Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à I-Télé le 3 septembre 2013, sur la position de la France dans le conflit armé en Syrie et la rentrée scolaire.

Prononcé le

Média : Itélé

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Cette première question évidemment en écho à la une du Figaro, Bachar El-ASSAD qui menace la France ; est-ce qu’il faut prendre ces menaces au sérieux selon vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, Bachar El-ASSAD fait ce que fait un dictateur, un dictateur fou sans doute et c’est l’intérêt de cette interview que de montrer son raisonnement fou. C’est-à-dire qu’il se sait acculé et il menace. Il n’a d’autre réponse que la menace, la négation de ce qui s’est passé, cette façon d’instiller le doute et la terreur, ça n’est pas très étonnant et nous, lorsque nous lisons cette interview, je crois que nous devons garde à l’esprit les visages des adultes, des enfants que nous avons retrouvés le visage bleu lors de l’attaque du 21 août dernier. Cette insupportable attaque chimique et la Communauté internationale, je le redis, ne peux pas rester indifférente face à ce type d’agression.
CHRISTOPHE BARBIER
Néanmoins il dit, attention, la France est en train de devenir un subalterne des Américains, ce n’est pas faux, on attend le Congrès, on attend OBAMA.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne crois pas qu’il relève de Bachar El-ASSAD que de nous donner des leçons, des leçons d’interventions quelles qu’elles soient d’ailleurs, militaires ou autres. La réalité c’est que Bachar El-ASSAD aujourd'hui semble à bout, c’est un homme qui sait que son crime ne restera pas impuni et il ne devra pas rester impuni, c’est une question encore une fois d’humanité pour la Communauté internationale, c’est une question aussi de violation de multiple traités et donc Bachar El-ASSAD je vous dis, n’a pas d’autre réponse que celle qu’il nous livre dans cet entretien.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous évoquiez tout à l’heure les massacres du 21 août, Jean-Marc AYRAULT a présenté hier des preuves d’usage de ces armes chimiques, c’est insuffisant dit par exemple Jean-Louis BORLOO, on n’a pas la preuve que ces obus ont été envoyés par le régime. C’est un peu court et il s’inquiète du temps que demande l’ONU pour expertiser ces preuves.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord c'est utile que l’ONU puisse expertiser ces preuves et d’ailleurs nous avons toujours réclamé depuis le début, je vous renvoie aux propos du président HOLLANDE, que l’ONU puisse dépêcher des experts pour le faire. Ensuite la France a réalisé un exercice inédit hier en rendant public dans la plus grande transparence, les documents de la DGSE, les documents de la Défense qui démontrent qu’en réalité le régime syrien est à l’initiative et responsable, pas seulement d’une attaque chimique mais de trois attaques chimiques contre son propre peuple. Les hostilités n’ont que trop duré d’une certaine façon, n’oubliez pas que c'est plus de 100.000 personnes qui ont péri depuis le début…
CHRISTOPHE BARBIER
Dans ce cas-là il faut renverser Bachar, il faut aller plus loin que des simples frappes, il faut une opération du type…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le rôle de la France et le rôle de la Communauté internationale, ça n’est pas de renverser Bachar El-ASSAD, ça n’est pas même de libérer le peuple syrien, c’est de sanctionner, de sanctionner de façon ferme et proportionnée à la fois cet acte d’une violence inouïe et de faire en sorte que ça ne puisse plus se reproduire.
CHRISTOPHE BARBIER
Demain il y aura débat au Parlement français, au Sénat comme à l’Assemblée, mais il n’y aura pas de vote. En revanche, une fois passé le vote du congrès américain, une fois qu’on y verra plus clair, est-ce qu’il ne devrait pas y avoir de nouveau un débat mais avec vote au Parlement pour solidifier le socle du président ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, la Constitution est très claire sur ce sujet, à partir du moment où le président décide d’engager ses troupes dans une intervention extérieure, alors il a jusqu’au, au plus tard quatre jours plus tard pour en informer le Parlement, puis si l’intervention venait à durer, quelques mois plus tard a lieu un débat avec vote.
CHRISTOPHE BARBIER
Rien n’empêche de demander un vote très tôt comme MITTERRAND en 91.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr que rien n’empêche, rien, simplement vous savez, au fond ça n’est pas très original de voir l’opposition actuelle réclamer d’avoir plus de pouvoir dans la prise de décision concernant cette intervention. Autrefois peut-être lorsque nous étions dans l’opposition, nous avons pu nous aussi, réclamer des votes, en revanche…
CHRISTOPHE BARBIER
Et il n’y a pas que l’opposition, il y a les Verts, vos partenaires.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En revanche, en revanche il y a une chose qui doit rester immuable, ce sont les règles qui s’appliquent et donc, la Constitution qui garantit l’application de ces règles et la Constitution est très claire sur ce sujet, celui qui est chef des armées c’est le président de la République, c’est à lui de prendre la décision et donc s’il en vient de décider de procéder à un vote, il le fera, mais personne ne peut le lui imposer.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous réunissez le 12 septembre, l’Union pour la Méditerranée qu’on croyait oubliée pour la cause des femmes. Il y aura à Paris le 11 et le 12 septembre, des ministres du pourtour de la Méditerranée. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux annuler alors qu’il y a des bruits de bottes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Au contraire, moi je crois que dans un contexte comme celui-là, c’est assez extraordinaire que de réussir à réunir des ministres de tous les pays de l’Union pour la Méditerranée, des 43 pays qui la composent, des ministres autour de ce sujet fondamental qui est le rôle et la place des femmes dans les sociétés. Vous savez que ces femmes ont joué un rôle majeur dans les révolutions, dans les printemps arabes…
