Déclaration de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur le rayonnement de la langue française et la diversité culturelle, Paris le 16 juillet 2013.

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Circonstance : Ouverture du 35ème colloque international de l'Alliance française "la culture est une fête" à Paris le 16 juillet 2013

Texte intégral


« La langue française appartient à tous ceux qui la parlent.»
Ces mots, ce sont ceux de François Mitterrand venu célébrer avec les femmes et les hommes qui vous ont précédés, le centenaire de l’Alliance Française.
La langue française, elle appartient aux plus de 538 000 étudiants des Alliances Françaises et aux millions d’autres qui, grâce à vous, partagent un même amour de la culture francophone. Elle appartient à ces plus de 800 alliances et ces 40 délégations générales réparties dans 136 pays du monde.
130 ans après la création de l’Alliance Française, les principes de ses fondateurs sont plus vivants que jamais. L’humanisme, les valeurs de solidarité et de fraternité autour d’une langue et d’une culture : ce rêve de toutes les familles de l’esprit réunies autour d’Ernest Renan, Jules Verne, Louis Pasteur, Armand Colin et les autres, est aujourd’hui une réalité couronnée de succès.
La langue française, elle appartient aussi à vous tous qui, 130 ans après cette formidable idée de faire appel à tous les étrangers amoureux de la France, contribuez aujourd’hui à son rayonnement dans chacun de vos pays. Vous, les présidents, les directeurs, mais aussi les enseignants et les nombreux bénévoles qui font vivre les Alliances partout dans le monde.
Les Alliances Françaises n’appartiennent pas à la France. Elles sont les lieux où la France et sa culture s’expriment à travers un regard autre, les lieux où se manifeste la France telle qu’elle est aimée par d’autres que les Français – et où elle atteint ainsi, à travers ce partage, une dimension plus vaste qu’elle-même. C’est précisément cette particularité des Alliances, d’être toujours de la nationalité du pays d’accueil, qui est condition de leur ouverture sur toutes les cultures du monde.
130 ans après leur création, elles continuent de faire vivre le dialogue des cultures et de nourrir la diversité culturelle. C’est d’abord par la langue, véhicule d’une culture et d’une vision du monde, qu’elles portent cette ambition. Parce qu’elles contribuent quotidiennement, depuis 130 ans, au rayonnement du français dans le monde, les Alliances sont de formidables vecteurs de notre diplomatie culturelle.
La diffusion de la langue française est au cœur de la politique culturelle extérieure de notre pays. Nous voulons, Laurent Fabius et moi-même, en faire une de nos premières priorités. C’est par là que commence l’impulsion nouvelle que nous entendons donner à notre diplomatie culturelle. Pour réaliser cette ambition d’une politique à la hauteur des défis du 21ème siècle, nous devons développer notre réseau d’enseignement à l’étranger. Il nous faut aussi mettre l’accent sur l’apprentissage du français dans les pays émergents, car c’est là que se joue l’avenir de la francophonie.
Enseigner, transmettre, diffuser la langue française à travers le monde, c’est la faire vivre. C’est aussi l’ouvrir au monde et en faire, à travers celui qui la parle, un vecteur de diversité culturelle.
Parce qu’elle porte en elle un idéal auquel la France est profondément attachée, la diversité culturelle est au cœur des priorités du ministère de la culture. Pour notre pays, il s’agit là d’une conviction d’ordre politique et philosophique héritée des Lumières et de la tradition universaliste.
Une conviction partagée par les 126 pays signataires de la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle.
Avec force, ils ont affirmé que « la diversité des expressions culturelles est une caractéristique inhérente à l’humanité, un ressort fondamental du développement durable, indispensable à la paix et à la pleine réalisation des droits de l’homme. »
Une conviction que j’ai voulu défendre, comme d’autres avant moi.
Car sans diversité culturelle, il n’y a pas de culture ni d’échanges entre les cultures. Promouvoir la diversité culturelle, c’est mettre en place des régulations fortes pour assurer la plus grande diversité d’expressions possibles. C’est défendre nos politiques culturelles dont le but est de favoriser la diversité des créations.
