Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Se souvenir d'hier pour mieux comprendre aujourd'hui et éclairer les choix pour demain : les commémorations ont cette triple fonction, de remplir l'indispensable devoir de mémoire, de nouer la chaîne des générations, de contribuer, comme le dit l'historien Lucien FEBVRE " à forger nos convictions pour l'avenir ". Le 150ème anniversaire du décret du 3 octobre 1848, point de départ des manifestations qui aboutissent au colloque aujourd'hui réuni à l'UNESCO, s'inscrit pleinement dans cette démarche :de la connaissance du passé à un projet pour l'avenir. Arrivés au terme de cette année de commémoration, le colloque qui réunit pendant ces deux jours près de 500 participants a pour ambition de demander à la société ce qu'elle attend de l'enseignement agricole demain.
Cet éclairage me sera particulièrement précieux pour les décisions que je serai amené à prendre dans un contexte historique particulier, celui du passage au XXIème siècle et de la nouvelle étape dans la construction européenne.
Un rapide retour sur l'histoire récente qui couvre la période qui nous sépare des grandes lois agricoles de 1960-1962, me permettra de rappeler ce qu'est devenu l'enseignement agricole aujourd'hui et d'orienter la réflexion sur ce que doit être son projet pour l'avenir.
Réactivé par la loi d'orientation du 2 août 1960, après une longue période de stagnation, l'enseignement agricole contemporain s'est développé de façon considérable, au point que les établissements maillent aujourd'hui tout le territoire de la République d'un réseau serré de sites de formation initiale, d'apprentissage ou de formation professionnelle, d'exploitations agricoles ou d'ateliers technologiques à vocation pédagogique.
Il diffuse dans tous les départements enseignement, formation, résultats de la recherche ou d'expérimentations, mais aussi il contribue à l'animation du milieu rural comme à la coopération internationale.
Au cours de ces 40 années, il a rempli trois fonctions principales. Une fonction technique, en premier lieu, la formation des agriculteurs, des futurs agriculteurs, des techniciens de l'agriculture, dans tous les secteurs de la production agricole. La contribution qu'il a apportée, à travers l'action des centres de formation pour adultes, celles des lycées pour la formation des jeunes, a fortement contribué à la mutation de l'agriculture française, plus largement de la société rurale.
Chacun sait que sans cet effort sans précédent en matière de formation, la France ne serait pas devenue la grande puissance agricole qu'elle est aujourd'hui.
En outre, par ses recherches, par ses réalisations, par ses résultats, l'enseignement agricole a enrichi les conceptions de la nation toute entière en matière d'enseignement, de pédagogie, de formation d'adultes, d'organisation du système éducatif.
Il a également rempli une fonction sociologique : à travers les missions que lui assignait la loi, il a très largement apporté son concours à la formation et à la qualification des acteurs professionnels ainsi qu'à celle de l'encadrement technique et administratif de l'agriculture. Il me plaît à ce sujet de souligner le rôle majeur joué en ce domaine par l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire.
Plus globalement, par le développement des formations dites de " niveau V " le CAPA, le BEPA, le BPA -, puis par l'obligation de posséder le BTA pour accéder à la capacité professionnelle agricole en vue de l'installation, l'enseignement agricole a produit une élévation générale du niveau des qualifications en agriculture. Cette élévation s'exprime aussi aujourd'hui par le succès rapide du baccalauréat professionnel, " le bac pro "...
Il a rempli une troisième fonction. Une fonction sociale d'accompagnement du transfert vers la ville, vers les emplois industriels et les emplois de service, d'une part importante d'une population agricole qui ne trouvait plus - face aux progrès de productivité - toute la place qu'elle aurait peut-être souhaité.
Et depuis quelques années c'est au mouvement inverse que nous assistons. L'enseignement agricole contribue activement à donner à des jeunes citadins une qualification leur permettant une insertion professionnelle dans la production agricole, l'environnement, la transformation et la commercialisation des produits, et aussi les services en milieu rural. Comme je l'ai entendu dire " l'enseignement agricole ne forme pas de chômeurs " : les taux d'insertion professionnelle des anciens élèves, mesurés de façon systématique tous les deux ans, sont toujours très bons, voire excellents.
