Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à "RMC" le 13 décembre 2013, sur la politique industrielle de la France, sur les négociations entre PSA et l'entreprise chinoise Dongfeng.

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Commençons avec le premier dossier, vous en avez beaucoup sous le coude, PSA PEUGEOT CITROEN, négociations confirmées… d'abord retrait de GENERAL MOTORS qui possédait 7 % des actions, négociations confirmées avec le chinois DONGFENG, en fait l'Etat chinois, qui entrerait au capital à quelle hauteur ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ce sont des négociations qui ne sont pas achevées, qui sont au long cours, l'objectif pour PSA est de s'internationaliser, je n'ai pas dit délocaliser, j'ai dit d'aller chercher sur les marchés où il y a beaucoup de croissance, il y a beaucoup d'argent à gagner, beaucoup de voitures à vendre, de quoi aider lorsqu'en Europe ça va assez mal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc construire ces voitures en Chine, bien sûr.
ARNAUD MONTEBOURG
On construit toujours les voitures au plus près du marché, d'ailleurs c'est un peu ce que font tous les constructeurs mondiaux. Mais surtout acquérir une taille mondiale, car un constructeur qui est trop petit aujourd'hui… c'est ce qu'avait fait RENAULT avec son alliance NISSAN, ils vendent maintenant… ils ne sont pas très loin de… au-dessus… environ 8 millions, c'est leur objectif en tout cas de véhicules vendus dans le monde. Un constructeur qui a la taille trop petite risque de graves difficultés. Et PSA connaît de graves difficultés, donc il y a en fait 2 jambes dans le rebond de PSA et le retour vers la bonne santé et la meilleure fortune. Il y a un accord avec GM, GENERAL MOTORS, en Europe pour couper les coûts en deux, améliorer la rentabilité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, même si GENERAL MOTORS…
ARNAUD MONTEBOURG
Partager les usines…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Se retire, il y a encore un accord effectivement, mais apparemment un accord qui est moins complet qu'il ne l'était quand GENERAL MOTORS était actionnaire. Je voudrais revenir…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, il a… d'accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c'est fini, GENERAL MOTORS n'est plus actionnaire…
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais ce n'est pas le problème d'être actionnaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais, je sais…
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas seulement ça, ce que je voulais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a un accord industriel…
ARNAUD MONTEBOURG
C'est que c'est deux jambes, une jambe pour l'Europe une jambe pour l'Asie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, moi je voudrais revenir sur le chinois DONGFENG, à quelle hauteur DONGFENG pourrait-il entrer…
ARNAUD MONTEBOURG
C'est une discussion qui n'est pas achevée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
3, 4 milliards d'euros.
ARNAUD MONTEBOURG
Donc comme c'est une société qui est cotée, je ne peux pas m'exprimer en ce sens. Mais ce que je peux vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Etat… alors moi j'ai une autre question, est-ce que l'Etat va participer à l'augmentation de capital ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne peux pas répondre à votre question…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pouvez répondre à quoi alors ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je peux déjà vous dire que l'Etat premièrement est présent, puisqu'il a garanti la banque PSA…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 7 milliards d'euros.
ARNAUD MONTEBOURG
Qui permet d'octroyer du crédit aux automobilistes qui achètent des voitures PEUGEOT CITROEN, à hauteur de 7 milliards d'euros, que l'Etat a un homme dans son conseil d'administration… conseil d'administration de PSA qui est monsieur GALLOIS, que d'ailleurs les salariés avec voies délibératives sont entrés dans le conseil d'administration pour justement construire une nouvelle stratégie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors est-ce que l'Etat va participer à l'augmentation de capital ?
ARNAUD MONTEBOURG
L'Etat premièrement a exprimé un certain nombre de choses, premièrement la ligne rouge c'est que PSA restera français, point, ça c'est notre position. Pour l'instant l'Etat laisse les industriels travailler à leurs accords industriels, GENERAL MOTORS première jambe ; deuxième jambe, la Chine avec des usines qui existent depuis 20 ans en Chine déjà !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et troisième jambe parce qu'il en faut une dans un tabouret, troisième jambe l'Etat, et l'Etat va entrer au capital de PEUGEOT.
