Interview de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à RTL le 16 juillet 2013, sur les revenus et les aides aux étudiants et les bourses d'études.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


STÉPHANE CARPENTIER
Vous rencontrez aujourd’hui, les organisations syndicales, pour annoncer un nouveau dispositif sur les bourses. Vous voyez faire davantage, plus de boursiers et des bourses plus importantes ? C’est bien ça, le principe ?
GENEVIEVE FIORASO
C’est bien ça ! Davantage et mieux. Mieux ciblé. Parce qu’aujourd’hui, il y a sur les 635 000 boursiers, c'est-à-dire à peu près un quart des étudiants, il y a 135 000 jeunes qui ne perçoivent rien. Qui sont ce que l’on appelle à l’échelon zéro. Et leur seul avantage, c’est qu’il ne paie pas de droit d’inscription. Or on sait qu’en France, les droits d’inscription ne sont pas très élevés. Ce qui coûte cher, on l’a vu dans vos reportages, c’est le logement, en particulier en Ile de France, pour le logement étudiant, en particulier en résidence est trop rare. Donc nous avons un gros programme de construction, de réhabilitation de logement avec les collectivités locales. Et puis ce qui coûte cher aussi, c’est la nourriture, je ne parle pas même pas de l’accès à la culture et aux soins, puisqu’ils sont en régression chez ces étudiants. Et du coup, ces étudiants qui ne perçoivent rien, ont tendance à travailler pour subvenir à leurs besoins et comme ils travaillent souvent trop, c’est au détriment de leurs études. On a en France, l’un des taux en Europe, les plus importants d’échecs en licence.
STEPHANE CARPENTIER
Et c’est lié directement au fait que les étudiants sont obligés de travailler en même temps ? Vous avez des études là-dessus ?
GENEVIEVE FIORASO
C’est multifactoriel et c’est pour ça que dans la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, nous avons agi sur une meilleure orientation, les bacs pro, dans les sections STS, des bacs techno dans les sections, dans les IUT pour avoir des bacs généraux, qui sont mieux formés, pour réussir à l’université. Nous avons agi sur la pédagogie, sur la spécialisation progressive, sur les passerelles, sur un encadrement meilleur en licence. Sur un redéploiement de moyens du master vers la licence. Mais nous devons agir sur les conditions de vie, c’est un élément important. Il y a un rapport qui vient de, qui est en train d’être terminé, là-dessus, et on voit bien que les conditions de vie, sont très importantes pour la réussite étudiante.
STEPHANE CARPENTIER
Donc on va préciser, cette réforme va s’appliquer en partie dès la rentrée, va prendre de l’ampleur dans les années suivantes.
GENEVIEVE FIORASO
Absolument, c’est en deux temps.
STEPHANE CARPENTIER
Ça concerne les étudiants dont les familles ont quel niveau de revenus à peu près ?
GENEVIEVE FIORASO
Alors ça concerne deux types d’étudiants. On a ciblé deux types d’étudiants, dont on a vu qu’ils étaient parmi les plus pénalisés par leurs conditions de vie. C’est d’une part ceux dont les familles ont des revenus vraiment très bas. Niveau minimas sociaux.
STEPHANE CARPENTIER
D’accord !
GENEVIEVE FIORASO
750 euros par mois. Donc pour ces étudiants-là, on va augmenter la bourse, le montant de la bourse, et puis, ça concerne aussi, à l’autre bout de l’échelle, vous savez qu’il y a 6 échelons dans les boursiers de 0 à 6. Donc ça en fait 7 ! A l’autre bout, donc si vous voulez, c’est le bas, si vous voulez des classes moyennes. On parle toujours des classes moyennes, mais classe moyenne ça ne veut pas dire grand-chose.
STEPHANE CARPENTIER
C’est quoi ? C’est 30 000 de revenus par foyer environ ?
GENEVIEVE FIORASO
A peu près ! A peu près !
STEPHANE CARPENTIER
Donc jusqu’à 30 000 euros de revenus par foyer, il y aura des bourses…
GENEVIEVE FIORASO
Voilà ! Parce que ce sont ceux qui aujourd’hui, font partie des 135 000 étudiants qui ne perçoivent rien en réalité, qui ont simplement une exonération des droits d’inscription, c’est ceux qui travaillent souvent plus de 15 heures, 16 heures par semaine, on estime qu’au-delà de 15 ou 16 heures par semaine, de travail salarié on compromet ses chances de réussite. On est à 33 % de réussite en licence en trois ans.