CHRISTOPHE BARBIER
Et ça peut aider pour la paix ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
… et qu’on ne les retrouve pas nécessairement dans les transitions politiques qui ont lieu, qu’on ne les retrouve pas nécessairement aux commandes et qu’elles sont même victimes, comme on l’a vu par exemple en Egypte, sur la place Tahrir, de violences redoublées de violences sexuelles et donc il est important que dans ce cadre partagé qu’est l’Euroméditerranée, nous puissions nous fixer un socle commun de valeurs et d’objectifs d’égalité et de droits des femmes.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que le gouvernement a des nouvelles des deux journalistes français retenus en otage en Syrie et est-ce que la tension actuelle, l’attitude de la France ne va pas mettre leur vie en péril ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sur ce sujet vous comprendrez que je fasse preuve de la plus grande discrétion, c'est dans l’intérêt des journalistes en question, mais bien entendu que tous les services de l’Etat sont mobilisés pour suivre leur situation.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors c’est la rentrée scolaire aussi ce matin pour des millions et des millions d’enfants, la semaine de quatre jours et demi a eu peu de succès dans les villes, 25% seulement des élèves sont concernés, est-ce que ce n’est pas dangereux de bouleverser comme ça la vie des familles à quelques mois des échéances municipales ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
25% des enfants ça veut dire plus d’un million et demi d’enfants, je ne sais si tout le monde prend conscience de l’ampleur de cette réforme déjà en 2013 qui va ensuite être généralisée en 2014, c'est dans un an seulement. Vous savez nous poursuivions un objectif simple : avoir des journées moins longues et avoir du temps meilleur pour les enfants. C'est-à-dire à la fois du temps pour apprendre, mais aussi du temps pour avoir des activités périscolaires, pour s’épanouir davantage à l’école qu’on ne le faisait jusqu’à présent.
CHRISTOPHE BARBIER
Et ça, ça coûte cher aux communes quand même.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cela coûte de l’argent, on ne va pas le nier, en même temps le gouvernement a pris la décision de contribuer à l’effort de communes notamment grâce à un fonds d’amorçage qui revient à aider en gros chaque enfant de l’ordre de 50 euros et pour les communes les plus en difficulté on y ajoute 40 euros, donc en gros 90 euros pour les communes qui en ont le plus besoin par enfant. Cette décision qu’a prise le gouvernement il l’a prise pour faire en sorte que les choses se déroulent au mieux sur l’ensemble du territoire et qu’on garantisse l’égalité devant l’accès à des activités périscolaires de qualité.
CHRISTOPHE BARBIER
Un professeur s’est suicidé à Marseille ce week-end, entre autre parce que le niveau des élèves est de plus en plus problématique, disait-il. Est-ce que ça ne vous inquiète pas cette baisse du niveau ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord on ne peut être qu’accablé par une nouvelle comme celle-là et moi je pense à sa famille. Pour ce qui est du niveau de l’éducation française, incontestablement dans les classements PISA, les classements internationaux de ces dernières années, nous n’avons pas eu de bonnes performances l’Education nationale française et c’est précisément ce qui appelait une réforme de fond et une réforme notamment des rythmes scolaires car la façon dont vos journées sont construites a évidemment des conséquences sur la qualité de vos apprentissages et des fondamentaux qu’on vous inculque.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors les Internautes peuvent vous interroger sur le porte-parolat numérique du gouvernement, mais #TeamToussaint s’est substitué au porte-parolat et on vous pose une question.
BRUCE TOUSSAINT
Absolument, vous avez évoqué avec Christophe BARBIER donc la situation de la Syrie mais aussi la rentrée scolaire, une question n’est pas forcément d’une actualité brûlante, mais dans quelques mois il y aura les Jeux Olympiques de Sotchi et Greg vous pose directement une question, regardez, est-ce que vous comptez vous déplacer à ce JO de Sotchi et plus généralement, est-ce que vous condamnez les lois répressives anti gays en Russie ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non je ne comptais pas particulièrement m’y déplacer, en revanche ce dont je peux vous assurer c’est que le gouvernement français a une position ferme sur ce sujet qui a été rappelée aux autorités russes à de multiples reprises à la fois par le président HOLLANDE mais aussi par ma collègue Valérie FOURNEYRON qui cet été a eu l’occasion de se déplacer en Russie elle. Et cette position ferme c’est que, vous savez les droits des individus ne peuvent pas être contingentés par leur orientation sexuelle. Or ce qui se passe en Russie c’est bien cela, ce sont des lois discriminatoires extrêmement violentes et qu’il nous faut combattre par tous les moyens oui.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 septembre 2013