Conférence de presse de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur les conséquences de l'introduction de l'euro et les difficultés d'utilisation rencontrées par les particuliers, Paris le 8 avril 1999.

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Texte intégral

M. Strauss-Kahn. - Je suis content de vous revoir, cela faisait longtemps que lon ne sétait pas réunis dans cette formation. Je suis content de voir que vous êtes encore nombreux à vous intéresser -je craignais quaprès le 1er janvier 1999 ce ne soit plus le cas- à ce qui se passe en matière deuro.
Le Comité national vient de faire sa 10ème réunion en présence de Marilyse Lebranchu. Les questions à lordre du jour étaient largement centrées sur les problèmes liés au consommateur et à lusager.
Deux ou trois mots pour vous dire ce qui sest passé ; ensuite, on répondra à vos questions.
La première remarque, cest quil y a une sorte de contradiction entre un sentiment que je vois apparaître dans tel ou tel commentaire, dans la presse notamment ou dans dautres expressions, sur une sorte de désenchantement des usagers qui ferait suite à une petite période deuphorie ou d »europhorie », comme ont dit certains, autour du 1er janvier, un peu avant et un peu après.
Je crois que ce nest à la fois pas faux -je vais en dire quelques mots- et pas tout à fait vrai. Les sondages dont on dispose continuent de montrer une évolution vers la hausse des taux dadhésion à leuro. Le dernier sondage AFP/IPSOS montre que 80 % des Français disent que leuro est une bonne chose et que 75 % considèrent être bien informés. Ces pourcentages sont plutôt en croissance régulière, même si la croissance est maintenant moins forte quelle ne la été pendant les mois de septembre à décembre, où elle était montée très fortement.
De ce côté-là, il ny a pas du tout, à travers nos instruments de mesure, de désaffection. En revanche, ce qui nest pas faux, cest que les individus, les particuliers qui ont voulu utiliser leuro, notamment au travers de chéquiers, de cartes bancaires à partir des premiers jours, se sont heurtés à un certain nombre de difficultés techniques ou de désagréments financiers, qui ont été à lorigine de toute une série darticles qui retraçaient le fait que tout cela ne se faisait pas aussi simplement quon le voulait.
Cest principalement de cela que lon a discuté. Je vais vous détailler le contenu, en vous ayant rappeler avant que, en dehors des particuliers, laspect utilisation de leuro comme instrument de paiement international fonctionne au niveau des espoirs qui avaient été définis.
Prenons le taux dintérêt à long terme, qui sont un bon indicateur ; on voit bien quils sont essentiellement inférieurs aussi bien aux taux britanniques quaméricains ; ou prenons les émissions depuis le début de lannée en euro et en dollar ; alors que, en 1998, il y avait un net déséquilibre, près de 50 % des émissions internationales en dollar et 35 % en euro, on est aujourdhui dans une situation équilibrée (45/45, les 10 % qui restent étant dans dautres devises).
Leuro a bien pris sa place en termes démissions internationales après trois mois de fonctionnement.
Les interrogations sont plus individuelles, plus citoyennes. Peut-être tiennent-elles en partie aux difficultés que lEurope a connues au cours de ces mois de février et mars, qui sont maintenant résolues, qui touchent à la Commission européenne, résolues par la nomination de Romano Prodi, qui touchent à lagenda 2000, dont le problème est aussi résolu mais qui a empoisonné lambiance et fait parler de lui. Cela a nourri une certaine « crispation » -le mot est sans doute exagéré-, certaines réticences.
Au coeur de cela, on a le problème, débattu aujourdhui, qui est celui des frais bancaires et des scénarios dintroduction de leuro fiduciaire, de ce qui se passe autour du 1er janvier 2002.
Lidée est simple. Il ne devrait plus y avoir de frais en matière de conversion des billets, de change, puisquil ny a plus de risque, mais les banquiers répondent, la Banque centrale
avec, : « Certes, il ny a plus de risque, mais il y a encore de la manutention. Il y a donc toujours des frais liés à la manutention et aux virements ». Les consommateurs répondent : « Oui, mais on nous a dit que cétait gratuit. Si cest gratuit, on ne paye rien ». Les banquiers répondent : « Cétait gratuit au sens du risque de change, mais la manutention est du travail et faut bien le payer ».
