Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à RMC le 4 septembre 2013, sur la position de la France dans le conflit armé en Syrie et la situation économique et sociale.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Première question toute simple sur la Syrie : est-ce que François HOLLANDE est toujours déterminé à frapper militairement le régime syrien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
François HOLLANDE est déterminé, en effet, à apporter une riposte la plus appropriée possible à l’insupportable agression chimique du régime syrien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La riposte n’est que militaire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non. La nature de la riposte peut être différente. Aujourd'hui François HOLLANDE s’évertue à créer les conditions d’une coalition la plus large possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Coalition militaire et diplomatique.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’une coalition militaire dans un premier temps et puis nous verrons sir cette coalition militaire ne pouvait pas se faire, car la France n’interviendra pas seule, mais en même temps nous sommes pour l’instant dans une démarche pro-active. Barack OBAMA lui-même en parallèle l’est, qui est en train de convaincre les Républicains et toutes les composantes de son pays pour faire en sorte que les États-Unis puissent y aller aussi. Je crois que la situation appelle une intervention rapide.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une intervention militaire rapide.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L’intervention militaire dès lors qu’il y a coalition…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu’il y a une autre solution que la solution militaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dès lors qu’il y a coalition, c'est-à-dire dès lors que plusieurs États y vont ensemble, je pense que l’intervention militaire est la plus adaptée mais s’il n’y avait pas coalition, alors il faudrait réfléchir à d’autres moyens. Cela étant, nous pouvons déjà avoir le soutien pas simplement des États-Unis, en cours de discussion, mais aussi de la ligue arabe, de pays comme la Turquie, de pays comme l’Australie. Il y a un certain nombre de pays qui se sont dits prêts à intervenir, y compris militairement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les notes et vidéos des services secrets français prouvent que Bachar el-ASSAD utilise des armes chimiques contre son peuple ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les notes des services secrets ont été rendues publiques. D’ailleurs, je crois qu’il faut quand même saluer cet effort de transparence de la part du gouvernement. Ce sont des éléments qui démontrent absolument…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des preuves ou des éléments ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sont des preuves, des éléments de preuves, qui démontrent sans le moindre doute, sans la moindre ambigüité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n’avez pas le moindre doute.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui démontrent sans la moindre ambigüité plusieurs choses. 1/ Qu’il y a eu usage de gaz sarin. 2/ Que cet usage a été le fait du régime syrien parce que, vous pouvez vous plonger dans les documents de la DGSE pour en prendre connaissance, de là où le gaz a été tiré, compte tenu du quartier qu’on a cherché à toucher avec ce gaz, on voit bien que ce sont les rebelles qui étaient visés, que c’est la population, d’ailleurs de façon totalement indifférenciée, c'est-à-dire pas simplement des combattants mais aussi des femmes, des vieillards, des enfants qui étaient visés. C’est donc un acte commis par le régime syrien, un acte que Ban KI-MOON a qualifié de crime contre l’humanité à raison. Vous savez que l’utilisation de ces gaz, les armes chimiques, sont aujourd'hui interdites depuis 1925 par une convention signée unanimement dans le monde, et donc nous devons la faire respecter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous repose la question. Est-ce que pour le président de la République, pour le gouvernement, les preuves sont irréfutables ? les preuves sont là ? Est-ce qu’elles sont là les preuves suffisantes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il n’y a pour le président de la République et pour le gouvernement aucun doute sur le fait que Bachar el-ASSAD est responsable de cette attaque chimique contre son propre peuple, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J’ai une autre question subsidiaire. D’abord, où en sont les travaux des inspecteurs de l’ONU ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ils sont en cours comme vous le savez. Simplement, il faut avoir une chose à l’esprit. C’est que ce qui est attendu des experts de l’ONU, c’est qu’ils démontrent qu’utilisation de gaz sarin il y a eu. Ils ne sont pas là pour dire la responsabilité du régime.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a tiré.