Ces rappels me conduisent naturellement à évoquer la situation de l'enseignement agricole aujourd'hui.
L'enseignement secondaire agricole tout d'abord.
Depuis les lois de 1983, 1985 et surtout depuis les lois de 1984 portant sa rénovation, il est totalement articulé avec l'Education nationale. Les intitulés des diplômes sont les mêmes, les durées de formation sont homogènes, des passerelles ont été mises en place permettant le passage d'un système à l'autre même si des progrès doivent encore être faits dans ce domaine.
Pour autant, il n'a pas oublié de cultiver son identité, par l'originalité de ses missions, " les 4 missions ", par la formation à l'action, par la place faite à l'inter-disciplinarité, par la prise en compte de la complexité, par les modalités de délivrance des diplômes intégrant une part de contrôle en cours de formation, mais aussi par sa conception de l'autonomie de l'établissement... Certains observateurs attentifs (à l'Académie des Sciences, par exemple) y voient " un laboratoire d'innovation ".
De son côté, l'enseignement supérieur, agronomique, agro-alimentaire, et vétérinaire a entamé sa rénovation, avec un aspect éminemment stratégique : la publication du statut des enseignants-chercheurs (1992) et celle des statuts des corps de formation-recherche (1995). Cette rénovation n'est pas encore complète, mais la loi d'orientation sur laquelle je vais revenir, permettra de franchir une nouvelle étape.
Dans quelques semaines, le Parlement aura achevé ses travaux.
L'agriculture française sera dotée d'une nouvelle stratégie. Elle sera ainsi mieux à même d'affronter les enjeux considérables qui sont devant nous.
Enjeux européens, sans doute les plus importants, avec la réforme de la PAC, le budget communautaire, l'élargissement, la monnaie unique.
Mais encore enjeux planétaires, la " mondialisation " bien sûr, les négociations à venir de l'Organisation mondiale du commerce, sans oublier la grande question du renouvellement des ressources naturelles, la reconnaissance de la multi-fonctionnalité de l'agriculture, le " droit des peuples à se nourrir eux-mêmes ", la construction de la paix...
Enjeux nationaux, bien entendu, l'aménagement du territoire et le respect de l'environnement, la valorisation de la forêt, la qualité des produits et la sécurité des aliments, la santé publique, l'emploi et l'activité économique.
La conscience de ces enjeux a conduit le gouvernement à présenter au Parlement un ensemble de dispositions législatives dont l'ambition vise à doter notre pays d'orientations fortes, à construire une politique du long terme. La loi d'orientation agricole en est une des pièces majeures.
Comme pour tout texte, on peut en donner plusieurs lectures, plusieurs interprétations . Dans une loi, on peut, à partir d'une lecture plate et réductrice ne retenir qu'une collection de mesures, voire de seules bonnes intentions. On peut aussi, dans une vision globale, retenir la signification que ces mêmes mesures prennent les unes par rapport aux autres.
Pour la loi d'orientation agricole, c'est l'article 1° qui donne la clé d'interprétation. A partir de la définition de la multifonctionnalité de l'agriculture, chaque titre, chaque article, déclinent les éléments d'une politique agricole à la fois ambitieuse et dynamique. Cette grille de lecture appliquée au titre VI consacré à la formation, au développement et à la recherche, affiche l'ambition du texte et sa signification profonde.
Quelques exemples pour illustrer ce propos.
La reformulation des missions de l'enseignement agricole, plus ramassée que l'actuelle, vise à les enrichir, à les élargir, à les articuler entre elles, à partir de la multifonctionnalité de l'agriculture, pour une contribution encore meilleure au développement local et à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes.
Second exemple, la réorganisation des établissements publics autour de la notion de " centre constitutif " a pour objectif de mobiliser la totalité des secteurs de l'établissement au service du territoire et de son développement durable. Cette affirmation du rôle de l'établissement dans son territoire ne conduit pas à un éparpillement préjudiciable à l'action. D'où l'affichage dupilotage national de l'enseignement agricole par l'Etat, dans son rôle éminent d'orientation, d'impulsion, d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.
