Extraits d'un entretien de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, avec Europe 1, ITélé et Le Parisien le 14 juillet 2013, sur les défis et priorités de la politique de défense.

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Média : Europe 1 - Itélé - Le Parisien

Texte intégral

Q - Neuf Français sur dix font confiance à leurs armées, très loin devant les autres missions régaliennes de sécurité. C'était un encouragement à 90 minutes du défilé du 14 juillet, sur les Champs-Élysées et d'après ce même sondage IFOP/JDD, deux Français sur trois souhaitent que soit maintenu ou augmenté même, le budget de la Défense, comme s'ils avaient l'intuition en cette période de crise, de débats intenses au sein du gouvernement, de la majorité et même du pays sur les moyens à accorder aux armées, pour leur permettre d'accomplir plus tard ses missions ou leurs missions dans un monde dangereux. Vous allez répondre Monsieur le Ministre, aux questions, vous Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, qui avez été cette année, l'un des ministres les plus exposés et en même temps le plus reconnu de l'année.
Aujourd'hui, pour vous c'est sans doute un défi, et le défi c'est de défendre l'armée, son budget, sa place dans la société et vous êtes aussi sur le terrain de la politique intérieure ou de la politique politicienne vous êtes le ministre de la Défense du président de la République, on a envie de dire, le général des «Hollandais.»
Aujourd'hui, 14 juillet, moins d'avions, moins de troupes, moins d'invités, défilé low cost ?
R - Ah ! Non, ça ne se passe pas comme ça du tout ! D'abord c'est le 14 juillet, c'est un grand jour, c'est un grand jour pour le ministre de la défense, c'est un grand jour pour nos armées, mais c'est un grand jour pour la nation. C'est la fête du consensus national, de la République rassemblée, c'est aussi le jour du rappel de notre devise : liberté, égalité, fraternité.
Q - Il y a quand même quelques économies qui ont été réalisées ?
R - Je vais y venir. C'est aussi le jour de notre histoire, parce que le 14 juillet, ce n'est pas uniquement la prise de la Bastille, c'est aussi la fête de la fédération, c'est aussi le 14 juillet 92, 1792, la nation en armes, tout ça...
Q - Et vous croyez que ceux qui vont vous applaudir...
R - Tout ça, c'est le 14 juillet, c'est pour ça qu'il a une force d'imaginaire, cet évènement, et c'est pour ça cette fête est très importante et c'est pour ça que les Français s'y retrouvent. Donc aujourd'hui, c'est d'abord la fête. Alors ça se traduit par une grande manifestation sur les Champs-Élysées, avec un défilé de nos forces qui sera aujourd'hui comme les autres années, un grand défilé. Mais les défilés changent d'année en année, et comme...
Q - Comme les autres années et comme les années à venir, il va durer encore ce défilé ?
R - Comme les années à venir, attendez ! On revient d'abord, pour le défilé d'aujourd'hui. Le défilé d'aujourd'hui, quelle est sa force et sa signification ? Ce sont des Maliens qui vont ouvrir le défilé. C'est un défilé qui marque la réussite de l'opération Serval, et qui marque aussi le Mali qui retrouve son autonomie, sa...
Q - Serval c'est le petit insigne que vous portez là ?
R - Serval c'est le signe, c'est l'insigne que je porte et le commandant général en chef de Serval, il est ici, c'est le général Barrera, c'est lui qui a mené la bataille...
Q - Voilà, le Général Barrera qu'on est en train de montrer. Il a mené la bataille avec vous. Attendez, puisqu'il est là, et que vous le citez, dites où il était, à Tombouctou, à Gao...
R - Il a été partout et il a été dans le nord, il a été à Tessalit, il a été à Gao, il a été à Bamako, il a dirigé de manière remarquable...
Q - C'est-à-dire que c'est lui qui a eu en face de lui, Al-Qaïda AQMI ?
R - C'est lui qui a eu en face de lui, les terroristes et c'est lui qui a mené les troupes pour arriver à ce résultat exceptionnel.
Q - Par 50°, aujourd'hui, il faut...
R - Par 50° même parfois davantage, je suis allé le rencontrer, ainsi que nos forces et dans l'Adrar des Ifoghas, il faisait je crois 55°. Mais je n'ai pas fini de vous expliquer sur le défilé qui vient tout à l'heure....
Q - Pour expliquer justement le défilé, ce sont les forces engagées toute l'année...
R - Ce sont d'abord les forces africaines, dans leur représentation, qui vont défiler, parce que les forces françaises étaient présentes, mais nous avons été soutenus et assistés par les forces africaines, les forces maliennes bien sûr, mais aussi les pays africains ...
Je connais, j'ai entendu les questions, je vais y revenir. Mais je rappelle que ce défilé est un défilé particulier, comme tous les défilés. Chaque année, il y a un thème. Cette année, bien évidemment...
Q - Cette année, c'est laquelle ?
R - C'est le Mali. Et la manière donc nous nous sommes comportés au Mali, et finalement les bons résultats, le bon résultat des opérations.
Q - On en parlera, mais il y a la question...
R - Ensuite, il y aura les forces des Nations unies. Parce que maintenant au Mali, c'est les Casques bleus ou les Bérets bleus qui défileront qui assurent la stabilité de...
Q - Est-ce que c'est un défilé low cost ? Avec moins d'avions, moins de soldats etc.
R - Oui, mais c'est un défilé avec beaucoup de force symbolique et qui privilégie les forces à pieds par rapport aux blindés. Parce que cette année, c'est un défilé de retour sur des actions de défense qui ont été très significatives et très porteuses voilà !
