Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à I Télé le 15 juillet 2013, sur l'éventuelle reprise économique et la réforme des retraites.

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Média : Itélé

Texte intégral


CHRISTOPHE BARBIER
Avant de parler du 14 juillet et de l’actualité économique et sociale, un mot sur Philippe VERDON, est-ce que vous avez des informations, est-ce que le corps retrouvé est bien le sien ?
MARISOL TOURAINE
Je n’ai pas d’information, malheureusement, tout laisse à penser que le corps retrouvé est sans doute celui de monsieur VERDON, et c’est évidemment un moment très difficile, très douloureux, à la fois pour la famille, pour la Nation tout entière, parce que cet épisode montre la barbarie des forces islamistes qui s’expriment dans le Sahel, et cela justifie évidemment d’autant plus l’intervention française il y a quelques mois au Mali.
CHRISTOPHE BARBIER
L’autre actualité du matin, moins cocasse (sic)…, moins tragique, plus cocasse, moins tragique, c’est l’intrusion dans la centrale du Tricastin visiblement de militants écologistes, ce sont des passoires nos centrales nucléaires, chaque année, on y a droit.
MARISOL TOURAINE
Il y a chaque année, à chaque moment, des événements un peu spectaculaires, l’enjeu, c’est la sécurité des centrales, et cette sécurité…
CHRISTOPHE BARBIER
Visiblement, elle laisse à désirer…
MARISOL TOURAINE
Elle est garantie, il n’y a pas d’accident, il y a une grande transparence qui est faite dans notre pays, la politique de la France, la politique du gouvernement en matière nucléaire, elle est claire, il y aura la fermeture progressive d’une centrale, la volonté d’engager la transition énergétique, pour autant, ne jetons pas le discrédit sur des centrales qui sont au coeur de notre politique énergétique aujourd’hui.
CHRISTOPHE BARBIER
Le président a parlé de cette transition énergétique hier, il a surtout dit : la reprise est là. Mais où ?
MARISOL TOURAINE
Les signaux sont là, ce que le président de la République hier a dit, c’est qu’il fallait que la France, les Français croient à nouveau en leur avenir, les Français en ce 14 juillet, on a le sentiment qu’ils regardent leur histoire, qu’ils sont fiers de leur histoire et qu’ils doutent de leur capacité à écrire, à décider pour eux-mêmes de leur avenir, et au fond…
CHRISTOPHE BARBIER
C’était de la psychologie alors ?
MARISOL TOURAINE
Non, ce n’est pas simplement de la psychologie, c’est de dire : regardez, les atouts, ils sont là, et les signaux d’une reprise économique sont là…
CHRISTOPHE BARBIER
Lesquels ?
MARISOL TOURAINE
La consommation intérieure est en train de repartir légèrement, mais elle repart, il y a…
CHRISTOPHE BARBIER
C’est un peu normal, on baisse le taux du LIVRET A, les gens dépensent leur argent…
MARISOL TOURAINE
Il y a des signaux de reprise industrielle, il n’y a jamais eu autant d’immatriculations de voitures neuves qu’au cours des trois derniers mois depuis un certain nombre d’années. Donc il ne s’agit pas de dire, et le président de la République n’a pas dit : la croissance est là, tout est reparti, et tout va bien. Le président de la République a dit : il y a des signes de reprise, nous devons les saisir, et pour les saisir, nous devons engager, maintenir la politique qui est la nôtre depuis que nous sommes aux manettes. Nous devons faire en sorte de renforcer la compétitivité des entreprises, de permettre à notre modèle social de se transformer, de croire à la recherche et à l’innovation, c’est la France de demain qui doit guider les actes et les décisions d’aujourd’hui.
CHRISTOPHE BARBIER
Le président a également dit que si nécessaire, les impôts augmenteraient en 2014, il y a meilleur signe à donner aux acteurs économiques ?
