Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Depuis un an, les enjeux de défense et de sécurité nationale nont pas cessé dêtre au cur de lactualité. Sil importe de prendre de la hauteur pour préparer lavenir, comme ces Universités nous y ont invités tout au long de ces deux jours, lactualité nous rappelle la nécessité danalyser constamment et de comprendre le paysage extrêmement mouvant de notre environnement stratégique.
Notre politique de défense se construit ainsi dans le temps long, celui de nos ambitions et de nos capacités, mais elle se réalise dans le présent, dans ce quil a de complexe, dincertain, parfois dinacceptable.
Le 21 août dernier, une attaque avec agents chimiques a fait sans doute plus dun millier de morts dans la banlieue de Damas.
Avec cette action, Bachar el Assad a franchi un nouveau seuil dans sa pratique de la terreur et dans la négation du droit.
Ce nest pas seulement un palier nouveau dans lescalade de la violence en Syrie. Cest un changement déchelle dans le recours de Bachar El Assad au chimique, jusque-là testé par le régime de façon très limitée et difficile à détecter, mais nous lavons établi.
Cest un tabou reconnu au plan international qui a été violé. Un tabou vieux de cent ans, celui de lemploi darmes qui nous projettent au-delà même de la guerre.
En le brisant, le régime de Damas défie la communauté internationale dans ses fondements. Il fait peser, sur la stabilité du Proche-Orient, puis du Moyen-Orient, puis sur la sécurité internationale, une menace à laquelle je ne vois pas de précédent depuis de longues années.
Parce que le sujet, cest la prolifération. Parce que la prolifération chimique en acte crée un précédent atroce au cur de lune des régions les plus instables du monde.
Parce que nous ne pouvons accepter sans réagir quelque brèche que ce soit dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, reconnue comme une nécessité de sécurité collective au plan mondial, notamment par la résolution 1540 du Conseil de sécurité du 28 avril 2004 (pour qui elle constitue « une menace pour la paix et la sécurité internationales »), et dans notre propre politique de défense sans discontinuer, sous tous les Gouvernements de la France depuis le Livre blanc de 1994.
Parce que, en dernière analyse, la prolifération des armes de destruction massive est une menace pour notre propre sécurité nationale, la sécurité de la France et de lEurope, qui peut être menacée par la déstabilisation du Proche-Orient, comme par lencouragement donné par Assad à dautres proliférateurs, étatiques ou non.
Lattaque du 21 août interpelle la France dans les responsabilités qui sont les siennes. Face au régime syrien, nous nous tenons prêts à agir.
Jobserve, comme vous tous ce matin, que la proposition faite hier soir par la Russie a suscité un grand intérêt. Elle mérite un examen précis et nous semble pouvoir avancer dès lors que certaines conditions, qui ont été énoncées par le ministre des Affaires étrangères, seraient remplies : engagement à mettre sous contrôle puis détruire larsenal chimique ; résolution contraignante du Conseil de sécurité ; traduction des responsables de lattaque du 21 août dernier devant la Cour pénale internationale.
Si de tels développements se produisent effectivement et rapidement, nous pourrons constater que cest la combinaison, choisie par le Président de la République, de menaces de sanctions et de pression militaire crédible, destinées à mettre fin à limpunité du régime, qui aura porté ses fruits.
Sans revenir sur les discussions qui ont eu lieu ces derniers jours au Parlement, ni anticiper les décisions à venir du Président de la République et de nos principaux partenaires, je voudrais ajouter un mot sur la crise syrienne au regard des orientations de notre politique de défense.
A la suite du Livre blanc, la loi de programmation militaire va notamment renforcer notre capacité à prendre lascendant sur des forces étatiques, par des moyens de très haute technologie moyens de renseignement, de ciblage, de frappe à distance ou encore de guerre électronique. Cette aptitude à faire face aux « menaces de la force » est au cur de notre autonomie stratégique.
Cest cette autonomie stratégique qui nous permet de parler dune voie forte sur le dossier syrien, de dialoguer avec les Etats-Unis dès la conception et la planification de laction et peut-être dintervenir demain.
Cest cette autonomie stratégique que nous avons voulu préserver et développer dans la future loi de programmation. Seule une poignée de pays dans le monde dispose de capacités de renseignement, de planification, de dissuasion et daction autonomes. La France en fait partie.
Être autonome, je le précise, ne veut pas dire agir seul. Le principe dautonomie stratégique ne soppose pas à laction en coalition ; cest au contraire lune de ses conditions primordiales. Laction en coalition appelle en effet des acteurs responsables, capables danticiper, de faire des propositions et de prendre linitiative lorsque cest nécessaire. Cest le sens de la relation stratégique qui existe entre la France et les Etats-Unis. Et cest le sens de lautonomie stratégique à laquelle nous attendons tant de prix.
Au-delà de la Syrie, les événements de ces douze derniers mois, au plan opérationnel, autorisent le même constat.
Je pense dabord à lAfghanistan. Lorsque nous nous étions réunis lan dernier à Brest, le désengagement de nos forces était entamé. Nous redoutions alors les menaces militaires et les risques logistiques qui entouraient une manuvre complexe et difficile. Un an après, cette manuvre est achevée. Elle a été menée avec un professionnalisme, une détermination et un sang-froid que je veux saluer. La réussite de cette manuvre hors du commun souligne une fois de plus lexcellence de nos armées nos moyens de renseignement, nos capacités logistiques et laguerrissement de nos soldats ont pris ici une part décisive.
Je pense évidemment aussi au Mali. Il y a un an, la menace djihadiste sur le Sahel occupait déjà nos esprits. Tombouctou et Gao, tout le Nord et plus du Mali étaient occupés par des groupes djihadistes qui semblaient régner en maîtres et instauraient un régime oppressant. Qui aurait alors imaginé, un an après, un pays rendu à son intégrité territoriale, des djihadistes considérablement affaiblis, des élections présidentielles déjà réalisées et un processus de réconciliation, certes délicat, mais déjà engagé grâce aux accords de Ouagadougou ? Linstallation dIbrahim Boubacar Keïta comme Président dun Mali rendu à sa pleine souveraineté, moins de sept mois après le début de lopération SERVAL, est davantage quun symbole.
Larticulation entre laction militaire, le rétablissement de lordre constitutionnel, le processus de paix et la reconstruction a été notre préoccupation constante. Je tiens à ce moment de mon intervention à rendre tout particulièrement hommage aux hommes et aux femmes de larmée de terre, qui nous accueille ici à Pau. Jai eu plusieurs fois loccasion de mentretenir avec eux sur le terrain, de lAmettetaï à Gao. Jen retiens une légitime fierté : ce sont des hommes et des femmes exceptionnels
Lanalyse du Livre blanc, dailleurs élaborée dans le même temps, me semble là aussi pertinente. Devant cette fois les « menaces de la faiblesse », celles dun Etat en difficulté grave, à la merci de groupes armés et fanatisés, lintervention de la France en gestion de crise sest révélée pertinente, depuis la réactivité permise par lemploi des forces spéciales et de notre dispositif pré-positionné, jusquà la maîtrise dans la durée de larges espaces physiques, en passant par lentretien de liens étroits avec la population et les acteurs locaux.
Que ce soit en Afghanistan, au Mali, peut-être demain en Syrie, ailleurs encore, la qualité de nos armées permet à la France de tenir son rang, politique et stratégique, comme bien peu de pays dans le monde sont capables de le faire. Cette excellence, garante de notre autonomie stratégique, repose sur une vision de notre environnement, sur des capacités, mais aussi sur une volonté politique, celle du Président de la République, qui a pris des décisions majeures en tant que chef des armées. Décision daccélérer le calendrier du retrait de nos forces dAfghanistan. Décision dintervention éclair au Mali contre un offensive djihadiste imprévue et sans précédent, qui menaçait dinstaller aux portes de lEurope un foyer de terrorisme international. Décision, encore, dêtre à la pointe du combat contre ceux qui nont pas hésité à déchaîner lhorreur dune attaque chimique sur des hommes, des femmes, des enfants, et qui pourraient recommencer demain si rien nétait fait pour les en empêcher.