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, qui a tiré. Et donc ce que nous allons avoir avec les résultats des experts de l’ONU, c’est simplement la confirmation de ce que nous savons déjà. Jean-Jacques BOURDIN, je vous rappelle que la France avait d’ores et déjà, grâce au travail d’ailleurs de quelques journalistes du Monde, identifié, récupéré des fioles de gaz qui avait été utilisé une précédente fois, qu’elle avait fait analyser et donc la France avait déjà la conviction que du gaz était utilisé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand rendront-ils leurs conclusions, ces inspecteurs de l’ONU, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est une question de jours. C’est une question de jours mais encore une fois, c'est à la fois important que cette expertise existe et nous l’avons demandée. Nous avons été les premiers en France à la demander. D’ailleurs Bachar el-ASSAD, pendant très longtemps, s’y est opposé et donc il a retardé les opérations d’expertise, ce qui est aussi un élément dans le faisceau d’indices de preuves de sa responsabilité en la matière. En même temps, je vous dis ce que les inspecteurs vont établir : c’est l’utilisation de gaz sarin, chose que nous savons déjà. Ils ne se prononceront non pas eux sur la responsabilité, ils n’apporteront donc pas d’éléments nouveaux en réalité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Najat VALLAUD-BELKACEM, on a besoin de comprendre parce que j’ai écouté attentivement le président de la République qui a parlé à plusieurs reprises de “punir Bachar el-ASSAD”. Mais comment peut-on punir Bachar el-ASSAD sans vouloir l’obliger à quitter la présidence ? à quitter le pouvoir ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je me disais tout à l'heure, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale les pays, les États se sont entendus sur la nécessité de mettre un terme à une pratique barbare qui était l’utilisation de gaz. On l’a connue, y compris en France, dans les guerres. Cette convention a été signée, d’ailleurs elle a été signée en France. Notre pays est dépositaire de la convention interdisant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. La Syrie ne l’a pas signée.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Si. La Syrie l’a signée précisément. La Syrie l’a signée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Syrie a signé ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr. La Syrie est signataire de cette convention interdisant les armes chimiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Syrie est signataire. Alors justement, justement…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Simplement pour répondre à votre question, de quoi s’agit-il aujourd'hui quand on dit “punir” ? Il s’agit de faire appliquer cette convention. Elle a été violée par un pays qui en était signataire comme tous les pays du monde, donc nous devons sanctionner cette violation pour dissuader la Syrie elle-même, mais aussi d’autres pays, voire d’autres groupes, de réutiliser ces armes chimiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je ne comprends pas. Dissuader, vous ne pouvez pas dissuader un homme qui aurait utilisé cette arme chimique. Vous êtes obligé de le destituer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous pouvez le dissuader en lui démontrant qu’il n’y a pas d’impunité. Mais vous savez, mettez-vous à l’échelle d’un individu pour que ce soit encore plus clair. Lorsqu’un individu commet une faute, lorsqu’il vole dans un magasin, soit la sanction soit elle ne tombe pas. La pire des situations est que la sanction ne tombe pas car le sentiment d’impunité l’incite alors à reproduire son acte, et donc à voler une deuxième ou troisième fois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc Bachar el-ASSAD, on le pousse à quitter le pouvoir ; on l’oblige à quitter le pouvoir.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sont des coups de semonce que nous tirons en quelque sorte avec cette riposte qui vise à la fois à envoyer un signal clair de “plus jamais ça”, voilà, “plus jamais ça”. Puisque vous avez utilisé les gaz chimiques, vous avez une sanction qui tombe j’allais dire quasiment automatiquement. Mais en même temps, c’est vrai et je réponds à votre question, que cette intervention a aussi pour but d’enrayer la mécanique infernale de la violence en Syrie et de l’escalade de violence à laquelle se livre le régime syrien. De l’enrayer, pour quoi faire ? Pour précisément permettre au dialogue politique de reprendre dans de bonnes conditions. Vous savez que la France, depuis maintenant quasiment deux ans, est engagée dans le soutien au dialogue politique en Syrie. Nous avons été les premiers, François HOLLANDE a été le premier, à reconnaître l’existence de la coalition nationale syrienne qui s’oppose au régime syrien pour faire en sorte que puisse s’engager ce dialogue dont on a besoin pour la suite des événements. Aujourd'hui, ce dialogue est interrompu parce que les forces en présence sont trop déséquilibrées. Pour les rééquilibrer, nous intervenons pour mettre un coup d’arrêt à l’escalade meurtrière de Bachar el-ASSAD et nous souhaitons ensuite que le dialogue politique reprenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Najat VALLAUD-BELKACEM, nous sommes en Europe ? Est-ce que nous sommes en Europe ? Je plaisante quand je dis cela, évidemment je suis ironique. Parce que je ne vois pas l’Europe dans cette affaire, aucune Europe diplomatique. Rien ! Nous sommes à la pointe dans cette affaire syrienne et l’Europe ne dit rien. Est-ce qu’on doit s’attendre à un engagement européen commun ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne peux qu’aller dans votre sens lorsque vous dites qu’on pourrait attendre de l’Europe qu’elle ait une parole commune.