Interview de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la situation économique et politique dans le cadre de l'élection cantonale partielle à Brignoles.

Prononcé le

Média : Itélé

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Tout de suite, l'interview politique d'I TELE, avec Christophe BARBIER. Christophe, votre invité ce matin est Michel SAPIN.
CHRISTOPHE BARBIER
Michel SAPIN, parce que la réforme des retraites arrive au Parlement, parce que le travail du dimanche fait toujours parler de lui, et bien sûr parce que l'actualité électorale, cette fameuse cantonale partielle, à Brignoles, va faire beaucoup de bruit, c'est d'ailleurs la première question de Bruce.
BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous ce matin, sur I TELE. Pour le deuxième tour à Brignoles, appelez-vous à voter pour le candidat le moins sectaire ?
MICHEL SAPIN
Ça c'est une phrase maladroite, il faut avoir des phrases claires. Donc nous appelons à voter contre le Front national, ce qui veut dire très simplement, pour le candidat républicain, celui qui est en lice au deuxième tour. Il n'y a pas besoin de prendre des circonvolutions, c'est ça qui fait du mal à la démocratie, quand on n'est pas clair. Nous sommes clairs.
CHRISTOPHE BARBIER
Toutes les partielles ont été fatales à la gauche depuis l'élection de François HOLLANDE, dans plusieurs de ces partielles, 5 sur 9, la gauche a même été éliminée du second tour, c'est quand même un désaveu du président, du gouvernement.
MICHEL SAPIN
Non, c'est le reflet de plusieurs choses. C'est le reflet, d'abord, du fait que ce sont des partielles, et comme dans à peu près tous les cycles électoraux, lorsqu'il y a des partielles, elles sont défavorables, dans un premier temps en tout cas au pouvoir qui est en place, vous pouvez regarder les choses, vous avez la mémoire suffisamment profonde de cette histoire, même récente, de la République. La deuxième chose, c'est une difficulté, une insatisfaction, je dirais presque une souffrance des Français par rapport à une crise dont ils ont le sentiment qu'elle perdure et dont ils ont le sentiment qu'ils ne sortent pas, et puis c'est aussi, pour nous, au fond, une obligation à rentrer dans l'ère des résultats. Je pense que les Français veulent maintenant voir des résultats. Ils peuvent comprendre, même si ça ne les mobilise pas, qu'on mette du temps, et dans ce cas-là ils restent chez eux, on attend, et ils attendent chez eux, y compris à l'occasion d'une élection, et ils veulent maintenant qu'il y ait des résultats. Et je le répète, comme je l'ai dit souvent, nous entrons au gouvernement, en France, dans le temps des résultats.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ce temps va venir assez vite et assez fort, pour vous éviter une telle déroute aux municipales ?
MICHEL SAPIN
Il ne faut pas vouloir faire ça pour des raisons électoralistes, même si une élection ça compte lorsqu'on fait de la politique, évidemment ou quand on commente cette politique. Il faut vouloir le faire, parce que c'est notre mission, parce que c'est notre obligation, parce que c'est notre devoir. Si les Français ont changé de président, de majorité et de gouvernement, c'est bien sûr parce qu'ils aimaient plus trop ce personnage un peu agité, qui malgré son agitation n'avait toujours pas de résultats.
CHRISTOPHE BARBIER
Nicolas SARKOZY.
MICHEL SAPIN
Nicolas SARKOZY. Mais c'est aussi parce qu'ils veulent qu'il y ait du changement, et ils veulent donc d'autres résultats. Et ces résultats, je le répète, sont là, ils sont à portée de main, et ils sont en train de venir... Ils ne les voient pas encore, donc quand je dis ça, ils ne me croient pas, je peux les comprendre, mais ce sont ces résultats-là. Alors, est-ce qu'ils viennent avant les élections municipales ? Ce n'est pas parce qu'il y a des élections municipales en mars. Il se trouve que toute notre politique de soutien à l'activité économique, de soutien à l'emploi, parce que c'est les sujets qui préoccupent le plus les Français, sont là pour porter leurs fruits en cette fin d'année et au début de l'année prochaine.
CHRISTOPHE BARBIER
Il y a aussi les résultats en matière d'insécurité, Marine LE PEN dit : « VALLS ne combat pas l'insécurité, il combat le FN ». Que lui répondez-vous ?
MICHEL SAPIN
Le FN est une chose, l'insécurité c'est ce que les Français ressentent.
CHRISTOPHE BARBIER
Il y aura des résultats là aussi ?
