Déclaration de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement industriel, sur les 34 plans de la nouvelle France industrielle, au Massachussetts Institute of Technology (MIT) le 18 novembre 2013.

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Texte intégral

Madame le Professeur Suzanne Berger,
Mesdames Messieurs les professeurs,
Mesdames, Messieurs
S'il est dur pour un Américain d'expliquer à un Français les règles du baseball, où les Red Sox de Boston sont champions du monde, il est tout aussi ardu pour un Français d'expliquer le rôle économique de l'Etat à des Américains. Laissez-moi essayer.
Je viens vous parler d'un « vieux pays de la vieille Europe » qui a apporté au monde les vaccins par Louis Pasteur, l'aéronautique par Clément Ader, la radioactivité et son exploitation civile par le Professeur Becquerelle, le cinéma par les frères Lumière.
Je viens vous parler d'un pays moderne qui construit la thérapie génique permettant à chacun d'avoir son médicament pour traiter sa maladie, et non plus le médicament de tous pour les cas particuliers. Je viens vous parler d'Alan Fischer qui crée ses nouveaux médicaments à Paris pour les enfants immuno-déficients. Je viens vous parler d'un pays qui invente les nouvelles puces de vos ordinateurs de demain à Grenoble au sein du Commissariat à l'énergie atomique et qui le fait avec une de vos plus grandes entreprises : IBM.
Je ne viens donc pas vous parler du passé, de la nostalgie comme art de vivre à la française avec les madeleines de Proust. Je viens vous parler d'avenir, d'industrie et de la politique du gouvernement que j'ai l'honneur de représenter
Si la France doit se battre pour rester à la hauteur où son histoire l'a placée, notre pays dispose d'atouts indéniables si nous arrivons à nous mobiliser autour de nécessaires sacrifices et si nous suivons le cinquième pilier que Thomas Friedman et Michael Mandelbaum ont décrit pour expliquer la réussite de l'économie américaine :
“The fifth pillar is the implementation of necessary regulation on private economy activity”.
Faisons ensemble un voyage dans le temps et écoutons Georges Bush (père) nous dire: « Read my lips : no new taxes”. L'Etat n'avait pas bonne presse, la révolution libérale était en route, balayant toutes les contre offensives, convainquant l'Union Européenne de déréguler les services publics pour le bonheur des consommateurs à venir.
Ces temps anciens ont disparu.
Nos croyances que seule une démocratie occidentale pouvait servir de cadre à une économie de marché ont été balayées par l'exemple chinois qui apporte quotidiennement la preuve inverse. L'Etat a un rôle à jouer, telle est notre conviction. Le Président Obama, après un début de siècle catastrophique marqué par la crise des subprimes et de l'ensemble du système financier mondial, a décidé de mener une politique ambitieuse pour faire revenir les emplois à la Maison. Nous marchons dans ses pas.
En trente ans, la France et les Etats-Unis ont connu un décrochage considérable de leurs industries. La part de l'industrie dans la production de l'hexagone a été pratiquement divisée par deux au cours des trois dernières décennies, passant de plus de 21 % du PIB en 1980 à 11,5 % en 2010. Aux Etats-Unis, la désindustrialisation a été comparable. La part de l'industrie est passée de plus de 23 % du PIB à moins de 13 % en 2010. Le parallèle est frappant. Dans ces deux grandes Nations, qui ont une longue tradition industrielle, la part de l'industrie a perdu 10 points de PIB en l'espace de 30 ans. Bien sûr, la première conséquence à ce déclin industriel est la disparition d'une grande partie des emplois industriels. Nous en avons perdu plus de deux millions au cours des trente dernières années en France. Aux Etats-Unis, le nombre de salariés travaillant dans l'industrie américaine était de l'ordre de 20 millions. Ils étaient à peine plus de 12 millions en 2010. Dans ces deux pays, les effectifs travaillant dans l'industrie ont diminué d'environ 40 % en 30 ans, c'est considérable.
Au cours des six mois suivant la faillite de Lehman Brothers, la production industrielle a chuté de près de 10 % aux Etats-Unis, de plus de 15 % en France et de près de 17 % en moyenne dans la zone euro. En l'espace de quelques mois, la production industrielle aux Etats-Unis et en Europe est revenue à son niveau de 1997. Plus de dix ans d'accroissement de la production industrielle ont été balayés de part et d'autre de l'Atlantique en une demi-année.