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Est-ce qu’on doit avoir une initiative ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aujourd'hui l’Europe de la défense, disons les choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est inexistante.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Elle n’est pas au niveau auquel on pourrait prétendre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais bien qu’en Allemagne, il y a des élections prochaines…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Indéniablement, indéniablement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Madame MERKEL ne dit rien sur la Syrie, pratiquement rien. Vous le déplorez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il va y avoir, comme vous le savez, la rencontre du G20 demain et le président de la République aura l’occasion d’échanger avec ses homologues européens de façon un peu privilégiée, même si le G20 porte sur des sujets économiques, mais malgré tout il sera question de la Syrie dans les rencontres bilatérales, et les Européens auront un échange à ce moment-là. Cela étant, il y a eu des échanges entre notre pays et la Grande-Bretagne par exemple avec David CAMERON qui était très proactif aussi sur ce sujet de l’intervention en Syrie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est éteint à la Chambre des communes.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Peut-être momentanément.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peut-être momentanément ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous verrons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Bon, nous verrons. Najat VALLAUD-BELKACEM, parlons des heures supplémentaires défiscalisées parce que j’entends tout et peut-être n’importe quoi sur cette affaire. J’entends des députés socialistes qui disent qu’il faut rouvrir le dossier. J’entends le gouvernement à Bercy qui dit : “Non, non ! Ce n’est pas vrai”. Alors, est-ce que vous confirmez qu’il n’y aura pas de retour en arrière ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous confirme que dans cette période où l’objectif prioritaire du gouvernement est d’inverser la courbe, d’inverser la courbe du chômage c'est-à-dire de mettre davantage de chômeurs en activité, la défiscalisation des heures supplémentaires est une mesure qui ne va pas dans le bon sens et c’est la raison pour laquelle nous y avions mis un terme. Nous n’avons aucune raison aujourd'hui de nous reposer la question. En revanche peut se poser une question de pouvoir d’achat des bas salaires que l’on peut résoudre autrement. Mais réduire les cotisations des employeurs sur le temps supplémentaire effectué par des salariés déjà en activité, c’est les désinciter à embaucher de nouveaux salariés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le confirmez bien : aucune heure supplémentaire ne sera défiscalisée.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà ! Je confirme que nous n’allons pas revenir sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même envisager une franchise des impôts de mille à mille cinq cents euros pour les salariés qui feraient des heures supplémentaires dans les PME ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Puis-je me permettre de rappeler une chose en parlant de cela ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que cette information circule, vous le savez bien !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a une chose, me semble-t-il, qui n’est pas suffisamment rappelée. C’est que les heures supplémentaires continuent d’être payées par ailleurs vingt-cinq pourcents de plus que le salaire normal et que les heures normales. On est quand même, quand on fait des heures supplémentaires, récompensé d’une certaine façon du travail supplémentaire qui est fourni.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites fermement non.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n’y aura pas de retour en arrière.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il n’y aura pas de retour en arrière pour les raisons que j’ai invoquées. La lutte contre le chômage est notre priorité et d’ailleurs, lutter contre le chômage c'est aussi se poser une question de pouvoir d’achat parce que les chômeurs que vous remettez en activité, vous leur offrez nécessairement du pouvoir d’achat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Najat VALLAUD-BELKACEM, vous n’avez pas été frappée par ce chiffre ? Quatre-vingt-quatre impôts, taxes nouvelles crées et par Nicolas SARKOZY et par François HOLLANDE en deux ans. Vous avez vu ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci de préciser : “Et par Nicolas SARKOZY et par François HOLLANDE”.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais parce que c’est la vérité, je le précise.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est très bien. C’est très bien parce que parfois les choses sont présentées de façon, disons, plus schématique. La moitié ont été créés par Nicolas SARKOZY.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui. Vous êtes à égalité pour l’instant mais enfin, François HOLLANDE va prendre l’avantage à partir de janvier.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qu’on se comprenne bien, je ne suis pas ici pour nier que nous avons levé des impôts depuis que nous sommes là. Mais pourquoi est-ce que nous avons levé ces impôts ? Nous sommes arrivés avec un déficit public qui avait été considérablement creusé par dix ans de droite. Nous sommes arrivés avec la nécessité de remettre au coeur de l’action publique des priorités qui avaient été complètement abandonnées ces dernières années. Je pense par exemple au financement de l’éducation nationale ou de la justice, ou de la sécurité. Alors comment fait-on lorsqu’on a à la fois le souci de redresser les comptes publics et de financer les politiques publiques ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