Q - C'est une manière d'habiller la crise ?
R - Pas du tout, c'est une manière d'affirmer la fierté de nos armées et la fierté des forces africaines.
Q - Vous savez ce que cachent nos questions à tous les trois !
R - Mais oui, mais je vois bien où vous voulez en venir, mais c'est un peu gros comme démarche. Je veux simplement vous dire aujourd'hui, ce que je veux dire aux Français, c'est que ce défilé, c'est l'affirmation de la fierté des armées françaises, l'affirmation des bons résultats que nous avons obtenus, et le fait que la France a été capable de rentrer en premier, de remporter une victoire avec le soutien des forces africaines. Ca c'est important ! Ce n'est jamais arrivé depuis de nombreuses années, que les forces africaines défilent ainsi sur les Champs-Élysées. Et puis il y aura aussi des éléments de la brigade franco-allemande, parce que c'est le 50ème anniversaire...
Q - Est-ce que l'année prochaine et les autres années, il y aura des défilés qui marquent la fierté etc. ? À cause de la crise ? Parce qu'on entend des gens de gauche, des gens de droite...
R - Je vais répondre à votre première question.
Q - Il y en a qui disent il y a trop garde républicaine, il y a trop de trucs... Non, il n'y en aura plus ! Voilà le sens de la question.
R - J'apprécie aussi, oui, mais enfin, excusez-moi, vous pouvez aussi reconnaître, que c'est un défilé significatif, symbolique, d'une grande opération bien menée par la France.
Q - Ça oui ! C'est parce qu'on y tient, qu'on vous pose la question pour l'avenir.
R - C'est quand même l'évènement principal de la journée, réjouissons-nous ! Réjouissons-nous du 14 juillet ! Et réjouissons-nous de cette victoire ! Avant de parler d'autres sujets. Mais la question, qu'a posée Monsieur Elkabbach tout à l'heure, vous l'avez repris par un petit biais, un peu pervers qui est le montant que la nation veut accorder à sa Défense, montant financier, ce problème-là est réglé ! Le président de la République avait annoncé déjà à plusieurs reprises qu'il voulait stabiliser le budget de la Défense, il l'a répété hier soir, devant les armées. Le budget de la Défense, en 2014, en 2015, en 2016, sera sanctuarisé.
Et ce montant-là, 31,4 milliards qui a été tranché en Conseil de Défense en présence de l'ensemble des membres du gouvernement, concerné par ces choix, ce choix-là 31,4 milliards il a été réaffirmé par le président de la République et c'est le même montant, c'est le même montant, que 2013 et c'est aussi le même montant que 2012. Donc il y a une permanence de l'effort de défense de la nation...
Q - Si on peut vous poser quelques questions pour aller avec précisions...
R - Mais si vous me permettez d'y répondre par anticipation.
Q - Non ! Le budget, on va vous poser des questions tout à l'heure, sur le budget...
R - Non, mais vous allez passer par-là, donc j'y viens !
Q - Non, 31,4 milliards, on peut vous dire aussi : mais moins l'inflation etc. et quand on additionne moins l'inflation de chaque année, des 6 ans du plan de la loi de programmation militaire, ça fera une certaine addition. Mais ça, on y vient tout à l'heure.
R - L'inflation n'est pas très élevée à ma connaissance.
Q - Oui, mais vous parlez du Mali. 3.200 soldats français sont encore au Mali. Combien il en restera à la fin de l'année ?
R - Un millier ! Pourquoi ? Parce qu'il faut non pas dire les chiffres comme cela. 3.200 maintenus pendant cette période pour assurer la bonne transition avec les forces des Casques bleus, des Bérets bleus, les forces des Nations unies, et progressivement, nous allons réduire à 1.000. Mais nous garderons 1.000 militaires français sur le territoire malien, pour une certaine durée, on n'a pas fixé de butoir, pour assurer définitivement la bonne sécurité...
Q - Mais pourtant, il était question qu'une fois que le travail soit terminé, comme vous l'avez dit au début de l'opération, tout le monde s'en va !
R - Oui, mais on apprécie les situations...
Q - Pourquoi ça a changé ?
R - On apprécie les situations au fur et à mesure de leur déroulement. Et nous avons estimé qu'il était souhaitable de maintenir des forces qui pourraient intervenir le cas échéant, s'il y avait des retours d'action terroriste ponctuelle. Parce que ce rôle-là n'est pas affecté aux Nations unies et il faut qu'il y ait une permanence de la sécurité du Mali, et c'est une bonne chose de le faire.
Q - Mais par exemple, les Maliens, certains Maliens, souhaitent que les élections qui doivent avoir lieu dans quelques jours le 28 juillet soient reportées. Est-ce qu'elles auront lieu à la date prévue, le 28 ?
R - La campagne électorale au Mali est commencée. Il y a 28 candidats, ça se passe à la fin de ce mois. Il y a 28 candidats qui font campagne, et qui mobilisent les Maliens. J'ai regardé l'autre jour un meeting d'un des candidats, je ne me prononcerai pas sur les candidats, où il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes. Beaucoup plus que dans les meetings des campagnes présidentielles françaises. Donc le peuple malien est très mobilisé par cette échéance, et il a raison. Parce que depuis un certain nombre de mois, ce pays est dirigé par un gouvernement de transition, tout à fait respectable, mais de transition. Il faut donc retrouver...
Q - Est-ce que la France a un candidat ?
R - Il faut retrouver la légitimité du pouvoir malien qui lui, alors, ce nouveau président de la République sera à même de faire en sorte que la réconciliation indispensable du Mali, puisse se faire. Et que le Mali retrouve les voies du développement et de la démocratie. Donc les élections vont avoir lieu, et c'est tant mieux !