MARISOL TOURAINE
Il a indiqué que les impôts n’augmenteraient que si c’était nécessaire, et que, évidemment, nous étions engagés dans une politique d’économies tout à fait forte et résolue, une politique d’économies comme il n’y a pas eu au cours des dix et même sans doute davantage dernières années. Donc il y a un cap résolu, des économies, de l’investissement, un plan majeur a été annoncé par le Premier ministre, et la volonté de permettre que se lèvent ces sources d’avenir. Je vais dans un instant partir à Toulouse pour lancer le projet d’Oncopole, qui va permettre une recherche en matière de cancers…
CHRISTOPHE BARBIER
Le pôle cancers, oui…
MARISOL TOURAINE
Un pôle cancers à Toulouse qui permet de la recherche, du soin, de l’innovation, cela, évidemment, ne produira ses résultats que dans quelque temps, mais on voit bien qu’il y a une France qui invente, une France qui avance, et c’est cette France-là qu’il s’agit de soutenir.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu’on ne fera pas de véritables économies publiques que quand on touchera le nombre de fonctionnaires, que quand on diminuera drastiquement le nombre de fonctionnaires ?
MARISOL TOURAINE
Mais, le nombre de fonctionnaires a diminué au cours des dernières années…
CHRISTOPHE BARBIER
Réembauche des enseignants…
MARISOL TOURAINE
Où ont été les économies sous Nicolas SARKOZY ? On nous avait annoncé de grandes perspectives pour la réduction du train de vie de l’Etat, pour le nombre de fonctionnaires, et à l’arrivée, ce sont les moyens du service public qui ont été mis à mal, dans l’Education nationale en particulier, sans que le déficit baisse, puisque le résultat de Nicolas SARKOZY, c’est une ardoise, une ardoise sociale, une facture en matière de dépenses de l’Etat et de déficits, et donc on voit bien qu’il ne suffit pas de faire des fonctionnaires les bouc émissaires des politiques malmenées au cours des dix dernières années pour résoudre les problèmes de notre pays.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, vous allez passer l’été à travailler, à affiner la réforme des retraites, est-ce qu’elle n’est pas déjà un peu jouée, la durée de cotisations va augmenter, il y aura un petit plus de CSG, et la messe est dite ?
MARISOL TOURAINE
La réforme des retraites, elle a quel enjeu ? Rendre confiance, donner confiance aux jeunes générations, à ceux qui se sont engagés dans la vie active, que, eux qui contribuent aujourd’hui à ce que notre modèle social soit fort, le jour venu…
CHRISTOPHE BARBIER
Ils auront droit à une retraite…
MARISOL TOURAINE
Ils auront droit… ils auront la possibilité de compter sur une retraite collective…
CHRISTOPHE BARBIER
Il faut aussi trouver vingt milliards.
MARISOL TOURAINE
Et pour cela, nous avons besoin de mettre en place une réforme qui soit responsable, une réforme qui soit juste, mais il y aura trois principes pour cette réforme, d’abord, un principe de justice, le président l’a dit : des efforts sont nécessaires, mais ces efforts, ils seront évidemment proportionnels aux moyens, aux ressources de nos concitoyens, et nous avons besoin…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les retraités n’y échapperont pas, ils feront leur part d’efforts…
MARISOL TOURAINE
Les retraités feront leur part d’efforts, et nous ferons en sorte que les conditions de la vie professionnelle soient prises en compte au moment du départ en retraite, premier principe, celui de la justice, deuxième principe, celui de la stabilité, je veux dire qu’il ne va pas y avoir, là, dans les semaines qui viennent, de bouleversement des conditions de départ en retraite, il s’agit d’inscrire notre réforme de manière cohérente dans la durée, et ça, c’est le troisième principe, la durée, une réforme durable pour que nous puissions en finir avec ces réformes qui reviennent sur le tapis tous les trois, quatre ans, et qui ne règlent rien. Le président de la République Nicolas SARKOZY, lorsqu’il était aux manettes, au fond, il a cassé la confiance et laissé la facture. Nous, nous voulons rétablir la confiance, et permettre de réengager notre modèle social sur de bons rails.
CHRISTOPHE BARBIER
Et augmenter la CSG est un outil possible pour réaliser tout ça ?