On a très largement avancé grâce notamment à lintercession de Benoît Jolivet, qui préside le Comité des usagers. Sur la plupart des sujets, des solutions satisfaisantes pour toutes les parties ont été trouvées, notamment sur cette fameuse histoire des chèques mutés. Chacun dentre vous sait ce que sont les chèque mutés. Je ninsiste pas longuement. Ce sont des chèques rédigés en euro sur des chèques en franc ou le contraire. Cela pose des problèmes techniques difficiles parce que, quand on voit arriver sur un chèque en franc, « 352 euros » écrit à la main, cest juridiquement valable, mais cela pose des problèmes techniques pour les banques, derreurs possibles, qui sont considérables. Il y en a -dit-on- une dizaine par jour, ce qui nest pas un sujet majeur. Cela dit, cela risque daugmenter et les risques derreurs sont tellement importants que cela peut être à lorigine de problèmes de contentieux.
Lidée est de décourager les chèques mutés. Les consommateurs et les banques sont tombées daccord sur les procédures pour y arriver. Elles me semblent satisfaisantes.
Lautre aspect est celui du coût dun certain nombre dopérations, notamment ceux qui sont associés à des paiements à létranger en euro. Là, on voit que le prix de ces opérations est en train de décroître très fortement, même si beaucoup considèrent quil est encore à des niveaux trop élevés. Cela tient à des problèmes techniques, mais les consommateurs nen sont pas satisfaits pour autant, dinterconnexion des systèmes bancaires européens qui font que, contrairement à ce que de façon un peu simple on peut imaginer, la compensation est moins évidente quil y paraît pour un Français qui paye avec un chèque en euro à Milan, pour que ce chèque revienne à sa banque en France.
Des taux de chargement, des frais très importants ont été imposés au début. cela décroît fortement -je le disais-, sans doute pas encore assez vite. Pour la prochaine réunion du Conseil de leuro, le 21 juin prochain, Benoît Jolivet nous fournira une évolution sur une plus longue période que les trois mois qui viennent de sécouler de cette baisse des tarifs, pour que lon fasse à ce moment-là le point. Le Gouvernement a fortement insisté auprès des banques et de la Banque de France pour que, aussi rapidement quon le peut, on arrive à une pratique beaucoup plus raisonnable.
Tout cela dans un contexte où lutilisation de leuro par les particuliers est évidemment relativement limitée. Jai vu quelques titres de-ci de-là, il y a quelques semaines, sur le
thème : « Les Français, -cest vrai pour les autres-, ne veulent pas utiliser leuro ». Personne ne sattend à un passage massif à leuro avant la fin de la période de transition. Je ne sais pas si vous avez décidé, à part par curiosité ou pour vous amuser, dacheter ou de payer quelque chose en euro. Personne nen ressent le besoin tant que le système fonctionne parfaitement avec les devises antérieures. Ce nest que dans la derrière ligne droite, évidemment dans la période qui commencera le 1er janvier 2002 jusquaux quelques semaines que cela durera, que la passage se fera.
Cest bien normal et on ne peut pas mesurer à lutilisation par les particuliers de leuro comme moyen de paiement la façon dont le processus se développe. Ce qui est important, ce nest pas que les Français paient en euro, mais quils apprennent, au cours de ces trois ans, à penser en euro, à lavoir à lesprit une échelle de prix qui soit en euro.
Cest parce que les efforts de pédagogie, dinformation, etc., qui seront développés, qui ont commencé, qui continueront dêtre développés pendant ces trois ans seront suffisants, que lon arrivera à la fin de 2001 avec la plus grande partie de la population qui aura des prix en euro à lesprit, mais pas obligatoirement une pratique du paiement en euro.
Pour cela, il faut continuer dans les directions qui ont été engagées (le double affichage, les 250000 logos de confiance qui vont être distribués, etc.)
Du côté des entreprises, les choses vont de façon beaucoup plus facile. A la fin du mois de février -je ne sais pas si vous avez eu ce chiffre-, 8 % des entreprises avaient payé leur impôt sur les sociétés en euro. Je nai pas le chiffre à la fin du mois de mars. Jespérais lavoir pour cette réunion, mais je ne lai pas eu. Je pense que cela a dû augmenter. On verra si ce rythme continue daugmenter de 3 ou 4 % par mois, auquel cas, en un an ou un an et demi, on aurait couvert la plus grande partie des entreprises, ou si cela va se ralentir ; cest trop rapide pour le dire. 8 % des entreprises payant leurs impôts en euro à la fin février, cest plus que ce que lon escomptait.