MICHEL SAPIN
Oui, mais il y a une bataille qui est continue, il y a un bataille qui est réelle, il y a une bataille avec des résultats. Mais alors, après, est-ce que ça se compte, comme on compte, si je puis dire, des chômeurs, pour prendre mon domaine ? Non, ça ne se compte pas de la même manière. Les statistiques, dans le domaine de la sécurité, sont des statistiques qui sont toujours discutables, mais il y a une volonté, il y a une réalité. La sécurité, c'est une valeur de gauche, c'est une valeur défendue par la gauche, c'est une valeur qui est défendue par ce gouvernement, et tout particulièrement par Manuel VALLS.
CHRISTOPHE BARBIER
Il y a aussi l'incohérence à gauche, le PS soutient un candidat communiste à Brignoles, alors que le PC et le Front de gauche tapent sur le gouvernement à longueur de semaines, et pendant ce temps-là, les Verts, alliés du PS, font une candidature dissidente. C'est à n'y rien comprendre.
MICHEL SAPIN
Ça veut dire simplement les choses, c'est que lorsqu'il y a un danger, d'avoir au deuxième tour, un combat politique qui n'a pas de sens, qui n'a que le sens de la République, mais qui n'a pas le sens droite/gauche, qui n'a pas le sens, une politique ou une autre politique, c'est ça que les Français veulent, ils veulent un sens. Quand il y a un risque que ça n'ait pas de sens, il faut l'union absolue.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais ça ne marche pas, ça ne marche pas !
MICHEL SAPIN
Les socialistes l'ont fait, ils l'ont choisi, ça n'est pas leur candidat qu'ils soutenaient, c'est un autre candidat de gauche. Il faut que toute la gauche joue ce jeu-là. C'est là, comme ça a été le cas, peut-être par ailleurs, souvenez-vous, dans le Lot-et-Garonne, où dans d'autres départements.
CHRISTOPHE BARBIER
La réforme des retraites arrive au Parlement. Est-ce que les stages, les périodes de stages seront prises en compte dans le calcul des retraites ?
MICHEL SAPIN
Il faut regarder les choses précisément, mais je vais vous dire, au fond, je considère qu'il faut une réforme des stages, parce qu'un stage, ce n'est pas un travail, ça ne doit pas être un travail, ça ne doit pas être une période de salariat. Un stage, c'est un moment dans sa formation.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais on travaille, quand même, en stage.
MICHEL SAPIN
Bien sûr qu'on travaille, mais comme on travaille quand on est sur le banc de l'université ou comme on travaille quand on est en alternance dans tel ou tel endroit. Mais je souhaite pour ma part une réforme profonde, parce qu'il y a trop d'entreprises qui ont abusé des stages, qui abusent des stages, qui utilisent le stage comme une sorte de première expérience professionnelle. Alors là, c'est choquant que ça ne compte pas au titre de la retraite. Mais moi, je souhaite qu'on redonne au stage, sa plénitude. Les stages, c'est un moment dans la formation d'un étudiant, c'est pas la première manière tout-à-fait, comment dire, inachevée, de travailler.
CHRISTOPHE BARBIER
On va régler 7 milliards de déficit avec cette réforme, sur les 20 au total. Est-ce que vous ferez le reste avant la fin du quinquennat ?
MICHEL SAPIN
Oui, le... enfin, la fin du quinquennat, je ne sais pas, mais en tous les cas il y a une volonté de ramener à l'équilibre l'ensemble des régimes sociaux, y compris celui-ci. Nous travaillons dans le domaine... vous savez, la retraite c'est aussi beaucoup de la démographie. La démographie, c'est combien il y a de jeunes qui arrivent, combien il y a de plus âgés qui sortent du marché du travail, donc combien il va y avoir de retraités, combien il va y avoir de personnes qui vont payer des cotisations. Cet élément-là est favorable à la France, favorable...
CHRISTOPHE BARBIER
Il faut tenir encore quelques années.
MICHEL SAPIN
Donc il faut tenir quelques temps, et les économies d'aujourd'hui, sont faites pour permettre de tenir le temps, jusqu'au moment où par ailleurs l'allongement de cotisations, du temps de cotisations, qui est quand même la réforme en profondeur, celle qui peut faire réagir, d'ailleurs, négativement tel ou tel, mais c'est ça la réforme en profondeur, plus une démographie qui nous est positive, permettront d'avoir, dans le long terme, un équilibre de notre régime des retraites.