ARNAUD MONTEBOURG
Monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Monsieur BOURDIN, je ne peux pas répondre à votre question car cette…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Est-ce que vous le souhaitez alors…
ARNAUD MONTEBOURG
Est-ce que cette question…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous le souhaitez ?
ARNAUD MONTEBOURG
Est-ce que cette question se posera ? La question se posera certainement, mais pour l'instant laissons les entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
20 %...
ARNAUD MONTEBOURG
Laissons les entreprises discuter entre elles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Est-ce que l'Etat pourrait le faire ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous n'en sommes pas là monsieur BOURDIN, donc je ne peux pas répondre à votre question, c'est la 3ème fois que je vous le dis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Etat a l'argent pour le faire ?
ARNAUD MONTEBOURG
L'Etat a l'argent pour faire beaucoup de choses, surtout en matières industrielles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'Etat le trouve où cet argent, dans la poche des Français ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, l'Etat dispose de 100 milliards de participation, donc il est capable à la fois de vendre certaines participations à dose homéopathique, les valoriser, et constituer en quelque sorte des moyens d'action pour rentrer dans le capital d'autres entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'Etat décidera quand ?
ARNAUD MONTEBOURG
Quand nous aurons la connaissance de la nature exacte de l'accord entre DONGFENG et PSA.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'Europe dira quoi si l'Etat rentre au capital ?
ARNAUD MONTEBOURG
L'Europe écoutez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le commissaire à la Concurrence.
ARNAUD MONTEBOURG
L'Europe, écoutez ! Je vais vous dire une chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'Europe…
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai souvent dit à monsieur ALMUNIA, le commissaire à la Concurrence, que son rôle n'est pas d'empêcher les alliances industrielles, son rôle c'est de les aider, de les soutenir et de les conforter. Pourquoi ? Parce que si l'Union européenne et la Commission européenne a pour seul résultat de détruire notre industrie, les peuples en colère se retourneront contre elle. Donc nous avons dit à monsieur ALMUNIA qu'il nous laisse travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Deuxième dossier, EADS, alors 5.800 postes supprimés sur 3 ans, on est bien d'accord, groupe bénéficiaire, EADS veut d'ailleurs augmenter les dividendes versés aux actionnaires. L'Etat doit-il et va-t-il intervenir là encore ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il est déjà intervenu, d'abord vous savez nous sommes actionnaire, ça sert à ça d'ailleurs d'être actionnaire, c'est-à-dire de mettre les préoccupations de la territorialité industrielle : où sont les usines, pourquoi elles ferment ici et pas ailleurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pour ça que vous pourriez être actionnaire chez PEUGEOT.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous ne le sommes pas, donc là c'est différent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord.
ARNAUD MONTEBOURG
Mais nous garantissons quand même sa banque, mais EADS nous sommes actionnaires puisque nous sommes fondateur de cette entreprise avec d'autres Etats européens. C'est une entreprise qui a réalisé l'année dernière 13.000 recrutements, 13.000 recrutements, et qui a réalisé sur 9 mois 1,2 milliards d'euros de profits. Donc nous avons dit à EADS : puisque vous embauchez, si vous demandez à des salariés dans la défense et le spatial de quitter leur travail parce que vous considérez que ces deux branches ne sont pas rentables, eh bien ! Vous les recrutez, vous les reconvertissez et vous les embauchez dans l'aéronautique civile, là où vous avez l'année dernière recruté 13.000 personnes. Mais nous ne voulons pas que cette entreprise qui fait des profits, dont nous sommes actionnaires, qui par ailleurs a des carnets de commandes qui sont remplis pour 7 années, ce n'est pas rien quand même, nous demandons à ce que les ingénieurs qui vont voir leur poste disparaître dans le spatial, à la défense, d'aller travailler dans l'aéronautique, et vous vous arrangez pour négocier cela au meilleur niveau.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas de licenciements secs !
ARNAUD MONTEBOURG
Pas de licenciements…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de licenciements forcés !
ARNAUD MONTEBOURG
Tout court, tout court, tout court. Les personnes qui veulent partir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez averti EADS, réponse immédiate d'EADS : il y aura des licenciements si nous ne passons pas d'accord de compétitivité.