STEPHANE CARPENTIER
33 % seulement.
GENEVIEVE FIORASO
33 % et pour vous donner, on a reculé de 5 points avec le plan Réussite en licence de Valérie PECRESSE, ce qui prouve que le problème est ailleurs, que dans les moyens simplement à allouer. Et en revanche, en Allemagne, pour des filières non sélectives, on a 60 % de réussite. 33-60 donc on a bien un problème de conditions de vie.
STEPHANE CARPENTIER
Madame le ministre vous faisiez référence tout à l’heure à nos reportages. On entendait une jeune fille qui est étudiante à Paris, en licence justement, elle touche 167 euros de bourse par mois, elle paie 600 euros de loyer sans parler de la nourriture, des transports, du téléphone, de l’Internet. Tout ça, 167 euros par mois, même si vous faites un petit coup de pouce, ça ne va pas changer fondamentalement, elle va devoir continuer à travailler ?
GENEVIEVE FIORASO
Malgré tout, elle perçoit tout de même une allocation logement.
STEPHANE CARPENTIER
C’est vrai !
GENEVIEVE FIORASO
Qui doit lui payer une partie de son loyer. Mais c’est vrai qu’il y a un problème spécifique à la région Ile de France. Mais là, il faut agir sur l’offre en logement, et l’erreur du précédent gouvernement, c’est qu’il n’avait pas travaillé avec les collectivités territoriales. Nous, nous travaillons avec la région Ile de France, nous travaillons avec la ville de Paris, nous réhabilitons et nous construisons des logements avec un objectif de 40 000 logements dans le quinquennat. Ce qui est deux fois plus, que ce qui a été réalisé dans les 8 années précédentes.
STEPHANE CARPENTIER
Alors Geneviève FIORASO, madame la ministre on a des auditeurs qui nous appellent pour parler des bourses. On a en ligne Marie-France. Bonjour, Marie-France.
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Oui, bonjour.
GENEVIEVE FIORASO
Bonjour.
STEPHANE CARPENTIER
Vous, vous avez une fille qui vient d’avoir le bac ?
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Oui, elle vient d’avoir son bac. Donc voilà, nous, on a…
GENEVIEVE FIORASO
Bravo !
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Merci, beaucoup. Donc on a fait les démarches pour pouvoir l’inscrire en fac de médecine. Donc on a fait CROUS, tout ça, hier, on est retourné voir l’assistante sociale et tout, et là, ils nous ont dit que voilà, qu’elle n’avait pas le droit, et tout ça, qu’il fallait refaire un courrier et tout…
STEPHANE CARPENTIER
Rien du tout !
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Non, rien du tout, parce qu’on dépasse le plafond.
STEPHANE CARPENTIER
De combien ? De beaucoup ?
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
33.
STEPHANE CARPENTIER
C'est-à-dire qu’en gros vous gagnez plusieurs milliers d’euros par an, en plus, en trop, par rapport au niveau maximum ?
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Oui, voilà ! Etant donné qu’on a énormément de charges et tout ça, on ne sait pas comment on doit faire ?
STEPHANE CARPENTIER
Alors pour les étudiants qui n’ont pas de bourse, pour les parents d’étudiant qui ne peuvent pas bénéficier de bourse, qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire pour espérer boucler les fins de mois des étudiants ?
GENEVIEVE FIORASO
Oui, c’est vrai, c’est un problème. Vous êtes en région parisienne ?
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Oui.
GENEVIEVE FIORASO
C’est ce que je disais, le plus gros problème est quand même pour les étudiants qui résident dans la région parisienne, à cause du coût du logement. Votre fille peut résider chez vous ? Vous êtes obligée de faire…
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Non, elle vit à la maison.
GENEVIEVE FIORASO
Déjà ça vous reviendra tout de même moins cher, si elle reste chez vous. Quels sont les coûts…
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Oui, bien sûr !
GENEVIEVE FIORASO
Parce que l’inscription n’est pas élevée ?
MARIE-FRANCE, AUDITRICE
Enormément, c’est tellement, tellement très cher, parce que voilà, elle va faire une prépa aussi….