Même si beaucoup a été fait, il reste encore beaucoup de sujets quil faut traiter. Pour cela, le Gouvernement a défini cinq cibles prioritaires sur lesquelles le travail va sorganiser : les PME, les populations en difficulté, les jeunes, les commerçants et les touristes. La communication, linformation va non pas se focaliser uniquement, mais en tout cas se spécialiser sur certains types dinstruments de communication en direction de ces cinq publics particuliers.
Tel est, en gros, ce qui a été dit aujourdhui. Quand vous saurez quil y a eu 1383 « bébés euro » qui ont eu droit à un livret de Caisse dEpargne, je vous aurai livré toute linformation que je pouvais vous fournir.
Un intervenant - Concernant la double circulation et le pouvoir libératoire du franc et de leuro... ?
M. Strauss-Kahn. - Tout le monde est daccord sur lidée que lon ne va pas faire six mois. La dernière discussion, qui a eu lieu au mois de janvier avec mes collègues du Conseil de leuro tournait autour de six ou huit semaines. Aucune décision ferme na encore été prise. Cest en gros la période sur laquelle tout le monde est à peu près daccord. Il est infiniment probable -ce nest pas décidé, je ne peux donc pas lannoncer comme quelque chose de sûr- quinterviendra une décision fixant au cours du mois de février -entre le 1er et la fin du mois de février- la période de double circulation.
Ce nest pas obligatoirement exactement la même que celle du pouvoir libératoire du franc. On peut concevoir que la double circulation se fasse sur une période relativement longue, que lon continue davoir des moyens déchanger les francs sils existent, même si le pouvoir libératoire du franc a été limité, du franc ou des autres devises. Cest une complication supplémentaire. Cela a aussi quelques avantages. Aucune décision na été prise. mon sentiment personnel est plutôt que lon ira vers la même période. Il ny a rien de neuf sur le sujet. Je ne peux pas vous faire dannonce.
La seule chose qui est à peu près sure, cest que ce sera plutôt six ou huit semaines que les six mois qui étaient prévus dans le traité.
Un intervenant - A propos des populations en difficulté avez-vous essayé de faire un recensement de ce quil y a pu y avoir ou pas comme tentatives descroquerie diverses à loccasion du passage à leuro ?
Mme Lebranchu. - On ne peut pas à ce jour, compte tenu du nombre de contrôles faits, parler de tentatives descroquerie. On a relevé beaucoup plus « derreurs » de bonne foi, si je puis me permettre cette expression, que de tentatives descroquerie sur laffichage des prix.
Il y a eu, en dépit du nombre dinformations strictes données sur la règle de larrondi, quelques relevés de ce type.
Il y a, en revanche, et les associations de consommateurs le montrent actuellement du doigt et sont en train dessayer de voir si ce sont vraiment des tentatives descroquerie ou pas, lutilisation du prix en euro sur des publicités arrivant au domicile des personnes les plus fragiles, qui sont dans la droite ligne de ce que vous connaissez parfaitement, pouvant entraîner lachat non réfléchi, etc...
Mais cest très faible à ce jour compte tenu du nombre denquêtes que nous avons pu faire.
Nous sommes convenus ensemble de pouvoir donner le nombre de PV dressés à la fin du rendu des observatoires prévus fin avril. En mai, nous pourrons donner le nombre de PV dressés sur ce qui peut être considéré comme une tentative descroquerie.
M. Strauss-Kahn - Les observatoires de leuro mis en place départementalement ont été interrogés sur tout un tas de questions. Nous leur avons envoyé un grand questionnaire. Des réunions se tiennent actuellement et la remontée de linformation doit se faire, comme disait Marilyse, vers fin avril ; le temps quon lexploite, le 15 mai, on aura un premier jet de ce qui concerne la remontée du terrain.
Un intervenant - Sur les chèques mutés, vous avez dit quil y avait un accord trouvé entre les associations et les banquiers pouvez-vous nous en dire plus ?
M. Strauss-Kahn - Lidée est simple, cest dessayer de faire en sorte que tout le monde explique, banquiers et associations, que ce nest pas une utilisation souhaitable et quil faut, lorsquon veut pouvoir faire des chèques en euro, demander à sa banque un chéquier en euro.
Il ny a pas de difficulté particulière à mettre cela en oeuvre. Simplement, il fallait que la discussion , entre les associations de consommateurs et les banquiers, aboutisse à quelque chose qui soit un peu clair sur la table.