Le Président de la République a pris une autre série de décisions, qui concernent cette fois un temps plus long. De lélaboration du Livre blanc à la préparation de la loi de programmation militaire, il y avait un défi majeur, celui de ladaptation de notre politique de défense, des menaces daujourdhui aux guerres de demain. Pour relever ce défi, dans un contexte budgétaire lui-même exceptionnellement difficile, le Président de la République sest prononcé sur quatre grandes orientations, qui seront au cur des débats parlementaires de cet automne.
En premier lieu, la décision a été prise de sanctuariser notre effort de défense, en dépit de la contrainte financière considérable qui sexerce sur le budget de lEtat. En reconduisant le budget du ministère à son niveau actuel, cest-à-dire 31,4 Mds, puis en actant une hausse à compter de 2016, le Président de la République a marqué et répété une priorité dont ne bénéficie pas la plupart des ministères. La raison en est simple, mais je crois quelle mérite dêtre rappelée : cest là un effort que la Nation consent, non pas pour ses armées en elles-mêmes, mais parce quelles sont garantes de la sécurité du pays.
Au sein de ce cadre financier, qui atteint 190 Mds sur les six années de la programmation, des ressources exceptionnelles viennent compléter les ressources strictement budgétaires, à hauteur de 6,1 Mds. En effet, jai voulu que soit garanti à notre défense un niveau de ressources ambitieux et réaliste à la fois. Ambitieux, par la trajectoire que le Président de la République a arrêtée. Réaliste, par les différentes assurances que nous avons souhaité prendre dans la loi, en diversifiant donc les ressources, en faisant le choix de la transparence sur les origines des ressources exceptionnelles cest la première fois , enfin en explicitant plusieurs mécanismes de sauvegarde. Lenjeu, cest la sincérité de cette programmation.
Deuxième grande orientation, maintenir la France au premier rang stratégique. Lambition sénonce clairement : conforter notre capacité de dissuasion, qui est une des clés de lautonomie stratégique ; garantir notre capacité à intervenir dans lensemble des situations où nos intérêts de sécurité et nos responsabilités internationales pourraient être mis en jeu. La capacité à remplir simultanément les trois missions fondamentales, définies par le Livre blanc, répondait déjà à cette ambition : la protection de notre territoire et de notre population, la dissuasion nucléaire, et lintervention extérieure pour des missions de guerre comme de gestion de crise. Et grâce au niveau de ressources que je viens dévoquer, nous sommes lun des rares pays dans le monde à pouvoir les assurer ensemble.
Aujourdhui, vous me permettrez dinsister sur la manière dont cette deuxième grande orientation est prise en compte dans le projet de loi de programmation militaire, dabord par la préparation opérationnelle, ensuite par les programmes industriels.
La préparation opérationnelle est un enjeu majeur de la future programmation. Lexcellence de nos armées, leur crédibilité, en découle directement. Depuis 2011 en particulier, nous observons pourtant une baisse des activités opérationnelles. Quelles quen soient les raisons épuisement des stocks, vieillissement des parcs nécessitant un entretien coûteux, arrivée de nouveaux matériels à coûts dactivité et maintenance encore supérieurs, nous entendons y mettre un terme. Le contexte financier ne doit pas conduire à dégrader le niveau de préparation dune armée professionnelle. Ce niveau sera donc maintenu puis relevé. Et jai engagé avec les chefs détats-majors et le DGA une réflexion tous azimuts pour répondre au défi de la baisse tendancielle que je dois constater.
Les équipements, quant à eux, font lobjet dun effort conséquent. Alors quen 2013, 16 Mds leur ont été consacrés, au cours de la future programmation, ce montant sera en constante progression. En 2019, il atteindra 18,2 Mds. Grâce à ce niveau de crédits, le renouvellement de nos équipements sera assuré, même si cela ne peut se faire au rythme, irréaliste, préconisé avant la crise par la précédente loi. Ce niveau de crédits bénéficiera donc à nos forces, à travers un grand nombre de programmes, mais il bénéficiera aussi à lensemble de notre base industrielle et technologique de défense.
Cest la troisième grande orientation, limpératif industriel. 4 000 entreprises, dont une majorité de PME/ETI ; 165 000 emplois directs, qui sont autant demplois hautement qualifiés et donc peu délocalisables ; un chiffre daffaires global denviron 15 Mds, dont 30 à 40% est réalisé à lexport Depuis que jai pris mes fonctions, je crois que ce sont les chiffres que je trouve vraiment important de rappeler. Aujourdhui, en effet, les industries de défense sont à la fois lune des conditions de notre autonomie stratégique par lautonomie quelle confère à notre politique dacquisition déquipements dans les domaines les plus sensibles ; elles sont lun des moteurs les plus dynamiques de la compétitivité de notre économie ; elles représentent lun des atouts importants dont nous disposons pour léquilibre de la balance de nos comptes publics, grâce aux exportations ; elles constituent enfin un domaine dexcellence pour lemploi. Il importe au Gouvernement quelles le demeurent.
Cest pourquoi limpératif industriel est au cur du projet de loi de programmation militaire, par les crédits consacrés à linvestissement que je viens dévoquer ; par leffort substantiel en matière de R&T, qui sera en hausse pour sélever à 730 M par an en moyenne annuelle sur la durée de la programmation ; par laccroissement du soutien aux PME-PMI-ETI innovantes, à travers le pacte défense PME ; par le dispositif RAPID, qui se voit pérennisé et renforcé
Quatrième et dernière grande orientation, tirer le meilleur parti de nos alliances et de notre choix en faveur de la construction européenne. Je pense à lAlliance atlantique, où nous ne devons jouer sans complexe un rôle actif et favorable à laffirmation des Européens dans le lien transatlantique. Je pense aussi, bien sûr, à la relance de lEurope de la défense elle-même. Cest plus quune conviction personnelle, cest un constat raisonné, et partagé par un nombre croissant de mes homologues. LUnion européenne a besoin dappuyer sa force de frappe économique sur des ressorts politiques et stratégiques pour demeurer la deuxième puissance mondiale. Face aux contraintes budgétaires, de plus en plus fortes pour tous, face au coût croissant des équipements et des opérations militaires, lautonomie stratégique de chacun des Etats européens doit être repensée, dans une certaine mesure, au sein dune communauté de destin, où lon partage une histoire et un avenir communs, des intérêts et des valeurs.
A la suite du Livre blanc, le projet de loi de programmation militaire donne donc un signal fort. Lessentiel des programmes menés dans le cadre de coopérations européennes vont en effet être préservés, tandis que dautres seront lancés. Au-delà, cest léchéance du Conseil européen de décembre qui doit retenir notre attention. Voilà cinq ans que la réunion des chefs détat et de gouvernement navait plus porté sur les questions de défense, alors même quelles sont au cur de leurs mandats respectifs. Cest là une occasion unique dinvestir les cadres multinationaux comme des alternatives crédibles au décrochage stratégique, par des projets concrets, qui portent dans les trois domaines - opérationnel, capacitaire et industriel. Je sais que vous en avez parlé à loccasion de ces Universités, et quun certain nombre dentre vous sont animés des mêmes convictions. Pour les faire vivre, vous me trouverez toujours à vos côtés.
Ces quatre grandes orientations, sur leffort de défense, sur notre rang stratégique, sur la base industrielle et sur lEurope de la défense, constituent le socle du renouvellement de notre politique de défense. Car lenjeu nétait pas seulement dadapter loutil aux circonstances, mais bien de le concevoir à long terme, de le préparer aux guerres de demain, aux menaces du futur.
