Texte intégral
« Médecin généraliste, un métier d'avenir ». C'est le thème de l'un de vos ateliers. C'est aussi une conviction que je partage avec vous : l'avenir appartient à la médecine générale.
Au cours des prochaines années, c'est avec vous que se conduira la stratégie nationale de santé. C'est sur vous, que nous devons nous appuyer pour amplifier les actions de prévention. C'est grâce à votre engagement, aussi, que nous mènerons avec succès la révolution du premier recours.
Vous avez été parmi les tout premiers à défendre et à promouvoir les parcours de soins. Vous savez qu'il ne s'agit pas d'une notion abstraite : de par la proximité que vous entretenez chaque jour avec les Français, vous connaissez la nécessité de structurer la médecine de demain en fonction des besoins des patients.
Le 23 septembre dernier, j'ai annoncé les grands axes de la stratégie nationale de santé. Je le disais, certains seront tentés par l'immobilisme. Il nous faut donc en appeler à la mobilisation de tous. Et cette mobilisation, je l'ai lancée.
Elle a démarré, d'abord, à l'échelle nationale. La stratégie nationale de santé, ce sont concrètement 30 projets identifiés, depuis la réorganisation des vigilances sanitaires jusqu'à la promotion des équipes pluri-professionnelles. Un référent a été désigné pour suivre chacun d'eux. Le secrétaire général du ministère des Affaires sociales, Pierre-Louis BRAS, coordonne ces travaux : il a pour mission de veiller à la cohérence stratégique des actions menées par l'Etat, mais aussi la CNAMTS.
La mobilisation a aussi été lancée dans chaque région. Lundi dernier, à Rennes, plus de 450 personnes ont débattu des orientations de la stratégie nationale de santé. Au cours des 4 prochains mois, plus de 150 débats seront organisés en région. J'assisterai personnellement à 8 d'entre eux et je serai notamment, cher Claude LEICHER, en région Rhône-Alpes, le 17 février : j'espère vous y retrouver.
Au mois d'avril prochain, un évènement national de restitution sera organisé. J'y présenterai la synthèse de ces travaux, qui préfigurera la loi de santé qui sera présentée avant la fin du premier semestre 2014.
La transformation de notre organisation de santé s'impose. Nul n'ignore que les contraintes financières sont fortes et le resteront à un horizon prévisible. L'immobilisme serait synonyme de régression. Si nous ne voulons pas faire moins bien, nous devons faire autrement. La contrainte financière n'est pas ce qui guide la stratégie nationale de santé : mais cette contrainte est réelle et nous devons en avoir collectivement conscience.
Nous sommes donc à une étape cruciale de la mise en oeuvre de cette politique. Ma présence parmi vous est un moment important. Aujourd'hui, je veux vous livrer trois messages :
(1) Votre rôle est décisif dans la mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé.
(2) Pour réussir, il nous faut transformer en profondeur l'exercice de la médecine générale.
(3) Enfin, mon dernier message : la révolution du premier recours doit bénéficier à l'ensemble de nos concitoyens.
I/ Votre rôle est décisif, puisque vous êtes en première ligne pour rénover notre système de santé.
a/ En effet, vous êtes le pivot de la prévention.
Chacun connaît ici les vertus, nombreuses, de notre système de santé. Mais chacun sait aussi qu'il est essentiellement curatif et que la prévention n'a pas été suffisamment soutenue par le passé. Notre stratégie la replace au coeur de notre politique de santé publique. Je nous donne dix ans pour généraliser le « réflexe préventif », dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
La consultation est un moment précieux pour évaluer les risques liés à la situation sociale et professionnelle des patients. Elle est donc un instant privilégié pour mener des actions de prévention, en ciblant particulièrement les pratiques alimentaires et les addictions, comme le tabac et l'alcool.
Aujourd'hui, je veux permettre au médecin traitant de devenir le pivot de notre politique de prévention, dans le cadre d'une prise en charge globale.
