Conférence de presse de M. Jean-Yves le Drian, ministre de la défense, sur les défis et les priorités de la politique de défense, à Paris le 3 octobre 2013.

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Mesdames et Messieurs,
En cette rentrée, je tenais à faire le point avec vous sur les grands chantiers qui mobilisent le ministère de la défense, outre les activités opérationnelles proprement dites. Bien sûr, si vous le souhaitez, je répondrai tout à l’heure à deux ou trois questions sur le contexte international, mais l’objet de cette conférence de presse est bien d’évoquer la rentrée du ministère, qui est elle-même très chargée, autour de la préparation de l’année 2014 : loi de programmation militaire et budget 2014, restructurations et réforme de l’organisation de certaines fonctions clé du ministère de la Défense.
Avec le nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, et maintenant le projet de loi de programmation militaire, dont l’examen au Parlement a commencé, 2013 est une année décisive pour le renouvellement de notre politique de défense.
Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, le Président de la République a fait le double choix de notre autonomie stratégique et de notre souveraineté budgétaire, car l’une ne va pas sans l’autre. Le Livre blanc de 2013 a résolu cette équation. Il l’a fait en n’éludant aucune menace. Nous aurions pu faire des économies faciles, en fermant les yeux sur tout un pan de notre environnement stratégique. Mais ce n’était pas ma conception du travail de préparation de l’avenir que nous devions mener pour garantir la sécurité du pays et l’avenir de nos armées. Au contraire, nous nous sommes tenus à un principe de sincérité dans la description des menaces, comme dans la définition des moyens pour y faire face.
C’est le sens du projet de loi de programmation militaire. Le Président de la République a pris la décision de sanctuariser notre effort de défense. Avec le nouveau modèle d’armées et ce niveau de ressources, nous maintenons la France aux premiers rangs sur le plan stratégique.
Nous resterons en effet, n’en déplaise à certains « observateurs », l’un des rares pays dans le monde à pouvoir assurer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire avec ses deux composantes, et l’intervention sur des théâtres extérieurs, aussi bien pour des missions de gestion de crise que de guerre, tout en nous appuyant sur une industrie particulièrement performante. Dans cette perspective, la préparation opérationnelle et les programmes industriels sont également au coeur du projet de LPM, qui conforte ainsi notre autonomie stratégique.
En même temps qu’il préserve l’essentiel, ce projet de LPM prépare aussi l’avenir, en marquant un certain nombre de priorités, pour les études-amont et la recherche, pour de grands équipements d’avenir, mais aussi pour le renseignement et la cyberdéfense. Bien sûr, cette programmation pourra être difficile : loin de m’en cacher, je serai sur ce point particulièrement vigilant. Mais compte tenu du contexte, c’est un projet très équilibré, ambitieux et pragmatique à la fois, que je suis fier d’avoir porté d’ores et déjà devant les commissions compétentes du Parlement.
Aujourd’hui même, j’ai présenté au Sénat le budget de la mission « défense » dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2014. Ce budget, qui est le premier de la loi de programmation militaire, est en tout point conforme aux engagements du Président de la République. Je vais en commenter les points essentiels. Vous y trouverez la confirmation que la sincérité budgétaire est pour nous un objectif de très court terme. C’est aussi ce qui fait la solidité de cette programmation. Conformément au projet de LPM, le montant des ressources du ministère pour 2014 sera préservé au niveau de la loi de finances initiale de 2013. Au total, le budget de la mission « défense » s’élèvera donc à 31,4 Mds€. Pour rendre compatible ce maintien de notre effort de défense avec l’impératif du redressement des comptes publics, l’allocation de ressources exceptionnelles et la mise en oeuvre d’économies interviendront dès l’année prochaine. D’abord les ressources exceptionnelles. Conformément au projet de LPM, elles s’élèveront à 1,8 Md€. Ce 1,8 milliard a une triple origine, et vous retrouvez au passage l’exigence de transparence que j’ai souhaité avoir : premièrement, des crédits du nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA), pour 1,5 milliard ; deuxièmement, le produit de cessions d’emprises immobilières, pour 0,2 milliard ; troisièmement, d’autres ressources exceptionnelles pour 70 millions, dont des redevances versées au titre des cessions de fréquences hertziennes déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation.
Je précise que le 1,5 milliard du nouveau programme d’investissements d’avenir s’inscrit dans le montant global de 12 Mds€ annoncé par le Premier ministre en juillet 2013. Il financera des dépenses de la recherche spatiale et de dissuasion.Les économies, quant à elles, porteront d’une part sur le fonctionnement, d’autre part sur la masse salariale.