Pour faire face à ce « Tsunami » économique et financier, les acteurs publics, Etats et Banques Centrales en tête, ont agi massivement et de concert pour stopper la crise systémique qui était en train de se propager.
L'intervention des pouvoirs publics a permis d'éviter le pire, c'est-à-dire une dépression de l'économie mondiale comparable à celle des années 30. Mais l'ardoise est lourde et il faudra encore plusieurs années, peut-être même des décennies, pour éponger définitivement les stigmates ravageurs d'une telle crise. Reconstruire va prendre du temps mais c'est une nécessité et c'est là qu'apparait la grande différence entre les Etats-Unis et l'Europe.
Les Etats-Unis, ce pays qui était l'origine de la crise des subprimes, a su stopper la déferlante financière et reconstruire son économie dès 2010. Les Etats-Unis, pourtant à l'épicentre de la crise financière, ont su rebondir. La production industrielle américaine a connu une forte croissance au cours des quatre dernières années et désormais elle a retrouvé son niveau d'avant crise.
Ce n'est pas le cas de l'Europe où le niveau de la production industrielle est encore 12 % en-dessous de son niveau d'avant crise.
Les chiffres ne mentent pas et dressent un verdict sans appel. Alors que le taux de chômage était identique aux Etats-Unis et dans la zone euro à la fin de l'année 2009, atteignant la fameuse barre des 10 % de la population active, il est désormais de 7,2 % aux Etats-Unis et de 12,2 % dans la zone euro. Entre la fin 2009 et aujourd'hui, les Etats-Unis ont réussi à réduire leur nombre de chômeurs de plus de 4 millions alors que dans l'Union Européenne, le nombre de chômeurs s'est tristement accru de plus de 4 millions.
La zone euro compte désormais près de 20 millions de chômeurs et 26,5 au niveau de l'Union Européenne. Avec 11 millions de chômeurs, les Etats-Unis sont sur la route du plein-emploi.
En Europe, les efforts consentis, considérables et soutenus, n'ont pas produit les effets attendus. Au lieu d'une confiance restaurée, les économies se sont enfoncées dans la crise. Le chômage monte, la situation sociale se dégrade, les risques systémiques surgissent à nouveau. Les déficits de compétitivité des pays du Sud n'ont pas été résolus, si ce n'est pas la mise en route d'une déflation salariale qui appauvrira ceux qui ont encore un emploi. Couplée d'un euro fort pénalisant nos industries exportatrices, cette mécanique infernale est en train d'alimenter le piège de la déflation par la dette, cher à Irving Fisher. Malgré quelques progrès face à une situation budgétaire dégradée, l'incapacité à sortir de la crise amorcée en 2008 pèse lourd.
Au regard de la montée de l'euroscepticisme, nous ne pouvons pas écarter le risque que le parlement Européen issu des élections de mai 2014 soit dominé par une majorité anti-européenne.
Après une cure de rigueur entamée fin 2010, l'urgence dans la zone euro est de revoir la stratégie macroéconomique européenne, non pas parce qu'elle est impopulaire, ou parce qu'elle a atteint les limites du supportable ou encore par peur de perdre des élections, mais parce que l'acharnement dans l'austérité est absurde économiquement et conduit les économies européennes vers la rupture. Enrico Letta, le Premier Ministre italien a ainsi affirmé qu'il ne voulait pas mourir par l'austérité. En France ses mots font écho à notre conviction.
D'ailleurs, comme le souligne Joseph Stiglitz, célèbre prix Nobel américain «Aucune économie n'est jamais revenue à la prospérité avec des mesures d'austérité. Il faut dans l'Union européenne des politiques de croissance et non des politiques d'austérité comme c'est le cas aujourd'hui. Il faut investir dans l'éducation, dans les technologies, dans l'innovation et dans les infrastructures ».
Cette politique de croissance est notre stratégie, mais elle n'a de sens que si elle est européenne : il est impensable de prendre le virage seul. Elle doit être accompagnée d'une politique monétaire qui puisse répondre davantage aux stratégies de croissance des autres banques centrales, qui donne la possibilité aux Etats de se défendre face aux attaques des marchés financiers et des agences de notations. Si l'on suit cette stratégie, on pourra recommencer à construire une Europe, tournée vers le futur, consciente de ses forces et de ses responsabilités.