MARISOL TOURAINE
Il y a plusieurs options qui, aujourd’hui, sont à l’étude. J’ai rencontré à de très nombreuses reprises les partenaires sociaux, je les ai tous vus encore la semaine dernière, je les revois tous cette semaine, et c’est ensemble que nous essayons de dégager le chemin d’une réforme qui soit une réforme le plus acceptée possible par l’ensemble de nos concitoyens.
CHRISTOPHE BARBIER
Les cigarettes augmentent aujourd’hui…
MARISOL TOURAINE
Oui…
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que votre but, c’est le tabagisme zéro dans dix ans, quinze ans ?
MARISOL TOURAINE
Vous savez, dans cinq ans, dix ans, quinze ans, on regardera la façon dont nous vivions aujourd’hui, dont nous vivons aujourd’hui, et on se dira : comment est-ce possible, comment a-t-on pu laisser faire, laisser faire 73.000 morts par an, laisser des jeunes de 12, 13 ans s’engager dans le tabac, sans bouger, sans agir, eh bien, le gouvernement est pleinement mobilisé, je suis déterminée, les prix, la fiscalité, c’est un aspect de la politique de lutte contre le tabac, ça n’est qu’un aspect parmi d’autres, mais il ne faut pas se résigner à ce que des jeunes et des moins jeunes fument et mettent leur santé en danger.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que, rapidement, vous fermerez des zones extérieures au tabagisme, c’est-à-dire dans la rue, près d’une école, près d’un hôpital, on ne pourra plus fumer ?
MARISOL TOURAINE
Je suis engagée avec des collectivités pour passer des conventions et créer des espaces sans tabac, par exemple…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça avance…
MARISOL TOURAINE
Par exemple, des parcs publics dans lesquels les mères de famille, les pères de famille pourront accompagner leurs enfants, mais le feront sans fumer, et nous devons aller de cette façon-là, de façon concertée, contractualisée, que chacun y mette du sien. Je crois que nous devons collectivement prendre conscience que le tabac, ça n’est pas une affaire de responsabilité individuelle, comme je l’entends parfois, c’est une affaire de responsabilité collective. Nous avons une dette, nous avons un devoir envers nos enfants, nous devons leur dire que leur vie doit être préservée.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il y a la contrebande, on l’a entendu dans le sujet à 07h30, où on achetait des cigarettes…
MARISOL TOURAINE
La contrebande, elle doit évidemment faire l’objet d’une lutte sans merci, c’est de la responsabilité de Bercy, des douanes, je le dis, nous ne devons pas accepter la contrebande, que l’on fume une cigarette achetée dans un marchand, chez un marchand de tabac ou par la contrebande, évidemment, ça ne change rien sur la santé, donc nous ne pouvons pas nous résoudre à la contrebande, et tous le moyens sont mis en oeuvre pour lutter contre ces trafics qui – comme tous les trafics – sont générateurs de mal-être et de fraudes.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que vous conseillez aux buralistes de changer de métier dès qu’ils le peuvent ?
MARISOL TOURAINE
Les buralistes ont déjà fait évoluer leur métier au cours des années passées grâce d’ailleurs au soutien de l’Etat, les buralistes font partie de notre paysage, mais je le dis, la santé publique, l’exigence de santé publique, elle m’amène à être très déterminée quant à la diminution de la consommation de tabac.
CHRISTOPHE BARBIER
En un mot, le compagnon de Cécile DUFLOT a boycotté hier le défilé du 14 juillet de manière véhémente, ça vous a choquée ?
MARISOL TOURAINE
Tous les compagnons ou tous les époux ou épouses n’étaient pas présents, c’était une belle fête nationale, la fête du rassemblement…
CHRISTOPHE BARBIER
Il aurait dû venir…
MARISOL TOURAINE
La fête de l’avenir, la fête de la France qui est capable d’écrire son destin et de se projeter, qui se sert de son histoire pour écrire l’histoire à venir.
Source . Service d'information du Gouvernement, le 2 août 2013