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà ce qu'a dit le directeur…
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, d'accord, les syndicats ont répliqué immédiatement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Monsieur LAHOUD.
ARNAUD MONTEBOURG
En disant : écoutez ! C'est du chantage, pour l'instant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes actionnaire, vous dites la même chose que le directeur monsieur LAHOUD ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous laissons d'abord les syndicats s'exprimer et négocier les conditions de ce plan, parce que c'est d'abord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'actionnaire, vous direz « non, il n'y aura aucun licenciement » ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous l'avons déjà dit et nous souhaitons qu'il n'y en ait pas, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le souhaitez ou vous l'exigez ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous l'avons demandé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez demandé ?
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà, c'est un dialogue (j'allais dire) entre un actionnaire et un opérateur industriel aussi important qu'AIRBUS, c'est un dialogue (j'allais dire) avec des intérêts divergents, mais c'est normal aussi que nous posions un certain nombre d'exigences.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Troisième dossier, KEM ONE, groupe chimique…
ARNAUD MONTEBOURG
Très important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
1.780 personnes en France…
ARNAUD MONTEBOURG
Plus tous les emplois autour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus tous les emplois autour…
ARNAUD MONTEBOURG
Ça fait 10.000 emplois à Lyon et à Marseille.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement, 1.300 emplois menacés par effet domino, vous l'avez dit, des milliers d'emplois menacés, négociation depuis 8 mois, deux repreneurs potentiels. Le Tribunal de commerce de Lyon décidera mercredi prochain sur cette éventuelle reprise, les salariés sont très inquiets, ils disent « on va vers une liquidation ». Est-ce qu'on va vers une liquidation ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez ! Ça fait 6 mois qu'on a travaillé sur ce dossier, je dois vous dire que tous les services au plus haut niveau, le Premier ministre et tous les ministres concernés avons engagé une opération résistance dans cette affaire, pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes le ministre de la Résistance économique plutôt que du Regroupement…
ARNAUD MONTEBOURG
Je fais partie… oui, j'organise la résistance économique, c'est-à-dire ce n'est pas des victoires mais c'est éviter des défaites. Par exemple quand on annonce des plans sociaux, KEM ONE, vous avez raison de dire, c'est plusieurs milliers d'emplois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
1.000 plans sociaux depuis le début de l'année.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous notre idée, c'est de dire : sur chaque dossier, nous résistons. Donc j'ai des chiffres, puisqu'on critique mon bilan, moi j'ai un bilan à donner, j'ai des noms, j'ai des chiffres et j'ai un travail qui est très difficile mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous me donnerez votre bilan…
ARNAUD MONTEBOURG
Mais ça va…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je vous donnerai le mien.
ARNAUD MONTEBOURG
Alors sur KEM ONE, sur KEM ONE nous avons à dire des choses, d'abord qu'il est hors de question que cette pièce essentielle d'un complexe pétrochimique français s'effondre, parce que si KEM ONE s'effondre c'est tout autour par domino qui se casse la figure, si vous me passez l'expression un peu triviale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais que pouvez-vous faire pour empêcher que ça s'effondre ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien ! Nous avons pris des mesures économiques, de résistance économique. J'ai fait voter par le Parlement – sur l'initiative du président de la République qui m'a soutenu – un fonds qui fait que maintenant c'est l'Etat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui prête !
ARNAUD MONTEBOURG
Qui prête au lieu et place du système financier qui ne le veut pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les banques que l'Etat a beaucoup aidées en son temps.
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, c'est un problème, vous avez raison de le rappeler. Nous avons… l'Europe a mis 500 milliards, c'est ce que nous disons d'ailleurs aux autorités européennes, nous leur disons « l'Etat a mis 500 milliards d'euros sur les banques, mais combien on a mis sur l'industrie, zéro, eh bien maintenant c'est ce que nous faisons ». Alors qu'est-ce que nous faisons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez combien dans ce fonds, 300 millions ?
