Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à "Europe 1" le 12 septembre 2013, sur la relance de la politique industrielle par l'adoption de 34 plans industriels prioritaires.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec le président de la République, Arnaud MONTEBOURG vous lancez ce matin une nouvelle phase de la bataille du made in France. Bienvenu, Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d’être là avec nous. Bonjour. Pour le made in France, grande cause nationale, c'est aujourd'hui à l’Elysée une sorte de show, un grand show, avec des acteurs qui sont des inventeurs, des scientifiques et des créateurs. Qu’est-ce que vous voulez démontrer, d’abord ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien d’abord, ce sont surtout des chefs d’entreprise, qui sont à l’origine de ces 34 plans industriels que le gouvernement s’apprête à faire priorité nationale. Ce sont finalement les choix que l’industrie française, pendant un an, nous avons travaillé sous les radars, en soutiers de l’industrie, et avec les partenaires sociaux, les pôles de compétitivité, les filières industrielles, nous avons sorti les 34 technologies, futurs marchés, atouts pour notre pays, de manière à recréer les emplois perdus…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va en reparler et on va…
ARNAUD MONTEBOURG
… recréer les emplois perdus dans la crise.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… parce que vous dites que vous acceptez la mondialisation, qui est un fait, et vous encouragez le rapatriement, dans certains cas la création d’entreprises en France, on relocalise, et vous dites que ça marche.
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien là il s’agit de créer. Là il s’agit de créer. Nous avons perdu 750 000 emplois industriels en dix ans. Nous avons maintenant la base productive la plus faible des cinq puissances industrielles d’Europe.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on peut corriger ça ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous devons reconstruire. Nous allons le faire sur nos atouts, nos technologies, là où nous avons, dans la compétition mondiale, les moyens de nous battre. Donc nous consacrons nos forces sur nos atouts.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir ce que cela donne. Dans le livre que vous allez publier la semaine prochaine, chez Flammarion, pour 5 €, vous rappelez que la France a une tradition révolutionnaire politique, mais vous êtes sûr, et vous le dites, que c'est de France que viendront les prochaines révolutions industrielles. Qu’est-ce qui vous le fait dire ?
ARNAUD MONTEBOURG
Vous avez aujourd'hui, dans les 34 plans, des projets qui sont venus des filières industrielles et qui vont révolutionner les modes de vie, les modes de transport, la manière de soigner, la manière de s’éduquer, donc nous avons décidé d’unir la Nation autour de ces projets. Exemple, c'est un projet d’ailleurs initié par AIRBUS, EADS, l’avion électrique. C'est un avion où il n’y a pas une goutte de kérosène à bord, ou en tout cas qui permet d’imaginer des nouvelles parts de marché dans les années qui viennent, pour notre avionneur qui, vous le savez, dans les années 70, s’est mis en face des gros porteurs de BOEING.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec ou sans pilote ? Des avions électriques.
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien c'est effectivement une nouvelle frontière technologique, mais aussi une nouvelle frontière énergétique, c'est-à-dire qu’il s’agit de limiter de façon drastique notre dépendance aux hydrocarbures.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ce serait pour quand ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien c'est assez…ce sont des plans qui ne sont pas futuristes, puisqu’il s'agit de les mettre en oeuvre et de gagner des parts de marché dans la croissance mondiale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous allez…
ARNAUD MONTEBOURG
En clair…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous allez le montrer à l’Elysée tout à l'heure.
ARNAUD MONTEBOURG
Il sera montré tout à l'heure à l’Elysée avec le président de la République. Mais, il y en a d’autres, la voiture sans chauffeur…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, alors, la voiture, la voiture pour tous…
ARNAUD MONTEBOURG
La voiture sans chauffeur, c'est une technologie, nous avons les briques technologiques, avec VALEO, RENAULT NISSAN, il s'agit d’en faire un marché dans lequel on peut révolutionner l’usage de la voiture, ça veut dire qu’au lieu de conduire, vous avez, et ça c'est pour dans les 5 à 10 années à venir, vous avez du temps de liberté disponible, au lieu de conduire vous pouvez travailler, téléphoner…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, travailler, écouter de la musique…
ARNAUD MONTEBOURG
… faire des tas de choses.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous dites à la voiture : je veux aller à tel ou tel endroit. La voiture pour tous, consommant 2 litres aux 200 km, qui la prépare en ce moment et c'est pour quand ?
ARNAUD MONTEBOURG
Alors, c'est PSA qui est à l’avant-pointe du progrès, aujourd'hui nous sommes à 2,9 litres. Il y a un brevet déposé par l’Etat et PSA, unis pour la cause, qui permet, en 2016, d’industrialiser le véhicule à 2,9 litres. Il faut encore descendre d’un litre. Aujourd'hui on sait tous faire, les Allemands, nous-mêmes et d’autres, la voiture à moins de 2 litres, mais on ne sait pas la faire pour tous, elle a le prix aujourd'hui d’une MASERATI, nous voudrions qu’elle coûte 15 000 €, pour permettre à la population d’accéder à l’économie d’énergie, c'est-à-dire à la moindre consommation de carburant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, la voiture électrique elle se développe, pour elle, les bornes de recharge vont couvrir tout le territoire national, il y a un accord RENAULT Vincent BOLLORE qui va accélérer le processus.
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien écoutez, nous avons un constructeur de véhicules électriques, RENAULT à Flin et Cléon. Nous avons un constructeur de batteries, il était nécessaire qu’ils s’unissent, qu’ils se donnent la main.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ils vont le faire.
