Texte intégral
Q - Une femme à la tête de la Centrafrique, tout le monde salue son élection mais sera-t-elle de taille pour affronter les immenses défis de la transition ?
R - En tout cas, elle en a le coffre. C'est une femme exceptionnelle. Je l'ai eu hier au téléphone, déjà maire de Bangui, femme chef d'entreprise. C'est d'abord un signe fort qu'elle soit femme, elle a immédiatement su parler aux chrétiens et aux musulmans. Une liesse s'est levée dans Bangui, on sent les prémisses de quelques choses de lumineux devant nous. C'était vraiment apocalyptique. Son arrivée, son élection a fait qu'elle a transcendé, d'un seul coup cette question de religion. Elle est apparue comme une maman, elle a parlé de ses enfants, aussi bien les musulmans que les chrétiens, cela inaugure peut-être de très bonnes choses pour ce pays qui a beaucoup souffert.
Q - Une bonne nouvelle ne venant jamais seule pour la Centrafrique, près de 400 millions d'euros sont promis par l'Europe et quelques 500 soldats de l'Union européenne vont être envoyés à Bangui d'ici deux mois. 500 hommes supplémentaires pour un pays grand comme la France et la Belgique réunie. Cela sera-t-il suffisant ?
R - rien ne sera suffisant car il n'y a plus d'État, il y a une population en déshérence et il y a toujours des poches d'ancienne Seleka. La France est évidemment présente sous mandat de l'ONU, elle a déjà 1.600 hommes, il y a la force africaine qui est de 4.000 hommes et qui en comptera près de 6.000. Une aide de 500 hommes plus cette nouvelle présidente de transition, rien n'est suffisant mais nous sommes sur la bonne voie.
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Q - À Madagascar, 5 ans après le putsch, un nouveau président vient d'être élu. Est-ce vraiment la fin de la crise ?
R - L'élection du président malgache marque en tout cas un tournant, ce sera le début de la fin de la crise. Mais la crise est là.
Q - Selon la Constitution malgache, le président choisit son premier ministre sur proposition de l'Assemblée, si celle-ci lui recommande... ne risque-t-on pas de retomber pas dans les ornières du passé ?
R - Il a eu je crois 53 députés, on ne peut donc pas l'écarter, il fera donc certainement partie de ce gouvernement. Il faut donner du crédit à ce nouveau président, Madagascar a été un pays très isolé depuis 2009. C'est le plus grand pays francophone de l'Océan Indien, il accueille plus de 25.000 Français. Madagascar doit réintégrer l'OIF. En tout cas, j'appuierai au nom de la France la réintégration de Madagascar au conseil permanent de la francophonie en mars 2014.
Q - Et vous le direz à Tananarive ce vendredi ?
R - Absolument.
Q - Ne craignez-vous pas que le nouveau président ne soit que le faux nez de Ange Rajoelina une sorte de Dimitri Medvedev pour Vladimir Poutine ?
R - C'est une bonne image. Donnons-lui du crédit, je crois que l'on a tous envie que ce pays se relève.
Q - La présidente de la commission de l'Union africaine appelle la communauté internationale à l'aide pour Madagascar. Que lui répondez-vous ?
R - La France n'a jamais lâché Madagascar, même lorsque l'Union européenne s'est retirée, même les États-Unis, nous avons tous envie que Madagascar s'en sorte.
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Q - La francophonie : c'est à la fin de cette année que le dernier mandat d'Abdou Diouf va expirer. Qui pourrait lui succéder ?
R - C'est le grand mystère car il n'y a pas encore de candidat. Il y a des rumeurs mais pas encore de visibilité sur ces candidatures. Nous attendons. Il y a quelques propositions, le secrétaire général, le président Diouf est encore là, nous en avons discuté il y a une semaine, nous avons encore du temps.
Q - Après l'Afrique du nord avec Boutros Boutros-Ghali, l'Afrique de l'ouest avec Abdou Diouf, beaucoup disent que c'est le tour de l'Afrique centrale. Il évoque le nom de Pierre Buyoya Jean Pying, d'Henri Lopez et de quelques autres ?
R - Oui mais les candidats ne se sont pas encore déclarés. Je ne peux donc pas m'avancer. Henri Lopez s'était déjà porté candidat contre Abdou Diouf à l'époque où il était premier ministre. C'est une belle candidature mais tous ces candidats seraient de bons dirigeants de l'OIF. Je ne peux pas m'exprimer ni vous donner mon choix.
Q - L'Afrique centrale peut-elle espérer un jour avoir un de ces hommes ou l'une de ces femmes à la tête de la francophonie ?
R - Pourquoi pas, bien sûr. J'espère que nous aurons ce type de candidat.
Q - L'Algérie entrera-t-elle un jour dans la francophonie ?
R - C'est mon plus grand souhait. La langue française n'appartient pas à la France, c'est Kateb Yassine qui disait que la langue française était notre butin de guerre. La francophonie aurait bien besoin de l'Algérie.
Q - Par vos origines algériennes, vous êtes peut-être plus à même que d'autres de casser la glace entre Alger et Paris ?
R - Disons que je sais être Algérienne dans ces moments-là. Oui, je suis très proche de l'Algérie. Aujourd'hui, je peux leur dire que la langue française est une langue qui se parle à hauteur d'homme. Aujourd'hui, je peux effectivement faire passer des messages avec mon identité qui est celle d'une franco-algérienne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2014