ARNAUD MONTEBOURG
380 millions. Alors ça nous permet de faire quoi par exemple, FAGORBRANDT, là aussi presque 2.000 salariés concernés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pour aider KEM ONE, vous allez…
ARNAUD MONTEBOURG
Monsieur BOURDIN… nous l'avons fait, nous avons dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez déjà fait et vous allez…
ARNAUD MONTEBOURG
Nous avons dit aux deux repreneurs que nous avons traités à égalité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
« On vous aidera » ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous avons écrit, indiqué qu'il y avait là un effort de l'Etat pour permettre de consolider les solutions. Et nous le faisons dans FAGORBRANDT, conséquence : FAGORBRANDT a repris, on est en train de reprendre la fabrication pour permettre à des repreneurs de reprendre des outils industriels en état de marche, voilà mon travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat aide…
ARNAUD MONTEBOURG
L'Etat n'aide pas, il constitue des outils de résistance économique pour éviter que le système financier continue à détruire l'industrie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
…Entreprise de plus de 400 salariés, c'est bien ça ?
ARNAUD MONTEBOURG
Toutes les entreprises. Je voudrais vous donner quelques chiffres, c'est une lutte pied à pied sur le terrain avec des commissaires au Redressement productif dans les départements, les régions. Nous avons eu à connaître avec l'ensemble de mon dispositif 1.117 dossiers d'entreprises en difficulté qui concernant 162.450 emplois menacés. Nous en avons préservé 146.970, c'est quand même 15.000 de perdus mais c'est une résistance. Exemple, je prends des exemples concrets parce que derrière ces chiffres, il y a des hommes et des femmes, des gens qui travaillent et qui perdent leur travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord, là on est d'accord.
ARNAUD MONTEBOURG
Je prends un exemple, à Romorantin, une entreprise de fabrication de mobiliers, RASEC, 118 salariés, la quasi-totalité de l'effectif est préservée, je remercie mon commissaire au Redressement productif. A Bavilliers, Territoire de Belfort, c'est une boulangerie industrielle, DEMEUSY, 100 employés ont gardé leur travail sur 109. Donc quand on regarde les solutions parce que c'est vrai, tout le monde dit « catastrophe, les plans sociaux, les plans sociaux », ben justement ! Nous à chaque dossier, d'abord pour le moment on fait en sorte qu'il y ait une reprise du plus grand nombre d'emplois possibles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous battez, d'accord…
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais pas que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
1.000 plans sociaux, attendez, attendez, 1.000 plans sociaux depuis le début de l'année 2013, 3 % des inscrits à POLE EMPLOI, ça représente 3 % des inscrits à POLE EMPLOI, la majorité des inscrits à POLE EMPLOI, vous savez d'où ils viennent, ce sont des CDD et ce sont des contrats d'intérim qui se terminent, ça représente plus de 30 %. Mais moi je voudrais vous montrer un autre chiffre, le chiffre du nombre d'entreprises qui ont disparu depuis un mois, depuis le 13 novembre, on va le regarder à l'antenne le nombre d'entreprises, regardez : 4.269, les sacrifiés, 1.300.000 entreprises, l'artisanat, le commerce de proximité, et que faites-vous pour ceux-là ?
ARNAUD MONTEBOURG
Comme… ça alors là, je ne vais pas vous dire le contraire sur ces chiffres, puisque nous le voyons tous les jours sur le terrain, et que mon travail c'est d'organiser l'endiguement et la résistance. Ce que nous voyons, c'est ce qui se passe dans toute l'Europe, c'est-à-dire que vous avez… on est sur le fil de la récession, vous avez l'économie qui s'abaisse. D'ailleurs il y a un homme qui a parlé avec beaucoup de sagesse, c'est monsieur Romano PRODI, l'ancien président du Conseil italien de gauche, il a dit : il faut que la France, l'Espagne, l'Italie tapent du poing sur la table…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez vu…
ARNAUD MONTEBOURG
Attendez, laissez-moi terminer… oui, oui justement j'y viens… tapent du poing sur la table pour dire aux institutions européennes que maintenant, ça suffit d'organiser des plans d'austérité. Il y a un Prix Nobel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites non à l'austérité ce matin ?
ARNAUD MONTEBOURG
Dans toute l'Europe, c'est exactement ce qui est en train…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non à l'austérité !