Q - Voilà ! Point final ! Est-ce que la France a un candidat ?
R - La France n'a pas à se mêler de cela. La France a à se mêler du fait que ce pays retrouve la stabilité, retrouve son intégrité, c'est fait ! Elle n'a pas à se mêler de joutes politiques, ce que la France espère, c'est qu'il y ait un candidat....
Q - Est-ce qu'il n'y a pas de suspicion quand même sur le rôle de la France qui est encore présente militairement au moment où se déroulent les élections ?
R - Le rôle de la France, militaire de la France au Mali, était d'assurer la sécurité du territoire et de faire en sorte que le Mali retrouve son intégrité à la demande du gouvernement malien. Et avec le soutien des Nations unies, ce rôle-là n'a pas changé. Il y a des élections tant mieux, il fallait qu'elles se tiennent, la France souhaitait que ces élections aient lieu à la fin du mois de juillet, pour pouvoir avoir le plus vite possible, des instances re-légitimées au Mali. Ce processus se déroule sans aucun problème.
Q - Vous nous dites, et sans vous fâcher, parce que vous avez l'air...
R - Je ne me fâche pas moi ! Je suis un peu tonique, mais je ne me fâche pas !
Q - Il n'y a pas un combat, ils ne sont pas en combat, ils ne sont pas en uniforme.
R - Non, mais je l'ai fait remarquer.
Q - La France n'a pas vocation, c'est ce que vous nous dites ce matin, à rester au Mali, ou dans n'importe quel pays, elle n'occupera pas le Mali ?
R - Non, elle est en réponse à une demande des autorités maliennes et lorsque les autorités maliennes estimeront que cette présence a permis à ce pays de retrouver sa stabilité et sa sérénité, la France se retirera.
Q - Est-ce que ça veut dire que chaque fois qu'un État africain appellera la France, il se sentira menacé, la France dira : présent !
R - Moi, je souhaite que cette crise du Mali, qui a été une crise grave pour la sécurité du Mali, mais aussi pour notre propre sécurité, parce qu'on a retrouvé au Mali 350 tonnes d'armes, qui manifestement n'étaient pas destinées à assurer la sécurité à Bamako.
Q - Celui qui en a trouvé le plus, c'est peut-être lui, là ! C'est le Général Barrera !
R - C'est le Général Barrera, je pense qu'il en a trouvé pas mal ! Oui, on en a parlé. Mais donc notre but, c'était d'assurer la sécurité du Mali, et cette crise du Mali a permis une prise de conscience de la nécessité de mettre en priorité la sécurité pour les autres pays africains. Il y a une prise de conscience africaine de renforcer, de coordonner, les actions de sécurité, j'ai constaté avec intérêt qu'au dernier sommet des chefs d'État africains, cette priorité avait été non seulement affirmée, mais traduite dans les actes puisque les chefs d'État africains ont décidé la mise en place d'ici la fin de l'année, d'une force de réaction rapide africaine. Et cette prise de conscience est tout à fait essentielle, parce qu'il y a dans cette zone du Sahel depuis longtemps, aujourd'hui encore des risques majeurs et il faut que les Africains assurent ensemble leur propre sécurité.
Q - Alors Jean-Yves Le Drian pour mieux comprendre par rapport à ce que vous dites, est-ce que le travail, comme vous dites est terminé ? Ou alors est-ce que le danger terroriste s'est déplacé vers le sud ? Et que va faire la France dans ces cas-là !
R - Il y a depuis longtemps, des risques de terrorisme sur l'ensemble du Sahel, pas uniquement au Mali. Depuis la Guinée Bissau quasiment jusqu'à la Somalie, il y a là, un chemin, une «route du terrorisme» d'une certaine manière, qui est dangereuse. Le centre, c'était le Mali, et il y avait une volonté des groupes djihadistes de faire du Mali, le sanctuaire. Occuper cet État qui était fragilisé, pour en faire le levier d'interventions autres et éventuellement d'interventions en Europe et de maîtrise de ce grand espace. Aujourd'hui, ces groupes sont éradiqués au Mali, il faut encore poursuivre avec minutie, mais...
Q - Et où elles sont ? Où elles sont maintenant ?
R - Que sont devenus les djihadistes ? Une partie, comme vous le savez, a été neutralisée...
Q - Et qu'est-ce qu'il reste de leurs chefs ?
R - Certains chefs ont été éliminés, certains djihadistes ou assimilés sont rentrés à la maison, parce qu'il y avait aussi beaucoup de mercenaires, des gens qui étaient payés pour aller faire la guerre, même des enfants, et puis d'autres sont partis ailleurs. Et donc, il faut continuer la vigilance, c'est pourquoi le fait que les Africains eux-mêmes, s'organisent pour assurer leur propre sécurité est une bonne chose.
Q - Et l'Algérie a joué franc-jeu d'un bout à l'autre ?
R - Et l'Algérie, elle a été elle-même, elle a été elle-même victime...
Q - Elle a fermé ses frontières, elle a asphyxié les djihadistes ?
R - L'Algérie a été victime elle-même d'attentats sur son propre territoire. Elle avait déjà facilité avant même l'attentat, l'action des forces françaises, elle l'a poursuivie en fermant ses frontières effectivement.
Q - Kader Arif, le ministre qui prépare déjà les cérémonies anniversaires du centenaire...
R - Le grand 14 juillet de 2014.
Q - De 2014, c'est-à-dire 14-18, et en même temps les 70 ans de la libération de la France, voilà !
R - Absolument !