Sur le premier sujet, le ministère prévoit en PLF 2014 une baisse nette de ses dépenses de fonctionnement de l’ordre de 100 M€. Cette contribution représente environ 11% des 900 M€ d’économies sur le fonctionnement consenties par l’Etat. Conformément aux orientations de la LPM, ces économies permettent de marquer, en contrepartie, un certain nombre de priorités sur lesquelles je vais revenir dans un instant.
Economies sur le fonctionnement, économies aussi sur la masse salariale. Conformément au projet de LPM, la défense réduira donc ses effectifs de 7881 emplois en 2014. Dans un ministère qui a déjà connu, en particulier depuis 1996, plusieurs vagues de déflations, cette contribution en effectifs au rétablissement des comptes publics a un prix singulier. J’en prends toute la mesure. Au-delà d’un dispositif d’accompagnement social rénové, j’agirai donc selon ma méthode, en prenant le temps du dialogue, pour avancer point par point. Pour le dire autrement, ma méthode n’est pas celle des coupes aveugles et systématiques dans les effectifs. Sur ce sujet, je veux être très clair. Il revient au Gouvernement de faire des choix en matière de réductions d’effectifs. Ces choix, je les assume. Je les assume d’autant mieux que la Défense fait l’objet d’une priorité budgétaire qui n’a que peu d’équivalent. Je les assume d’autant mieux, aussi, que les déflations que nous allons entreprendre respectent strictement les nouveaux contrats opérationnels que je signerai avec les armées avant la fin de l’année : elles ne porteront donc pas atteinte aux capacités attendues de nos armées. Enfin, je rappelle mon engagement à préserver au maximum les forces opérationnelles, dans le mouvement de déflation, en faisant peser l’essentiel de l’effort sur l’administration et le soutien. C’est bien la capacité opérationnelle que le pays attend d’abord de son armée, - et de cela je suis le garant, sous l’autorité du Président de la République. Dès 2014, je tiendrai cet engagement puisque les forces ne sont concernées que pour un tiers des déflations que je viens d’évoquer. Malgré un contexte budgétaire très contraint, le PLF 2014 marque par ailleurs un certain nombre de priorités que je veux souligner.
D’abord, il permet à la Défense de rester l’un des premiers recruteurs de l’Etat, avec 17 000 recrutements militaires et civils en 2014, dont une proportion importante de jeunes peu ou pas qualifiés. Il prévoit également une augmentation des crédits d’équipement, qui passent de 16 M€ en LFI 2013 à 16,5 M€ pour 2014. Conformément aux orientations du livre blanc, cette re-dotation vise à assurer la modernisation des armées et le renouvellement de nos matériels.
Dans la même perspective, le ministère consacre un effort financier important à la préparation opérationnelle et l’activité des armées. Les crédits d’entretien programmé du matériel, qui en sont l’une des clés, passent ainsi de 2,9 Md€ à 3,1 Md€, soit un augmentation de 5,5%. C’est une mesure à laquelle je me suis personnellement attaché, car l’activité et l’entraînement sont la condition nécessaire pour pouvoir agir rapidement, chaque fois que les impératifs de notre sécurité nationale ou de nos responsabilités internationales le réclameront. Pour préparer l’avenir, le PLF 2014 prévoit un financement de la recherche-développement à hauteur de 3,6 Md€, dont près de 750 M€ pour les études amont. Ainsi, le ministère continuera de susciter et d’accompagner l’innovation industrielle et technologique. D’une façon générale, le budget pour 2014 permet de maintenir un niveau d’ambition élevé pour la Défense. Il permet en particulier la préservation du tissu industriel et de l’emploi.
Sur le plan de nos acquisitions d’armement, la LPM fixe le cadre des années à venir. Pour le mettre en oeuvre, nous devons mener des renégociations contractuelles avec nos grands maîtres d’oeuvre industriels. Car, si tous les grands programmes sont maintenus, il est indispensable d’en adapter les cadences et parfois les cibles, en cohérence avec les nouveaux contrats opérationnels retenus par le dernier Livre blanc. J’ai chargé le DGA de cette mission, et il me rend compte régulièrement de son avancement.