Les rémunérations sur objectifs de santé publique sont un outil efficace pour développer la prévention. Ces rémunérations permettent de dégager du temps pour développer des actions de dépistage, d'éducation à la santé et de promotion des bons comportements. L'assurance maladie a commencé à les mettre en place, et je souhaite que ces dispositifs soient renforcés et coordonnés avec d'autres initiatives, dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
Ils doivent être, notamment, en accord avec les priorités de santé publique qui seront définies.
Ces rémunérations sur objectifs de santé publique sont bien sûr liées au rôle du médecin traitant. J'ai entendu votre demande concernant les enfants de moins de 16 ans. Nous partageons l'ambition que la jeunesse soit une grande priorité de santé publique. Il nous faut donc conduire une réflexion de fond, afin de renforcer la coordination des soins autour des enfants.
Celle-ci sera menée avec les professionnels. C'est ensemble que nous définirons les orientations sur lesquelles investir. C'est ensemble, que nous devons tout mettre en oeuvre pour améliorer l'état de santé des enfants.
b/ Vous êtes aussi en première ligne de la stratégie nationale de santé, car vous êtes les garants des parcours de soins.
Là encore, une consultation réussie, c'est la garantie d'une meilleure orientation et d'un meilleur accompagnement. Le parcours de soins est encore trop souvent un parcours du combattant ! C'est le temps consacré à la consultation qui vous permet de repérer les patients pour lesquels il est impératif de conduire un accompagnement plus soutenu.
Je sais aussi que vous êtes nombreux à proposer de nouvelles manières d'exercer pour lutter contre les inégalités : certains d'entre vous portent une vision globale, à l'échelle d'un territoire. Les habitudes de vie, l'environnement économique ou socioculturel sont des facteurs déterminants, qu'il est indispensable de mieux prendre en compte pour préserver la santé des Français.
Il vous revient ainsi d'assurer la « coordination clinique de proximité ». C'est là votre responsabilité à l'égard de vos patients en lien avec les autres professionnels de santé.
C'est pourquoi je veux vous encourager à nouer des partenariats forts avec les autres spécialités médicales. Je veux aussi vous inciter à renforcer des liens avec les autres professionnels de premier recours, tels que les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les sages-femmes.
Responsables du parcours de vos patients donc. Mais responsables, aussi, à l'égard d'une population sur un territoire donné. C'est le sens du service territorial de santé au public.
Les réflexions conduites dans le cadre du groupe de travail animé par Bernadette DEVICTOR sont en cours. Je me réjouis que vous participiez activement à ces réflexions et que vous y apportiez une précieuse contribution, parce que je crois fermement que le monde ambulatoire doit prendre des responsabilités nouvelles dans l'organisation des soins. Il s'agit en effet de construire une responsabilité partagée entre les professionnels de santé, sur un territoire donné, autour d'objectifs de santé. J'attends les propositions de madame DEVICTOR sur ce sujet.
II/ Pour relever les défis d'avenir, je veux donner les moyens de vous préparer à l'exercice de la médecine de demain.
a/ Et d'abord, je veux continuer à rendre la formation initiale en médecine générale plus attractive.
Votre spécialité est de plus en plus choisie par les meilleurs étudiants. En 2011, 84% des postes ouverts ont été pourvus : ce chiffre atteint 95% cette année. Au final, près de 250 des 2000 étudiants les mieux classés ont choisi votre spécialité !
Pour renforcer encore cette attractivité, nous avons développé, avec Geneviève FIORASO, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, de nouveaux outils.
Je pense d'abord à la généralisation, à tous les étudiants, du stage en cabinet de ville. J'ai également à l'esprit la revalorisation de l'indemnité de sujétions pour les internes de médecine générale effectuant un stage de mise en responsabilité SASPAS. Enfin, une indemnité de transport pour les étudiants et pour les internes facilite aujourd'hui l'organisation pratique des stages ambulatoires.
