Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur les défis et priorités de la politique de défense, au Mans le 14 octobre 2013.

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Circonstance : Déplacement au 2e régiment d'infanterie de marine, au Mans (Sarthe) le 14 octobre 2013

Texte intégral

Officiers, sous-officiers et marsouins du 2e régiment d’infanterie de marine,
Je suis très heureux de cette journée que je viens de passer avec vous. J’avais plusieurs raisons de venir ici. Je souhaitais vous rencontrer, d’abord pour vous dire la fierté que m’inspirent nos armées, et l’armée de Terre en particulier. De mes différentes visites aux forces, en France mais aussi sur les théâtres, que ce soit en Afghanistan, au Liban et encore tout récemment au Mali, je retiens l’excellence de nos forces et l’immense valeur de nos soldats. Le rang de la France dans le monde, c’est son siège au Conseil de sécurité, mais c’est à l’évidence aussi cette excellence et cette valeur. C’est toute l’énergie que vous déployez au quotidien pour faire respecter nos intérêts et nos valeurs. Vous portez haut les couleurs de la France. Je n’ai pas attendu de venir ici pour m’en rendre compte, mais je dois dire que les présentations qui m’ont été faites, surtout les échanges auxquels j’ai participé, n’ont fait que renforcer ce sentiment de fierté. Votre énergie me donne encore plus d’énergie, votre détermination nourrit la mienne, parce qu’il y a une continuité profonde entre les missions que vous remplissez au quotidien et l’action que je mène depuis un an et demi, sous l’autorité du Président de la République, chef des armées. Aujourd’hui, je venais donc avec un message de satisfaction et de confiance, pour vous dire très simplement la fierté que j’ai d’être votre ministre.
Je souhaitais aussi vous rencontrer, pour vous parler du renouvellement de notre défense, qui est l’un des grands enjeux nationaux de cette année 2013.
Dans un contexte particulièrement complexe, avec des contraintes budgétaires très fortes mais aussi des menaces qui sont loin d’avoir faibli, le Président de la République a pris une série de décisions majeures.
D’un côté, il fallait redresser des comptes publics dégradés, parce que c’est une question de souveraineté pour la France. Nous devons garder le contrôle de notre dette. De l’autre côté, il fallait consolider et moderniser notre appareil de défense, et je crois que nous serons d’accord pour dire que c’est une autre question de souveraineté majeure. Le Livre blanc de 2013 résout cette équation. Il fait un double choix, celui de notre autonomie stratégique et celui de notre souveraineté budgétaire, car l’un ne va pas sans l’autre. Il fait ce choix en n’éludant aucune menace. J’insiste sur ce point : pour faire des économies faciles, nous aurions pu fermer les yeux sur tout un pan de notre environnement stratégique. Mais avec le Président de la République, ce n’était pas notre conception du travail de préparation de l’avenir que nous devions mener pour nos armées. Au contraire, nous nous sommes tenus à un principe de sincérité dans la description des menaces, comme dans la définition des moyens pour y faire face.
C’est le sens du projet de loi de programmation militaire. Vous le savez, le Président de la République a pris la décision de sanctuariser notre effort de défense.
Avec ce niveau de ressources, nous allons maintenir la France au premier rang sur le plan stratégique. Grâce au nouveau modèle d’armées défini par le Livre blanc, nous resterons l’un des rares pays dans le monde à pouvoir assurer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire, et l’intervention sur des théâtres extérieurs, pour des missions de gestion de crise ou de guerre.
Dans cette perspective, la préparation opérationnelle et les programmes industriels sont au cœur du projet de loi de programmation militaire.
Pour moi, il est clair que sans préparation opérationnelle à la hauteur, nous ne pouvons pas disposer de capacité militaire crédible. La valeur des hommes et des femmes de la défense, que la Nation a eu maintes occasions de vérifier ces derniers mois, en découle directement. Depuis mon entrée en fonction, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. C’est pour cette raison que je me suis saisi du dossier du fléchissement des activités opérationnelles. Ce fléchissement est relativement récent. Il peut s’expliquer de diverses manières : l’épuisement des stocks dans lesquels nos armées ont puisé ces dernières années, le vieillissement des parcs, mais aussi l’arrivée de matériels de nouvelle génération dont le coût d’utilisation et d’entretien est considérablement plus élevé. Tout cela se cumule. D’une façon générale, le contexte financier a pesé sur l’activité et l’entraînement, alors même qu’ils revêtent un caractère prioritaire. Parce que cette évolution n’est pas acceptable, nous avons cherché à maintenir puis redresser progressivement le niveau de préparation opérationnelle. C’est ce que va permettre ce projet de loi de programmation militaire.