Q - Nous avons invité Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, juste avant le défilé du 14 juillet. Et je vous remercie encore une fois d'avoir accepté que cette émission soit enregistrée, même pas 90 minutes avant ce grand et célèbre et magnifique défilé du 14 juillet. Mais je voudrais dire aussi que ce «Grand Rendez-vous» nous touche particulièrement parce qu'il est dédié, de la part de tout Europe 1, à nos confrères et amis, si courageux, Didier François et son photographe Édouard Elias. Est-ce que vous avez des nouvelles d'eux ?
R - D'abord, je pense beaucoup à eux, parce que je les ai rencontrés plusieurs fois, et quand je suis allé et en Afghanistan et au Mali, ils m'ont accompagné tous les deux. Donc nous avons une conversation, qui s'est engagée depuis plusieurs mois. Et ce matin, ils nous manquent, à tous. Ils sont aux mains de ravisseurs qui, je l'espère, les relâcheront rapidement. En tout cas, tous les...
Q - Mais est-ce que vous savez qui les détient ?
R - ...tous les efforts sont faits pour que les conditions de leur libération puissent être mises en oeuvre très rapidement.
Q - Est-ce qu'ils sont localisés ?
R - Pour l'intérêt de tous, et en particulier pour l'intérêt de ces deux-là, je ne dirai rien de plus.
Q - Mais ils sont vivants ?
R - Oui.
Q - Vous avez une preuve de vie ?
R - On a tous les éléments qui nous permettent de le penser.
Q - Parce que toute sa vie, Didier a lutté pour la vérité et en même temps pour la vie de certains prisonniers otages...
R - ... et en même temps il avait... il a pris les risques de son métier, mais il était déterminé à cela. Et puis quand je pense aux conversations que nous avons eues ensemble, sur les autres otages...
Q - Florence Aubenas, il a tout fait pour contribuer lui aussi...
R - ...un peu dramatique de penser à tout cela, et en même temps je pense à eux, et puis aux autres otages français.
Q - Vous avez des nouvelles d'eux ?
R - On sait qu'ils sont en vie, et on multiplie les...
Q - Mais on n'a aucun contact avec qui que ce soit ?
R - ...Je préfère ne rien dire.
Q - Et en même temps, vous dites : la doctrine française de la non-négociation, ou non-paiement de rançon, plus exactement, est maintenue ?
R - Non, c'est deux choses différentes. Il y a la négociation et le contact, ce sont des choses qu'on peut faire, et que l'on fait.
Q - Mais pas de rançons ?
R - Ça, on verra cela...
Q - Donc on peut être rassurés, ils sont vivants, les uns et les autres, il y a des contacts ?
R - Oui, vous savez... oui.
Q - Il y aurait des contacts ?
R - On fait tout ce qu'il faut pour qu'ils puissent être libérés vite.
Q - Est-ce que vous avez fait contrôler le système informatique du ministère de la défense ?
R - Oui, heureusement ! Pourquoi cette question ?
Q - Pourquoi cette question, parce qu'on a appris, et vous avez appris - d'ailleurs, quand ? - que vous étiez écoutés par tous les services spéciaux des États-Unis.
R - Vous parlez de...
Q - Ah ben oui ! Je n'ose pas dire l'espionnage...
R - ...les révélations récentes...
Q - ...Quand vous l'avez découvert ?
R - ...On a demandé des explications aux autorités américaines...
Q - Mais vous avez découvert... ?
R - ...j'espère qu'on les aura rapidement.
Q - Vous avez, à cette occasion-là, découvert qu'il y avait un espionnage américain sur l'Europe et sur la France ?
R - Nous avons nos propres services de renseignements, qui sont responsables, sérieux, très compétents, et qui me donnent les informations qu'il convient de me donner, et que je donne aussi au chef de l'État, au moment nécessaire...
Q - Alors pourquoi le chef de l'État a protesté... ? Pourquoi cette protestation publique... ?
R - ...eh bien, parce que ce n'est pas très convenable, parce que ce n'est pas très convenable...
Q - ...les Européens, de tous les Européens, et même des Français, etc., comme si vous ne le saviez pas. Vous passez pour des naïfs, non ?
R - Ah, pas du tout. Mais ce n'est pas très convenable de constater l'ampleur de ce type d'action de renseignement entre pays alliés. C'est pour ça que nous demandons...
Q - Mais une fois de plus, vous ne le découvrez pas, ça a toujours été le cas ? La France l'a même fait...
R - On a demandé des explications, je pense qu'on les aura en temps utile.
Q - Oui ? Mais vous avez des soupçons étayés ?
R - Sur qui ?
Q - Non, pas sur...
R - Non, on demande des explications, très correctement et très...
Q - ...Vous ne vous doutiez pas que vous étiez écoutés d'aussi près par les alliés américains ?
R - Eh bien, ce n'est pas... il y avait des écoutes un peu éparpillées, dans des lieux très identifiés maintenant, et sur lesquels on demande des explications.
Q - Mais vous qui parlez aussi de la grandeur de la France, là, dans cette affaire, on a un peu l'impression que c'est un peu la candeur de la France, hein, qui est...
R - Oh, pas du tout ! Nous avons... écoutez, nous avons nos propres services de renseignement, et je considère que le renseignement, c'est un élément de la souveraineté. Ces services de renseignement sont compétents, performants. On parlait du Mali tout à l'heure : je voudrais vous dire que si, le 8 janvier dernier, je n'avais pas eu les éléments provenant de nos propres services de renseignement, nous indiquant ce qui était en train de se préparer, c'est-à-dire la convergence vers le sud du Mali de l'ensemble de groupes terroristes, je n'aurais pas pu prévenir le président de la République, et on n'aurait pas pu engager l'opération là. Donc nous avons des services de renseignement, parce que ça fait partie de notre souveraineté. Et ces services de renseignement, nous allons les renforcer, parce que dans l'avenir, dans la loi de programmation on va le faire, dans l'avenir c'est un outil encore plus important qu'hier, dans le domaine satellitaire, dans le domaine des drones...