Les Etats-Unis, cette grande nation, doivent être un exemple pour nous. Votre pays a été capable de faire face à cette crise historique, à se redresser malgré les gigantesques difficultés auxquelles vous étiez confrontés. Les Etats-Unis sont à une étape charnière de leur histoire industrielle et ont réussi à trouver les leviers et les conditions nécessaires pour rebondir et mettre fin à 40 ans de désindustrialisation. Son président Barack Obama, source d'inspiration pour la politique que je mène, a fait de l'industrie une priorité stratégique pour l'économie américaine.
Dans son discours sur l'Etat de l'Union le 24 janvier 2012, cette stratégie apparait clairement :
“Now, this blueprint begins with American manufacturing”.
La reconstruction de l'industrie américaine portée par le Président Obama est un enjeu national qui fait l'unanimité. Des mesures très concrètes ont été annoncées : réductions fiscales, politiques de formation, mise en place de règles de « concurrence équitable », grands travaux.
Bien sûr, cette reconstruction industrielle a été portée par des armes macroéconomiques extrêmement puissantes réduisant de façon significative les coûts de production de l'industrie américaine par rapport à ses concurrents directs. Tout d'abord, le coût du travail rapporté à la productivité a baissé pour les Etats-Unis comparé à ses partenaires commerciaux, grâce notamment à une monnaie bon marché et des gains de productivité importants. Je n'arrête pas de plaider en Europe pour que notre Banque Centrale soit plus pragmatique et moins dogmatique, qu'elle ressemble plus à votre Federal Reserve Bank des Etats-Unis. Que notre Banque centrale en Europe s'occupe bien sûr de l'inflation mais aussi de la production et de l'emploi. Aujourd'hui, contrairement à la Fed, son mandat se focalise uniquement sur l'inflation au détriment parfois de la croissance.
Le résultat concret de cette politique économique américaine est que, depuis 2010, la part de l'industrie aux Etats-Unis a augmenté d'1 point de PIB, ce qui est historique au regard de la tendance de ces quatre dernières décennies, et que l'industrie américaine a recréé 700 000 emplois. Il n'y a pas de fatalité au déclin industrielle et la politique américaine est un exemple pour moi que je m'obstine à suivre. Une nouvelle révolution industrielle est en marche aux Etats-Unis et la France doit s'inscrire dans cette lignée. Cette grande Nation a opéré avant nous des choix stratégiques en matière de politique industrielle pour les années et décennies à venir. Des choix que notre nation fait aujourd'hui pour son avenir et écrire son destin, trop longtemps abandonné à la toute puissance des marchés. Nous sommes à un tournant historique et ma politique industrielle a pour objectif de mettre fin à cette désindustrialisation si destructrice pour notre pays.
Laissez-moi vous dire quelques mots sur l'industrie
Vous connaissez la France, ses parfums, son Champagne, ses paysages et je connais même quelques professeurs du MIT qui vont skier dans les Alpes l'hiver venu.
Parlons d'autres choses !
Parlons du cinéma inventé par les frères Lumière à Lyon. C'est donc un peu grâce à nous que vous avez regardé « Gravity » sur grand écran. Parlons de l'avion qui m'a amené ici depuis San Francisco, certes les frères Wright ont participé, mais Clément Ader a été le précurseur et que dire de « l'oiseau blanc » qui a traversé l'atlantique avant Lindbergh et dont l'épave doit dormir au fond de l'Atlantique près des bancs de Terre Neuve.
La France a marqué l'industrie mondiale par ses inventions. Et quand la France est grande de ces industries, elle le doit souvent à la politique industrielle initiée par ses différents gouvernements.
Trois histoires pour vous conter pourquoi vous ne pourriez jouer avec votre WII, voyager ou être vacciné sans le génie français et un peu aussi grâce à l'Etat français.
La France en 1945 est exsangue. Elle vient de gagner grâce à ses Alliés, et aux Américains plus particulièrement, la Seconde Guerre mondiale. Mais elle doit se reconstruire. Un des facteurs clés de sa puissance retrouvée se joue sur son indépendance énergétique mais aussi son indépendance militaire. Le Général De Gaulle créé dès 1945 le Commissariat à l'Energie Atomique sous l'autorité de Frédéric Jolliot Curie afin de travailler sur l'énergie nucléaire à la fois dans le domaine civil et militaire. Si le CEA est créé tout d'abord sur le plateau de Saclay où Frédéric Jolliot Curie aimait à se promener, très vite Grenoble grâce à son école d'ingénieurs et sa spécialisation dans le domaine de l'énergie électrique s'impose comme une localisation incontournable.