Je vois bien que les industriels font preuve de sens des responsabilités, car ils savent que cette LPM est une LPM d’équilibre, qui préserve notre potentiel industriel. Mon objectif est que, d’ici la fin de l’année, l’essentiel des dossiers aient été traités. Nous avons déjà trouvé un accord sur la révision des cadences NH90 et Barracuda. Pour le reste, nous avançons. L’année 2014 verra ainsi des avancées majeures en matière d’équipements. Seront commandés, parmi beaucoup d’autres, les avions ravitailleurs MRTT, il était temps, des drones MALE, il était temps aussi, les pods de désignation laser du Rafale, les véhicules du programme SCORPION, le quatrième sous-marin Barracuda… Et seront livrés aux Forces, notamment : le satellite franco-italien de télécommunications spatial SICRAL, 1 frégate FREMM, 4 hélicoptères Tigre, 7 hélicoptères NH90, 11 avions RAFALE, 4 avions A 400M désormais appelés ATLAS, 60 missiles de croisière navals MDCN, 77 véhicules VBCI...L’actualité immédiate de la défense, c’est d’ailleurs la cérémonie de livraison du premier A400M Atlas que j’ai présidée sur la base aérienne 123 d’Orléans, lundi dernier. A l’issue de la programmation militaire, ce sont quinze de ces transporteurs de nouvelle génération que comptera notre armée, dont quatre dès cette année. Vous le voyez, nos armées continuent à s’équiper des équipements les plus modernes, et ce dès l’année 2014. C’est la traduction de ma volonté, dans la LPM, de maintenir les grands programmes et d’en lancer près de vingt nouveaux. Je voudrais dire un mot des mesures de restructuration qui sont annoncées aujourd’hui. Si l’on tient compte, d’une part des 10 000 postes à supprimer qui nous viennent de la précédente LPM, dont près de 7 900 se feront donc en 2014, et d’autre part des 24 000 qui correspondent aux contrats opérationnels, en lien avec l’effort national de stabilisation des effectifs de l’Etat, on arrive aux 34 000 postes auxquels le ministère devra renoncer, entre 2014 et 2019.
Ces orientations, ainsi que les travaux de réorganisation que je vais évoquer dans un instant, appellent une évolution du plan de stationnement des armées. C’est le sens des mesures de restructurations, comportant des dissolutions, le transfert d’unités ou la rationalisation de fonctions, qui sont annoncées aujourd’hui pour ce qui concerne l’année 2014. Comme l’indique le document qui vous a été remis, elles concerneront principalement l’armée de terre et l’armée de l’air.
Là encore, je vous dis les choses comme je les pense. Je comprends la fatigue d’un certain nombre d’unités qui ont été restructurées, et encore restructurées. Comment ne pas les comprendre ? Mais il y a des nécessités devant lesquelles nous ne devons pas nous dérober. Oui c’est dur. Mais une fois que le constat est fait, nous devons aller de l’avant. J’observe d’ailleurs que de nombreux officiers généraux et supérieurs, ayant bien à l’esprit la situation du pays, se projettent dans l’avenir et contribuent à la construction de nouveaux modèles. Ils savent prendre en compte à la fois l’évolution des menaces sur notre sécurité et le niveau de contraintes financières que connaît le pays. C’est bien notre démarche. Ensuite, certains se sont émus du calendrier de publication de ces décisions. C’est à dessein que j’ai réservé la primeur des annonces aux premiers concernés, c’est-à-dire les personnels et les élus locaux – je vais y revenir. D’autres peuvent faire remarquer que je m’en tiens, aujourd’hui, aux restructurations de 2014. Là encore, je pense d’abord aux hommes et aux femmes concernés, aux territoires aussi. Je veux nous donner du temps, pour ajuster au mieux, lieu par lieu, les mesures de restructuration que nous devrons prendre dans le cadre de la future LPM, au-delà de 2014.
Je n’oublie pas mes 35 ans d’expérience d’élu local, dans un territoire qui a connu deux restructurations de défense. Je suis attentif à la méthode. J’ai vu des méthodes brutales. Je dois dire que ce ne sont pas les miennes. Pour ma part, je serai dans le dialogue, avec les élus comme avec les personnels, car ce sont eux qui font vivre au quotidien les liens fondamentaux qui unissent les territoires et les armées. Ces liens, je veux les préserver au maximum.
Je veillerai donc à ce que la Défense reste, dans la mesure du possible, largement présente sur le territoire national. Mais notre objectif est aussi, pour les sites que nous serons amenés à fermer, de permettre une transition dans les meilleures conditions possibles. J’avancerai en tout cas dans ce domaine avec le souci constant du contexte territorial, économique et social des mesures qui seront décidées.