On lève des impôts.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On cherche des recettes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On fait payer les entreprises et les ménages.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà. Ces recettes, on les trouve dans trois choses. En effet, les prélèvements obligatoires auprès des entreprises et des ménages, et donc ces prélèvements obligatoires nous y avons eu recours mais de façon juste. C'est la différence avec les fameux impôts levés par Nicolas SARKOZY puisque pour l’essentiel, même si d’autres ont été touchés, mais pour l’essentiel ce sont quand même les plus grandes entreprises et ce sont les ménages les plus aisés à qui il a été demandé des efforts. Troisième moyen de récupérer des recettes : faire des économies et moi j’insiste sur les économies que les pouvoirs publics font aujourd'hui. C’est la première fois que dans un budget, le budget 2014, l’État va avoir un milliard et demi d’euros de réduction de ses dépenses. C'est inédit de présenter ça sous la Vème République. Donc oui, des efforts ont été demandés, une pause a été annoncée par le président de la République en termes de prélèvements obligatoires, ils auront été utiles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On en aura encore quelques-uns quand même malgré tout. La TVA qui va augmenter en janvier par exemple.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr, mais en même temps, si vous le permettez Jean-Jacques BOURDIN, d’abord on sait pourquoi la TVA augmente en janvier. Pourquoi est-ce qu’elle augmente ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
On sait !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, non ! parce que le problème, c'est qu’il faut prendre l’ensemble du spectre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais vous prenez toujours l’ensemble, Najat VALLAUD-BELKACEM, mais nous on voit à la fin du mois l’ensemble aussi !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’accord. Elle augmente notamment pour financer le fameux crédit d’impôt compétitivité emploi que nous avons mis à disposition des entreprises, dont je rappelle que c’est une réduction de charges de six pourcents sur les salaires qui vont jusqu’à 2,5 SMIC. C'est-à-dire qu’en gros, c’est une centaine d’euros de moins par mois que l’entreprise doit payer sur les salaires concernés. C’est vraiment une mesure destinée à favoriser la compétitivité des entreprises et à leur permettre d’embaucher davantage. Voilà, donc c’est un ensemble.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que d’autres charges des entreprises, payées par les entreprises vont être transférées ? Je pense aux charges familiales. Est-ce que ça va être transféré ? Apparemment oui, la décision est prise. Vers quoi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je confirme que la décision est prise en effet de continuer à favoriser la compétitivité des entreprises en réduisant le coût du travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vers quoi ? Vers la CSG ? Qui va payer si l’entreprise ne paye pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cet arbitrage-là n’est pas rendu pour le moment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! C’est le mot “arbitrage” !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il le sera à la fin du mois de septembre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y avait longtemps que je ne l’avais pas entendu celui-là ! Tiens ! L’arbitrage, le fameux arbitrage !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous voulez que je vous le formule autrement ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous fais sourire, vous-même vous en souriez. Cet élément de langage me fait sourire à chaque fois. Donc l’arbitrage n’est pas rendu, mais il va être rendu.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, les ménages, les Françaises et les Français qui vous écoutent comprennent très bien ce qu’est un arbitrage lorsqu’ils doivent choisir entre deux choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La CSG va augmenter obligatoirement.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, pas nécessairement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas nécessairement ? Vous avez une autre solution ? Laquelle ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pas nécessairement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quelle autre solution, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Quand je vous dis que les arbitrages ne sont pas rendus, c'est que dans la mesure du possible nous chercherons à ne pas augmenter la CSG.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Vous allez chercher.