ARNAUD MONTEBOURG
Mais nous combattons l'austérité, c'est quoi l'austérité ? Ça consiste à dire qu'on privilégie les comptes publics à la croissance. Quand nous demandons que la Banque centrale européenne fasse ce que fait la Banque centrale américaine, la Banque centrale japonaise, la Banque centrale anglaise qui choisit finalement de monétiser les dettes, c'est-à-dire de payer le prix de la dette en faisant marcher la planche à billets, ce que font toutes les Banques centrales du monde entier, la Banque centrale européenne, elle, préfère imposer des impôts prélevés sur les gens et les entreprises. Donc c'est évidemment de l'économie qui est en difficulté. Et la conséquence, moi qu'est-ce que je fais tous les jours ? Eh bien ! Moi j'écope avec ma petite cuillère.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors qu'est-ce que vous faites pour ces sacrifiés ? Rien, le CICE par exemple n'est même pas étendu aux travailleurs indépendants, mais pourquoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Le CICE monsieur… parce qu'il faut avoir des salariés, si j'avais une entreprise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je suis salarié, si mon épouse est salariée, je n'ai pas droit moi au CICE, mais pourquoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Certes, certes, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je vais vous dire une chose, parce que le vrai enjeu du CICE, c'est ceux qui ont des entreprises ;..
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors que la grande distribution va toucher 2 milliards d'euros.
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, oui, La POSTE aussi d'ailleurs qui est en difficulté et ça lui fera du bien…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et La POSTE aussi.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est 200.000… c'est la plus grande entreprise de France. Donc ce sont les entreprises de main d'oeuvre que nous voulons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
…c'est l'artisanat.
ARNAUD MONTEBOURG
Que nous voulons favoriser, les entreprises de main d'oeuvre qui embauchent, voilà, qui embauchent, car tous les jours on nous dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que les artisans n'embauchent pas !
ARNAUD MONTEBOURG
Quand ils embauchent ils y ont droit, voilà, c'est une entreprise, quand c'est leur travail c'est leur travail, mais quand il s'agit d'embaucher, c'est-à-dire d'accomplir un acte difficile qui est de signer un contrat de travail…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sauf le patron d'une très grande entreprise, lui il touchera le CICE.
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas le patron qui va le toucher, c'est l'entreprise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, les salariés et lui aussi.
ARNAUD MONTEBOURG
Qui va rétablir. Mais sur le CICE monsieur BOURDIN, on a finalement construit un acte de confiance, c'est-à-dire qu'on a dit aux chefs d'entreprise : mettez-vous d'accord avec vos salariés, vos partenaires sociaux dans l'entreprise, vos syndicats s'il y en a ou vos représentants du personnel sur ce que vous allez faire de cet oxygène. Donc vous allez avoir dans les entreprises des solutions différentes. Dans certains endroits, on va investir dans une machine, on était en retard ; dans d'autres c'est peut-être des CDD qui vont se transformer en CDI ; parfois ça sera peut-être des embauches là où l'entreprise est en croissance. Donc c'est une manière de décentraliser les décisions positives de l'Etat de soutien à l'économie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Arnaud MONTEBOURG…
ARNAUD MONTEBOURG
Ce sont des actes de résistance d'ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes allé vendre en Chine le nucléaire français, vous avez même déclaré : ça représentera la moitié au minimum de notre énergie en 2025 je crois, 2025 c'était une date choisie par le président de la République, donc plus de 50 %...
ARNAUD MONTEBOURG
50 %...
JEAN-JACQUES BOURDIN
La moitié au minimum, au minimum 50 %.
ARNAUD MONTEBOURG
Au minimum ça veut dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou peut-être plus !
ARNAUD MONTEBOURG
Ça veut dire qu'on ne descend pas en dessous de 50, c'est ça que ça veut dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça veut dire peut-être plus !