Tout le monde a bien compris que lon navait pas intérêt à aller trop loin dans cette direction-là, à la fois parce que si -ce que personne ne peut savoir, mais que personne ne peut exclure- on se retrouverait dans un an ou un an et demi non pas avec dix chèques par jour de ce type, mais avec des milliers de chèques, on serait dans un situation complètement idiote que lon aurait un peu créée nous-mêmes.
La règle doit être, lorsquil y a une volonté de payer avec un chèque en euro, de demander à sa banque de fournir un chéquier en euro.
Tu veux en dire un peu plus là-dessus ?
Mme Lebranchu- Pour compléter, bien sûr on essaie de décourager les chèques mutés, mais il y a aussi lengagement pris par les banques de ne pas pénaliser les étourderies. Aujourdhui, cest cela qui est important.
Un intervenant - Comment fait-on pour voir si un chèque muté est le résultat dune étourderie ou dautres choses ? Qui en décide ? Cest la banque ? Je ne vois pas en quoi consiste laccord parce aucune organisation de consommateurs na jamais poussé. Tout le monde est daccord évidemment pour décourager la pratique des chèques mutés.
M. Strauss-Kahn - Soyons plus clairs. Il y avait quelques positions de principe consistant à dire : « on doit pouvoir le faire. Tant pis, ce nest pas grave, le fait que cela puisse coûter au système bancaire na aucune importance ».
Je caricature un peu.
Une pédagogie sest faite. Le pas qui a été fait par les uns était : on va faire un effort pour effectivement décourager lutilisation, et le pas qui a été fait par les autres était : dans ces conditions, il ny aura pas de pénalisation de ceux qui le feront malgré tout.
Cest relativement facile de sapercevoir de ce qui se passe. Il y a par exemple un effet, par un émetteur donné, de nombre de chèques mutés. Sil sagit de un, deux, trois chèques, très bien. Si, systématiquement, le même individu se met à avoir 25 chèques par semaine en euro sur un chéquier en franc, on voit bien que, là, il y a une pratique...
Un intervenant - En bois !
M. Strauss-Kahn. - En plus, en bois ! Vous avez raison, ce nest pas véritablement un accord. Il y a eu un éclaircissement du problème et une voie commune a été choisie pour faire tous les efforts de part et dautres, à la fois pour ne pas pénaliser, et pour essayer déviter que cela se passe.
Mme Lebranchu - Sur les observatoires qui regroupent à la fois les professionnels, les usagers et les consommateurs, la règle a été de dire que, si un litige se fait jour entre un usager qui aurait x chèques de ce type et une banque, il pourra être observé à ce niveau puisque vous savez que lon a donné aux observatoires de leuro, dans la première période, un rôle de médiation des petits conflits, pour éviter quil y ait des conflits plus importants.
Notre première observation porte sur le fait que la notion de chèque muté nétait pas une notion comprise par les usagers.
Lusager navait pas compris, doù leffort important dinformation qui est fait actuellement, quun chéquier en franc, où est marqué -parfois un peu petit- en franc uniquement, ne pouvait pas être libellé en euro.
La notion de chèque muté avait été comprise différemment, cest-à-dire : vous recevez un chèque libellé en franc, et avant de lexpédier sur votre compte, cest vous-mêmes qui changez le libellé.
Cest là quont porté les petits litiges de démarrage. Je pense que cela sarrêtera relativement vite.
M. Strauss-Kahn - Cela ne me paraît pas un sujet majeur.
Un intervenant - En ce qui concerne les difficultés dinterconnexion des banques avec les frais que cela implique, a-t-on des garanties que ce sera définitivement réglé en 2002 ? On pourrait arriver à cette situation cocasse où lon aurait une seule monnaie dans lensemble de lUnion et où lon continuerait à payer des frais importants quand on paye à Milan ou je ne sais où.
M. Strauss-Kahn - Ce sera réglé avant 2002. Simplement, il est clair que les systèmes de paiement nont pas été construits, pour des raisons évidentes, comme cela et, donc, il y a des adaptations relativement longues et relativement coûteuses pour le système dinterconnexion européen à mettre en place.
Cest toujours pareil, cest exactement comme la fabrication des pièces et des billets, personne na commencé à mettre en oeuvre des changements dans le système avant le mois de mai 1998, cest-à-dire le moment où les pays savaient quils étaient dans le circuit.