ARNAUD MONTEBOURG
Et en plus, avec le système Autolib' développé par le groupe BOLLORE, vous savez qu’aujourd'hui BOLLORE a atteint sa rentabilité, a démontré que trois années, ses véhicules qui sont des véhicules d’auto-partage, de location, donnaient de très bonnes batteries. Donc nous avons des technologies en France…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et nous avons des petits génies en France.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous avons des génies industriels, des génies technologiques, des génies scientifiques bien sûr, qui sont à la base de tout ça, mais surtout des génies commerciaux qui savent vendre au reste du monde.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Arnaud MONTEBOURG, d’ici là on taxe le diesel ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ah, les affaires de taxation, vous interrogerez les ministres en charge, d’ailleurs rien n'est arbitré, donc je vous renvoie à plus tard, monsieur ELKABBACH
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est utile ou c’est pénalisant ?
ARNAUD MONTEBOURG
On en parlera le moment venu et avec les gens qui sont compétents pour ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, il y a aussi, parmi ces projets, le développement des dirigeables gros porteurs. Qu’est-ce que ça veut dire ? Et toujours par AIRBUS.
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien écoutez, il y a aujourd'hui un marché qui se développe, du poids très lourd, des charges lourdes, et il est parfaitement possible aujourd'hui, technologiquement, il n’y a pas de difficultés technologiques, de soulever environ 1 000 tonnes, c'est-à-dire 50 camions, équivalent, sur les routes…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pfiou…
ARNAUD MONTEBOURG
Roulant à l’hydrogène, c'est-à-dire en rejetant de l’eau…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sans polluer.
ARNAUD MONTEBOURG
… et non plus du co2 et des particules issues des hydrocarbures, à 120 km/h. Donc, est-ce que ça c'est un marché à gagner ? Vous comprenez que su ces 34 plans, nous unissons le public et le privé, les capitaux publics, les investissements privés, la recherche publique, la recherche privée, l’action publique, l’investissement privé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais quand on dit qu’il faut freiner les dépenses publiques, etc. d’où vous sortez l’argent et combien ça coûte ? Combien on met là-dedans, voilà ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, je pense qu’il ne faut pas considérer, d’abord que ça coûte beaucoup, parce que, en vérité, l’essentiel sera financé par l’investissement privé. Pour 1 € d’argent public prêté, pas subventionné mais prêté, nous espérons en recueillir 10 fois plus. Et nous espérons, nous attendons tout cela en dix ans, 475 000 emplois recréés, avec 45 milliards de valeur ajoutée, créés en plus sur le sol français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, continuons, les drones civils, 2017 vous dites le premier TGV du futur, via déjà chaque TGV qui sort chez ALSTOM, il est annoncé comme un TGV du futur. Qu’est-ce qu’il aura de particulier celui-là ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien avec 20 % d’énergie en moins, vous transportez 20 % de personnes en plus. C'est le meilleur moyen de reconquérir des marchés dans le reste du monde, c'est ce que l’on appelle le TGV capacitaire, c'est-à-dire qui transporte plus de monde pour la même quantité d’énergie dépensée, et même moins d’énergie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a de nouveaux équipements prévus pour la santé, vous associez beaucoup les PME, et l’hôpital numérique, d’après ce que j’ai lu, et vous ajoutez : les systèmes qui vont garantir notre sécurité et nous protéger de l’espionnage. Thierry BRETON en avait parlé ici, et ce qui me frappe, chacun de ces projets, est-ce qu’il aura quelqu’un, comment dire, pour le porter, pour l’incarner ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous avons fait le choix de désigner des chefs de projet, qui sont des industriels, dans le secteur, et qui avec leurs salariés, leurs entreprises, leurs collègues dans la filière, petites entreprises, grandes entreprises, doivent s’unir autour d’une feuille de route concrète. Un calendrier, des prototypes, des usines, et des emplois.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
35ème plan, c'est pour plus tard, ça sera le gaz de schiste.
ARNAUD MONTEBOURG
Ah, ça, vous interrogerez le président de la République, monsieur ELKABBACH. Merci.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dernière chose, vous donnez une claque à l’Union européenne. Pourquoi ? Vous dites : « La France et l’Allemagne, à elles deux, représentent 90 % de la richesse de la Chine, et l’Europe n'est pas fichue de protéger ses citoyens de s’adapter au monde ». Pourquoi l’Union européenne bim, bam ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien parce qu’elle vit sur des idées qui sont déclassées, qui appartiennent aux temps d’avant. Et d’ailleurs, dans la bataille mondiale qui est féroce, sur les technologies, finalement l’Union européenne c'est la cavalerie américaine qui arrive quand tout le monde s’est fait scalper, donc on a besoin quand même d’un peu de réactivité de tous ces braves dirigeants européens.
THOMAS SOTTO
Merci Arnaud MONTEBOURG et merci Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu’il repart en Solex ?
THOMAS SOTTO
Non, il repart en voiture.
ARNAUD MONTEBOURG
Ah, le Solex made in France, revient en France, à Saint-Lô dans la Manche, les Français doivent faire hommage et honneur à cette nouvelle marque, à nouveau française et non plus chinoise.
THOMAS SOTTO
Vous n’attendez pas de la voiture sans chauffeur qu’elle vous amène tout droit à l’Elysée ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, on peut y aller à pied, on n'est pas très loin, de notre (inaudible).
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2013