GENEVIEVE FIORASO
Ah ! Oui, non mais voilà, le problème. C’est là où je voulais en venir. Si vous voulez, dans la réforme, madame dans la réforme du premier cycle en licence, il y a aussi une réforme des études, ce qu’on appelle l’année de PACES, c'est-à-dire la première année d’accès aux métiers de santé. Notre objectif, c’est quand même d’arrêter ce système à deux vitesses qui enrichit les prépas. Moi, j’en ai quand même un peu assez, d’un système, d’un service public de l’enseignement, qui d’une part, à cause de la complexité de l’offre, enrichi des coachs privés pour aider les familles à s’orienter, on est dans un service public. Nous devons être capables d’orienter en toute clarté, les familles. Donc nous allons simplifier l’offre de formation et pour les études de santé, nous allons faire en sorte qu’il y a un meilleur encadrement, une meilleure orientation, et éviter le doublement par les boîtes privées. Je crois qu’il faut dire, qui sont très onéreuses, et qui en plus, qui renforcent les inégalités et qui ne sont pas le meilleur garant pour réussir des études. Je vous le dis, faites attention à la qualité aussi de l’offre de ces entreprises privées.
STEPHANE CARPENTIER
Marie-France, la ministre Geneviève FIORASO vous a répondu. Bonne journée à vous. On a en ligne, Thierry, bonjour, Thierry.
THIERRY, AUDITEUR
Allô ! Oui.
STEPHANE CARPENTIER
Thierry vous nous appelez de l’Aisne, vous aussi, votre fille est étudiante en médecine et vous avez un avis un peu différent sur les bourses vous ?
THIERRY, AUDITEUR
Oui, bien sûr, je parle en ce sens, bonjour, les auditeurs. Bonjour madame la ministre.
GENEVIEVE FIORASO
Bonjour, monsieur.
THIERRY, AUDITEUR
Je parle en ce sens, où il y a la bourse au mérite, donc qui permet quand on a le bac mention très bien, d’avoir une bourse de 200 euros en plus. Et donc qui va être supprimé l’année prochaine. Donc elle ne l’aura pas pour sa deuxième année, ainsi que les bourses départementales qui sont de l’ordre de 800 euros annuels.
STEPHANE CARPENTIER
Oui, c’est ça, madame la ministre, on n’a pas bien compris. Vous vouliez supprimer les bourses au mérite, elles sont maintenues dans certains cas, c’est assez complexe.
GENEVIEVE FIORASO
Non, c’est assez simple, en réalité, les bourses au mérite font partie de la remise à plat de l’ensemble des dispositifs. On a fait une analyse, qui n’est pas encore complètement aboutie, donc l’annonce qui avait été faite, était prématurée. C’est pourquoi nous avons, et puis ça n’a pas été négocié, c’est pourquoi nous avons maintenu le système, jusqu’à la rentrée 2014, date à laquelle la réforme sera amplifiée, et les aides seront également amplifiées. Ça fonctionne très mal, en réalité, aujourd’hui. Parce qu’un certain nombre, vous savez que ça fonctionne de la première année de licence jusqu’à la maîtrise. Un certain nombre d’universités, ne donnent pas les informations sur la réussite des étudiants. Ce qui fait qu’on est dans un système à deux vitesses injustes et on est passé de 20 % d’étudiants en master aidés à 2,5 % aujourd’hui. Donc on voit que c’est un système qui dans le temps, ne fonctionne pas. De plus, lorsqu’on attribue des bourses et à un plus grand nombre d’étudiants, ce qui est notre objectif pour que davantage d’étudiants réussissent, puisque nous avons un objectif de 50 % d’étudiants diplômés du supérieur et nous sommes en-dessous, nous sommes autour de 40, entre 40 et 42 % sur les années. Il nous faut absolument aider davantage d’étudiants. Donc l’objectif, ce n’est pas de ne pas contrôler les étudiants. Les bourses sont assujetties à un contrôle de l’assiduité de la réussite des étudiants. On a simplement une autorisation d’une année de redoublement dans le premier cycle. Donc ce n’est pas du laxisme, on contrôle l’assiduité des étudiants, mais on veut s’adresser à davantage d’étudiants, et de façon plus juste.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 août 2013