Dans cette perspective, le Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire impriment plusieurs inflexions majeures à notre politique de défense. Ces inflexions nintéressent pas seulement les six années de la programmation, mais les quinze ans de notre horizon stratégique et lavenir au sens le plus plein. Vous me permettrez den souligner trois.
Je voudrais dabord revenir sur notre stratégie militaire, et les principes que nous avons introduits pour bâtir le nouveau modèle de nos armées : la différenciation et la mutualisation. Cest une remarque personnelle, mais je trouve que la grande portée de ces principes na pas été suffisamment soulignée.
Dabord, la différenciation. Il sagit, je le rappelle, de concevoir, équiper et entraîner nos forces en fonction des missions spécifiques quelles sont appelées à remplir. Par rapport aux principes qui ont guidé le Livre blanc de 2008, dans la foulée de la professionnalisation de 1997-2002, cest une mutation importante.
Avant 1996, nous disposions dun outil militaire qui se trouvait pour lessentiel organisé dans la perspective dun affrontement unique et extrême face aux Soviétiques et au Pacte de Varsovie. A partir de 1996, nous avons développé un instrument militaire conçu pour des affrontements de haute intensité, tout en lutilisant de manière croissante dans des opérations extérieures de gestion de crises. Cest cette évolution qui a conduit à retenir explicitement, en 2008, un principe général de polyvalence des forces. Toutes devaient être capables de sengager dans lensemble des missions, dont la diversité commençait à simposer comme un fait stratégique majeur. Mais la polyvalence avait un coût élevé; elle avait aussi ses limites au plan de la stratégie. Les forces conçues pour la projection dans des conflits de haute intensité ne sont pas forcément, en effet, les mieux adaptées à la gestion de crise ou à la protection du territoire national et de ses approches.
La différenciation des forces prend en compte lanalyse des conflits dans leur diversité et des moyens adaptés quils requièrent. Les crises dont jai essayé de tirer les enseignements tout à lheure ne disent pas autre chose. Face au régime de Damas, dans léventualité dune intervention, nous avons besoin de forces de haute technologie et de haute puissance, fortement intégrées, capables datteindre très précisément le but des opérations symétriques (dEtat à Etat), qui est de détruire les forces adverses le plus rapidement possible. En parallèle, comme lAfghanistan et le Mali nous lont confirmé, nous avons aussi besoin de forces à la configuration différente, aptes à contrôler dans la durée de vastes espaces physiques, aptes à agir dans des situations délicates, au milieu des populations. Ce qui importe ici, cest le nombre et la qualité de nos soldats, cest le renseignement dorigine humaine et la maîtrise des effets. Cest tout le sens du principe de différenciation.
Je ne métends pas sur la mutualisation, sinon pour dire quelle est un maître-mot de notre programmation : entre nos forces, pour consacrer certaines de nos capacités les plus rares à diverses missions ; entre Européens, pour optimiser les capacités des Etats membres, spécialement dans les domaines où nos moyens sont lacunaires, comme le transport aérien, le ravitaillement en vol, laéronavale, les satellites ; entre services de renseignement, pour la mise en commun et là encore loptimisation de moyens technique et humains rares et coûteux de recueil de renseignements.
Deuxième évolution majeure, le renforcement de nos capacités de renseignement, notamment spatiales et aéroportées, qui vont atteindre un niveau inédit, et la prise en compte de la cyberdéfense, au double plan de la stratégie et des capacités.
Sur le renseignement, je veux sans cesse rappeler, avec le Président de la République, que cest une des clés de notre autonomie stratégique. Nous avons souhaité confirmer et amplifier la priorité qui lui est accordé dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale. La programmation en porte le témoignage, avec la livraison de deux satellites MUSIS, la réalisation du système satellitaire découte CERES, la fourniture, enfin, de drones MALE et de drones tactiques, le renforcement des moyens techniques mutualisés de la DGSE et de la DRM, mais également le renforcement des ressources humaines des services.
Concernant la cyberdéfense, notre volonté est claire : il sagit dune nouvelle donne stratégique et nous devons en prendre toute la mesure. Linterconnexion des systèmes dinformation numérisés a créé dans nos sociétés des vulnérabilités nouvelles, qui nont pas été accompagnés dun effort simultané de protection. Le cyberespace est devenu un champ de confrontations à part entière, où des stratégies nouvelles se déploient déjà. Il est vital pour la France et pour lEurope de rester à hauteur. Lenjeu nest plus seulement le risque de déni daccès ou despionnage. Ce qui est désormais en cause, cest la capacité de prise de contrôle à distance ou même de destruction dinfrastructures vitales pour notre pays, sans parler de la sécurité de moyens de défense eux-mêmes. En la matière, nous nous engageons donc dans la voie dune politique ambitieuse, avec un accroissement des moyens humains, le renforcement de la sécurité des systèmes dinformation de lEtat sous lautorité des services spécialisés du Premier Ministre, le développement de compétences scientifiques, technologiques et industrielles, la mise en place de capacités militaires, défensives et offensives
Troisième et dernier tournant que je voudrais évoquer, parce quil est également au cur de la préparation de lavenir, lévolution du cadre juridique de notre défense. Le projet de loi de programmation militaire innove en effet en adaptant le droit aux défis daujourdhui et en le préparant à ceux de demain.
Le cadre des activités de renseignement évoluera, avec de nouvelles possibilités pour nos services, mais aussi, en contrepartie, un contrôle renforcé, en particulier du Parlement.
De même, la cyberdéfense connaîtra son premier cadre législatif vraiment développé avec la loi de programmation, qui organise la capacité du Gouvernement à imposer des règles aux opérateurs, comme la faculté qui lui est conférée de concevoir et exécuter des ripostes en cas dagression informatique.
Dautres outils juridiques sont mis en place, à la demande du Président de la République, pour éviter une judiciarisation inutile de laction des militaires en opérations extérieures.
Lobjectif nest pas de consacrer une immunité pénale exceptionnelle au profit des militaires. Il sagit de faire prendre en compte, par le droit, la réalité de ce quest un conflit armé et une situation de combat, dans la procédure comme dans lappréciation des juges du fond, . Il sagit de trouver un compromis, entre un droit pénal dexception qui est celui du temps de guerre, et le droit commun qui est adapté au temps de paix. Sur certains aspects, ce droit commun se trouve aujourdhui en décalage avec les réalités des conflits dans lesquels nos militaires sont prêts à donner leur vie comme dailleurs à donner la mort.
Voilà, en quelques mots, les lignes de force de notre politique de défense, telle quelle se construit dans le temps long, pour donner à la France, dans le temps beaucoup plus court et mouvant de lactualité, tous les moyens de protéger ses intérêts de sécurité comme dassumer ses responsabilités internationales.
Si jai toute confiance dans le projet que nous avons élaboré ces derniers mois avec les chefs détats-majors et les principaux responsables du ministère, je nignore pas, dans un contexte général pesant, les difficultés qui sont devant nous. Ces difficultés, je veux les voir comme autant de défis devant lesquels vous me trouverez toujours lucide et résolu.
Difficultés financières. Entre le report de charges du ministère, qui dépasse les 3 Mds, les anticipations exagérément optimistes de la loi votée précédemment et les conséquences financières dincidents comme Louvois qui perdurent, la gestion des prochains mois sannonce particulièrement ardue.
Difficultés dans lorganisation et lapplication des réformes. Il nest pas dautre ministère qui ait connu autant de réformes depuis 1997. Aujourdhui, je veux dire que des réformes sont nécessaires, mais que certaines, par le passé, ont été appliquées de façon trop brutale, sans la claire conscience des améliorations à en attendre. Je pense à la mise en place des bases de défense, qui a généré des complications parfois considérables dans la vie quotidienne des forces. Je pense aussi, évidemment, au système des soldes que je viens de citer.