Q - Donc les services spéciaux français...
R - ...et nous avons des services spéciaux qui fonctionnent.
Q - ...qui fonctionnent...
R - C'est normal.
Q - ...oui, c'est normal, écoutaient les Américains qui les écoutaient...
R - Non, je ne vais pas vous faire... il y a deux principes...
Q - ...c'est amusant. Mais est-ce qu'il est vrai que votre ministère est en train d'acheter aux Américains, et en particulier à Microsoft, un grand système d'informatique, ou un grand ordinateur ?
R - Il y a une nouvelle menace, que la loi de programmation militaire va prendre en considération, ce sont les menaces liées à la cyber-attaque, qui aujourd'hui peuvent intervenir à tout moment. Il y a des tentatives d'intrusion, donc c'est une menace d'aujourd'hui, venant de...
Q - Combien vous évaluez les tentatives... ?
R - ... Mais il n'y en a pas uniquement sur les organismes d'État, il y en a aussi sur des grandes entreprises, il y en a aussi sur...
Q - C'est vrai qu'il y en a des milliers par jour ?
R - ...il y en a plusieurs, oui. Il faut s'en prévenir. Nous avons les moyens de nous en prémunir, mais il faut renforcer cela. Et c'est pourquoi un des axes prioritaires de la loi de programmation militaire, c'est le renforcement de la cyber-défense, à la fois en prévention, mais aussi en possibilité d'attaque - ne pas être uniquement sur la défensive. Nous allons renforcer, par des investissements, non seulement des investissements en matériels, mais des investissements en hommes, en ingénieurs, la cyber-défense de notre pays dans les années qui viennent...
Q - Donc vous allez appliquer...
R - ...ça c'est un des choix.
Q - ... Monsieur le Ministre, vous allez appliquer le principe de réciprocité active ? Oui ?
R - Nous allons appliquer le principe de la défense de nos propres territoires, de nos propres intérêts, par les moyens adaptés pour qu'ils soient sécurisés.
Q - Alors les révélations donc de l'espionnage américain ont évidemment fait beaucoup de bruit, mais on apprend aussi que la DGSE, donc les services secrets français, espionne, écoute aussi, intercepte les mails, les conversations téléphoniques en France. Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
R - Il y a deux points majeurs. D'abord, personne n'a le droit, pas plus le ministre de la Défense que quelqu'un d'autre, de livrer dans ce domaine des informations qui sont secret défense, et je m'y tiendrai. Mais deuxièmement, en France, on ne fait pas n'importe quoi en termes d'interceptions. Il y a une loi, qui est la loi de 1991, qui précise la manière dont les interceptions peuvent être faites. Il y a une commission parlementaire, qui vérifie. Et il y a une commission de validation des interceptions...
Q - Est-ce que vous demandez une régulation internationale ?
R - ...et il y a un pouvoir politique qui prend les décisions. Donc on n'est pas dans la même situation...
Q - Est-ce qu'on peut...
R - ...nous ne faisons pas n'importe quoi...
Q - ... non mais, est-ce qu'on peut l'étaler à l'échelle... l'étendre à l'échelle du monde ?... la DGSE n'écoute pas, n'intercepte pas, comme cela a été... ?
R - ... Je vous dis les deux choses en même temps, je pense que ça ne vous a pas échappé. Je vous dis, un, qu'en ce qui concerne les interceptions et les renseignements, il y a le secret défense, que personne ne doit rompre, pas plus le ministre de la défense qu'un autre, et puis il y a par ailleurs, concernant les interceptions, une réglementation française que nous respectons, qui n'est pas la même ailleurs.
Q - On peut dire aussi qu'heureusement que de temps en temps on écoute, quand il y a, comme vous l'avez dit tout à l'heure, des actions terroristes, pour en même temps voir si on peut encourager les pourparlers de paix au Proche-Orient, si l'Iran est en train de faire sa bombe atomique, si...
R - Et y compris...
Q - ...si les Chinois sont dans nos entreprises et qu'on peut être dans les leurs...
R - ...je vous disais tout à l'heure que c'était un instrument de sécurité et de souveraineté. C'est un élément essentiel pour notre défense...
Q - Et sur lequel vous allez faire des efforts.
R - ...c'est un engagement de la loi de programmation militaire.
Q - Justement, la loi de programmation militaire est en ce moment préparée, avec votre cabinet - je vois votre directeur de cabinet, il est là, M. Lewandowski, vous avez le chef de cabinet militaire, le Général Noguier ici aussi, qui vont aller au défilé tout à l'heure. Donc vous préparez. Mais elle sera adoptée au conseil des ministres, d'après ce qu'on dit, le 2 août...
R - Oui.
Q - ... débattue vivement à l'automne, et probablement votée. Mais elle laisse des doutes sur la pérennité du budget de la défense. Vous avez insisté dès le début sur les 31,4 milliards. C'est vrai qu'au ministère de la défense, chez vous, vous accueilliez hier le président de la République, qui a rappelé les 31,4 milliards. Mais est-ce que ça va tenir pendant six ans ? Est-ce que vous êtes sûr de ça ? Parce qu'il y a des... à Bercy et à Matignon, il y en a qui font, je n'ose pas dire «la gueule», mais qui voudraient bien vous dépouiller !