Dans le domaine des équipements, là encore, ce projet voit des efforts très conséquents. Pour m’en tenir à l’année 2014, seront ainsi commandés, parmi beaucoup d’autres, les avions ravitailleurs MRTT, des drones MALE, les pods de désignation laser du Rafale, les véhicules du programme SCORPION, le quatrième sous-marin Barracuda… Et seront livrés aux Forces, notamment : le satellite franco-italien de télécommunications spatial SICRAL, 1 frégate FREMM, 4 hélicoptères Tigre, 7 hélicoptères NH90, 11 avions RAFALE, 4 avions A 400M, 60 missiles de croisière navals MDCN, 77 véhicules VBCI...
L’enjeu, je le précise, n’est pas seulement de nous adapter aux circonstances, mais bien de préparer nos armées à mener les guerres de demain et faire face aux menaces du futur. Pour cela, nous avons marqué un certain nombre de priorités, en faveur de la recherche, des grands équipements d’avenir, mais aussi du renseignement et de la cyberdéfense. Avec ce projet, nous préparons donc l’avenir en même temps que nous préservons l’essentiel.
En cela, ce projet est équilibré, ambitieux et pragmatique à la fois. Mais il n’en sera pas moins difficile. Au contraire de m’en cacher, je serai sur ce point particulièrement vigilant.
C’est la troisième raison pour laquelle je tenais à être avec vous aujourd’hui. Je voulais vous entendre.
Le contexte actuel est difficile pour tous. Nos armées bénéficient d’une priorité forte, qui est aussi la reconnaissance de ce qu’elles valent et de ce qu’elles font pour la Nation. Il n’en reste pas moins que la Défense contribue aussi, comme les autres ministères, à l’effort national de redressement des comptes publics.
J’ai annoncé il y a quelques jours les décisions de restructuration pour l’année 2014. Je voudrais vous dire pourquoi je n’ai pas souhaité annoncer d’un coup cinq années de restructurations. Nous n’avons pas encore décidé, tout simplement parce que nous voulons nous donner du temps, pour ajuster au mieux, lieu par lieu, les efforts que nous devrons faire. Lorsque j’étais élu local, j’ai connu des restructurations, avec des méthodes qui ont pu être brutales. Ce ne sont pas les miennes. Pour ma part, je serai dans le dialogue, avec les élus comme avec les personnels, car ce sont eux qui font vivre au quotidien les liens fondamentaux qui unissent les territoires et les armées. Ces liens, je veux les préserver au maximum. Cela demande donc de prendre le temps, pour ajuster au mieux les décisions que nous prendrons.
Cet effort de la Défense prend d’autres formes, et je sais ici que cela peut être dur pour vous. Je pense en particulier aux économies de fonctionnement. Le Président de la République lui-même en a conscience. C’est le sens de la priorité qu’il a marquée pour les armées. En outre, la mission qu’il m’a confiée, c’est aussi de sensibiliser l’ensemble du Gouvernement à la singularité du métier de soldat et aux contraintes particulières que cela peut générer. C’est ce que je fais au quotidien. C’est ce que j’ai fait en particulier lorsque j’ai porté la voix des militaires dans le débat sur les retraites, pour réparer une iniquité née de la loi de 2010 et faire respecter vos spécificités.
Vos difficultés, je les mesure, et en même temps je souhaitais vous entendre à leur sujet, pour réfléchir ensemble, concrètement, aux moyens d’y remédier au mieux. Aujourd’hui, j’ai tenu trois tables rondes. J’ai noté un certain nombre de choses, auxquelles je vais réfléchir pour voir ce que l’on peut faire. D’ores et déjà, je voudrais vous dire que ce que j’ai vu et entendu aujourd’hui renforce ma motivation pour trouver une solution aux insupportables problèmes du logiciel de solde Louvois. Cela renforce ma motivation pour améliorer notre système de soutien à partir du système actuel des bases de défense. Cela me renforce dans la conviction que nous avons eu raison en faisant du maintien de l’activité opérationnelle une priorité de la loi de programmation militaire. Cela renforce enfin la détermination que j’ai pour élaborer calmement une politique de ressources humaines qui permettra à chacun de s’épanouir pleinement dans son métier. Vous le voyez : je ne vous dis pas que ce sera facile, mais je connais les problèmes et ensemble nous allons les résoudre !
Les marsouins du 2e RIMa ont un passé prestigieux qui les ont vu résoudre des problèmes autrement difficiles ! D’abord, l’infanterie de marine est une arme glorieuse, que j’ai souvent rencontrée en Afrique. Elle est connue pour sa grande capacité d’adaptation. Mais votre régiment est glorieux entre tous. Je sais que votre drapeau est celui qui comporte le plus de noms de bataille.
Aujourd’hui, je voudrais vous dire que ce passé signifie beaucoup à mes yeux. Vous avez toutes les raisons d’en être fiers. Par une activité opérationnelle très dense, en Afghanistan, au Mali, vous perpétuez cette grande tradition.
Lorsque je rencontre mes homologues, ils me disent souvent combien ils sont impressionnés par les soldats français. Ces félicitations, je tenais à les partager avec vous aujourd’hui, car chacun, au sein de l’armée de Terre en particulier, y a sa part de mérite.
Demain, d’autres défis se présenteront à vous ; je suis certain que vous les relèverez avec le même courage, la même détermination que celles dont vous venez de faire preuve. Plus que jamais, vous avez toute ma confiance.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 15 octobre 2013