Difficultés pour les hommes et les femmes de la défense. Je sais que bien des interrogations ou des doutes se répandent, - sur la soutenabilité de la programmation, lavenir de telle ou telle unité, lavenir du métier lui-même parfois. Sur nos choix pour cet avenir, je viens de mexprimer, jespère vous avoir fait partager ma détermination. Sur la déflation des effectifs, chacun a conscience de lampleur du défi que représente sa poursuite. 10 175 emplois vont être supprimés au titre de la précédente programmation, et 23 500 le seront au titre du nouveau Livre Blanc. Cest un effort considérable. Nous en connaissons la nécessité, mais nous en mesurons aussi le prix, après les réductions que le ministère a déjà connues. Mais nous ne ferons rien de façon aveugle, ni sans écouter les demandes légitimes.
Je nignore pas, encore, la nécessité de moderniser le ministère, en particulier celle de simplifier et alléger les structures de soutien, denvironnement, dadministration, détats-majors, au bénéfice des forces ; et de garantir une claire répartition des responsabilités, dont, à défaut, la dilution est garante de mauvaise gestion.
Je nignore pas, enfin, la nécessité absolue de ne pas casser un ensemble qui a fait ses preuves sur le terrain, dans des adaptations qui sont nécessaires, mais qui, si elles étaient mal conduites, pourraient nous être fatales.
Sur ces difficultés, comme sur le reste, je veux tenir un discours de vérité. Vérité sur les défis qui sont les nôtres ; vérité aussi sur la méthode qui sera toujours la mienne.
Je veux dabord sortir du déni de réalité. Cest bien la démarche du Gouvernement, notamment par le choix de ressources adaptées et raisonnables dans le contexte que lon connaît et les différents mécanismes de sauvegarde qui viennent garantir la sincérité de cette programmation.
Je veux aussi prendre le temps. Jai évoqué lessoufflement des structures, des personnes, après tous les efforts quon leur a demandés. Dautres sont encore nécessaires, mais jai décidé quune période danalyse fonctionnelle précéderait les nouvelles réductions. Lobjectif nest pas de rechercher des coupes purement arithmétiques. Il est datteindre un modèle qui soit plus simple, davantage cohérent.
Je veux surtout écouter, laisse toute leur place au dialogue et à la concertation, celle-ci devant dailleurs sans doute être rénovée. Le dialogue, ce nest pas un impératif de communication de crise ; cest une méthode de travail sur la durée. Aujourdhui, je suis dailleurs heureux de retrouver nombre de mes interlocuteurs réguliers parlementaires, industriels, journalistes, experts, partenaires étrangers Je crois que nous conviendrons aisément que le dialogue qui nous réunit est un moteur puissant pour nos actions respectives. Cest particulièrement vrai concernant les défis que je viens dévoquer.
En matière de restructurations, je suis bien placé pour connaître toute limportance du dialogue avec les élus locaux, comme avec les personnels. Parce que notre objectif est de préserver au maximum les liens qui unissent les armées et les territoires, nous serons toujours à lécoute de ceux qui les font vivre au quotidien.
Dans la même logique, le dialogue et la concertation doivent permettre daccompagner les déflations deffectifs à venir, et de faire émerger des évolutions positives pour la condition du personnel de la défense et la condition militaire en particulier. Celle-ci, comme le rappelle la loi de programmation, est un élément constitutif de la capacité opérationnelle elle-même de nos forces.
Tenir un discours de vérité, prendre le temps de lanalyse, écouter, laisser toute sa place au dialogue et à la concertation, et toujours témoigner aux hommes et aux femmes de la défense le respect que nous devons à leur engagement, voilà comment jentends relever ces défis.
Puisque cest la ville de Pau, terre délection des parachutistes et plus largement de larmée de Terre, qui nous accueille cette année, vous me permettrez de formuler quelques remarques pour finir sur la place de larmée de Terre dans les évolutions de notre politique de défense.
Il y a un an, certains experts ont pu diagnostiquer le déclin de forces terrestres devant des conflits modernes qui ne les concerneraient plus quà la marge. On connaît la suite de lhistoire. Notre intervention au Mali a rappelé, sil en était besoin, non seulement toute la pertinence de lemploi des forces terrestres, sur un large spectre de missions, mais encore lexcellence de notre armée de Terre.
Les forces terrestres sont donc essentielles pour notre défense. Cest lanalyse qui est faite par le Livre blanc, et cest le sens du projet de loi de programmation militaire, qui marque plusieurs priorités, en termes déquipements, en termes de préparation opérationnelle, qui leur bénéficieront directement.
Je lai dit tout à lheure, notre stratégie militaire connaît une mutation majeure avec le principe de différenciation. Ce principe est spécialement pertinent pour larmée de Terre. Lengagement terrestre est en effet marqué, de manière toute particulière, par la distinction entre les hypothèses daffrontement avec des forces étatiques, rares, mais que nous devons envisager, et les crises nombreuses, toujours délicates, au contact des populations, dans lesquelles nos forces ont acquis une réputation méritée.
Ces deux types dopérations népuisent dailleurs pas les missions de larmée de Terre. Je veux notamment mentionner limportance de la protection du territoire, quil sagisse des missions courantes remplies dans le cadre de Vigipirate, de lintervention en cas de crise ou de catastrophe naturelle sur le territoire ou encore des missions de souveraineté outre-mer, assurées par des unités qui ont elles aussi leurs spécificités.
Cest pourquoi, en tout cas, larmée de Terre sarticulera désormais selon deux grandes composantes, pour un total de 66 000 hommes de la Force Opérationnelle Terrestre. Dune part, une capacité de coercition, sur la base de deux brigades blindées, qui bénéficieront cette année des livraisons des derniers VBCI et, à terme, de la rénovation programmée des chars Leclerc. Dautre part, une capacité de gestion de crise, qui reposera en particulier sur les brigades multirôles et les brigades légères, qui verront leurs véhicules renouvelés grâce au programme Scorpion que je lancerai dès lannée prochaine.
Plus largement, cest tout un pan de nos forces terrestres qui sera renouvelé. Je pense au lancement cette année du programme du missile MMP. Je pense à lacquisition de drones tactiques, à larrivée des hélicoptères Tigre et NH90. Je pense aussi au programme de radio tactique Contact, à lachat dune nouvelle série de véhicules logistique de type PPT. Et je pense encore au programme emblématique de renouvellement des FAMAS.
Il y a la stratégie, il y a les équipements, mais il y a aussi lidentité. Les hommes et les femmes sont au cur de chacune de nos armées, mais je crois pouvoir dire quils occupent, au sein de larmée de Terre, une place singulière. Cette singularité nous renvoie aux principes fondamentaux de la guerre quil sagisse de combattre au ras du sol, au plus près de lennemi, ou bien daller au contact des populations, de leur venir en aide. Pour que les hommes et les femmes demeurent au cur des forces terrestres, au cur de nos armées, je sais toute limportance de la préparation opérationnelle et de la condition militaire. Jen ai parlé. Ce sont nos priorités pour les mois et les années qui viennent.
Larmée de Terre est donc tournée vers lavenir. Ces Universités dété aussi. Retenu à Paris par lactualité syrienne, je regrette de navoir pu y passer plus de temps. Je veux néanmoins remercier les organisateurs de ces journées, qui ont permis, cette année encore, aux principaux acteurs de notre communauté de défense de se retrouver, à distance de leurs activités respectives, pour échanger analyses et idées, et préparer ainsi les décisions de demain en matière de défense.
Demain, nous y sommes. Cest pourquoi ces échanges étaient particulièrement précieux cette année, à quelques semaines de louverture des débats parlementaires sur le projet de loi de programmation militaire. Dans cette perspective, je souhaite que la communauté de défense, dont le cur est ici, se mobilise largement. Si jai toute confiance dans le projet que nous portons, cest ensemble que nous le ferons réussir, dans lintérêt de la France et le respect de celles et ceux qui la servent si bien.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 11 septembre 2013
Depuis un an, les enjeux de défense et de sécurité nationale nont pas cessé dêtre au cur de lactualité. Sil importe de prendre de la hauteur pour préparer lavenir, comme ces Universités nous y ont invités tout au long de ces deux jours, lactualité nous rappelle la nécessité danalyser constamment et de comprendre le paysage extrêmement mouvant de notre environnement stratégique.