Cette ambition de l'indépendance énergétique s'est au fil des ans accompagnée d'une volonté de spécialiser le site grenoblois sur la microélectronique et sur les nanotechnologies, avec la création franco-italienne de ST Micro Electronics. Aujourd'hui Jean Therme, le patron de la recherche du CEA a développé un centre de compétence mondiale dans ce domaine autour de Minatec. En 2013, le gouvernement français a lancé un plan Nanotec 2017 en investissant plus de 600 millions d'euros et en collaborant avec non seulement ST Micro Electronics mais aussi IBM. Résultat, en Europe, Grenoble avec Dresde en Allemagne est un des rares pôles de nanotechnologies au monde avec ceux de Samsung en Corée et les USA.
Vous vouliez savoir où je voulais en venir ? A ce simple constat : si vous jouez à la WII, ou si vos enfants, vos parents le font, c'est aujourd'hui grâce à une puce inventée à Grenoble et qui continue d'être produite en plein cœur des Alpes françaises.
Je continue un voyage en France pour vous parlez de Lyon. Lyon, la capitale de la gastronomie mondiale avec Bocuse est aussi le cœur de l'immunologie mondiale. Au Moyen Âge, bien avant que le « MayFlower » touche le rivage de ce qui allait devenir la Nouvelle Angleterre, Lyon était le lieu de la grande foire aux soieries en France. Deux rois insistèrent pour qu'au lieu de vendre, les bourgeois lyonnais produisent localement les soieries, ce qui fut fait.
Un des fils d'un canut, les artisans produisant la soie, pour diversifier l'échoppe de son père et produire des couleurs différentes fit alors des études de chimie, et dériva vers la médecine. Il allait devenir bientôt un des assistants de Louis Pasteur qui découvrit le vaccin contre la rage et créa une entreprise liée à l'immunologie. Ce Monsieur Mérieux fonda ainsi une dynastie d'industriels lyonnais dont l'un des petits fils rencontra le PDG d'une firme que vous connaissez bien à Boston, Genzyme, et fut le premier à croire en son projet d'entreprise.
Aujourd'hui, Genzyme est implanté à Lyon, aujourd'hui Cris Viebacher, le Directeur général de Sanofi, une des plus grosses Big Pharma mondiale, a fait de Lyon le « hub scientifique » mondiale de l'immunologie, aujourd'hui l'Etat français soutient cette ambition par le financement d'un laboratoire de haute sécurité (P4) et la création d'un institut de recherche autour des maladies infectieuses. Aujourd'hui, quand vous vous faites vacciner, notamment pour les maladies tropicales, c'est un peu la France qui vous protège.
Terminons par une ville plus au sud et une invention française sans laquelle Boeing se sentirait bien seule : Airbus.
Si Toulouse est devenu la capitale de l'aéronautique en Europe, elle ne le doit pas aux grandes forêts qui avaient tant attiré Boeing à Seattle. Elle le doit au plus grand des hasards.
Pierre Georges Latécoère était venu à Toulouse pour créer une usine de fabrication de wagons ferroviaires mais la Première Guerre mondiale ayant éclatée, le gouvernement français avait plus besoin d'avions que de wagons, et Toulouse présentait le luxe de se situer bien loin de la frontière allemande.
Aussi tôt dit, aussi tôt fait, l'aviation française était née à Toulouse et Latécoère allait créer en 1927 l'Aéropostale pour amener le courrier vers l'Afrique et plus tard l'Amérique latine. Saint Exupéry et Jean Mermoz furent ses pilotes les plus prestigieux.
L'histoire allait se prolonger avec la création d'Airbus à Toulouse le 18 décembre 1970 avec l'implication des industries aéronautiques allemandes et britanniques. L'A300, le premier avion proposé dut patienter plus de deux ans pour voir arriver ses premières commandes et sans le soutien du gouvernement français de l'époque, la compagnie Airbus aurait disparu rapidement.
Aujourd'hui, Toulouse est la capitale incontestée de l'aéronautique européenne avec le mariage des talents allemands et français, cœur palpitant d'un cluster aéronautique et d'une société qui compte plus de 65 000 employés en Europe.
Quant vous prendrez le plus grand avion du monde, l'A380, vous voyagerez un peu grâce à la France et penserez aussi à Toulouse, la Ville Rose.