L'enseignement supérieur et la recherche me fournissent un troisième exemple. La loi dote l'enseignement supérieur agronomique, agroalimentaire et vétérinaire à la fois d'une meilleure lisibilité internationale et d'une meilleure intégration dans le service public de l'enseignement supérieur, par une harmonisation des statuts et des diplômes avec l'université.
Ainsi, l'enseignement agricole d'aujourd'hui est donc riche de son histoire mais, il doit surtout, il en a désormais les moyens, se doter d'un projet pour l'avenir.
Ce projet pour l'enseignement agricole que nous avons à élaborer, à faire partager repose nécessairement sur le socle législatif de 1984, dont j'ai dit au Parlement que je souhaitais que les équilibres qui en découlent soient maintenus, enrichi, bien évidemment, du nouveau cadre qui sera mis en place par la loi d'orientation agricole.
Plusieurs outils, si je puis dire, existent déjà. Le premier c'est le troisième schéma national prévisionnel de l'enseignement agricole qui réaffirme le pilotage de l'enseignement agricole fondé sur la stratégie de service public, assise sur les valeurs de démocratie, de laïcité, de citoyenneté, d'égalité des chances, de promotion des personnes et qui affiche un cadre pour l'action des établissements, un cadre garant des orientations nationales et de la cohérence de l'action publique. Ce cadre s'impose à tous, tout en favorisant l'autonomie et l'initiative locale dans la mise en uvre des orientations.
Les autres outils sont notamment les rapports qui m'ont été remis ou qui vont l'être prochainement.
Aussi, je dispose depuis quelques jours du rapport que m'a remis le Recteur Armand FREMONT sur le recrutement des enseignants et des cadres de l'enseignement agricole public et je vais recevoir celui que j'ai confié à l'Inspection générale de l'agriculture sur le fonctionnement et les moyens de l'enseignement agricole public.
Le projet devra bien entendu tenir compte de la réforme engagée des lycées. L'enseignement agricole y a déjà pris une part active : au moment de la consultation des lycées avec la commission MEYRIEU, lors de la phase d'élaboration des textes aujourd'hui publiés. On peut constater que les fondements de la réforme des lycées et les fondements de la rénovation de l'enseignement agricole présentent de nombreux points communs : la place de l'élève, au centre du système éducatif, la diversification des activités pédagogiques, l'individualisation, et aussi, la construction de la citoyenneté au lycée, la visée démocratique, la responsabilité. La réforme des lycées constitue donc une étape supplémentaire dans l'approfondissement de la rénovation pédagogique engagée depuis 1982.
Je veux que ce projet pour l'enseignement agricole soit global. Il doit donc prendre en compte les formations scolaires, par apprentissage, continues et supérieures.
C'est pourquoi l'enseignement agricole devra inscrire son action, ses réflexions dans les perspectives de réforme de la formation professionnelle et d'éducation tout au long de la vie ouvertes à la suite de la communication en Conseil des ministres du 17 mars 1999. Dans les quarante dernières années, et grâce à l'action des CFPPA, l'enseignement agricole a eu un rôle moteur dans les conceptions et l'organisation de la formation des adultes dans notre pays. Aujourd'hui sa place dans les actions conduites dépasse très largement le seul poids du secteur agricole et c'est très bien ainsi.
Il doit être prêt à renouveler ses contributions.
De la même manière, j'appelle l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire à poursuivre sa contribution à la modernisation nécessaire. Sur la même période qui va des années 1960 à nos jours, il a parcouru le long chemin qui va de l'isolement à la co-tutelle avec le ministère chargé des universités, avec un souci constant et sans cesse renouvelé d'ouverture des établissements, de coopération avec d'autres institutions nationales ou internationales.
Aujourd'hui cette ouverture va pouvoir être complétée par une meilleure visibilité internationale tant en matière de cursus, de durée des formations que de diplômes. Je souhaite d'ailleurs qu'une relation originale entre l'Union européenne et le service public de l'enseignement agricole soit construite.
Le projet, pour l'enseignement agricole, c'est évident, doit s'enrichir des apports de tous ses partenaires : collectivités territoriales, associations . Il doit aboutir à une rénovation de l'administration de l'enseignement agricole à ces différents niveaux, local, national et régional et comme pour toutes les autres politiques publiques, il doit impérativement prévoir et mettre en uvre son évaluation.