S'agissant des stages en médecine générale pour les étudiants du second cycle, des progrès importants ont été réalisés : au plan national, la moitié des facultés permet à au moins 80% de leurs étudiants d'y accéder. Je tiens tout particulièrement à féliciter les enseignants de médecine générale, qu'ils soient associés ou titulaires, et les 2500 maîtres de stage : leur travail et leur engagement méritent d'être salués.
b/ Dans le même temps, le développement professionnel continu sera aussi un atout précieux pour renforcer l'attractivité de la médecine générale
Il permettra, notamment, d'accompagner la révolution du premier recours. Votre syndicat m'a fait part des difficultés rencontrées dans la gouvernance et le fonctionnement de l'organisme de gestion du DPC : j'ai donc missionné l'inspection générale des Affaires sociales (IGAS), afin que celle-ci puisse me faire des propositions d'amélioration. Le moment venu, j'en partagerai avec vous les conclusions, afin d'élaborer des réponses aux problèmes que nous rencontrons.
c/ Le développement de la recherche en soins primaires est aussi une priorité de la stratégie nationale de santé.
D'abord, parce qu'une recherche performante aujourd'hui, ce sont des traitements de qualité demain. Ensuite, parce qu'elle est un facteur d'attractivité pour les soins primaires. L'an dernier, j'ai donc décidé de doubler le nombre d'années recherche pour les internes : cette décision doit faciliter l'accès à la formation à la recherche pour de nombreux internes de médecine générale. Par ailleurs, si le programme hospitalier de recherche clinique est accessible aux médecins généralistes, l'obligation que le porteur du projet soit un établissement hospitalier reste pour vous une barrière importante. Je veux donc rendre accessible le PHRC à toutes les maisons de santé, sans exception.
d/ La formation et la recherche, donc. Mais il faut aussi transformer les manières d'exercer : avec vous, je veux développer, partout, le travail en équipe.
Le mouvement est lancé ! Déjà 370 maisons de santé fonctionnent sur le territoire. C'est 50% de plus depuis mai 2012. Et plus de 420 projets nouveaux sont recensés.
Le mouvement est lancé, mais il doit s'accélérer. La négociation conventionnelle interprofessionnelle sur les rémunérations d'équipes débutera au début de l'année prochaine : elle devra aboutir rapidement. Le directeur général de l'UNCAM est mobilisé sur le sujet. Après l'année des expérimentations, je souhaite que 2014 soit l'année de la généralisation !
Des dispositions sont prises dans le PLFSS 2014, afin de permettre la jonction de ces nouvelles rémunérations conventionnelles avec les expérimentations sur les modes de rémunération. Celles-ci seront prolongées d'un an. 150 équipes supplémentaires pourront également y être accueillies. Enfin, le dispositif Asalée, auquel je sais que vous êtes attachés, et dont les résultats en matière de suivi du diabète sont performants, pourra s'étendre à d'autres équipes, dans des conditions compatibles avec nos contraintes financières. Cette dynamique ne concernera pas uniquement les régions en tension, car les prises en charge proposées concernent tous les territoires.
Développer le travail en équipe, ce n'est pas seulement adapter les rémunérations. Il s'agit aussi de transformer notre cadre juridique.
Les structures interprofessionnelles en soins ambulatoires (SISA) ont permis aux équipes participant aux expérimentations sur les nouveaux modes de rémunération d'être rémunérées de manière collective. J'entends toutefois les critiques sur la difficulté de leur mise en oeuvre.
Il nous faut donc travailler dans deux directions. D'abord, nous devons simplifier. Les structures juridiques permettant aux libéraux de travailler en équipe sont encore trop complexes.
La SISA pourra donc évoluer et le recours à d'autres types de statut peut être envisagé.
Au-delà de la simplification, il faut accompagner les professionnels. J'ai demandé aux agences régionales de santé d'apporter aux médecins toute l'ingénierie nécessaire à l'élaboration de leurs projets.
Par ailleurs, j'ai fait le choix d'améliorer la couverture sociale des professionnelles libérales de santé, en cas de grossesse pathologique. Les jeunes femmes affiliées en tant que praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés seront désormais couvertes par un régime d'indemnités journalières maladie plus favorable.
