Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à France 2 le 29 août 2013, sur la situation en Syrie et les réactions internationales dans le cadre du conflit.

WILLIAM LEYMERGIE
Pour « Les 4 vérités », ce matin, Roland SICARD reçoit Najat VALLAUD-BELKACEM, porte-parole du gouvernement.
ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ROLAND SICARD
On va commencer par la Syrie. Une opération militaire, occidentale, paraissait imminente, ce matin elle l’est beaucoup moins, Barack OBAMA dit que sa décision n'est pas prise. Qu’est-ce qui a changé ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord il faut dire ce qui se passe en Syrie, parce que, ce qui se passe aujourd'hui est absolument inqualifiable et dépasse l’entendement. Un chef d’Etat, comme Bachar EL-ASSAD, qui gaze des innocents, hommes, femmes, enfants, c'est un crime contre l’humanité qui est en train de se produire sous nos yeux, un conflit qui dure depuis trop longtemps…
ROLAND SICARD
Donc, justement, ça justifie une intervention très rapide.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Un conflit, en effet, qui demande à la Communauté internationale, de ne pas rester sourde et indifférente. Et donc aujourd'hui, moi je trouve que la réaction, que ce soit de François HOLLANDE, de David CAMERON ou de Barack OBAMA, a été salutaire, c'est de notre humanité que l’on parle. Il faut que la Communauté internationale trouve une riposte qui soit adaptée à la situation. Cette riposte, vous savez qu’elle est compliquée à construire, pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’un Etat ne va pas intervenir seul, et donc il faut obtenir l’adhésion de plusieurs alliés, de plusieurs partenaires, ce que nous essayons de trouver au sein du Conseil de sécurité des Nations unies ; il y a eu une tentative hier, autour d’une résolution britannique…
ROLAND SICARD
Les Chinois et les Russes, sont contre, donc il n’y aura pas d’accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Avec en effet des Etats comme la Chine et la Russie, qui posent un certain nombre de difficultés. Mais nous étudions d’autres options, et nous étudions d’autres options en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit pas simplement de punir…
ROLAND SICARD
Quelles options ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En gardant à l’esprit qu’il ne s’agit pas simplement de punir et d’empêcher le régime syrien de procéder à une nouvelle attaque de ce type, ce serait déjà beaucoup, mais aussi de trouver une sortie de crise, je crois que c'est extrêmement important pour la Communauté internationale, si elle intervient, de le faire dans des conditions qui permettent au pays, ensuite, de se rétablir.
ROLAND SICARD
Mais pourquoi ne pas avoir agit très vite, c'est-à-dire, aujourd'hui, demain ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour une raison simple, c'est que, avant de réagir, il nous faut toutes les preuves, et donc il y a des experts de l’ONU, qui sont en train de travailler sur place, qui ont été mandatés par l’ONU, pour faire en sorte de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé, et donc, dans quelques jours, deux ou trois jours à peine, nous aurons leurs conclusions, et à ce moment-là, des décisions seront prises.
ROLAND SICARD
On avait le sentiment, finalement, que l’avis de ces experts, on n’avait pas besoin finalement de l’apprendre…de l’attendre, plutôt, que finalement les preuves existaient déjà.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est important de toujours se situer dans le cadre de la légalité internationale, c'est aussi ce qui permet de se fixer un cadre et des bornes, mais c'est important aussi, comme la France l’a fait, d’avoir en Syrie, un interlocuteur, en l’occurrence avec la coalition nationale syrienne, donc je rappelle que la France a été le premier pays à en reconnaitre formellement l’existence. Le président de la République s’entretiendra ce matin même avec le président de la coalition nationale syrienne, pour faire le point sur la situation.
ROLAND SICARD
Est-ce que François HOLLANDE n’a pas parlé un peu vite, en parlant de riposte ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, car ce mot ne disparait aucunement de nos esprits. Il faut trouver une riposte appropriée à la situation en Syrie et aux exactions du régime syrien. Imaginez que nous restions indifférents, ce serait cautionner, en quelque sorte, y compris pour l’avenir, ce type de comportement. Nous ne le pouvons pas.
ROLAND SICARD
Mais, est-ce que attendre, ce n'est pas finalement conforter Bachar EL-ASSAD ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendre, ça n’est pas…
ROLAND SICARD
Ce matin, c’est lui qui se frotte les mains.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendre, ça n’est pas reporter, sine die, une réaction de la communauté internationale. Prendre le temps de la réflexion, prendre le temps de la concertation entre partenaires, prendre le temps de recevoir les conclusions des experts de l’ONU, c'est préparer une réponse qui soit la plus appropriée possible.