Bien évidemment l'élaboration d 'un projet viable et durable repose sur l'adhésion des personnels. Toute la communauté éducative doit donc en être partie prenante et je voudrais, à ce moment de mon intervention, particulièrement remercier toutes celles et ceux qui dans les établissements publics locaux, dans les établissements publics nationaux, dans les régions, à l'administration centrale porte la cause de l'enseignement agricole.
Les négociations budgétaires pour l'an 2000 ont débuté et les moyens pour l'enseignement agricole public seront une de mes priorités.
Je porterais notamment toutes les mesures nécessaires à la diminution de la précarité de l'emploi.
Vous l'avez compris, j'attends pour ce projet, des formulations, des propositions ambitieuses.
En effet l'enseignement agricole, qui a joué un rôle éminent dans les transformations de l'agriculture du XXème siècle, doit se mettre en position de jouer un rôle similaire pour accompagner les mutations à venir.
S'il a rempli une mission importante dans le grand mouvement national d'élévation du niveau de qualification des français, cette tâche n'est pas achevée. Le XXIème siècle sera celui de la bataille de l'intelligence : la mobilisation pour une plus large diffusion des connaissances, pour une transformation des diplômes, pour l'emploi et l'activité, pour la formation tout au long de la vie, il doit être aussi celui de la préservation et de la promotion des valeurs liées à la citoyenneté, de l'égalité permanente des chances et de l'insertion professionnelle et sociale, par l'éducation, la formation et la culture, celui de l'épanouissement individuel, je sais que l'enseignement agricole saura répondre à ces impératifs.
En effet, nous fêtons aujourd'hui 150 ans d'histoire. En ce siècle et demi, cet enseignement a su reformuler à quatre reprises au moins son projet et ses orientations, et à les mettre en uvre.
Aujourd'hui, en 1999, de nouvelles ambitions se dessinent, encore plus riches, encore plus complexes ; ensemble nous les reformulerons, ensemble nous les relèverons.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 mai 1999)
Mesdames, Messieurs,
Se souvenir d'hier pour mieux comprendre aujourd'hui et éclairer les choix pour demain : les commémorations ont cette triple fonction, de remplir l'indispensable devoir de mémoire, de nouer la chaîne des générations, de contribuer, comme le dit l'historien Lucien FEBVRE " à forger nos convictions pour l'avenir ". Le 150ème anniversaire du décret du 3 octobre 1848, point de départ des manifestations qui aboutissent au colloque aujourd'hui réuni à l'UNESCO, s'inscrit pleinement dans cette démarche :de la connaissance du passé à un projet pour l'avenir. Arrivés au terme de cette année de commémoration, le colloque qui réunit pendant ces deux jours près de 500 participants a pour ambition de demander à la société ce qu'elle attend de l'enseignement agricole demain.
Cet éclairage me sera particulièrement précieux pour les décisions que je serai amené à prendre dans un contexte historique particulier, celui du passage au XXIème siècle et de la nouvelle étape dans la construction européenne.
Un rapide retour sur l'histoire récente qui couvre la période qui nous sépare des grandes lois agricoles de 1960-1962, me permettra de rappeler ce qu'est devenu l'enseignement agricole aujourd'hui et d'orienter la réflexion sur ce que doit être son projet pour l'avenir.
Réactivé par la loi d'orientation du 2 août 1960, après une longue période de stagnation, l'enseignement agricole contemporain s'est développé de façon considérable, au point que les établissements maillent aujourd'hui tout le territoire de la République d'un réseau serré de sites de formation initiale, d'apprentissage ou de formation professionnelle, d'exploitations agricoles ou d'ateliers technologiques à vocation pédagogique.
Il diffuse dans tous les départements enseignement, formation, résultats de la recherche ou d'expérimentations, mais aussi il contribue à l'animation du milieu rural comme à la coopération internationale.
Au cours de ces 40 années, il a rempli trois fonctions principales. Une fonction technique, en premier lieu, la formation des agriculteurs, des futurs agriculteurs, des techniciens de l'agriculture, dans tous les secteurs de la production agricole. La contribution qu'il a apportée, à travers l'action des centres de formation pour adultes, celles des lycées pour la formation des jeunes, a fortement contribué à la mutation de l'agriculture française, plus largement de la société rurale.