Mesdames et messieurs,
III/ Pour être un succès, la révolution du premier recours doit bénéficier à tous. Seul le prononcé fait foi
Nous le savons, les inégalités de santé ont progressé au cours de ces 10 dernières années.
a/ Ensemble, nous devons donc lever toutes les barrières financières qui entravent l'accès aux soins.
C'est le sens de la mise en oeuvre de l'avenant 8 qui porte un coup d'arrêt aux dépassements d'honoraires abusifs.
Contrairement à ce que certains ont imaginé, cet accord a permis de valoriser fortement votre rôle, grâce à la création du forfait médecin traitant.
Par ailleurs, la généralisation d'une complémentaire santé de qualité pour des millions de Français sera une grande avancée. Nous l'avons engagée, notamment, à travers la réforme des contrats responsables dans le PLFSS 2014 et le relèvement du plafond de la CMUc et de l'ACS qui permet à 750 000 Français supplémentaires de bénéficier d'une meilleure couverture.
La généralisation du tiers payant d'ici 2017 participe aussi de notre combat pour l'accès aux soins de tous. Dès 2014, il concernera les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé.
Je sais que nous partageons cet objectif : vous ne faîtes pas partie de ceux qui pensent que le tiers payant serait une incitation à la consommation de soins.
Trois principes guideront sa mise en oeuvre. Le dispositif devra être simple. Il concernera le régime obligatoire et complémentaire. Et il devra apporter une garantie de paiement au médecin sans délai. Je ne transigerai pas sur ces principes qui seuls garantiront la réussite de la généralisation du tiers-payant.
Certes, le défi technique est important, si nous voulons parvenir à un système simple et fiable. Nous travaillerons ensemble à sa mise en place, que je souhaite la plus rapide possible. Si l'avance de frais fonctionne dans nos pharmacies, elle doit aussi pouvoir être étendue partout ailleurs.
b/ Pour que la révolution du premier recours concerne chaque Français, nous devons vous permettre d'être présents dans tous nos territoires.
Ces dix dernières années, les inégalités territoriales de santé se sont creusées. Et par inégalités territoriales, je veux parler des déserts médicaux. Vous êtes directement concernés par ce sujet puisque vous êtes le premier recours : le premier contact des Français avec leur système de santé, ce sont les généralistes !
Vous occupez ainsi une place centrale dans le pacte territoire santé, que j'ai lancé il y a près d'un an. Ce pacte ne porte pas une vision nostalgique de la médecine. Il vise, au contraire, à adapter notre système de santé aux nouvelles réalités de notre société.
Mon objectif, c'est de répondre aux besoins et aux aspirations des nouvelles générations. Ils souhaitent notamment que le moment de l'installation dans les territoires en difficulté soit sécurisé.
Voilà pourquoi j'ai mis en place les praticiens territoriaux de médecine générale : au-delà de la garantie de revenu au cours des deux premières années d'exercice, c'est aussi la protection sociale spécifique liée à ces contrats qui en assure le succès. D'ores et déjà, 75 médecins généralistes ont signé un tel contrat et 100 sont en instance : avant la fin de l'année, nous atteindrons près de 200 signatures.
Mesdames et messieurs,
La médecine générale est bien une spécialité d'avenir. C'est grâce à vous et à votre proximité avec les Français, que nous réussirons la révolution du premier recours. C'est grâce à vous, aussi, que nous ferons reculer toutes les inégalités de santé qui sévissent dans notre pays.
Pour relever les défis d'avenir, MG France est un partenaire privilégié des pouvoirs publics. Nous partageons les mêmes convictions et les mêmes objectifs. Ce socle commun est nécessaire au dialogue. Mais il ne vous empêche pas d'être exigeants dans nos échanges.
C'est en préservant cette dynamique que nous continuerons de travailler ensemble pour améliorer encore l'état de santé des Français.
Je vous remercie.
Source http://fmfpro.org, le 3 décembre 2013