Entretien de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, avec RTL le 8 juillet 2013, sur les mariages forcés de Françaises à l'étranger.

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Texte intégral

Q - On va se pencher sur ce fameux dossier des mariages forcés, je prononçais tout à l'heure ce chiffre de 70.000 victimes chaque année en France. Vous avez un axe prioritaire, ce sont ces Françaises qui sont parties à l'étranger, parties forcées, c'est ça ?

R - C'est un phénomène dont nous connaissons l'existence, mais on n'en a jamais vraiment mesuré l'étendue. En début d'année, j'ai lancé une enquête auprès de notre réseau diplomatique et consulaire, pour savoir quels sont les pays où nous devons traiter le rapatriement de certaines de ces jeunes filles, et leur accompagnement par les consulats.

Cela m'a permis de faire deux choses : d'abord, d'établir une typologie des pays à risque ; et puis de voir comment ces jeunes filles sont traitées. Ces jeunes filles sont en grande détresse, elles arrivent souvent sans identité, sans papiers parce que leur passeport leur a été retiré, leur téléphone supprimé. Parfois, elles ont été séquestrées et elles se retrouvent finalement dans un consulat devant des agents consulaires qui doivent d'abord s'assurer de leur identité, de leur état civil. Il faut en effet s'assurer qu'elles sont bien françaises, puis elles seront conseillées et bénéficieront parfois également d'un appui pour rentrer en France. C'est donc une charge très lourde.

Par ailleurs, le retour en France peut être compliqué parce qu'il faut se souvenir que le mariage a été organisé à partir de la France, à partir de la famille qui a envoyé la jeune fille, pendant l'été, dans son pays d'origine. Il peut y avoir des difficultés pour réintégrer la famille, réintégrer la France. Nous avons donc aussi besoin, en France, d'avoir une prise en charge de ces jeunes filles.

Q - Vous parliez de souffrance tout à l'heure, de détresse. C'est très concret pour ces jeunes femmes ?

R - Oui. Ce sont des jeunes filles qui se retrouvent souvent dans des situations très difficiles, qui ont été violées, séquestrées et qui ont pu s'échapper. Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est pouvoir les informer, leur faire connaître leurs droits, leur faire savoir qu'elles ont droit à une protection consulaire à l'étranger et que des agents des consulats sont à leur écoute et, surtout, peuvent ensuite les accompagner.

Q - Globalement elles sont jeunes ? Est-ce qu'elles ont régulièrement en dessous de dix-huit ans ?

R - Dans les dix cas que nous sommes en train de traiter, elles ont entre quatorze et vingt-quatre ans.

Q - Est-ce que vous pouvez faire preuve de sévérité à l'égard des maris, de ceux qui les forcent ?

R - Il est important que ces jeunes filles saisissent la justice.

Q - Vous recevez un rapport aujourd'hui sur ce thème-là...

R - Oui. Il s'agit d'une enquête que j'ai lancée en début d'année auprès de nos postes diplomatiques et consulaires, avec une synthèse qui a été faite sur les cas traités. Nous examinons entre douze et quinze cas par an depuis les cinq dernières années. Mais je pense que le phénomène est beaucoup plus étendu que cela puisqu'en six mois déjà, maintenant qu'il y a une prise de conscience de ce phénomène, nous avons une dizaine de cas à traiter.


Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juillet 2013