Notre politique de défense se construit ainsi dans le temps long, celui de nos ambitions et de nos capacités, mais elle se réalise dans le présent, dans ce quil a de complexe, dincertain, parfois dinacceptable.
Le 21 août dernier, une attaque avec agents chimiques a fait sans doute plus dun millier de morts dans la banlieue de Damas.
Avec cette action, Bachar el Assad a franchi un nouveau seuil dans sa pratique de la terreur et dans la négation du droit.
Ce nest pas seulement un palier nouveau dans lescalade de la violence en Syrie. Cest un changement déchelle dans le recours de Bachar El Assad au chimique, jusque-là testé par le régime de façon très limitée et difficile à détecter, mais nous lavons établi.
Cest un tabou reconnu au plan international qui a été violé. Un tabou vieux de cent ans, celui de lemploi darmes qui nous projettent au-delà même de la guerre.
En le brisant, le régime de Damas défie la communauté internationale dans ses fondements. Il fait peser, sur la stabilité du Proche-Orient, puis du Moyen-Orient, puis sur la sécurité internationale, une menace à laquelle je ne vois pas de précédent depuis de longues années.
Parce que le sujet, cest la prolifération. Parce que la prolifération chimique en acte crée un précédent atroce au cur de lune des régions les plus instables du monde.
Parce que nous ne pouvons accepter sans réagir quelque brèche que ce soit dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, reconnue comme une nécessité de sécurité collective au plan mondial, notamment par la résolution 1540 du Conseil de sécurité du 28 avril 2004 (pour qui elle constitue « une menace pour la paix et la sécurité internationales »), et dans notre propre politique de défense sans discontinuer, sous tous les Gouvernements de la France depuis le Livre blanc de 1994.
Parce que, en dernière analyse, la prolifération des armes de destruction massive est une menace pour notre propre sécurité nationale, la sécurité de la France et de lEurope, qui peut être menacée par la déstabilisation du Proche-Orient, comme par lencouragement donné par Assad à dautres proliférateurs, étatiques ou non.
Lattaque du 21 août interpelle la France dans les responsabilités qui sont les siennes. Face au régime syrien, nous nous tenons prêts à agir.
Jobserve, comme vous tous ce matin, que la proposition faite hier soir par la Russie a suscité un grand intérêt. Elle mérite un examen précis et nous semble pouvoir avancer dès lors que certaines conditions, qui ont été énoncées par le ministre des Affaires étrangères, seraient remplies : engagement à mettre sous contrôle puis détruire larsenal chimique ; résolution contraignante du Conseil de sécurité ; traduction des responsables de lattaque du 21 août dernier devant la Cour pénale internationale.
Si de tels développements se produisent effectivement et rapidement, nous pourrons constater que cest la combinaison, choisie par le Président de la République, de menaces de sanctions et de pression militaire crédible, destinées à mettre fin à limpunité du régime, qui aura porté ses fruits.
Sans revenir sur les discussions qui ont eu lieu ces derniers jours au Parlement, ni anticiper les décisions à venir du Président de la République et de nos principaux partenaires, je voudrais ajouter un mot sur la crise syrienne au regard des orientations de notre politique de défense.
A la suite du Livre blanc, la loi de programmation militaire va notamment renforcer notre capacité à prendre lascendant sur des forces étatiques, par des moyens de très haute technologie moyens de renseignement, de ciblage, de frappe à distance ou encore de guerre électronique. Cette aptitude à faire face aux « menaces de la force » est au cur de notre autonomie stratégique.
Cest cette autonomie stratégique qui nous permet de parler dune voie forte sur le dossier syrien, de dialoguer avec les Etats-Unis dès la conception et la planification de laction et peut-être dintervenir demain.
Cest cette autonomie stratégique que nous avons voulu préserver et développer dans la future loi de programmation. Seule une poignée de pays dans le monde dispose de capacités de renseignement, de planification, de dissuasion et daction autonomes. La France en fait partie.
Être autonome, je le précise, ne veut pas dire agir seul. Le principe dautonomie stratégique ne soppose pas à laction en coalition ; cest au contraire lune de ses conditions primordiales. Laction en coalition appelle en effet des acteurs responsables, capables danticiper, de faire des propositions et de prendre linitiative lorsque cest nécessaire. Cest le sens de la relation stratégique qui existe entre la France et les Etats-Unis. Et cest le sens de lautonomie stratégique à laquelle nous attendons tant de prix.
Au-delà de la Syrie, les événements de ces douze derniers mois, au plan opérationnel, autorisent le même constat.
Je pense dabord à lAfghanistan. Lorsque nous nous étions réunis lan dernier à Brest, le désengagement de nos forces était entamé. Nous redoutions alors les menaces militaires et les risques logistiques qui entouraient une manuvre complexe et difficile. Un an après, cette manuvre est achevée. Elle a été menée avec un professionnalisme, une détermination et un sang-froid que je veux saluer. La réussite de cette manuvre hors du commun souligne une fois de plus lexcellence de nos armées nos moyens de renseignement, nos capacités logistiques et laguerrissement de nos soldats ont pris ici une part décisive.
Je pense évidemment aussi au Mali. Il y a un an, la menace djihadiste sur le Sahel occupait déjà nos esprits. Tombouctou et Gao, tout le Nord et plus du Mali étaient occupés par des groupes djihadistes qui semblaient régner en maîtres et instauraient un régime oppressant. Qui aurait alors imaginé, un an après, un pays rendu à son intégrité territoriale, des djihadistes considérablement affaiblis, des élections présidentielles déjà réalisées et un processus de réconciliation, certes délicat, mais déjà engagé grâce aux accords de Ouagadougou ? Linstallation dIbrahim Boubacar Keïta comme Président dun Mali rendu à sa pleine souveraineté, moins de sept mois après le début de lopération SERVAL, est davantage quun symbole.
Larticulation entre laction militaire, le rétablissement de lordre constitutionnel, le processus de paix et la reconstruction a été notre préoccupation constante. Je tiens à ce moment de mon intervention à rendre tout particulièrement hommage aux hommes et aux femmes de larmée de terre, qui nous accueille ici à Pau. Jai eu plusieurs fois loccasion de mentretenir avec eux sur le terrain, de lAmettetaï à Gao. Jen retiens une légitime fierté : ce sont des hommes et des femmes exceptionnels
Lanalyse du Livre blanc, dailleurs élaborée dans le même temps, me semble là aussi pertinente. Devant cette fois les « menaces de la faiblesse », celles dun Etat en difficulté grave, à la merci de groupes armés et fanatisés, lintervention de la France en gestion de crise sest révélée pertinente, depuis la réactivité permise par lemploi des forces spéciales et de notre dispositif pré-positionné, jusquà la maîtrise dans la durée de larges espaces physiques, en passant par lentretien de liens étroits avec la population et les acteurs locaux.
Que ce soit en Afghanistan, au Mali, peut-être demain en Syrie, ailleurs encore, la qualité de nos armées permet à la France de tenir son rang, politique et stratégique, comme bien peu de pays dans le monde sont capables de le faire. Cette excellence, garante de notre autonomie stratégique, repose sur une vision de notre environnement, sur des capacités, mais aussi sur une volonté politique, celle du Président de la République, qui a pris des décisions majeures en tant que chef des armées. Décision daccélérer le calendrier du retrait de nos forces dAfghanistan. Décision dintervention éclair au Mali contre un offensive djihadiste imprévue et sans précédent, qui menaçait dinstaller aux portes de lEurope un foyer de terrorisme international. Décision, encore, dêtre à la pointe du combat contre ceux qui nont pas hésité à déchaîner lhorreur dune attaque chimique sur des hommes, des femmes, des enfants, et qui pourraient recommencer demain si rien nétait fait pour les en empêcher.