A cette fin, un dispositif d’accompagnement est prévu par ce projet de LPM. Il a déjà été affiché au mois d’août. D’une façon générale, en lien avec le Premier ministre et l’ensemble des ministres concernés, je prendrai mes responsabilités, en veillant toujours au respect des hommes et des femmes qui servent sans compter notre défense.
La préparation de l’avenir en 2013, c’est aussi la mise en route de la réorganisation du ministère, et je voudrais profiter de cette occasion pour décrire notre méthode de travail et les objectifs que nous poursuivons. Vous commencez à me connaître, je n’ai pas pour habitude de critiquer l’action de mes prédécesseurs. Je ne l’ai pas fait il y a seize mois. Je n’ai pas l’intention de commencer aujourd’hui, car il y a à la tête de ce ministère une continuité républicaine à laquelle j’attache beaucoup de prix. Je suis donc arrivé sans a priori. Sur la base d’un premier diagnostic, j’ai engagé un travail de longue haleine. En un an, j’ai suscité une quarantaine de réunions associant les grands subordonnés du ministère. J’ai présidé les échanges pour onze d’entre elles. Ce dialogue de fond, sur la durée, nous a permis de dresser un constat sans zone d’ombre, sur les principales fonctions du ministère – les ressources humaines, les finances, le soutien, le MCO, les relations internationales…
Au terme de cette année de travail, j’ai pris au début du mois de juillet une série de décisions. L’enjeu, c’est l’efficacité de notre action. Rationaliser notre organisation, la rendre plus efficiente et optimiser nos moyens : tels sont les objectifs de cette réforme. L’enjeu, c’est aussi le bon emploi de l’argent de l’Etat, donc du contribuable. Si le fait d’être l’un des premiers employeurs publics et le premier investisseur de France nous y incite naturellement, l’engagement du Président de la République de sanctuariser le budget de la défense nous y oblige plus encore. Les décisions que j’ai prises sont autant de solutions pragmatiques, par fonction, pour répondre aux difficultés rencontrées. Sur les ressources humaines, j’avais constaté une dérive dangereuse à la hausse de la masse salariale, alors même que le ministère engageait des diminutions drastiques de ses effectifs ; j’avais trouvé aussi tous les dégâts occasionnés par le dysfonctionnement de Louvois. Ce qui est en cause ici, ce n’est pas tel ou tel. C’est une organisation que je trouvais trop confuse. Il en faut donc une autre. Louvois en est la première illustration : Il y a eu confusion, précipitation, aveuglement. La confusion, c’était celle des responsabilités, loin du principe que je veux réaffirmer : « chacun doit faire son métier ». La précipitation, c’était là encore l’absence d’une méthode respectueuse des personnels, qui a conduit à aggraver les dysfonctionnements. L’aveuglement, enfin, c’est l’absence de réaction lorsque les premiers dysfonctionnements ont été constatés. Ma responsabilité est de remédier à cette situation. Il y a un an, j’ai déclenché un plan d’urgence. Ce plan d’urgence est opératoire. C’est une solution de transition. Une solution que je sais très attendue est en cours d’élaboration, et je vous propose de nous retrouver dans les semaines qui viennent. Sur les ressources humaines en général, je veux mettre fin à la confusion, rétablir la clarté des rôles et des responsabilités, retrouver la lisibilité et la cohérence de la politique du ministère en matière de RH. A cette fin, j’ai confié au directeur des ressources humaines du ministère l’autorité fonctionnelle renforcée sur l’ensemble de la fonction RH. J’ai également souhaité que l’ensemble de la masse salariale du ministère soit unifiée en « construction budgétaire », et pilotée de manière centralisée, par le secrétaire général de l’administration. L’enjeu, c’est de retrouver une meilleure maîtrise de notre « titre 2 » car c’est la condition indispensable de la réussite du reste. C’est pourquoi, dans le même esprit, il m’est apparu indispensable d’améliorer la qualité et le partage de l’information financière, comme la prévisibilité de la dépense de défense, tant au sein du ministère que vis-à-vis de l’extérieur, notamment de la représentation nationale. J’ai donc également décidé de doter le directeur des affaires financières du ministère d’une autorité fonctionnelle renforcée sur l’ensemble des centres de gestion. Il s’agit, au demeurant, d’appliquer au sein du ministère le décret de novembre 2012 sur la gestion budgétaire et comptable publique.