Ils ne se sont pas obligatoirement précipités dans les 6 premiers mois qui viennent de sécouler donc il faut un temps relativement long. Cela va durer plusieurs mois, jusquà ce que le système de paiement soit aussi efficace entre pays quil létait à lintérieur dun pays.
Le problème, on le voit bien, relève de limportance du nombre de chèques concernés. Lorsquon était dans un système avec devises par pays, il y avait extrêmement peu de circulation qui pouvait se faire. Très bien, le système assumait. Là, les canalisations se révèlent évidemment trop petites et, de ce fait, cela entraîne des effets de surcharge, des coûts, etc.
Il y a un problème de reconstruction des canalisations directement associées à la mise en place de leuro. Cela na jamais été utilisé dans ce sens-là, mais dans une certaine mesure cest une justification aussi du délai de 3 ans relativement long.
Il ny a pas que les problèmes de la fabrication des pièces et des billets, il y a un ensemble dadaptations à faire qui ne pouvaient pas commencer, cest ce que beaucoup de gens ont un peu de mal à comprendre et cest normal, avant le mois de mai dernier, avant que les différents pays voient la décision dêtre associés au lancement de leuro effectivement confirmée par leurs gouvernements.
A mon avis, cest une affaire de mois.
Un intervenant - Sur ce point, quelle garantie avez-vous que ce soit fini avant 2002 ? Si jai bien compris, cest une affaire qui est gérée uniquement par les banquiers, sur laquelle les pouvoirs publics ninterviennent pas ?
M. Strauss-Kahn - Sur le problème que je viens dévoquer ?
Un intervenant - Le problème de linterconnexion. Je prends le problème simple des cartes bancaires. Si jai bien compris, on est toujours sur des réseaux Visa ou Master Card qui, en gros, passent par les Etats-Unis. Il ny a pas de réseau européen des cartes bancaires et je ne vois pas pourquoi il y en aurait un dici 2002 ; je nen entend pas parler.
M. Strauss-Kahn - Le problème est relativement simple. Cest un problème de concurrence. Il y a des réseaux de cartes, je pense à lAmerican Express par exemple, qui sont en train de prendre une longueur davance par rapport aux autres et, à ce moment-là, le problème de la concurrence devrait jouer normalement et faire que le service rendu par les différents systèmes sajuste vers le meilleur service rendu.
Je nai pas beaucoup de doute sur le fait quassez rapidement, sauf un effet de cartel, et pour le coup les pouvoirs publics auraient le moyen dintervenir, qui bloquerait lamélioration du service rendu à la clientèle, cela va se faire. Simplement, cela prend un peu de temps et, dans lintervalle, il y a une situation un peu désagréable.
Un intervenant - Problème connexe : sur les virements, il y a le problème du numéro de compte international. Là aussi vous considérez que les banquiers vont se débrouiller entre eux sans intervention des pouvoirs publics ?
M. Strauss-Kahn - Sans intervention des pouvoirs publics, cest un peu dur...
Jai demandé aux différents partenaires, cest-à-dire les banques, en liaison avec les consommateurs, de fournir, dans des délais relativement brefs, des solutions aux différents problèmes posés -certaines sont relativement rapides à mettre en oeuvre, relativement simples à définir, dautres sont plus compliquées- visant, sinon à favoriser le développement de lutilisation de leuro car, comme je le disais, ce nest pas vraiment le sujet aujourdhui sinon pour les entreprises, mais à faciliter le passage à leuro au moment où les particuliers vont effectivement sy mettre.
Il y a des problèmes dinformation du côté des utilisateurs et on voit apparaître régulièrement un certain nombre de problèmes techniques, ceux qui viennent dêtre évoqués, et dautres qui vont peut-être apparaître demain et que lon na pas encore traités.
Ce sur quoi les pouvoirs publics insistent simplement, cest le fait dinciter fortement les différents partenaires à trouver des solutions. Et, honnêtement, cela prend le temps du débat et de la discussion, chacun défend ses intérêts, tout cela est normal. Mais cela se fait dans des délais qui me semblent raisonnables par rapport à la mise en oeuvre effective du processus.
Un intervenant - A-t-on avancé sur le problème de la pré-alimentation ?
M. Strauss-Kahn - Cest lautre sujet. Nous avons réfléchi, depuis pas mal de temps maintenant, au scénario de passage à leuro fiduciaire le 1er janvier 2002 sur la base dun système qui reposait sur une pré-alimentation.