Chacun sait que sans cet effort sans précédent en matière de formation, la France ne serait pas devenue la grande puissance agricole qu'elle est aujourd'hui.
En outre, par ses recherches, par ses réalisations, par ses résultats, l'enseignement agricole a enrichi les conceptions de la nation toute entière en matière d'enseignement, de pédagogie, de formation d'adultes, d'organisation du système éducatif.
Il a également rempli une fonction sociologique : à travers les missions que lui assignait la loi, il a très largement apporté son concours à la formation et à la qualification des acteurs professionnels ainsi qu'à celle de l'encadrement technique et administratif de l'agriculture. Il me plaît à ce sujet de souligner le rôle majeur joué en ce domaine par l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire.
Plus globalement, par le développement des formations dites de " niveau V " le CAPA, le BEPA, le BPA -, puis par l'obligation de posséder le BTA pour accéder à la capacité professionnelle agricole en vue de l'installation, l'enseignement agricole a produit une élévation générale du niveau des qualifications en agriculture. Cette élévation s'exprime aussi aujourd'hui par le succès rapide du baccalauréat professionnel, " le bac pro "...
Il a rempli une troisième fonction. Une fonction sociale d'accompagnement du transfert vers la ville, vers les emplois industriels et les emplois de service, d'une part importante d'une population agricole qui ne trouvait plus - face aux progrès de productivité - toute la place qu'elle aurait peut-être souhaité.
Et depuis quelques années c'est au mouvement inverse que nous assistons. L'enseignement agricole contribue activement à donner à des jeunes citadins une qualification leur permettant une insertion professionnelle dans la production agricole, l'environnement, la transformation et la commercialisation des produits, et aussi les services en milieu rural. Comme je l'ai entendu dire " l'enseignement agricole ne forme pas de chômeurs " : les taux d'insertion professionnelle des anciens élèves, mesurés de façon systématique tous les deux ans, sont toujours très bons, voire excellents.
Ces rappels me conduisent naturellement à évoquer la situation de l'enseignement agricole aujourd'hui.
L'enseignement secondaire agricole tout d'abord.
Depuis les lois de 1983, 1985 et surtout depuis les lois de 1984 portant sa rénovation, il est totalement articulé avec l'Education nationale. Les intitulés des diplômes sont les mêmes, les durées de formation sont homogènes, des passerelles ont été mises en place permettant le passage d'un système à l'autre même si des progrès doivent encore être faits dans ce domaine.
Pour autant, il n'a pas oublié de cultiver son identité, par l'originalité de ses missions, " les 4 missions ", par la formation à l'action, par la place faite à l'inter-disciplinarité, par la prise en compte de la complexité, par les modalités de délivrance des diplômes intégrant une part de contrôle en cours de formation, mais aussi par sa conception de l'autonomie de l'établissement... Certains observateurs attentifs (à l'Académie des Sciences, par exemple) y voient " un laboratoire d'innovation ".
De son côté, l'enseignement supérieur, agronomique, agro-alimentaire, et vétérinaire a entamé sa rénovation, avec un aspect éminemment stratégique : la publication du statut des enseignants-chercheurs (1992) et celle des statuts des corps de formation-recherche (1995). Cette rénovation n'est pas encore complète, mais la loi d'orientation sur laquelle je vais revenir, permettra de franchir une nouvelle étape.
Dans quelques semaines, le Parlement aura achevé ses travaux.
L'agriculture française sera dotée d'une nouvelle stratégie. Elle sera ainsi mieux à même d'affronter les enjeux considérables qui sont devant nous.
Enjeux européens, sans doute les plus importants, avec la réforme de la PAC, le budget communautaire, l'élargissement, la monnaie unique.
Mais encore enjeux planétaires, la " mondialisation " bien sûr, les négociations à venir de l'Organisation mondiale du commerce, sans oublier la grande question du renouvellement des ressources naturelles, la reconnaissance de la multi-fonctionnalité de l'agriculture, le " droit des peuples à se nourrir eux-mêmes ", la construction de la paix...