R - Oui, mais écoutez, il y a un président de la République, qui est le chef des Armées, et qui a en charge la sécurité de notre pays. Et c'est lui qui fixe les axes. Et c'est lui qui a arbitré. Et il a répété ses arbitrages hier soir, au ministère de la défense. Cette ligne est claire. Et le budget affecté chaque année à notre défense et notre sécurité sera sanctuarisé. Je vous le dis très clairement...
Q - Il vous manquait 1,5 milliard, est-ce qu'il est là ?...
R - ... c'est la position du président de la République, et je m'en réjouis.
Q - ...Oui, que les autres, dans le gouvernement, obéissent - c'est ça ?
R - Eh bien, il y a un chef...
Q - Ils s'y plient !
R - ... à ma connaissance. Il a été élu par les Français - bien.
Q - On disait qu'il y avait 1,5 milliard qui manquait cette année, et par an...
R - Eh bien, il ne manque pas. On l'a.
Q - ...on disait que ça a été... au lieu de dire, 1,5 milliard cette année, 1,5 milliard l'année prochaine, le président aurait tranché : 800 millions cette année, 700 millions l'année prochaine ?
R - Le président de la République a dit hier soir les choses d'une manière extrêmement claire. Donc je ne peux pas le dire plus nettement que lui.
Q - Pourtant, même si le budget de la défense est maintenu, en tout cas d'après ce que dit le président de la République, il y a 24 000 départs qui sont prévus en six ans...
R - Ce n'est pas tout à fait le même sujet...
Q - ...les dangers montent, il y a des hommes en moins.
R - ... non. Le budget de la défense, dans une période difficile, dans une période de nécessaire redressement des comptes publics, en raison de la nécessité d'assurer notre sécurité, dont pour ma part j'ai la charge, au nom du président de la République, ce budget est sanctuarisé. Il est sanctuarisé au niveau où il était en 2012. Et l'effort de la défense pour le redressement des comptes publics, c'est l'inflation. Et donc cette sanctuarisation-là, elle est tout à fait essentielle pour bâtir une loi de programmation qui permet de dessiner l'avenir, et pour donner les inflexions nécessaires à notre effort de défense, à nos acquisitions de capacités, en fonction de la nouvelle donne...
... Excusez-moi, mais j'ai donné un exemple tout à l'heure, sur la cyber-défense : il est clair que par rapport à la loi de programmation militaire antérieure, il faut renforcer cette capacité. Nous le ferons.
Q - Alors les satellites, tout ça, on va en parler tout à l'heure...
R - ... le drone, le satellite, oui, bien sûr... ça c'est de nouvelles acquisitions...
Q - Est-ce que vous allez fermer des sites ? Évidemment vous allez en fermer ? Combien ?
R - Notre effort va d'abord porter sur les organismes centraux. Moi je ne suis pas favorable à ce que...
Q - Qu'est-ce que ça veut dire... ?
R - ... La contraction de notre périmètre d'armée, en termes d'hommes, se fasse de manière sommaire, caricaturale, un peu à la hache. Il faut cibler des doublons, il faut cibler des redondances, dans les organismes centraux, et faire en sorte que l'effort de déflation se fasse d'abord là...
Q - C'est quoi, un organisme central ?
R - ...Ce sont des états-majors, ce sont des organismes de soutien, ce sont... ce qui n'est pas directement opérationnel...
Q - Ça veut dire quoi ? Ça veut dire ralentir les promotions... ? Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
R - ... Je souhaite vraiment que l'on préserve le plus possible les unités opérationnelles, parce que c'est elles qui ont fait les opérations au Mali, c'est elles qui ont fait les opérations en Afghanistan, et puis c'est elles qui assurent notre sécurité lorsqu'elles sont projetées. Et donc il faut essayer de réduire au niveau d'appareils centraux.
Q - ... En français, ça veut dire quoi ? On ralentit les carrières, les promotions, il y a moins de généraux qui montent, il y a... ? Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement ?
R - Il y a une réorganisation, mais il y a aussi d'autres formes de réorganisations à mettre en oeuvre qui ne sont pas directement liées à la restriction du périmètre global, mais qui sont liées aussi à une plus grande fluidité à l'intérieur du ministère de la Défense...
Q - Vous confirmez qu'il y a des sites qui vont fermer ?
R - Alors il y aura vraisemblablement quelques sites à fermer, j'y réfléchis. Mais on ne le fera pas de manière...
Q - Chaque année des sites, ou tout d'un coup... ?
R - ... de manière brutale, et sans une réflexion approfondie, à la fois sur l'opportunité de telle ou telle fermeture, mais aussi sur l'accompagnement nécessaire. Moi j'ai été très longtemps élu local...
Q - Est-ce qu'on peut vous demander d'être plus précis ?
R - ... Je ne le suis pas pour l'instant, parce que je n'ai pas fait l'inventaire des sites que l'on va être amené à...
Q - Non, mais vous savez qu'il y a des sites, des régiments qui vont...
R - ... il y aura des regroupements, il y aura quelques suppressions et il y aura quelques regroupements, pour donner une plus grande efficacité et une meilleure...
Q - On a l'impression que c'est explosif, comme sujet...
R - Ah non, ce n'est pas du tout explosif...
Q - ...parce que vous marchez sur des oeufs. Là on est, quoi, avant les élections, il ne faut pas annoncer qu'il y a des casernes qui ferment ?
R - ...Non, ce n'est pas explosif, c'est une nécessité, mais qu'il faut appréhender avec beaucoup de réalisme, de concret, d'efficacité, et de minutie. Parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi. Je le redis, j'ai été élu local pendant longtemps, ma ville a fait l'objet de restructurations un peu violentes, je ne veux pas recommencer de cette manière.