CHRISTOPHE BARBIER
A Perpignan, on l'a vu dans le journal, on passe en Espagne pour faire ses courses le dimanche. Resterez-vous inflexible ? Allez-vous enterrer ce sujet avec le rapport BAILLY ?
MICHEL SAPIN
Mais, il ne faut pas être... ce n'est pas une question d'inflexibilité, mais dans la vie, dans l'organisation d'une société, il y a quelques principes. Il y a quelques principes. Si on perd tous les principes, on perd tous ses repères, et quand on perd tous ses repères, on voit ce que ça donne à Brignoles. Parce que ça, ce sont des gens qui ont perdu leurs repères. Donc je veux qu'il y ait des repères dans la société, et...
CHRISTOPHE BARBIER
Le repos dominical...
MICHEL SAPIN
Et le repos dominical, c'est un des repères de la société. Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas d'exception ? Oui, il y a des exceptions, donc il faut traiter les exceptions au repos dominical et non pas traiter le travail du dimanche. Les Français ne veulent pas, globalement, travailler le dimanche. C'est un autre moment, pour faire autre chose.
CHRISTOPHE BARBIER
50 000 emplois d'avenir sont prévus sur 2014 en complément de 2013. Claude BARTOLONE propose de passer à 100 000. Vous le ferez ?
MICHEL SAPIN
Alors, ce qui prouve premièrement que ça marche très bien, les emplois d'avenir, ça marche tellement bien...
CHRISTOPHE BARBIER
Et ça aide pour le chômage …
MICHEL SAPIN
... que le président de l'Assemblée nationale, et je peux le comprendre...
CHRISTOPHE BARBIER
En veut plus !
MICHEL SAPIN
En veut encore plus. Bon. Donc, nous allons déjà aller au bout des 100 000 emplois d'avenir cette année, nous en avons programmé 50 000 de plus l'année prochaine, ça veut dire qu'on va monter à 150 000. Mon souhait, c'est que... et je pense que c'est ce qui se passera, la reprise de la croissance et la repris de l'emploi spontané, à mi-année 2014, nous permettra en quelque sorte de maintenir nos niveaux des politiques de l'emploi, sans avoir besoin de les augmenter.
CHRISTOPHE BARBIER
La dernière question vient des réseaux sociaux.
BRUCE TOUSSAINT
Comme on est content de vous recevoir, Michel SAPIN, vous avez droit à deux questions ce matin, deux tweets reçu ce matin, y compris même pendant l'interview. Le premier, regardez, concerne Manuel VALLS. Une question, voilà, qui concerne la popularité du ministre de l'Intérieur, il caracole à 71 % de popularité. Est-ce que ça ne crée pas, chez certains ministres, de la jalousie, demande un téléspectateur d'I TELE ce matin ?
MICHEL SAPIN
Il est gentil. Pas chez moi du tout, au contraire, plus un ministre est considéré comme faisant bien son travail, mieux c'est. Et j'espère que le jour où le chômage aura baissé, et où les Français s'en seront rendu compte, il y aura une forme de retour vis-à-vis de moi-même.
BRUCE TOUSSAINT
La deuxième question, ce n'est pas vraiment une question, c'est plus un commentaire, et posté il y a quelques instants sur Twitter, par Gérard FILOCHE, votre camarade du bureau du Parti socialiste, et ça concerne, regardez ce qu'il dit : « Demain, Michel SAPIN casse officiellement l'inspection du travail ». Il y a une manif nationale à Lyon, à laquelle il participera, c'est ce qu'il dit dans ce tweet. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
MICHEL SAPIN
Qu'il a tort, et qu'il le sait, et qu'il est sur un vieux schéma qui serait la perte de l'inspection du travail. Je veux réformer l'inspection du travail, parce que je considère que l'inspection du travail, en France, est un élément fondamental, là aussi, de notre société, de la protection des plus faibles. Mais si elle ne s'adapte pas, elle restera quelque chose d'à côté, et les pires choses se passeront, par des mécanismes très compliqués, transnationaux, des mafias auxquelles elles ne peuvent pas s'attaquer. Donc, il faut réformer l'inspection du travail, pour protéger son indépendance, mais protéger, surtout, son efficacité.
BRUCE TOUSSAINT
La réponse, donc en direct, ce matin, sur I TELE, de Michel SAPIN, à cette interpellation de Gérard FILOCHE, sur Twitter, il y a quelques instants. Merci beaucoup.
Bonne journée à vous.
MICHEL SAPIN
Merci.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Christophe BARBIER. Dans un instant la suite, avec l'actu culturelle.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 octobre 2013