Le Président de la République a pris une autre série de décisions, qui concernent cette fois un temps plus long. De lélaboration du Livre blanc à la préparation de la loi de programmation militaire, il y avait un défi majeur, celui de ladaptation de notre politique de défense, des menaces daujourdhui aux guerres de demain. Pour relever ce défi, dans un contexte budgétaire lui-même exceptionnellement difficile, le Président de la République sest prononcé sur quatre grandes orientations, qui seront au cur des débats parlementaires de cet automne.
En premier lieu, la décision a été prise de sanctuariser notre effort de défense, en dépit de la contrainte financière considérable qui sexerce sur le budget de lEtat. En reconduisant le budget du ministère à son niveau actuel, cest-à-dire 31,4 Mds, puis en actant une hausse à compter de 2016, le Président de la République a marqué et répété une priorité dont ne bénéficie pas la plupart des ministères. La raison en est simple, mais je crois quelle mérite dêtre rappelée : cest là un effort que la Nation consent, non pas pour ses armées en elles-mêmes, mais parce quelles sont garantes de la sécurité du pays.
Au sein de ce cadre financier, qui atteint 190 Mds sur les six années de la programmation, des ressources exceptionnelles viennent compléter les ressources strictement budgétaires, à hauteur de 6,1 Mds. En effet, jai voulu que soit garanti à notre défense un niveau de ressources ambitieux et réaliste à la fois. Ambitieux, par la trajectoire que le Président de la République a arrêtée. Réaliste, par les différentes assurances que nous avons souhaité prendre dans la loi, en diversifiant donc les ressources, en faisant le choix de la transparence sur les origines des ressources exceptionnelles cest la première fois , enfin en explicitant plusieurs mécanismes de sauvegarde. Lenjeu, cest la sincérité de cette programmation.
Deuxième grande orientation, maintenir la France au premier rang stratégique. Lambition sénonce clairement : conforter notre capacité de dissuasion, qui est une des clés de lautonomie stratégique ; garantir notre capacité à intervenir dans lensemble des situations où nos intérêts de sécurité et nos responsabilités internationales pourraient être mis en jeu. La capacité à remplir simultanément les trois missions fondamentales, définies par le Livre blanc, répondait déjà à cette ambition : la protection de notre territoire et de notre population, la dissuasion nucléaire, et lintervention extérieure pour des missions de guerre comme de gestion de crise. Et grâce au niveau de ressources que je viens dévoquer, nous sommes lun des rares pays dans le monde à pouvoir les assurer ensemble.
Aujourdhui, vous me permettrez dinsister sur la manière dont cette deuxième grande orientation est prise en compte dans le projet de loi de programmation militaire, dabord par la préparation opérationnelle, ensuite par les programmes industriels.
La préparation opérationnelle est un enjeu majeur de la future programmation. Lexcellence de nos armées, leur crédibilité, en découle directement. Depuis 2011 en particulier, nous observons pourtant une baisse des activités opérationnelles. Quelles quen soient les raisons épuisement des stocks, vieillissement des parcs nécessitant un entretien coûteux, arrivée de nouveaux matériels à coûts dactivité et maintenance encore supérieurs, nous entendons y mettre un terme. Le contexte financier ne doit pas conduire à dégrader le niveau de préparation dune armée professionnelle. Ce niveau sera donc maintenu puis relevé. Et jai engagé avec les chefs détats-majors et le DGA une réflexion tous azimuts pour répondre au défi de la baisse tendancielle que je dois constater.
Les équipements, quant à eux, font lobjet dun effort conséquent. Alors quen 2013, 16 Mds leur ont été consacrés, au cours de la future programmation, ce montant sera en constante progression. En 2019, il atteindra 18,2 Mds. Grâce à ce niveau de crédits, le renouvellement de nos équipements sera assuré, même si cela ne peut se faire au rythme, irréaliste, préconisé avant la crise par la précédente loi. Ce niveau de crédits bénéficiera donc à nos forces, à travers un grand nombre de programmes, mais il bénéficiera aussi à lensemble de notre base industrielle et technologique de défense.
Cest la troisième grande orientation, limpératif industriel. 4 000 entreprises, dont une majorité de PME/ETI ; 165 000 emplois directs, qui sont autant demplois hautement qualifiés et donc peu délocalisables ; un chiffre daffaires global denviron 15 Mds, dont 30 à 40% est réalisé à lexport Depuis que jai pris mes fonctions, je crois que ce sont les chiffres que je trouve vraiment important de rappeler. Aujourdhui, en effet, les industries de défense sont à la fois lune des conditions de notre autonomie stratégique par lautonomie quelle confère à notre politique dacquisition déquipements dans les domaines les plus sensibles ; elles sont lun des moteurs les plus dynamiques de la compétitivité de notre économie ; elles représentent lun des atouts importants dont nous disposons pour léquilibre de la balance de nos comptes publics, grâce aux exportations ; elles constituent enfin un domaine dexcellence pour lemploi. Il importe au Gouvernement quelles le demeurent.
Cest pourquoi limpératif industriel est au cur du projet de loi de programmation militaire, par les crédits consacrés à linvestissement que je viens dévoquer ; par leffort substantiel en matière de R&T, qui sera en hausse pour sélever à 730 M par an en moyenne annuelle sur la durée de la programmation ; par laccroissement du soutien aux PME-PMI-ETI innovantes, à travers le pacte défense PME ; par le dispositif RAPID, qui se voit pérennisé et renforcé
Quatrième et dernière grande orientation, tirer le meilleur parti de nos alliances et de notre choix en faveur de la construction européenne. Je pense à lAlliance atlantique, où nous ne devons jouer sans complexe un rôle actif et favorable à laffirmation des Européens dans le lien transatlantique. Je pense aussi, bien sûr, à la relance de lEurope de la défense elle-même. Cest plus quune conviction personnelle, cest un constat raisonné, et partagé par un nombre croissant de mes homologues. LUnion européenne a besoin dappuyer sa force de frappe économique sur des ressorts politiques et stratégiques pour demeurer la deuxième puissance mondiale. Face aux contraintes budgétaires, de plus en plus fortes pour tous, face au coût croissant des équipements et des opérations militaires, lautonomie stratégique de chacun des Etats européens doit être repensée, dans une certaine mesure, au sein dune communauté de destin, où lon partage une histoire et un avenir communs, des intérêts et des valeurs.
A la suite du Livre blanc, le projet de loi de programmation militaire donne donc un signal fort. Lessentiel des programmes menés dans le cadre de coopérations européennes vont en effet être préservés, tandis que dautres seront lancés. Au-delà, cest léchéance du Conseil européen de décembre qui doit retenir notre attention. Voilà cinq ans que la réunion des chefs détat et de gouvernement navait plus porté sur les questions de défense, alors même quelles sont au cur de leurs mandats respectifs. Cest là une occasion unique dinvestir les cadres multinationaux comme des alternatives crédibles au décrochage stratégique, par des projets concrets, qui portent dans les trois domaines - opérationnel, capacitaire et industriel. Je sais que vous en avez parlé à loccasion de ces Universités, et quun certain nombre dentre vous sont animés des mêmes convictions. Pour les faire vivre, vous me trouverez toujours à vos côtés.
Ces quatre grandes orientations, sur leffort de défense, sur notre rang stratégique, sur la base industrielle et sur lEurope de la défense, constituent le socle du renouvellement de notre politique de défense. Car lenjeu nétait pas seulement dadapter loutil aux circonstances, mais bien de le concevoir à long terme, de le préparer aux guerres de demain, aux menaces du futur.