Dans un autre domaine, mes visites dans les forces montrent un besoin évident d’améliorer le soutien et l’administration de proximité au sein des bases de défense. Là encore, il faut clarifier et rationaliser l’organisation, et notamment harmoniser et simplifier les processus administratifs. J’ai donc décidé de mettre en place une véritable gouvernance ministérielle des soutiens. Outre un comité ministériel que je présiderai, j’ai souhaité la suppression des états-majors de soutien de défense, tout en conservant au sein des états-majors de zones de défense existants certaines fonctions nécessaires au niveau régional ou nécessaires à l’armée de terre. Cette modernisation et simplification de l’organisation des soutiens reposera en grande partie sur la professionnalisation de ce qu’on appelle la chaîne de l’administration générale et des soutiens communs. Le service du commissariat des armées (SCA), service expert, jouera le rôle majeur et exercera, à ce titre, l’autorité hiérarchique sur les groupements de soutien de bases de défense (GSBdD).
Sur les relations internationales, j’ai constaté un éclatement de cette fonction entre de nombreux acteurs au sein du ministère, avec d’ailleurs une série de doublons. Ce ministère ne peut plus se permettre des duplications inutiles. Et, de toute évidence, le manque de coordination globale fragilise notre capacité à conduire une politique de défense cohérente. J’ai donc décidé la création d’une direction générale d’administration centrale unique, qui sera chargée du pilotage de l’action internationale du ministère, ainsi que des affaires stratégiques et de la prospective, qui doivent recevoir une impulsion nouvelle. Je souhaite que cette direction générale soit opérationnelle dans sa nouvelle organisation à la fin de l’année. Cette réforme de la fonction relations internationales et affaires stratégiques n’enlèvera aucune compétence directement utile à quiconque dans ce ministère. Elle permettra de parler d’une seule voix sur l’ensemble des questions internationales et stratégiques sur lesquelles nous sommes attendus. Concernant l’exportation, je veux profiter de l’occasion pour réaffirmer à quel point l’exportation de défense est un enjeu stratégique pour le pays, sa défense comme son économie. Et à quel point le ministre de la défense joue, par conséquent, un rôle central pour soutenir les exportations de défense. C’est tout le sens du comité ministériel des exportations de défense – COMED – que j’ai mis en place et qui associe régulièrement à l’hôtel de Brienne tous les grands partenaires au sein du ministère, voire les entreprises lorsque c’est nécessaire.
Ce soutien repose sur un dialogue stratégique poussé et confiant avec nos partenaires. L’enjeu est le développement de relations suivies et approfondies avec des Etats avec lesquels nous partageons une lecture commune des enjeux de sécurité globaux. A contrario, le rôle de l’Etat n’est pas de mener une discussion à caractère technique ou commerciale, qui doit rester du ressort des industriels porteurs de l’offre. Il faut éviter les effets d’annonce, les engagements de court terme et la gestion par à-coups. Cette politique commence à porter ses fruits, la période récente s’étant caractérisée par l’obtention de contrats majeurs, en particulier aux Emirats Arabes Unis (satellites d’observation, radars basse couche), au Brésil (satellites de télécommunications), ou encore en Ouzbékistan (hélicoptères)… Par ailleurs, la négociation exclusive majeure engagée avec l’Inde sur la fourniture de 126 RAFALE se poursuit favorablement. J’ai aussi de bons espoirs en Arabie Saoudite mais nous aurons l’occasion d’en reparler
Un mot également du maintien en condition opérationnelle. Je l’ai dit, je ne ferai pas du MCO une variable d’ajustement budgétaire. Mais il est clair aussi qu’il faut dépenser mieux, pour améliorer la disponibilité de nos matériels. J’ai décidé de restructurer la chaîne de soutien. A cette fin, j’ai mandaté l’état-major des armées pour mener un projet ambitieux d’optimisation de notre chaîne logistique (stocks, acheminement, délais…). J’ai également demandé un approfondissement de la réflexion sur la répartition des rôles et des responsabilités entre les différents organismes du ministère. Concernant le MCO, je prendrai mes décisions d’ici la fin de l’année. Les chantiers de la réorganisation du ministère vont au-delà de cette analyse fonctionnelle. J’en donnerai deux exemples. J’ai récemment présenté en Conseil des ministres un décret relatif aux attributions du ministre de la Défense.