ARNAUD MONTEBOURG
Non, ça veut dire une chose assez claire, qui d'ailleurs… excusez-moi, tout ça est très banal, ce sont les engagements du président de la République, c'est ce que j'ai toujours dit, j'ai toujours dit que nous sommes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Filière d'avenir, vous l'avez toujours dit…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, mieux que ça, c'est que nous sommes en France… nous avons une spécificité mondiale qui est unique au monde, qui nous est reconnue, car nos compétences en matière d'énergie nucléaire nous sont reconnues, parce que nous avons une grande réussite en la matière, c'est que même quand on aura diminué la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique, il restera quand même 50 % et ce sera encore unique au monde. Et ça, c'est une reconnaissance de tous les pays qui font appel à nous pour construire des centrales nucléaires, ce que nous faisons en Chine, ce que nous allons faire en Angleterre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où en est l'EPR d'ailleurs à Flamanville…
ARNAUD MONTEBOURG
Ce que nous allons faire en Finlande… il se construit, il est en train de s'achever à Flamanville.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait un moment qu'il se construit, et le coût on en est où ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez ! On fera les comptes à la fin de l'affaire, mais je peux vous dire que les Chinois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que la facture s'alourdit de mois en mois.
ARNAUD MONTEBOURG
Je puis vous dire que les Chinois sont extrêmement contents des technologies françaises, ALSTOM, AREVA, EDF, voilà. Et qu'à Taishan en Chine, l'EPR…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Transfert de notre technologie, ils sont contents.
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez !
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est normal.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est normal, c'est un échange, ils nous achètent notre technologie, il y a une partie qui est faite en Chine, mais enfin la première tranche, le premier réacteur de Taishan c'est 70 % de « made in France », ça fait travailler nos usines…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et la deuxième tranche ?
ARNAUD MONTEBOURG
50 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la troisième ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il n'y en a pas pour l'instant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y en a pas…
ARNAUD MONTEBOURG
On n'a pas d'accord sur la troisième.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, ça, je ne vous laisserai pas dire ça parce que c'est impossible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez raison…
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais s'il vous plaît.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parlons d'autre chose, Jean-Marc AYRAULT, mais pourquoi n'aimez-vous pas Jean-Marc AYRAULT ? Moi je vous ai vu à Saint-Etienne refuser de vous asseoir, qu'est-ce qui s'était passé, vous aviez refusé de vous asseoir…
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais je crois qu'il faut que… vous avez un…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai quoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais vous avez un problème dans les médias…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel est le problème Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est que vous attrapez des images et vous en déduisez des choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est vous qui faites l'image, ce n'est pas moi.
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais d'accord mais enfin bon ! Ça va, je me gratte le nez, ça y est, je n'aime pas Jean-Marc AYRAULT, d'accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais je vous pose la question…
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne m'assieds pas… pourquoi je ne m'assieds pas, parce que j'avais des choses à dire avec la préfète qui était à côté de moi. Et il faut que je me justifie de ça ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas du tout.
ARNAUD MONTEBOURG
Non mais c'est interminable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une baisse des dépenses publiques de 45 milliards d'euros sur 2015-2017, vous dites oui ou non ?
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, je crois que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites oui ou oui mais…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, non, pas de mais, pourquoi …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de mai ?
ARNAUD MONTEBOURG
Pourquoi ? Parce que la question qui est posée maintenant c'est : est-ce que nous pouvons être plus performants dans l'usage d'argent public. L'Etat a fait déjà des efforts, moi je pense qu'on peut encore en faire d'une façon intelligente, qui ne soit pas aveugle. Dans la sphère sociale où nous avons quand même une dette importante, c'est-à-dire qu'on finance à crédit aujourd'hui notre modèle social, il faut prendre des mesures là aussi d'importance. Et puis il y a les collectivités locales, j'ai été président de Conseil général, moi j'ai fait… j'ai hérité d'un Conseil général qui était en quasi-faillite, j'ai été obligé de réduire mes dépenses de 10 %. Je veux dire, ça ne nous a pas empêchés d'avoir le soutien de la population et de gagner les élections. Donc nous pouvons le faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc avec une gestion rigoureuse on peut faire !
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, on peut choisir… d'ailleurs on peut faire des choix en politique, il y a des choses qu'on fait, d'autres qu'on ne fait plus, voilà, par exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question, votre petite polémique avec FREE, avec Xavier NIEL…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, ce n'est pas une polémique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, bon. Début 2012, vous êtes en campagne électorale, FREE lance une offre qui casse les prix, vous avez écrit, tweet : Xavier NIEL vient de faire avec son nouveau forfait illimité plus pour le pouvoir d'achat des Français que Nicolas SARKOZY en 5 ans. Et puis là vous dites, autre tweet : toujours plus de destructions d'emplois dans les télécoms grâce aux excès low-cost de monsieur NIED de FREE Mobile. Moi j'aimerais comprendre alors.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est exacte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez changé d'avis ou c'est…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, pas du tout, c'est exactement la même chose. On peut défendre le pouvoir d'achat, ce qui est le but d'un gouvernement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et FREE défend…
ARNAUD MONTEBOURG
Et d'éviter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
FREE défend le pouvoir d'achat ?