Dans cette perspective, le Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire impriment plusieurs inflexions majeures à notre politique de défense. Ces inflexions nintéressent pas seulement les six années de la programmation, mais les quinze ans de notre horizon stratégique et lavenir au sens le plus plein. Vous me permettrez den souligner trois.
Je voudrais dabord revenir sur notre stratégie militaire, et les principes que nous avons introduits pour bâtir le nouveau modèle de nos armées : la différenciation et la mutualisation. Cest une remarque personnelle, mais je trouve que la grande portée de ces principes na pas été suffisamment soulignée.
Dabord, la différenciation. Il sagit, je le rappelle, de concevoir, équiper et entraîner nos forces en fonction des missions spécifiques quelles sont appelées à remplir. Par rapport aux principes qui ont guidé le Livre blanc de 2008, dans la foulée de la professionnalisation de 1997-2002, cest une mutation importante.
Avant 1996, nous disposions dun outil militaire qui se trouvait pour lessentiel organisé dans la perspective dun affrontement unique et extrême face aux Soviétiques et au Pacte de Varsovie. A partir de 1996, nous avons développé un instrument militaire conçu pour des affrontements de haute intensité, tout en lutilisant de manière croissante dans des opérations extérieures de gestion de crises. Cest cette évolution qui a conduit à retenir explicitement, en 2008, un principe général de polyvalence des forces. Toutes devaient être capables de sengager dans lensemble des missions, dont la diversité commençait à simposer comme un fait stratégique majeur. Mais la polyvalence avait un coût élevé; elle avait aussi ses limites au plan de la stratégie. Les forces conçues pour la projection dans des conflits de haute intensité ne sont pas forcément, en effet, les mieux adaptées à la gestion de crise ou à la protection du territoire national et de ses approches.
La différenciation des forces prend en compte lanalyse des conflits dans leur diversité et des moyens adaptés quils requièrent. Les crises dont jai essayé de tirer les enseignements tout à lheure ne disent pas autre chose. Face au régime de Damas, dans léventualité dune intervention, nous avons besoin de forces de haute technologie et de haute puissance, fortement intégrées, capables datteindre très précisément le but des opérations symétriques (dEtat à Etat), qui est de détruire les forces adverses le plus rapidement possible. En parallèle, comme lAfghanistan et le Mali nous lont confirmé, nous avons aussi besoin de forces à la configuration différente, aptes à contrôler dans la durée de vastes espaces physiques, aptes à agir dans des situations délicates, au milieu des populations. Ce qui importe ici, cest le nombre et la qualité de nos soldats, cest le renseignement dorigine humaine et la maîtrise des effets. Cest tout le sens du principe de différenciation.
Je ne métends pas sur la mutualisation, sinon pour dire quelle est un maître-mot de notre programmation : entre nos forces, pour consacrer certaines de nos capacités les plus rares à diverses missions ; entre Européens, pour optimiser les capacités des Etats membres, spécialement dans les domaines où nos moyens sont lacunaires, comme le transport aérien, le ravitaillement en vol, laéronavale, les satellites ; entre services de renseignement, pour la mise en commun et là encore loptimisation de moyens technique et humains rares et coûteux de recueil de renseignements.
Deuxième évolution majeure, le renforcement de nos capacités de renseignement, notamment spatiales et aéroportées, qui vont atteindre un niveau inédit, et la prise en compte de la cyberdéfense, au double plan de la stratégie et des capacités.
Sur le renseignement, je veux sans cesse rappeler, avec le Président de la République, que cest une des clés de notre autonomie stratégique. Nous avons souhaité confirmer et amplifier la priorité qui lui est accordé dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale. La programmation en porte le témoignage, avec la livraison de deux satellites MUSIS, la réalisation du système satellitaire découte CERES, la fourniture, enfin, de drones MALE et de drones tactiques, le renforcement des moyens techniques mutualisés de la DGSE et de la DRM, mais également le renforcement des ressources humaines des services.
Concernant la cyberdéfense, notre volonté est claire : il sagit dune nouvelle donne stratégique et nous devons en prendre toute la mesure. Linterconnexion des systèmes dinformation numérisés a créé dans nos sociétés des vulnérabilités nouvelles, qui nont pas été accompagnés dun effort simultané de protection. Le cyberespace est devenu un champ de confrontations à part entière, où des stratégies nouvelles se déploient déjà. Il est vital pour la France et pour lEurope de rester à hauteur. Lenjeu nest plus seulement le risque de déni daccès ou despionnage. Ce qui est désormais en cause, cest la capacité de prise de contrôle à distance ou même de destruction dinfrastructures vitales pour notre pays, sans parler de la sécurité de moyens de défense eux-mêmes. En la matière, nous nous engageons donc dans la voie dune politique ambitieuse, avec un accroissement des moyens humains, le renforcement de la sécurité des systèmes dinformation de lEtat sous lautorité des services spécialisés du Premier Ministre, le développement de compétences scientifiques, technologiques et industrielles, la mise en place de capacités militaires, défensives et offensives
Troisième et dernier tournant que je voudrais évoquer, parce quil est également au cur de la préparation de lavenir, lévolution du cadre juridique de notre défense. Le projet de loi de programmation militaire innove en effet en adaptant le droit aux défis daujourdhui et en le préparant à ceux de demain.
Le cadre des activités de renseignement évoluera, avec de nouvelles possibilités pour nos services, mais aussi, en contrepartie, un contrôle renforcé, en particulier du Parlement.
De même, la cyberdéfense connaîtra son premier cadre législatif vraiment développé avec la loi de programmation, qui organise la capacité du Gouvernement à imposer des règles aux opérateurs, comme la faculté qui lui est conférée de concevoir et exécuter des ripostes en cas dagression informatique.
Dautres outils juridiques sont mis en place, à la demande du Président de la République, pour éviter une judiciarisation inutile de laction des militaires en opérations extérieures.
Lobjectif nest pas de consacrer une immunité pénale exceptionnelle au profit des militaires. Il sagit de faire prendre en compte, par le droit, la réalité de ce quest un conflit armé et une situation de combat, dans la procédure comme dans lappréciation des juges du fond, . Il sagit de trouver un compromis, entre un droit pénal dexception qui est celui du temps de guerre, et le droit commun qui est adapté au temps de paix. Sur certains aspects, ce droit commun se trouve aujourdhui en décalage avec les réalités des conflits dans lesquels nos militaires sont prêts à donner leur vie comme dailleurs à donner la mort.
Voilà, en quelques mots, les lignes de force de notre politique de défense, telle quelle se construit dans le temps long, pour donner à la France, dans le temps beaucoup plus court et mouvant de lactualité, tous les moyens de protéger ses intérêts de sécurité comme dassumer ses responsabilités internationales.
Si jai toute confiance dans le projet que nous avons élaboré ces derniers mois avec les chefs détats-majors et les principaux responsables du ministère, je nignore pas, dans un contexte général pesant, les difficultés qui sont devant nous. Ces difficultés, je veux les voir comme autant de défis devant lesquels vous me trouverez toujours lucide et résolu.
Difficultés financières. Entre le report de charges du ministère, qui dépasse les 3 Mds, les anticipations exagérément optimistes de la loi votée précédemment et les conséquences financières dincidents comme Louvois qui perdurent, la gestion des prochains mois sannonce particulièrement ardue.
Difficultés dans lorganisation et lapplication des réformes. Il nest pas dautre ministère qui ait connu autant de réformes depuis 1997. Aujourdhui, je veux dire que des réformes sont nécessaires, mais que certaines, par le passé, ont été appliquées de façon trop brutale, sans la claire conscience des améliorations à en attendre. Je pense à la mise en place des bases de défense, qui a généré des complications parfois considérables dans la vie quotidienne des forces. Je pense aussi, évidemment, au système des soldes que je viens de citer.