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais nous allons faire en sorte que ce soit le budget de l’État qui couvre désormais ces réductions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces transferts de charges.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, ces transferts de charges.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est le budget de l’État.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça n’est pas une annonce que je vous fais. Je vous dis que dans les arbitrages…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les économies que l’État va faire serviront à financer cela ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tout cela est en discussion. Pour l’instant, aucune décision n’est prise. Je vous donne rendez-vous à la fin du mois de septembre mais retenez l’essentiel, à savoir que nous souhaitons réduire plus encore que nous ne l’avons déjà fait le coût du travail pour les entreprises, et donc ce transfert de cotisations familiales servira.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les chefs d’entreprise seront contents parce qu’ils n’en peuvent plus. Ils n’en peuvent plus ! Bien, Najat VALLAUD-BELKACEM, quelques précisions sur les recettes parce que je n’ai pas très bien compris. Donc les pensions, si j’ai bien compris – on a été les premiers à parler de ça – le niveau des pensions et des basses pensions sera indexé le 1er avril.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors lesquelles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le minimum vieillesse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Combien c’est le minimum vieillesse,
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous voulez dire ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien c’est ? C’est quoi le minimum vieillesse ? Combien est le montant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Combien de personnes est-ce que cela touche ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, le montant. Six cent mille personnes, mais le montant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le montant c'est quelques centaines d’euros. Ce n’est pas très élevé. C’est sept cents…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sept cent quatre-vingt-sept euros.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c’est ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que celui qui a neuf cents euros de pension, qu’est-ce qui lui arrive ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non mais attendez. Il faut bien avoir à l’esprit une chose, c'est que dans la réforme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera revalorisé le 1er avril ou le 1er octobre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ceux qui ne sont pas au minimum vieillesse seront revalorisés au 1er octobre, en effet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les petites pensions vont trinquer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Là encore, attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les petites retraites vont trinquer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Jean-Jacques BOURDIN, gardez à l’esprit que dans la réforme des retraites il a été prévu d’augmenter le minimum contributif. Ça veut dire que ceux qui n’atteignent pas les mille deux cents euros de retraite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mille deux cent cinquante, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mille deux cent cinquante euros de retraite contre mille vingt-huit auparavant - c’est ça ce que je change la réforme – vont se voir donner un coup de pouce pour atteindre ce seuil de mille deux cent cinquante euros. Donc quand on parle du minimum vieillesse, c’est autre chose. Le minimum vieillesse, ce sont les personnes qui n’ont pas pu cotiser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je touche neuf cents euros de retraite, je suis revalorisé chaque année le 1er avril, je serai revalorisé le 1er octobre, c'est-à-dire que je perds six mois de pouvoir d’achat. On est d’accord ? on est d’accord ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, sur la première année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d’accord. Il faut assumer, il faut assumer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut assumer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Juste une chose parce que présenté comme ça, j’allais dire que c'est un peu facile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas un peu facile : c’est la réalité.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, attendez. Quelles étaient les options qui se présentaient au gouvernement au moment de mener cette réforme des retraites ? C’était, on l’a entendu dire, l’allongement de l’âge légal, c’était la désindexation des pensions de retraite, donc les retraités auraient pu perdre carrément du pouvoir d’achat. Nous avons fait des choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La désindexation sur les retraites complémentaires, elle existe déjà.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sur les retraites complémentaires ? C'est la responsabilité des partenaires sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, on est d’accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ils ont pris cette décision, c’est plutôt raisonnable d’ailleurs de leur part d’avoir décidé de cela, mais nous avons fait des choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors assumez-les ! Très bien ! Un effort aussi aux petits retraités !