Q - On a l'impression qu'à chaque coupe budgétaire, si vous permettez, on fait les poches des militaires : on va prendre dans leur uniforme, on...
R - Je constate que par rapport aux budgets d'autres départements ministériels, le budget de la Défense est sanctuarisé. Donc c'est quand même une donnée importante. Quand je regarde d'autres pays voisins, quand je regarde même les États-Unis, je constate que là il y a des coupes.
Q - ... à chaque qu'on leur baisse le budget, on dit : il est sanctuarisé.
R - Non, excusez-moi, le budget est maintenu. J'espère avoir été assez clair. Il est maintenu à 31,4 milliards.
Q - ... on fait des coupes...
R - 31,4 milliards, ce n'est pas une diminution, c'était le cas en 2013...
Q - ... alors pourquoi ils n'ont pas le moral ?
R - ...Mais je ne suis pas sûr qu'ils n'aient pas le moral. Moi je me rends... je suis surpris de voir tout cela. Je me rends toutes les semaines, toutes les semaines, au moins une fois par semaine, dans les forces. Je suis allé cinq fois au Mali, je suis allé cinq fois en Afghanistan, je suis allé au Liban, je suis allé en Guyane, et puis je vais en France, voir les régiments. Et je vois quoi ? Je vois des militaires fiers de servir...
Q - Mais qu'ils soient fiers, c'est sûr, et ils veulent rester fiers !...
R - ...je vois des militaires heureux de ce qu'ils font...
Q - ...Mais vous croyez que devant leur ministre ils disent ce qu'ils pensent vraiment ?
R - ... Oui mais je ne fais pas des visites, comme ça, une heure. Quand je vais dans une unité, je reste la journée. Je vais tout voir, et je parle avec tout le monde. Je déjeune avec eux, je prends le café avec eux, on se parle. Et d'ailleurs ça me sert beaucoup, pour identifier des problèmes particuliers. Je constate que les militaires, dans les unités, quand ils sont en opération, ce sont des gens qui sont fiers, compétents, courageux, heureux d'être là. Et donc je pense que...
Q - Mais attendez, est-ce que vous pouvez reconnaitre qu'ils ont l'impression que ça c'est bien, ils sont fiers, etc., c'est leur métier, la grandeur de la servitude militaire, comme disait l'autre, mais ils sont inquiets pour l'avenir. Ils se disent : est-ce que dans six ans, quand le grand défenseur de l'armée Jean-Yves Le Drian ne sera pas là - ou qui sera là encore, mais bon... il sera peut-être...est-ce qu'il aura les moyens, est-ce que l'armée ressemblera à ça, ou ce sera une armée de petits moyens, une puissance au rabais ?
R - Je veux vous dire deux choses. D'abord, je souhaite que ceux qui font des commentaires sur les états d'âme aillent d'abord dans les unités, mais je le dis parce que je vois beaucoup mais même des généraux en retraite, qui se permettent de commenter, qu'ils aillent voir, qu'ils aillent dans les unités. Premièrement. Et deuxièmement, je voudrais dire qu'il y a effectivement un certain nombre d'inquiétudes, mais il y a des inquiétudes dans le pays. Les militaires sont des citoyens comme les autres, ils savent bien que nous sommes dans une situation difficile, et qu'il faut essayer de sortir de la crise. Ils savent bien qu'il y a la crise, ils savent qu'il y a des interrogations sur les retraites, ils savent qu'il y a des interrogations sur les déroulements de carrière. Eh bien, je m'en occupe, je réfléchis aux bonnes solutions, pour leur permettre de garantir aux militaires...
Q - C'est-à-dire qu'eux aussi subissent le contrecoup de la crise et de...
R - ... Mais oui, mais ça ce n'est pas vrai uniquement des militaires. Et concernant le moral des armées, je conseille aux commentateurs de se déplacer, et de ne pas rester uniquement dans leurs bureaux parisiens.
(...)
Q - Jean-Yves Le Drian, vous évoquiez tout à l'heure, la situation que vous avez trouvée en arrivant. Pas de drone, notamment !
R - Oui, par exemple ! Oui !
Q - On en est où sur ce dossier à l'heure d'aujourd'hui ? Je rappelle que c'est sur Europe 1 et ITélé que vous aviez annoncé votre intention de faire construire des drones européens, le moment venu. Et qu'en attendant, vous alliez même aux États-Unis, c'était la veille de votre voyage, pour acheter des drones américains et vous attendiez la réponse du Congrès et du Pentagone, quelle est-elle ?
R - Oui, mais je pense d'abord, je rappelle que j'ai trouvé une situation de lacune et que j'y remédie. Par ailleurs, il faut sur les drones simplifier un peu les choses, pour que chacun sache bien de quoi on parle, le sujet qui anime beaucoup et qui était d'ailleurs notre manque capacitaire le plus important ce sont les drones d'observation. Ce que l'on appelle en terme technique des «drones males» et qu'ils étaient par exemple au Mali et dans les futures zones sensibles extrêmement essentiels pour avoir une vision et des informations et des renseignements de qualité. Nous n'avions pas les outils pour ça. Et donc aujourd'hui...
Q - Et on va les avoir ?
R - Oui, on va les avoir. La loi de programmation prévoit d'en acquérir 12. Quand je constate...
Q - Les Américains vous ont dit oui ?