Il y a 36 arguments pour justifier la nécessité de cette pré-alimentation, qui vont de la nécessité pour les commerçants de pouvoir rendre la monnaie en euro, faute de quoi il y a deux phénomènes qui sont fâcheux :
- Le premier est quil continue à circuler des pièces et des billets en francs à la période de transition pendant laquelle on veut les retirer, il faut donc rendre la monnaie en euro pour absorber le plus possible les francs.
- Le second phénomène ennuyeux sil ny a pas de pré-alimentation est, pour les commerçants, la nécessité pendant un certain temps qui, au plus, durerait 6, 8 semaines, de gérer une double caisse, une en franc et une en euro, ce qui est une complication assez forte.
La solution pour cela est que si, pendant la période, les commerçants doivent recevoir des paiements aussi bien en euro quen franc, ils puissent rendre la monnaie en euro, mais pour rendre, dès le début, la monnaie en euro, il y a des problèmes de pré-alimentation.
Un deuxième problème de pré-alimentation concerne les distributeurs automatiques, etc.
Un troisième problème de pré-alimentation est lidée, que notamment les associations de consommateurs avaient développée, que, dès septembre 2001, des petits porte-monnaie en euros, on a parlé de 100 F, une quinzaine deuros, soient mis à disposition... soient plutôt achetés, achetables, le terme mis à dispositions est un peu exagéré... des particuliers.
Evidemment, ils ne pourront pas sen servir, mais sy habituer.
Tout à lheure encore, le représentant dune des grandes organisations de consommateurs expliquait avec beaucoup de chaleur que les pièces étaient quelque chose de physique, cela se touchait ; les billets, cétait moins important ; mais, les pièces, il fallait les avoir en main, les connaître, etc. et que le mois de septembre était particulièrement adapté parce que cétait un mois où il y avait beaucoup dachats, ce qui nest dailleurs pas directement lié au problème puisque les achats ne pourront pas se faire en euro. En tout cas, cétait son argumentation.
Lidée quil est souhaitable, au-delà des problèmes de commerçants que jévoquais tout à lheure, que les gens puissent avoir entre les mains ces pièces à tout le moins, voir les billets, de façon préalable au 1er janvier, est une idée juste.
Le problème que nous avons, cest que la décision qui a été prise par la Commission comme par la Banque centrale européenne au titre de je ne sais quel règlement intérieur à la fin de lannée dernière dit le contraire. Je pense que cest une erreur.
Donc, il va falloir que lon en rediscute avec nos partenaires pour voir comment on est capable dici là... pour le coup on a deux ans et demi pour y arriver. Le même problème se posant dans tous les pays, il ne paraît pas exclu que lon revienne à une position plus raisonnable permettant une pré-alimentation.
De toute façon, nous allons, cest ce que jai demandé au Comité national, préparer les deux scénarios puisque le scénario sur lequel on a travaillé actuellement est un scénario avec
pré-alimentation. Maintenant, tant que la décision dautoriser la pré-alimentation naura pas été actée, il faudra travailler sur les deux scénarios en parallèle.
(Intervention hors micro)...
M. Strauss-Kahn - Cest pourquoi il me semble que cest raisonnablement possible. Personne ne demande la circulation avant la date censée être celle de la mise en circulation, cela naurait pas de sens. Cest le 1er janvier.
En revanche, avoir une pré-alimentation, le fait de conserver par devers soi, aussi bien pour les commerçants que pour les particuliers, des pièces voire des billets en euro, quelques semaines avant le 1er janvier 2002, me paraît infiniment souhaitable pour toutes les raisons que jai évoquées.
Je pense quil faut convaincre la Banque centrale quil faut revenir sur sa proposition initiale, mais cest un sujet qui va être traité.
Un intervenant - Cest un travail de conviction auprès de la Banque centrale uniquement pour les particuliers. Je pense quil ny a aucun problème, daprès ce qui a été dit à Francfort au moins, pour les professionnels ?
M. Strauss-Kahn - Cest plus compliqué que cela. Cela dépend si on parle uniquement des pièces ou des pièces et des billets.
Mon sentiment personnel, je nengage que moi, est que lon a intérêt à une pré-alimentation en pièces et billets. Je suis maximaliste sur le sujet, je ne sais pas si lon arrivera jusque là.
Un intervenant - Vous avez dit : il faut que les commerçants puissent rendre la monnaie en euro vous navez pas dit : ils doivent.
Il y avait une possibilité, comme pour les billets périmés, à savoir les obliger déponger.