ARNAUD MONTEBOURG
Laissez-moi terminer parce que je ne vais pas pouvoir m'expliquer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y, allez-y.
ARNAUD MONTEBOURG
On défend… on peut soutenir la concurrence comme moyen d'éviter les ententes, la rente, ce qui a été le cas des opérateurs historiques qui se sont entendus il y a 10 ans et qui ont été condamnés à ce sujet. Mais lorsqu'on passe d'un excès qu'était les monopoles, la rente et finalement pour le consommateur des difficultés, jusqu'à l'excès inverse il est normal qu'un ministre qui s'occupe d'industrie veille à éviter que le balancier aille trop loin. D'ailleurs moi ce que je reproche à Xavier NIEL, ce n'est pas d'être ce qu'il est, c'est d'aller trop loin. Exemple, les plans sociaux dans tout le… moi je les gère les plans sociaux, qui sont la conséquence de la course vers le low-cost, c'est-à-dire finalement la quasi-gratuité. Mais nous avons quand même 30 milliards à investir dans la fibre par exemple, dans le très haut débit sur tous les territoires, y compris ruraux, les petites villes où les opérateurs (eux) qui gagnent de l'argent, monsieur NIEL est devenu milliardaire, tant mieux pour lui, mais si c'est au détriment des chômeurs et lutter pour le pouvoir d'achat en faisant des chômeurs, je ne crois pas que ce soit la meilleure méthode. Exemple…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, il fabrique des chômeurs monsieur NIEL ?
ARNAUD MONTEBOURG
Exemple, j'ai des plans sociaux moi dans tous les… chez tous les opérateurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez parler d'ALCATEL-LUCENT, j'en suis persuadé.
ARNAUD MONTEBOURG
Je vais d'abord vous parler des centres d'appels qui délocalisent, donc les centres d'appel, le syndicat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce vous pensez qu'ils ont attendu…
ARNAUD MONTEBOURG
Attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Monsieur NIEL pour délocaliser les centres d'appels ?
ARNAUD MONTEBOURG
Mais ça s'est accéléré, pourquoi ? Parce que quand vous diminuez… quand votre concurrent diminue ses coûts, les autres font la même chose. Donc qu'est-ce que dit le syndicat des propriétaires de centres d'appels, 4.000 pertes, 4.000 emplois perdus. Par exemple il y a eu un plan social pour PHONE HOUSE, qui est un distributeur de produits, c'est 1.000 employés qui sont perdus, alors les gens m'écrivent. Donc les plans sociaux qui sont directement liés à la montée du low-cost, c'est moi qui les gère, vous comprenez ? Et je considère que ça va trop loin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il fabrique des chômeurs ?
ARNAUD MONTEBOURG
Donc on ne fait pas… non mais faire le bonheur des actionnaires de monsieur NIEL, dont il est lui l'actionnaire principal, en faisant le malheur des personnes qui perdent leur travail, je ne pense pas que ce soit une politique équilibrée. Et ça n'ira pas trop loin, ça ne doit pas aller trop loin, pourquoi ? Parce que si ça continue, on aura (nous) après à investir, mais les opérateurs qui ne gagnent plus d'argent, qui va investir dans la fibre ? Ça va être les contribuables qui vont payer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La 4G c'est une escroquerie ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, nous avons dit que les consommateurs doivent être vigilants sur la qualité du service. Je rappelle que FREE n'a que 700 antennes là où ORANGE en a 5.000, donc il y a une question de qualité de service.
JEAN-JACQUES BOURDIN
…Combien ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne connais pas le montant des antennes, mais enfin c'est… vous voyez les écarts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Merci…
ARNAUD MONTEBOURG
Est-ce que je me suis fait comprendre monsieur BOURDIN ?
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 décembre 2013