R - Une lacune, j'y remédie. En ce qui me concerne. Et donc nous allons, il y a deux pays qui peuvent en fournir, immédiatement, ce sont les Américains, les Israéliens, nous avons pris des contacts commerciaux et politiques avec les Américains et je pense que nous allons obtenir satisfaction et nous allons avoir ces capacités indispensables pour notre propre sécurité. Parce qu'il n'y avait pas en France, en Europe, de drone de ce type disponible et construit.
Q - Des drones d'observation, pas des drones tueurs. Parce que....
R - D'observation. Je vais revenir sur les drones de combat après, parce qu'il faut que nos auditeurs comprennent bien. Mais sur les drones d'observation, nous allons acquérir dans la loi de programmation 12 drones de ce type, vraisemblablement auprès des États-Unis. Et puis, j'ai souhaité que nos industriels puissent être au rendez-vous. Je constate qu'au moment du Salon du Bourget, à la fois Dassault, EADS et Finmeccanica ont publié une déclaration par laquelle ils se proposaient d'agir ensemble pour construire un drone de nouvelle génération d'observation. Eh bien, j'en suis ravi ! Et donc à la suite de l'histoire, quand ces 12 drones auront achevé leur vie, ce sera je pense soit un drone français, soit un drone européen et ce sera une belle avancée.
Q - Ça veut dire qu'aujourd'hui, on a moins besoin de chars, de bombardiers que de transporteurs et de...
R - Le renseignement, je le disais tout à l'heure, devient un élément de souveraineté essentiel. Alors je reviens sur les drones de combat, puisque vous m'avez interpellé aussi sur ce point. Parallèlement à cela, il nous faut préparer ce que l'on appelle les drones de combat qui seront amenés à succéder pour une partie, pas totalement, à ce qui est aujourd'hui l'aviation de chasse, et donc de ce côté-là, nous avons...
Q - On dit justement que les pilotes de chasse ont fait partie de ceux qui ont un peu sans doute de retarder l'arrivée des drones ?
R - J'ai pris l'habitude...
Q - On ne va pas revenir sur le passé...
R - J'ai pris l'habitude de ne pas parler du passé. Parce que...
Alors les drones de combat, ils sont aujourd'hui, en préparation, il y a eu le drone nEUROn qui a été réalisé par Dassault et l'accompagnement de plusieurs pays européens. Et la génération future des drones de combat, ce sera les années 2030, c'est en préparation d'anticipation entre les États-Unis et la France.
Q - Voilà, il y aura des règles morales aussi de l'usage et l'utilisation de ces armes. Le président Hollande va s'exprimer aujourd'hui, à l'Élysée, 14 juillet, est-ce qu'un an après le président normal, on reprend une activité justement, normale, c'est-à-dire le président à l'Élysée reçoit la presse ?
R - Le président de la République, il parle d'où il veut, quand il veut, au moment où il pense que c'est indispensable. Et je pense que le fait qu'il s'exprime le 14 juillet est une bonne chose, précisément au moment de la Fête nationale.
Q - Ca c'est normal ! Mais il y a les déçus du hollandisme, dont vous êtes un général et un amiral, est en train, sont en train de monter. Ils augmentent ! Qu'est-ce que vous attendez aujourd'hui, du président de la République, dans le climat d'impopularité de méfiance juste ou injuste à son égard ?
R - Je vais vous dire une chose ! Moi, je suis en responsabilité, de part la volonté du président de la République, des questions de défense. Depuis un an, j'ai vu un chef d'État, j'ai vu un homme d'État, il a pris en ce qui concerne les dossiers dont j'ai la charge, trois décisions. En homme d'État, il a décidé de retirer nos forces d'Afghanistan, ce n'était pas facile à faire ! Ca s'est fait ! En homme d'État, il a décidé d'aller au Mali. Ce n'était pas facile à faire ! Il l'a fait ! En homme d'État, il a décidé de maintenir, un niveau budgétaire significatif, pour la Défense, ce n'était pas facile à faire, non plus ! Il l'a fait ! François Hollande est un homme d'État.
(...)
Q - Jean-Yves Le Drian, comment expliquez-vous que dans tous les forums internationaux, sur toutes les places financières, le mot d'ordre c'est : on n'investit pas en France ?
R - Et comment expliquez-vous que lorsque je me rends à l'étranger moi-même, que je rencontre mes collègues ministres de la Défense, on me dit : bravo la France !
Q - Oui, parce que vous êtes sympa ! Parce qu'ils sont polis.
R - Non ! Comment expliquez-vous que quand je vais aux États-Unis...
Q - Ils sont courtois.
R - Il n'y a pas très longtemps... Bah ! Oui. Quand je vais aux États-Unis, il n'y a pas très longtemps, que je rencontre les chargés de sécurité à la Maison Blanche, la Maison Blanche prend le soin de faire un communiqué à la sortie de ma visite pour dire : nous sommes très heureux de la manière dont la France se comporte.
Q - C'est ça qui ramènera la croissance, les communiqués de la Maison Blanche ?
R - Donc il faut aussi rendre tout ce que disent les pays voisins à l'égard de la France et pas uniquement un forum économique avec quelques grands patrons.
Q - C'est dommage qu'on n'ait pas le temps, on vous aurait dit qu'en Syrie, Bachar Al-Assad, il a gagné la guerre.
R - Ça, moi, j'en suis moins sûr ! On pourra en reparler, moi, j'en suis moins sûr ! La situation en Syrie reste dramatique, nous continuons à soutenir la coalition nationale syrienne, nous la soutenons financièrement, nous la soutenons politiquement, nous la soutenons humanitairement, nous la soutenons aussi par des armes, même si ces armes sont non-létales. Mais nous n'arrêtons pas le soutien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2013