M. Strauss-Kahn - La demande de la grande distribution est justement quils doivent -toutes les distributions me corrige Marilyse. Cest tout le débat quil y a entre la période pendant laquelle on peut utiliser les deux monnaies ou une période plus restreinte pendant laquelle, en fait on peut payer, avec le franc en loccurrence ou le deutsch mark ailleurs, mais où on vous rend obligatoirement des euros, et ces questions-là ne sont pas tranchées.
La question simple est larbitrage entre deux avantages et deux inconvénients : les avantages et les inconvénients du basculement rapide et les avantages et les inconvénients de la période plus longue. Il y a, dans les deux cas, des avantages et inconvénients.
Pour parler simple, pour les agents économiques les plus expérimentés, notamment les entreprises et les commerçants, plus le basculement se fait vite mieux cest.
Pour les populations les moins expérimentées et dont ladaptation est plus difficile, cest le contraire. Il faut arbitrer entre les deux. Cest pour cela que lon a refusé la proposition qui était faite par la distribution, notamment de passage en big bang en une nuit ; cétait trop extrême dans un sens. Cela ne veut pas dire non plus quil faille conserver les six-huit semaines avec la double circulation totale et le rendu de monnaie en francs qui serait laissé possible. On basculerait complètement de lautre côté. Quel est léquilibre entre les deux ? Cest une question qui va être évoquée plusieurs fois avant que lon adopte une position définitive. Tel est le jeu de contraintes dans lequel sinsère, une contrainte defficacité pour les professionnels et une contrainte de facilité pour les consommateurs.
Une intervenante - Où en est la discussion sur les échanges de billets pendant la période de transition entre monnaie in et les commissions qui sont prises au passage ? On ne parle plus de change entre les billets des monnaies nationales. Une commission est prise, notamment par la Banque de France qui avait annoncé une commission de service de 3,5 %. Cela sera-t-il maintenu ?
M. Strauss-Kahn - Cest la question que jai évoquée tout à lheure en disant que ce qui relevait de la prime de risque sur le change avait évidemment disparu et que largumentation des banquiers centraux, pas seulement la Banque de France mais tous les banquiers centraux, est de dire quil reste des coûts de manutention, qui peuvent être plus importants dans certains pays que dans le nôtre, parce quil y a un certain nombre de pays dans lesquels les banques centrales nont pas la pratique de faire le change manuel et doivent donc installer des dispositifs spécifiques. Ce nest pas le cas pour la Banque de France, qui a toujours fait du change manuel ; de ce point de vue, elle est équipée en guichets, en personnels, en tout ce que lon veut. Ce nest pas le cas partout ailleurs.
Doù conflit entre cette décision des banques centrales et les consommateurs qui disent quil ny a aucune raison que cela ne soit pas gratuit. Jai demandé à la Banque de France et aux consommateurs de se rapprocher dans les trois ou quatre semaines qui viennent et de tâcher de trouver une solution qui les satisfasse des deux côtés. Au bout de ce délai, si ce nest pas le cas, on verra comment le Gouvernement interviendra pour régler ce point de litige qui, pour moment, nest pas réglé. Je leur ai demandé de se revoir pour en discuter, en insistant sur le fait que je souhaitais quils trouvent une solution. Mais cest un point qui nest pas réglé.
Un intervenant - Il y a beaucoup de commentaires aujourdhui sur le cours de leuro, sa parité par rapport au dollar, etc. Jean-Claude Trichet a semblé dire que leuro avait atteint un niveau qui nécessite une certaine vigilance de la part de la banque centrale européenne. Que pensez-vous de cette parité actuelle ?
M. Strauss-Kahn - Jen pense que je ne mexprime pas sur le cours de leuro. Si Jean-Claude Trichet a dit cela, il doit avoir des raisons. La vigilance fait partie du métier des banquiers centraux ; je ne voix pas pourquoi ils sen départiraient.
Le seul point sur lequel je veux bien faire un commentaire, cest que, si lon veut sinterroger, ce qui est légitime, sur la bonne parité entre le dollar et leuro, il faut regarder une série qui soit suffisamment longue, ce qui revient à reconstituer ce quaurait été le cours de leuro, compte tenu des différentes monnaies qui le composent, avant le 1er janvier 1999, ou à regarder léquivalence en francs du cours de leuro. Nous sommes à un cours de leuro en francs qui se compare raisonnablement à ce qua été le cours du francs par rapport au dollar pendant la plus grande partie de lannée 1998. Mais on ne peut pas se limiter à une analyse du 1er janvier 1999 à aujourdhui. Cest une période beaucoup trop courte pour se faire une opinion sur une moyenne de longue période.