Enjeux nationaux, bien entendu, l'aménagement du territoire et le respect de l'environnement, la valorisation de la forêt, la qualité des produits et la sécurité des aliments, la santé publique, l'emploi et l'activité économique.
La conscience de ces enjeux a conduit le gouvernement à présenter au Parlement un ensemble de dispositions législatives dont l'ambition vise à doter notre pays d'orientations fortes, à construire une politique du long terme. La loi d'orientation agricole en est une des pièces majeures.
Comme pour tout texte, on peut en donner plusieurs lectures, plusieurs interprétations . Dans une loi, on peut, à partir d'une lecture plate et réductrice ne retenir qu'une collection de mesures, voire de seules bonnes intentions. On peut aussi, dans une vision globale, retenir la signification que ces mêmes mesures prennent les unes par rapport aux autres.
Pour la loi d'orientation agricole, c'est l'article 1° qui donne la clé d'interprétation. A partir de la définition de la multifonctionnalité de l'agriculture, chaque titre, chaque article, déclinent les éléments d'une politique agricole à la fois ambitieuse et dynamique. Cette grille de lecture appliquée au titre VI consacré à la formation, au développement et à la recherche, affiche l'ambition du texte et sa signification profonde.
Quelques exemples pour illustrer ce propos.
La reformulation des missions de l'enseignement agricole, plus ramassée que l'actuelle, vise à les enrichir, à les élargir, à les articuler entre elles, à partir de la multifonctionnalité de l'agriculture, pour une contribution encore meilleure au développement local et à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes.
Second exemple, la réorganisation des établissements publics autour de la notion de " centre constitutif " a pour objectif de mobiliser la totalité des secteurs de l'établissement au service du territoire et de son développement durable. Cette affirmation du rôle de l'établissement dans son territoire ne conduit pas à un éparpillement préjudiciable à l'action. D'où l'affichage dupilotage national de l'enseignement agricole par l'Etat, dans son rôle éminent d'orientation, d'impulsion, d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.
L'enseignement supérieur et la recherche me fournissent un troisième exemple. La loi dote l'enseignement supérieur agronomique, agroalimentaire et vétérinaire à la fois d'une meilleure lisibilité internationale et d'une meilleure intégration dans le service public de l'enseignement supérieur, par une harmonisation des statuts et des diplômes avec l'université.
Ainsi, l'enseignement agricole d'aujourd'hui est donc riche de son histoire mais, il doit surtout, il en a désormais les moyens, se doter d'un projet pour l'avenir.
Ce projet pour l'enseignement agricole que nous avons à élaborer, à faire partager repose nécessairement sur le socle législatif de 1984, dont j'ai dit au Parlement que je souhaitais que les équilibres qui en découlent soient maintenus, enrichi, bien évidemment, du nouveau cadre qui sera mis en place par la loi d'orientation agricole.
Plusieurs outils, si je puis dire, existent déjà. Le premier c'est le troisième schéma national prévisionnel de l'enseignement agricole qui réaffirme le pilotage de l'enseignement agricole fondé sur la stratégie de service public, assise sur les valeurs de démocratie, de laïcité, de citoyenneté, d'égalité des chances, de promotion des personnes et qui affiche un cadre pour l'action des établissements, un cadre garant des orientations nationales et de la cohérence de l'action publique. Ce cadre s'impose à tous, tout en favorisant l'autonomie et l'initiative locale dans la mise en uvre des orientations.
Les autres outils sont notamment les rapports qui m'ont été remis ou qui vont l'être prochainement.
Aussi, je dispose depuis quelques jours du rapport que m'a remis le Recteur Armand FREMONT sur le recrutement des enseignants et des cadres de l'enseignement agricole public et je vais recevoir celui que j'ai confié à l'Inspection générale de l'agriculture sur le fonctionnement et les moyens de l'enseignement agricole public.