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et nous ne nions pas que nous demandons aux salariés, aux employeurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aux salariés, aux employeurs et aux petits retraités.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et dans une moindre mesure aux retraités de contribuer, mais dans une vraiment moindre mesure par rapport à ce qui aurait été préparé par d’autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors deux questions sur les retraites ; une question sur les retraites et une question sur les droits des femmes parce que vous êtes aussi ministre des Droits des femmes, Najat VALLAUD-BELKACEM. Est-ce que les entreprises financeront bien le compte pénibilité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Les entreprises seront amenées à financer le compte pénibilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n’y aura pas de compensation ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, c’est vraiment – pardon de réutiliser ce terme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les arbitrages ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que vous trouvez barbare d’arbitrage, mais ce sont des choses qui seront précisées dans le projet de loi réforme des retraites qui sera présenté, et puis dans le PLF.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable, vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi je suis favorable à ce que ce compte pénibilité existe et avant de, j’allais dire, chercher polémique rappelons-nous que c’est quand même un formidable progrès social qui est offert aux Français. Le compte pénibilité, ça va concerner un salarié sur cinq en France et ça va permettre d’individualiser finalement la pension de retraite en prenant en considération la vraie vie active de l’individu et la pénibilité de son métier quand il a eu à porter des charges lourdes, à travailler la nuit, et cætera. Ça n’est pas pareil d’être ouvrier que d’être cadre dans notre pays face à l’espérance de vie. C’est une évidence, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes ministre des Droits des femmes. La parité salariale, l’égalité salariale entre hommes et femmes : deux entreprises ont écopé en avril de sanctions financières. Où en est-on ? Est-ce que d’autres entreprises ont été sanctionnées ou vont l’être ? Où en est-on ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous avons depuis en particulier le mois de janvier 2013, largement augmenté notre vigilance et notre politique de contrôle sur les entreprises en matière d’égalité professionnelle pour une raison simple. C'est que depuis trente ans, on a des textes de loi disant : “Les entreprises doivent respecter cette égalité professionnelle, adopter des plans d’action”, mais aucun contrôle et du coup aucune sanction alors même que la loi de 2010 prévoyait des sanctions jusqu’à un pourcent de la masse salariale des entreprises pour celles qui ne jouaient pas le jeu. Donc moi, j’ai fait en sorte de mettre en place des procédures de contrôle, de faire en sorte que les inspecteurs du travail puissent réellement à ces investigations et nous sommes aujourd'hui à quatre entreprises qui ont été sanctionnées financièrement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quatre.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Quatre entreprises. Quand on dit : “sanctionnées financièrement”, c’est assez lourd parce que ça veut dire plusieurs milliers d’euros à verser chaque mois jusqu’au moment où elles se mettent en conformité avec la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de contrôles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a quatre cents entreprises qui ont été mises en demeure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quatre cents mises en demeure.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà. Ça veut dire que vous avez six mois pour vous mettre en conformité et si rien ne change, la sanction tombe. Et puis surtout, je pense que c’est le chiffre le plus intéressant à retenir, depuis que nous avons mis en place cette procédure nouvelle, ce sont deux mille sept cents plans d’égalité qui nous ont été envoyés par les entreprises, qui ont compris que le couperet désormais tombe. Je crois que nous arrivons à atteindre nos objectifs. Nous allons continuer et la loi que je présenterai d’ailleurs à partir du 16 septembre au sénat sur l’égalité entre les femmes et les hommes va introduire de nouvelles mesures, notamment empêchant les entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle de sous-missionner à des marchés publics.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Ça, c’est intéressant.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce qui va être une mesure particulièrement dissuasive me semble-t-il.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d’égalité salariale dans l’entreprise, pas de marché public.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, exactement. Pas de démarche en faveur de l’égalité professionnelle, pas de marché public et ça, je crois que ça devrait avoir son effet.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 septembre 2013