La genèse de ce décret est simple. Une parenthèse avait été ouverte en 2009. Cette parenthèse excluait de droit le ministre de la défense d’un certain nombre de décisions concernant en particulier l’emploi des forces armées. Cela ne correspondait ni au code de la défense jusque-là, ni aux directives prises par le Général de Gaulle en 1962, et confirmées par le Président François Mitterrand en 1982, qui organisaient le ministère autour de trois piliers, représentés par le CEMA, le DGA et le SGA, ayant chacun pour mission d’assister le ministre dans l’ensemble de ses fonctions. Comme François Hollande s’y était engagé au cours de la campagne présidentielle, et comme le Président de la République une fois élu m’en a donné le mandat, j’ai refermé cette parenthèse. Je l’ai fait, je tiens à le préciser, sans remettre en cause le décret de 2005 qui consacrait l’indispensable interarmisation du commandement de nos armées, comme de la préparation de la planification et de la programmation militaires dans le cadre de cette interarmisation.
Je veux également évoquer Balard, où seront bientôt regroupés l’ensemble des états-majors et des services centraux du ministère. Le chantier avance en bon ordre et je m’en félicite. Je me rendrai d’ailleurs bientôt sur place pour constater l’avancement du projet. Ce mouvement d’unification du ministère permettra en même temps de développer la transversalité entre les armées et les services. C’est la concrétisation d’évolutions historiques, mais aussi d’évolutions plus récentes, que je viens d’évoquer.
Il va de soi que le ministre aura toute sa place à Balard, dans le coeur opérationnel du ministère.
En même temps, à l’approche d’importantes manifestations internationales commémorant le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire de la Libération de la France, le lieu où tant d’illustres ministres et chefs militaires se sont succédé, – Clemenceau et le Général de Gaulle en particulier –, où tant de décisions majeures ont été prises pour préserver notre liberté et notre indépendance nationale, ce lieu, l’hôtel de Brienne, ne saurait pour autant être abandonné. Brienne sera encore au ministère mais le ministre sera aussi à Balard.
Si la vocation de la Défense est d’abord opérationnelle, elle repose sur un socle qui se prépare dans le temps plus long des décisions que nous venons de prendre, à travers le nouveau livre blanc, à travers le projet de loi de programmation militaire, à travers aussi les chantiers de réorganisation qui m’ont semblé nécessaires. Dans un ministère dont la solidité doit être à toute épreuve, je sais que de telles évolutions, qui visent précisément à asseoir notre politique de défense sur des bases plus solides, peuvent néanmoins générer des fragilités provisoires. Loin de les négliger, je veux en prendre toute la mesure.
Devant vous, j’ai rappelé ma méthode, fondée sur l’écoute, sur le dialogue, sur l’intelligence de situation, qui fera toujours passer l’analyse fonctionnelle devant une logique purement arithmétique. Sur l’ensemble des sujets que j’ai évoqués, ma démarche est donc d’associer autant que possible toutes les parties prenantes.
C’est aussi pour cette raison que nous souhaitons que le ministère dispose d’instances de concertation plus efficientes. Devant l’ensemble des Conseils de la fonction militaire, reçus lundi soir au Palais de l’Elysée, le Président de la République a rappelé la singularité du métier de soldat.
C’est cette singularité qui a justifié le combat que j’ai mené pour porter la voix des militaires dans le débat sur les retraites. Je me félicite que les spécificités de leur condition aient été prises en compte, tandis qu’une iniquité née de la loi de 2010 a été réparée. Parmi les spécificités du régime de retraite des militaires, par exemple, le régime des bonifications était tout sauf un privilège. C’était la juste prise en compte des contraintes propres au métier des armes, et je suis heureux de l’avoir établi.
Concernant la concertation, c’est bien cette singularité, c’est-à-dire le risque de perdre la vie comme l’éventualité de donner la mort, qui justifie un statut particulier. Mais la stricte obéissance aux chefs ne s’oppose pas à l’entretien d’un dialogue – bien au contraire. Le Président de la République a donc lancé la rénovation de la concertation militaire. A sa suite, j’ai saisi l’ensemble des chefs militaires et acteurs du dialogue dans les armées pour que des propositions de rénovation soient présentées à la 90e session du CSFM, en décembre prochain. Mais, comme je l’ai dit aux membres du CSFM, on ne rénove pas la concertation sans concertation, et ils seront associés naturellement aux travaux de cette préparation.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre maintenant à vos questions.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 4 octobre 2013