » : Axelle Lemaire, qui a refusé un poste de ministre ; Karine Berger et Valérie Rabault, deux brillantes économistes, batailleuses, lune de lEcole des Ponts lautre de Polytechnique, qui viennent du monde de la finance et qui jouent un rôle clé dans la réforme bancaire en cours ; Corine Narassiguin, à qui jai confié une mission sur la gouvernance des entreprises, ou encore Bernadette Laclais.
Je lai dit : en matière daccession des femmes aux postes de haut niveau, il faut passer de la parole aux actes, et se sentir personnellement tenu par cet objectif. Linégale représentation des femmes à ces postes, cest dabord le fruit dune somme de décisions individuelles iniques. A chacun de prendre ses responsabilités.
Dans le secteur financier, je sais que lon est déjà en mouvement. Plus de 40% des cadres sont féminins, et la part des femmes dans les Conseils étudiés par FinanciElles est supérieure aux normes législatives sur les quotas. Surtout sont rassemblés ce soir, pour ce dîner, de grands groupes qui ont adopté des démarches parfois très audacieuses pour favoriser laccession des femmes aux postes à responsabilités. Et je veux saluer sincèrement et chaleureusement cette volonté dapporter de véritables réponses aux écarts professionnels.
La seconde de mes convictions, cest celle dun Ministre de lEconomie et des Finances : laccession des femmes aux postes à responsabilités est dabord un enjeu économique. Le plafond de verre est une injustice, évidemment. Il est aussi une source majeure dinefficacité économique. Se priver de femmes dans les cercles de pouvoir les plus élevés, cest se priver de talents et didées.
Et cest là où lon retrouve tout lintérêt de la démarche de FinanciElles qui tourne autour de la mesure. Nous connaissons tous ces études spectaculaires sur la performance économique des entreprises où les femmes sont bien représentées. Jen cite une, celle de Michel Ferrary, de 2010 qui se demandait si les femmes influencent la performance des entreprises, à partir dune étude du CAC 40 sur la période 2002-2006, mais dautres études existent. Ferrary relève quentre 2002 et 2006, les 14 entreprises du CAC 40 qui comptaient plus de 35% de femmes dans leur encadrement le seuil minimal à ses yeux pour quune minorité puisse commencer à peser dans un processus de décision ont connu une croissance moyenne de leur chiffre daffaires de 23,5%, contre seulement 14,6% pour les 28 entreprises du CAC où les femmes étaient sous ce seuil. La différence de performance est de 61,1%. Ces 14 entreprises à lencadrement féminisé ont connu sur la période une rentabilité moyenne de 19,5%, contre 10% pour les 28 autres. La différence de performance est de 96,1%. Les 14 entreprises à lencadrement féminisé ont eu une productivité du travail supérieur de 33,9% à celle des 28 entreprises dont lencadrement était moins féminisé. Les 14 entreprises à encadrement féminisé ont connu une augmentation moyenne de 18,9% de leur nombre demplois, contre 7,4% pour celles qui étaient moins féminisées, soit une différence de plus de 150%.
Féminisation et performance économique : chacun a bien compris que ma présence à ce dîner était tout à fait intéressée, puisquil me revient la noble mais néanmoins difficile tâche de redonner de lélan à la croissance en France. Je compte sur les dirigeants présents ce soir !
Ce nest pas à moi de donner une explication à ces chiffres, mais aux entreprises de faire elles-mêmes leurs calculs. Nous sentons tous, intuitivement, que la féminisation des postes à responsabilités favorise la diversité et la confrontation des points de vue, et que du bon sort de cela. Leffet économique joue au-delà, cependant. Je me souviens de cette déclaration déjà un peu ancienne du PDG de Deloitte je sais que le cabinet est présent ce soir qui avait mesuré que la politique de lentreprise à légard des femmes avait permis de réduire le turnover de 25 à 18% entre 1990 et 1999, et éliminé le différentiel de turnover hommes/femmes, permettant des économies de recrutement et de formation denviron 250 millions de dollars.
Mais je ne confonds pas corrélation et causalité, et il y a sans doute des études plus approfondies à mener sur les différences de performance économique entre entreprises à directions significativement féminisées, et les autres. « Ce qui ne se mesure pas nexiste pas », selon la devise de FinanciElles : cela pourrait être une piste pour les travaux futurs de lassociation.
La troisième des convictions que jai, concernant laccession des femmes aux postes à responsabilités, cest que le grand défi à relever pour le futur, cest celui du renouvellement du vivier. Je sais que ce problème de vivier trop ténu et trop peu travaillé sera abordé en détails ce soir par les intervenants qui vont me suivre, je ne my attarde donc pas. Je veux simplement mentionner que ce nest pas un enjeu propre au secteur de la finance, et que jy sois moi-même confronté à la tête de Bercy. Il y a là un effort extrêmement important à réaliser, qui doit mobiliser les entreprises et la puissance publique, dans une action concertée. Et il faut sen préoccuper dès à présent, parce que le travail dapprofondissement dun vivier ne peut que se dérouler sur le temps long.
La dernière conviction que je voudrais partager avec vous ce soir, et je madresse là spécialement aux femmes, est purement personnelle. Ce nest pas un conseil, puisque dans cette assemblée ce soir, sont présentes des femmes qui ont déjà gravi les échelons, qui ont déjà des postes à hautes responsabilités. Cest plutôt le souffle dune ambition partagée. Lentreprise, ce nest pas un lieu de confort pour les femmes. Alors jai envie de dire et je vais trahir là mes affinités de jeunesse avec les idéologies révolutionnaires : ce quon ne vous donne pas, prenez-le. Mais je marrête là, car je sais quen vérité, si vous êtres là, cest que vous lavez déjà suivi, mais anticipé. A vous, à nous de le diffuser.
Voilà, je ne veux pas monopoliser davantage la parole. Je veux simplement saluer encore les initiatives des dirigeants, dans le secteur de la finance, qui cherchent à promouvoir la diversité et la mixité dans la gouvernance des entreprises, et qui ont compris tous les bénéfices que lon pouvait tirer de la conjugaison de talents et dénergies variés. Je veux aussi dire à FinanciElles quelle pourra continuer à compter sur le soutien de mes services, qui ont été, je crois, très aidants, dès le début du projet, et sur mon écoute et mon attention. Merci.
Source http://www.pierremoscovici.fr, le 12 juin 2013