Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur la littérature belge, Paris, le 3 mai 1999.

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Circonstance : Inauguration des Belles Etrangères-Belgique, Théâtre national de l¿Odéon, à Paris, le 3 mai 1999

Texte intégral

Monsieur le Ministre, (M. Luc Martens)
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire mon grand plaisir d'inaugurer ce soir, dans cette très belle salle du théâtre de l'Odéon, théâtre de l'Europe, la trentième édition, en douze ans d'existence, des Belles étrangères, édition consacrée à la littérature belge.
C'est la première fois que l'inauguration des Belles étrangères se tient à l'Odéon et je remercie son directeur, Georges Lavaudant, pour la cordialité de son accueil.
Mais, s'agissant de recevoir la Belgique, on ne peut que s'accorder sur le choix du Théâtre de l'Europe pour point de départ d'une manifestation qui, j'en suis convaincue, va illustrer, en la renforçant, ce qui fait la profonde originalité de la culture européenne : sa diversité et ses ressemblances, ses particularismes et son universalité.Pourquoi avoir attendu douze ans vous demandez-vous peut-être, avant d'inviter ce pays qui est le plus proche de tous ? Une partie de la réponse est dans la question : longtemps nous n'avons pas considéré la Belgique comme un pays à découvrir. L'autre partie de la réponse a sans doute son siège dans notre esprit cartésien : l'organisation de Belles étrangères est liée à notre politique de traduction.
A propos de la langue et de l'identité belge, il me plait de rappeler cette très significative anecdote rapportée par Jacqueline Harpman dans le livre qui vient de paraître " La Belgique toujours grande et belle ". Alors que petite fille, Jacqueline Harpman est dans une école au Maroc, on lui demande de parler belge. De langue française, elle est bien ennuyée et ne trouve qu'à chanter les premières phrases de La Brabançonne, apprises en Belgique et en flamand. Et de conclure : " le belge, c'est la langue qu'une personne belge ne connaît pas, mais dans laquelle on peut proclamer son patriotisme.
"Comment inviter dans ce cadre des écrivains dont la moitié n'avaient pas à être traduits ? Et puis les choses ont évolué : des Belles étrangères Pays-Bas organisées il y a quelques années nous ont montré la curiosité du public français pour la littérature néerlandophone, la venue des québécois pendant le Temps des livres en 1996 et tout récemment lors du dernier Salon du Livre à Paris, l'invitation d'écrivains de la Caraïbe pendant Lire en fête en octobre 1998 ont témoigné de l'intérêt pour les autres littératures de langue française.
Il devenait grand temps de notre côté d'inviter dans leurs trois langues les écrivains belges. D'autant que dans d'autres domaines artistiques, le succès de l'exposition récente de Pierre Alechinsky à la Galerie du Jeu de Paume, celui de L'Orfeo de Monteverdi, dirigé par René Jacobs au Festival d'Aix-en-Provence l'été dernier et ces derniers jours au théâtre des Champs-Elysées et de l'exposition du Daily Bull au Centre international de poésie de Marseille d'abord, et actuellement à Nantes, pour ne prendre que trois exemples, nous y invitait.
Et je voudrais citer cette phrase de Jan Fabre, artiste chorégraphe à la biennale de Venise l'an dernier : " peut-être la Belgique est une oeuvre d'art " ...
La littérature va, je le crois, nous permettre d'aller plus loin, d'explorer la diversité des approches de l'identité ou de l'énigme belge ou d'essayer de nous y retrouver dans ce que Geert van Istendael intitule " Le labyrinthe belge ". Et de retrouver aussi quelques traits caractéristiques et assez " décoiffants " pour les français : un bel anticonformisme, fait de truculence et de fantaisie et de beaucoup d'autodérision.
C'est le pari de ces Belles étrangères dont la mission est de faire connaître au public français une littérature encore trop peu connue, en dépit de la proximité géographique et culturelle, ce " lointain proche " dont parle Pierre Alechinsky.
C'est surtout vous, poètes, romanciers, dramaturges, essayistes qui mettez en lumière et en débat la complexité de ces phénomènes.
Philippe Blasband, William Cliff, Jozef Deleu, François Emmanuel, Jacqueline Harpman, Kristien Hemmerechts, Stefan Hertmans, Geert van Istendael, Bruno Kartheuser, Eric de Kuyper, Tom Lanoye, Nicole Malinconi, Pierre Mertens, Lucien Noullez, Monika Van Paemel, Miriam Van hee et Liliane Wouters, je suis très heureuse de vous accueillir pour cette tournée de lectures et de débats des Belles étrangères qui va permettre au public français de vous rencontrer, de vous écouter, de vous lire.(Source http://www.culture.gouv.fr, le 7 mai 1999)