ROLAND SICARD
Quand des gaz chimiques sont utilisés, est-ce que l’on peut vraiment attendre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sont, je l’ai dit, des exactions intolérables, c'est un crime contre l’humanité qui a été commis en Syrie, et je trouve que c'est bien le moins que la Communauté internationale réagisse, en même temps il faut réagir en prenant le temps de la réflexion sur les meilleurs outils, parce que nous ne saurions plonger plus encore un pays dans la crise, qu’il ne l’est déjà. Donc, le jour où nous interviendrons, il faudra le faire avec…
ROLAND SICARD
Parce que l’intervention, de toute façon, aura lieu.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous ne savons pas quelle sera sa forme, bien entendu, mais le jour où la Communauté internationale ripostera, répondra, il faudra qu’elle le fasse, de manière à la fois à empêcher que cet inimaginable se reproduise, ça s’est déjà produit une fois, mais aussi à permettre aux forces démocratiques, qui résistent au sein du pays, de trouver une sortie de crise, voilà, et c'est pour cela que la France a tellement insisté pour que ces forces, au sein du pays, puissent se regrouper, se coaliser, et qu’elle a soutenu la coalition nationale syrienne.
ROLAND SICARD
Autre sujet : les retraites. Il y aura hausse des cotisations, ça veut dire baisse du pouvoir d’achat.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y aura hausse des cotisations, il y aura augmentation de la durée de cotisations aussi, ce sont les deux leviers sur lesquels nous avons décidé de nous appuyer, pour financer la réforme des retraites, et pour garantir son équilibre financier. D'autres options ont été écartées, comme par exemple la désindexation des pensions de retraite, c'est-à-dire la baisse des pensions de retraite, comme par exemple le report de l’âge légal. Ces options ont été écartées, parce qu’elles nous semblaient particulièrement injustes, ou particulièrement cruelles pour le pouvoir d’achat. Les choix qui ont été faits par le président de la République et le gouvernement, permettent de rétablir l’équilibre financier de façon confortable d’ici 2035, puis ensuite, connaissant notre démographie et nos perspectives, nous savons que cet équilibre sera de retour naturellement, et en attendant ce que fait cette réforme des retraites, ça n'est pas simplement un équilibre financier comptable, c'est aussi qu’elle octroie de nouveaux droits, et moi je voudrais insister sur ce sujet, parce que ça faisait longtemps qu’une réforme des retraites n’avait pas donné de nouveaux droits aux Français, je pense par exemple à tous ces salariés à temps partiel, et à petits temps partiels en particulier, ces femmes de ménage, par exemple, qui font 15 heures par semaine, eh bien jusqu’à présent, elles n’avaient pas de quoi, avec 15 heures par semaine, cotiser, valider un trimestre pour leur retraite. Désormais, en abaissant le seuil nécessaire, nous leur permettons de le faire. En leur permettant de reporter le surplus d’heures qu’elles auraient fait, d’un trimestre sur l’autre, quand tout cela est inégal, nous leur permettons de lisser leur carrière et d'avoir une meilleure retraite. Je pense à d’autres sujets, comme, pour rester un instant sur les femmes, les congés maternité, jusqu’à présent, seule une infime partie des congés maternité des femmes, était prise en compte dans le calcul de la pension de retraite. Eh bien désormais, pour les femmes en particulier qui ont des carrières longues et qui partent à 60 ans, c'est tous leurs congés maternité. Pour les autres, qui ont eu des carrières moins longues, eh bien un grand nombre de ces congés maternité seront pris en considération. Je ne parle même pas des jeunes, dont vous savez que désormais, les apprentis ou ceux qui sont en alternance, se verront comptabiliser tous ces trimestres, comme des droits pour la retraite.
ROLAND SICARD
Une question à la ministre des droits des femmes. On apprend ce matin qu’il y a simplement deux femmes au Panthéon. Est-ce qu’il faut changer ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr qu’il faut changer ça, et nombreux sont les noms qui vous viennent naturellement à l’esprit, lorsque vous voulez rééquilibrer les choses. Le président de la République…
ROLAND SICARD
Lesquels, par exemple ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh, vous savez, moi je suis ministre des Droits des femmes, je ne veux pas restreindre la liste des possibles. Je peux vous dire que, vous savez, il y a 73 personnes au Panthéon aujourd'hui, 73 hommes, on pourrait en trouver autant, de femmes, à proposer pour les panthéoniser. Moi, ce que j’ai suggéré au président de la République, c'est qu’il puisse en panthéoniser plusieurs, pendant le quinquennat, plusieurs femmes. Je crois que les noms, on les a sous la main, je sais quelles sont les campagnes qui sont menées en ce moment, évidemment Olympe de GOUGES, Louise MICHEL, Germaine TILLION, mais tellement d’autres aussi, seraient tout à fait légitimes à être panthéonisées.
ROLAND SICARD
Merci.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 août 2013