Vous voyez à travers ce voyage en France que si notre industrie est ancienne, elle a toujours été à la pointe de la modernité, apte à relever les plus grands défis, avec le soutien indéfectible de l'Etat dans les instants critiques. Aujourd'hui nous ouvrons une nouvelle page avec nos 34 plans de la Nouvelle France industrielle.
Dans ce contexte, le redressement productif est un impératif national et non un rêve impossible à atteindre.
L'industrie concentre l'innovation, la R&D, l'investissement, le progrès technique, tous ces éléments qui contribuent à relever notre sentier de croissance potentielle tout en diminuant nos émissions de CO2. Voilà pourquoi une économie a besoin d'une industrie forte, et voilà pourquoi les entreprises ont besoin d'un Etat capable de guider l'économie vers les filières d'avenir source d'innovation et de productivité. C'est ce que confirme la récente étude du MIT « Production in the Innovation Economy » dirigée par le Professeur Suzanne Berger qui insiste sur le fait que l'industrie est un vecteur de croissance pour l'innovation et l'économie toute entière.
Ce que nous voulons engager, c'est la construction, pierre après pierre, de la Nouvelle France industrielle. Notre histoire est glorieuse, de la machine à vapeur au train à grande vitesse, de l'automobile à la puce électronique, du cinéma à la batterie rechargeable, des montgolfières jusqu'à l'avion. J'en ai fait état précédemment. Nous avons le devoir de poursuivre ce récit économique et industriel trop méconnu, tel est l'esprit des 34 plans qui sont autant de plans de bataille pour hisser la France et ses entreprises, au meilleur niveau de la compétition mondiale.
La France est un pays d'inventeurs, de pionniers, d'entrepreneurs, de capitaines d'industries. A chaque fois qu'elle a traversé des épreuves elle a aussi trouvé la force de se réinventer. Aujourd'hui à nouveau, la France se réinvente. Cette réinvention prend la forme de 34 plans industriels : ils seront le point de convergence de tous nos efforts, le point de rencontre de toutes les forces productives, des chercheurs, des ingénieurs, des designers, des travailleurs, des entrepreneurs, et le point de départ de notre reconquête industrielle.
Et dans cette compétition la France peut se prévaloir de points forts indéniables. Dans le dernier classement de Thomson Reuter, la France occupe la troisième place du Podium des pays les plus innovants de la planète plaçant 12 sociétés dans le top 100 mondiales.
L'Etat n'a pas à se substituer à l'initiative privée, car ce sont les industriels qui connaissent les marchés – ils en ont fait la démonstration –, les clients, les technologies. Mais, à l'Etat, il revient de définir un cadre, d'accompagner, de stimuler. Les 34 plans de la Nouvelle France Industrielle s'inscrivent dans une politique globale de compétitivité, qui inclut également la baisse des coûts de production par la réduction des cotisations sociales pesant sur le travail mais aussi la compétitivité énergétique en capitalisant sur nos avantages, avec l'énergie nucléaire.
Ces 34 plans disent une chose : il n'est plus possible de distinguer la vieille industrie de la nouvelle économie. Il y a des entreprises en croissance dans des secteurs que l'on regarde comme en crise et il y a des entreprises en crise dans des secteurs en croissance. Ce qui compte, ce n'est pas l'ancienneté du secteur, on le voit bien pour le textile, pour l'aéronautique ou l'automobile. Ce qui compte, c'est l'innovation dans le secteur, le progrès des technologies, la capacité d'une filière à pouvoir développer des usages, des objets, des productions que l'on croyait obsolètes ou disparues.
Comme exemple, je souhaiterais vous parler du projet « TGV du futur ». Si la révolution industrielle est née en grande Bretagne et notamment grâce à la locomotive de Stephenson et le début des chemins de fer, la grande vitesse ferroviaire est née en France. En 1981, les TGV français relaient ainsi les deux plus grandes villes de France distantes de plus de 500 kilomètres en moins de deux heures. La grande vitesse ferroviaire était née avec des trains circulant en vitesse commerciale à plus de trois cent kilomètres heure. Cette prouesse technologique et cette réussite économique reposa sur une forte volonté de l'Etat et notamment du Président de la République de l'époque Georges Pompidou, de la société ferroviaire française et du constructeur Alstom. Ce mariage de raison et de passion entre ces trois acteurs restent encore aujourd'hui la clé de la réussite française.