Il est vrai que le cours de leuro par rapport au dollar a baissé régulièrement depuis le 1er janvier jusquà aujourdhui. Ce sont des fluctuations quil faut inscrire dans une période plus longue. Cest à ce moment-là que lon saperçoit quelles sont sans grande importance.
Un intervenant.- Je voudrais revenir un instant sur laffaire des billets et des pièces. Navez-vous jamais envisagé de profiter de cette occasion pour régler en même temps toute une série de problèmes en accélérant massivement le passage au porte-monnaie électronique ?
M. Strauss-Kahn.- Quand on a deux problèmes compliqués, pourquoi ne pas les réunir pour essayer de les résoudre ensemble ? Cest une technique qui peut marcher, mais on nest pas sûr du coup !
Non, on na pas réfléchi à la possibilité de faire cela. Jentends à ma droite que lon y a beaucoup réfléchi. La réflexion nest pas venue jusquà moi ! Je nai jamais été saisi. Je vais corriger, parce quil faut être modeste dans ma fonction.
Je nai jamais vu de choses probantes incitant à prendre une décision dans ce sens, montrant quil y avait une solution simultanée aux deux problèmes. Le problème porte-monnaie électronique suit son chemin de son côté. Il ne mest rien remonté de probant de ce côté-là. Grâce à votre question, japprends ce qui se fait dans le Ministère !
Une intervenante.- A-t-on une idée du nombre de transactions effectuées en euro à fin mars en carte bleue et chèque ?
M. Strauss-Kahn.- En nombre, je ne sais pas combien cela fait. Le chiffre qui a été donné, qui est très arrondi, est 1 %. Je ne sais pas combien cela fait. Tu peux essayer de retrouver
cela ? Il y a environ dix chèques mutés par jour.
Un Intervenant. Le problème de lavancement de la préparation de leuro dans les administrations publiques a-t-il été évoqué au Comité national ?
M. Strauss-Kahn.- Non, nous nen avons pas parlé aujourdhui. Cest une question qui a été largement traitée, mais qui est, pour partie, derrière nous. Dans cette Maison, une grosse partie de ce qui devait être fait la été au titre de la dette publique, etc., de ladaptation et de la capacité à recevoir les impôts en euro (8 %) ; la mécanique fonctionne. Pour ce qui est du Ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie, je nai plus dinquiétude.
Dans dautres ministères, la préparation est analogue à ce qui se passe pour nimporte quelle activité. Je ne sens pas de difficultés particulières. De plus, les administrations sont aujourdhui immobilisées - cest un autre sujet - sur leur rôle dans la préparation aux affaires de passage à lan 2000. Cest un autre sujet, mais cest le même genre dadaptation. Je les invite à être plus actifs sur ce sujet, parce quil est plus proche, et à reprendre, sil en reste, mais cest très avancé, les travaux à faire sur le problème de leuro.
Vous savez tout. Marilyse Lebranchu et moi-même nous étions fait la réflexion lautre jour que de plus en plus dorganes de presse tenaient à indiquer les montants monétaires en franc et en euro et que cétait une très bonne participation à la prise de conscience par tout le monde, à lacquisition de léchelle des prix en euro. Je voulais vous en remercier.
Je vais demander aux animateurs de jeux télévisés, chaque fois quun de nos concitoyens gagne une machine à laver, dannoncer de la même manière la valeur - vous rigolez, mais cest très important ! - en franc et en euro et que chaque occasion puisse être saisie pour que léchelle de prix en euro rentre dans les esprits. Cest comme cela que lon habituera les Français pour être prêts au 1er janvier 2002. Cest là quil faut quils aient en tête, le plus possible, une échelle de prix en euro.
Je vous remercie beaucoup.
Une intervenante.- Les banques qui avaient été visitées...
M. Strauss-Kahn.-... perquisitionnées.
Une intervenante.- ...perquisitionnées, visitées, il y a deux mois, ont rendu leur copie à la commission. A-t-on une idée de ce que cela va donner ?
M. Strauss-Kahn.- Non, il faut attendre que la commission... Rien nest revenu de la commission pour le moment.
(Source http:/www.finances.gouv.fr, le 10 avril 1999)