Le projet devra bien entendu tenir compte de la réforme engagée des lycées. L'enseignement agricole y a déjà pris une part active : au moment de la consultation des lycées avec la commission MEYRIEU, lors de la phase d'élaboration des textes aujourd'hui publiés. On peut constater que les fondements de la réforme des lycées et les fondements de la rénovation de l'enseignement agricole présentent de nombreux points communs : la place de l'élève, au centre du système éducatif, la diversification des activités pédagogiques, l'individualisation, et aussi, la construction de la citoyenneté au lycée, la visée démocratique, la responsabilité. La réforme des lycées constitue donc une étape supplémentaire dans l'approfondissement de la rénovation pédagogique engagée depuis 1982.
Je veux que ce projet pour l'enseignement agricole soit global. Il doit donc prendre en compte les formations scolaires, par apprentissage, continues et supérieures.
C'est pourquoi l'enseignement agricole devra inscrire son action, ses réflexions dans les perspectives de réforme de la formation professionnelle et d'éducation tout au long de la vie ouvertes à la suite de la communication en Conseil des ministres du 17 mars 1999. Dans les quarante dernières années, et grâce à l'action des CFPPA, l'enseignement agricole a eu un rôle moteur dans les conceptions et l'organisation de la formation des adultes dans notre pays. Aujourd'hui sa place dans les actions conduites dépasse très largement le seul poids du secteur agricole et c'est très bien ainsi.
Il doit être prêt à renouveler ses contributions.
De la même manière, j'appelle l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire à poursuivre sa contribution à la modernisation nécessaire. Sur la même période qui va des années 1960 à nos jours, il a parcouru le long chemin qui va de l'isolement à la co-tutelle avec le ministère chargé des universités, avec un souci constant et sans cesse renouvelé d'ouverture des établissements, de coopération avec d'autres institutions nationales ou internationales.
Aujourd'hui cette ouverture va pouvoir être complétée par une meilleure visibilité internationale tant en matière de cursus, de durée des formations que de diplômes. Je souhaite d'ailleurs qu'une relation originale entre l'Union européenne et le service public de l'enseignement agricole soit construite.
Le projet, pour l'enseignement agricole, c'est évident, doit s'enrichir des apports de tous ses partenaires : collectivités territoriales, associations . Il doit aboutir à une rénovation de l'administration de l'enseignement agricole à ces différents niveaux, local, national et régional et comme pour toutes les autres politiques publiques, il doit impérativement prévoir et mettre en uvre son évaluation.
Bien évidemment l'élaboration d 'un projet viable et durable repose sur l'adhésion des personnels. Toute la communauté éducative doit donc en être partie prenante et je voudrais, à ce moment de mon intervention, particulièrement remercier toutes celles et ceux qui dans les établissements publics locaux, dans les établissements publics nationaux, dans les régions, à l'administration centrale porte la cause de l'enseignement agricole.
Les négociations budgétaires pour l'an 2000 ont débuté et les moyens pour l'enseignement agricole public seront une de mes priorités.
Je porterais notamment toutes les mesures nécessaires à la diminution de la précarité de l'emploi.
Vous l'avez compris, j'attends pour ce projet, des formulations, des propositions ambitieuses.
En effet l'enseignement agricole, qui a joué un rôle éminent dans les transformations de l'agriculture du XXème siècle, doit se mettre en position de jouer un rôle similaire pour accompagner les mutations à venir.
S'il a rempli une mission importante dans le grand mouvement national d'élévation du niveau de qualification des français, cette tâche n'est pas achevée. Le XXIème siècle sera celui de la bataille de l'intelligence : la mobilisation pour une plus large diffusion des connaissances, pour une transformation des diplômes, pour l'emploi et l'activité, pour la formation tout au long de la vie, il doit être aussi celui de la préservation et de la promotion des valeurs liées à la citoyenneté, de l'égalité permanente des chances et de l'insertion professionnelle et sociale, par l'éducation, la formation et la culture, celui de l'épanouissement individuel, je sais que l'enseignement agricole saura répondre à ces impératifs.
En effet, nous fêtons aujourd'hui 150 ans d'histoire. En ce siècle et demi, cet enseignement a su reformuler à quatre reprises au moins son projet et ses orientations, et à les mettre en uvre.
Aujourd'hui, en 1999, de nouvelles ambitions se dessinent, encore plus riches, encore plus complexes ; ensemble nous les reformulerons, ensemble nous les relèverons.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 mai 1999)