Imaginez un train circulant à plus de 570 km/heures, imaginez un train emportant plus de 500 personnes sur deux étages entre Boston et Washington chaque jour à 320 km/h, ce rêve américain est une réalité quotidienne en France !
Pour gagner de nouvelles parts de marchés dans le Monde, le plan TGV du futur monte d'un cran l'ambition française. L'Etat, la société de chemin de fer nationale et Alstom ont décidé de proposer dans le plan TGV du futur un nouveau train emportant plus de passagers, 640, allant plus vite, 350 km/h et consommant moins d'énergie, moins 20 %. Ce TGV circulera dès 2017 en essai en France et sera commercialisé dès 2018.
Mais notre ambition dépasse évidemment le cas du TGV du futur. Si je disposais d'un peu plus de temps, j'aimerais vous parler des 33 autres plans comme les énergies renouvelables, la voiture pour tous à 2 litres au 100km/h, les bornes électriques de recharges, l'autonomie et la puissance des batteries, le véhicule à pilotage automatique, l'avion électrique, le dirigeable charges lourdes, les logiciels et systèmes embarqués, le satellite à propulsion électrique, le navire écologique, le textile technique et innovant, les industries du bois, le recyclage et matériaux verts, la rénovation thermique des bâtiments, les réseaux électriques intelligents, la qualité de l'eau et la gestion de la rareté, la chimie verte et les bio carburants, la biotechnologie médicale, l'hôpital numérique, les dispositifs médicaux, les produits innovants pour une alimentation saine, le big data, le cloud computing, l'E-éducation, la souveraineté télécom, la nanoélectronique, les objets connectés, la réalité augmentée, les services sans contact, les supercalculateurs, la robotique, la cybersécurité et l'usine du futur.
L'innovation doit être au cœur de ses plans comme me l'a confirmé la visite de laboratoires du Mit et la rencontre avec le Président Rafael Reif. Pour réussir ces plans garants de la compétitivité future de notre industrie, j'ai voulu mobiliser les personnes qui connaissent le mieux l'industrie : les industriels. Chaque plan est donc dirigé par un homme et une femme exerçant ou ayant exercé une fonction de chefs d'entreprises ou de responsables d'éco systèmes. Carlos Ghosn, le Président de Renault Nissan sera en charge du plan véhicule à pilotage automatique. Thierry Breton, Président de la SSII Atos Origin, prendra en charge pour sa part le plan sur le Cloud Computing.
Pour catalyser l'investissement privé j'ai décidé de mobiliser sous l'autorité du Premier ministre près de 3,75 milliards du PIA. Cet investissement doit être de même considéré à l'effort fiscal de 6 Milliards d'Euros du Crédit impôt recherche.
Ces plans seront aussi l'occasion de nouer des alliances internationales, pas seulement limitées à l'Europe, mais ouvrant des opportunités de collaborations avec les Usa, le Japon, l'Inde ou le Brésil..
Redonner le goût de l'industrie et de l'innovation, engager la bataille du Made in France, c'est d'abord croire en la France. Ce discours ne confine pas à l'arrogance, il propose uniquement un regard résolument optimiste sur les capacités de la France à se redresser. Ce discours ne vous est pas étranger ici, patrie du Made in America et du Buy American Act. Citoyens, entrepreneurs, administrations, politiques, tous se mobilisent pour défendre dans votre pays, épaule contre épaule, le tissu industriel américain, le Made in America. J'appelle cela le patriotisme économique. C'est ce vers quoi nous souhaitons tendre au travers de la promotion du Made in France, pour que chacun exerce, dans un esprit patriotique, le fragment de pouvoir qui lui échoit.
Cette volonté de marquer le retour de l'Etat dans un univers où la dérégulation a parfois conduit au dérèglement du monde, c'est ce que John Maynard Keynes a appelé la « fin du laissez-faire ». Je suis le ministre d'une nation profondément politique. Et le laissez-faire est la négation même de la politique, une ode à la fatalité
Le modernisme de notre pensée réside dans le choix de ne pas tomber dans des pièges idéologiques pour construire la nouvelle France industrielle. Je préfère ce pragmatisme économique au dogmatisme du laisser faire, je choisis le redressement productif de la France et de l'Europe au déclin et à l'austérité.
Merci.
Source http://www.arnaudmontebourg.fr, le 7 janvier 2014