Voilà le sens du combat que la France mène pour maintenir l’exception culturelle dans le cadre de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Le Président de la République s’est engagé fortement pour cela, il aura l’occasion de vous en parler tout à l’heure. La France n’est pas seule. Ce combat, ce n’est pas une préoccupation franco-française. C’est le combat des quatorze ministres européens de la culture qui ont signé la lettre que je leur ai proposé d’adresser à la Commission européenne.
C’est le combat de tous les artistes et de tous les professionnels de la culture qui se sont engagés à nos côtés.
C’est le combat du Parlement européen qui a adopté dans son écrasante majorité une résolution du même ordre. Enfin, à travers lui, c’est le combat de tous les peuples d’Europe.
En réaffirmant ce principe, nous avons remporté une belle victoire. Mais le combat n’est pas terminé. Et c’est aussi à vos côtés qu’il se joue. Vous êtes des alliés inestimables. Parce que depuis 130 ans, les Alliances Françaises ont fait de la diversité culturelle le fondement de leur mission.
Cher Jean-Pierre de Launoit, Cher Jean-Claude Jacq, vous avez voulu faire de la fête le thème de ce colloque anniversaire. Vous n’auriez pu mieux choisir. Car aujourd’hui, dans un contexte de crise économique et politique, mais aussi, sans doute de crise morale, Il est important de pouvoir redonner tout son sens à la culture.
Oui, la culture est une fête.
D’abord parce qu’elle nous rassemble. De même que la fête est populaire, fédératrice et créatrice de conscience collective, la culture nous rassemble, elle est notre bien commun. Et nous devons mobiliser toutes nos énergies pour qu’elle soit notre bien commun le mieux partagé. C’est mon ambition. Je sais que c’est aussi la vôtre. Et je souhaite que vous mobilisiez tous vos efforts en ce sens.
Cette fête, c’est aussi celle d’une culture qui en temps de crise permet de contrer les tentations de replis sur soi et le risque réactionnaire. Parce qu’elle nous offre un espace de partage, la culture est ferment de citoyenneté. La lutte contre l’exclusion, le combat contre tous les populismes et les fondamentalismes passent par la culture. Tout comme la préservation du lien social. Car comme la fête, la culture est le lieu de l’échange, de la rencontre et du dialogue. Le lieu de la différence et de la fraternité dans la différence.
Oui, la culture est une fête.
Non parce qu’elle ne serait qu’un joyeux supplément d’âme, bien au contraire. La culture est une fête parce qu’elle est porteuse d’espoir dans un contexte de crise économique et politique.
Elle est porteuse d’espoir, pour notre économie. On l’oublie trop souvent, la culture est un considérable levier économique. Elle est créatrice d’emplois et joue un rôle structurant sur nos territoires.
Elle est porteuse d’espoir pour l’individu, à qui elle donne les clés qui lui permettent de comprendre le monde et d’agir sur lui.
Elle est porteuse d’espoir pour la jeunesse surtout. A qui elle permet de s’émanciper et de s’épanouir, de s’ouvrir aux autres et au monde.
Une jeunesse qui est au cœur de nos priorités : celle du gouvernement, le Président en a fait une priorité de son mandat, et la mienne aussi. Parce que je suis convaincue que l’éducation à la culture permet de renforcer le lien social et de construire la citoyenneté de demain, je l’ai placée au cœur de mon action. Je pense en particulier aux jeunes qui sont dans les situations les plus difficiles et qui doutent parfois de l’avenir : c’est vers eux que nous devons aller pour porter la promesse d’émancipation par l’éducation et la culture. La jeunesse, c’est votre premier public. Ce sont les jeunes qui viennent en nombre dans vos Alliances partout dans le monde. C’est pour cela que je suis très attachée à votre action. Vous devez continuez à favoriser la rencontre des jeunes avec une langue, et par cette langue, avec la culture qui l’habite et la constitue.
Partenaires inestimables de la culture et de la langue françaises, vous êtes aussi, à nos côtés, engagés dans le plus beau des combats, celui de la diversité culturelle, condition première de la rencontre avec l’altérité.
C’est seulement par la culture, par l’art et le langage aussi, que nous pouvons sortir de nous-mêmes disait Proust, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. Les Alliances Françaises en sont une des plus belles expressions.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 29 juillet 2013