Difficultés pour les hommes et les femmes de la défense. Je sais que bien des interrogations ou des doutes se répandent, - sur la soutenabilité de la programmation, lavenir de telle ou telle unité, lavenir du métier lui-même parfois. Sur nos choix pour cet avenir, je viens de mexprimer, jespère vous avoir fait partager ma détermination. Sur la déflation des effectifs, chacun a conscience de lampleur du défi que représente sa poursuite. 10 175 emplois vont être supprimés au titre de la précédente programmation, et 23 500 le seront au titre du nouveau Livre Blanc. Cest un effort considérable. Nous en connaissons la nécessité, mais nous en mesurons aussi le prix, après les réductions que le ministère a déjà connues. Mais nous ne ferons rien de façon aveugle, ni sans écouter les demandes légitimes.
Je nignore pas, encore, la nécessité de moderniser le ministère, en particulier celle de simplifier et alléger les structures de soutien, denvironnement, dadministration, détats-majors, au bénéfice des forces ; et de garantir une claire répartition des responsabilités, dont, à défaut, la dilution est garante de mauvaise gestion.
Je nignore pas, enfin, la nécessité absolue de ne pas casser un ensemble qui a fait ses preuves sur le terrain, dans des adaptations qui sont nécessaires, mais qui, si elles étaient mal conduites, pourraient nous être fatales.
Sur ces difficultés, comme sur le reste, je veux tenir un discours de vérité. Vérité sur les défis qui sont les nôtres ; vérité aussi sur la méthode qui sera toujours la mienne.
Je veux dabord sortir du déni de réalité. Cest bien la démarche du Gouvernement, notamment par le choix de ressources adaptées et raisonnables dans le contexte que lon connaît et les différents mécanismes de sauvegarde qui viennent garantir la sincérité de cette programmation.
Je veux aussi prendre le temps. Jai évoqué lessoufflement des structures, des personnes, après tous les efforts quon leur a demandés. Dautres sont encore nécessaires, mais jai décidé quune période danalyse fonctionnelle précéderait les nouvelles réductions. Lobjectif nest pas de rechercher des coupes purement arithmétiques. Il est datteindre un modèle qui soit plus simple, davantage cohérent.
Je veux surtout écouter, laisse toute leur place au dialogue et à la concertation, celle-ci devant dailleurs sans doute être rénovée. Le dialogue, ce nest pas un impératif de communication de crise ; cest une méthode de travail sur la durée. Aujourdhui, je suis dailleurs heureux de retrouver nombre de mes interlocuteurs réguliers parlementaires, industriels, journalistes, experts, partenaires étrangers Je crois que nous conviendrons aisément que le dialogue qui nous réunit est un moteur puissant pour nos actions respectives. Cest particulièrement vrai concernant les défis que je viens dévoquer.
En matière de restructurations, je suis bien placé pour connaître toute limportance du dialogue avec les élus locaux, comme avec les personnels. Parce que notre objectif est de préserver au maximum les liens qui unissent les armées et les territoires, nous serons toujours à lécoute de ceux qui les font vivre au quotidien.
Dans la même logique, le dialogue et la concertation doivent permettre daccompagner les déflations deffectifs à venir, et de faire émerger des évolutions positives pour la condition du personnel de la défense et la condition militaire en particulier. Celle-ci, comme le rappelle la loi de programmation, est un élément constitutif de la capacité opérationnelle elle-même de nos forces.
Tenir un discours de vérité, prendre le temps de lanalyse, écouter, laisser toute sa place au dialogue et à la concertation, et toujours témoigner aux hommes et aux femmes de la défense le respect que nous devons à leur engagement, voilà comment jentends relever ces défis.
Puisque cest la ville de Pau, terre délection des parachutistes et plus largement de larmée de Terre, qui nous accueille cette année, vous me permettrez de formuler quelques remarques pour finir sur la place de larmée de Terre dans les évolutions de notre politique de défense.
Il y a un an, certains experts ont pu diagnostiquer le déclin de forces terrestres devant des conflits modernes qui ne les concerneraient plus quà la marge. On connaît la suite de lhistoire. Notre intervention au Mali a rappelé, sil en était besoin, non seulement toute la pertinence de lemploi des forces terrestres, sur un large spectre de missions, mais encore lexcellence de notre armée de Terre.
Les forces terrestres sont donc essentielles pour notre défense. Cest lanalyse qui est faite par le Livre blanc, et cest le sens du projet de loi de programmation militaire, qui marque plusieurs priorités, en termes déquipements, en termes de préparation opérationnelle, qui leur bénéficieront directement.
Je lai dit tout à lheure, notre stratégie militaire connaît une mutation majeure avec le principe de différenciation. Ce principe est spécialement pertinent pour larmée de Terre. Lengagement terrestre est en effet marqué, de manière toute particulière, par la distinction entre les hypothèses daffrontement avec des forces étatiques, rares, mais que nous devons envisager, et les crises nombreuses, toujours délicates, au contact des populations, dans lesquelles nos forces ont acquis une réputation méritée.
Ces deux types dopérations népuisent dailleurs pas les missions de larmée de Terre. Je veux notamment mentionner limportance de la protection du territoire, quil sagisse des missions courantes remplies dans le cadre de Vigipirate, de lintervention en cas de crise ou de catastrophe naturelle sur le territoire ou encore des missions de souveraineté outre-mer, assurées par des unités qui ont elles aussi leurs spécificités.
Cest pourquoi, en tout cas, larmée de Terre sarticulera désormais selon deux grandes composantes, pour un total de 66 000 hommes de la Force Opérationnelle Terrestre. Dune part, une capacité de coercition, sur la base de deux brigades blindées, qui bénéficieront cette année des livraisons des derniers VBCI et, à terme, de la rénovation programmée des chars Leclerc. Dautre part, une capacité de gestion de crise, qui reposera en particulier sur les brigades multirôles et les brigades légères, qui verront leurs véhicules renouvelés grâce au programme Scorpion que je lancerai dès lannée prochaine.
Plus largement, cest tout un pan de nos forces terrestres qui sera renouvelé. Je pense au lancement cette année du programme du missile MMP. Je pense à lacquisition de drones tactiques, à larrivée des hélicoptères Tigre et NH90. Je pense aussi au programme de radio tactique Contact, à lachat dune nouvelle série de véhicules logistique de type PPT. Et je pense encore au programme emblématique de renouvellement des FAMAS.
Il y a la stratégie, il y a les équipements, mais il y a aussi lidentité. Les hommes et les femmes sont au cur de chacune de nos armées, mais je crois pouvoir dire quils occupent, au sein de larmée de Terre, une place singulière. Cette singularité nous renvoie aux principes fondamentaux de la guerre quil sagisse de combattre au ras du sol, au plus près de lennemi, ou bien daller au contact des populations, de leur venir en aide. Pour que les hommes et les femmes demeurent au cur des forces terrestres, au cur de nos armées, je sais toute limportance de la préparation opérationnelle et de la condition militaire. Jen ai parlé. Ce sont nos priorités pour les mois et les années qui viennent.
Larmée de Terre est donc tournée vers lavenir. Ces Universités dété aussi. Retenu à Paris par lactualité syrienne, je regrette de navoir pu y passer plus de temps. Je veux néanmoins remercier les organisateurs de ces journées, qui ont permis, cette année encore, aux principaux acteurs de notre communauté de défense de se retrouver, à distance de leurs activités respectives, pour échanger analyses et idées, et préparer ainsi les décisions de demain en matière de défense.
Demain, nous y sommes. Cest pourquoi ces échanges étaient particulièrement précieux cette année, à quelques semaines de louverture des débats parlementaires sur le projet de loi de programmation militaire. Dans cette perspective, je souhaite que la communauté de défense, dont le cur est ici, se mobilise largement. Si jai toute confiance dans le projet que nous portons, cest ensemble que nous le ferons réussir, dans lintérêt de la France et le respect de celles et ceux qui la servent si bien.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 11 septembre 2013