Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre des affaires européennes, en réponse à une question sur la politique économique de l'Union européenne, au Sénat le 31 janvier 2014.

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Circonstance : Questions d'actualité au Sénat, le 31 janvier 2014

Texte intégral

* Monsieur le Sénateur,
Comme vous le savez, l'Union européenne comprend vingt-huit États membres ; nous souhaitons donc avancer à vingt-huit. Cependant, dix-huit États membres ont souhaité partager une même monnaie ; d'une certaine manière, ils forment le coeur du réacteur de l'Union européenne. Il est essentiel d'approfondir l'Union économique et monétaire, afin qu'elle constitue un moteur positif pour tous.
Aujourd'hui, notre priorité - je sais que vous y êtes attentif -, c'est l'union bancaire, avec ses deux piliers : la supervision unique, c'est-à-dire la supervision de l'ensemble des banques, qui est en train de se mettre en place, et la résolution unique, c'est-à-dire un certain nombre de règles du jeu qui permettront de trouver des solutions en cas de banqueroute d'une banque. Des discussions avec le Parlement européen sont en cours.
Nous devons également continuer à renforcer la coordination des politiques économiques, pour assurer la convergence de nos économies et atteindre des niveaux de croissance plus élevés. Les discussions portent aujourd'hui sur les fameux contrats de compétitivité et de croissance. Dans le même temps - ce point est essentiel à mes yeux, car il est totalement nouveau -, nous donnons une dimension sociale à l'Union économique et monétaire.
Le président de la République a dessiné la perspective d'un gouvernement de la zone euro, dont les objectifs seraient la croissance et l'emploi et qui pourrait, le moment venu, disposer d'un budget propre, donc de nouveaux moyens d'action.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le Sénateur, il nous faudra évidemment améliorer le contrôle démocratique de l'Union économique et monétaire et lui donner une légitimité démocratique. C'est dans cet esprit que, le 30 mai dernier, le président de la République française et la Chancelière allemande ont appelé à la mise en place, après les élections européennes, de structures dédiées, spécifiques à la zone euro, dans le nouveau Parlement européen. Nous avons demandé au président du Parlement européen de réfléchir à la solution la mieux adaptée.
Nous souhaitons également, toujours dans un souci de démocratie, intensifier le dialogue entre les autorités de la zone euro et les représentants des salariés, rassemblés notamment au sein de la Confédération européenne des syndicats, et des employeurs.

* À mon sens, il faut effectivement revenir précisément sur les responsabilités et la légitimité de chacune des institutions que vous avez citées. La troïka qui réunit, comme vous l'avez dit, la BCE, la Commission et le FMI est l'objet de critiques, qui me semblent parfois justifiées.
En effet, ses programmes d'aide se sont souvent révélés très exigeants, parfois beaucoup trop. La troïka a souvent tâtonné pour les élaborer, alors que ceux-ci avaient un impact réel et majeur pour les citoyens européens. Nous avons tous à l'esprit, notamment, l'exemple grec.
Force est de constater que cette institution renvoie une image négative de l'Europe, à l'heure où celle-ci doit apparaître non pas comme un problème, mais comme une solution, ce qui n'est malheureusement pas le cas.
Je me dois néanmoins de rappeler quelques éléments. Tout d'abord, la troïka élabore des programmes d'aide en pleine concertation avec les gouvernements concernés. Ensuite, ses décisions sont avalisées par les ministres des finances des gouvernements de la zone euro, qui en informent leurs parlements nationaux par la suite, puisque toutes ces mesures engagent les finances publiques de tous.
Il n'empêche que je vous rejoins, Monsieur le Sénateur, pour dire que nous devons faire mieux ; du moins est-ce notre souhait. C'est pourquoi, depuis mai 2013, un certain nombre de textes ont eu pour objet d'institutionnaliser le rôle de la troïka tout en renforçant les dispositifs de contrôle de ses programmes au moyen d'auditions parlementaires.
C'est aussi la raison pour laquelle la France et l'Allemagne, dans leur contribution commune du 30 mai dernier, ont évoqué la possibilité de créer, après les élections européennes, des structures dédiées à la zone euro au sein du Parlement européen, pour garantir enfin un contrôle démocratique et une légitimité appropriée du processus décisionnel européen, ce que vous appelez de vos voeux./.

* Monsieur le Sénateur, vous avez raison, il faut renouer le lien entre les citoyens et l'Europe. Seulement, à mon sens, ce n'est pas par le mécano institutionnel que nous y parviendrons, mais en donnant la preuve que l'Europe peut aussi apporter des réponses, au quotidien, aux préoccupations des citoyens, des acteurs économiques ou des défenseurs de l'environnement, pour reprendre quelques-unes des thématiques que vous avez abordées.
C'est d'ailleurs cette démarche que, sous l'égide de François Hollande, nous mettons en place : il s'agit de manifester du respect, à la fois envers les États membres, quels qu'ils soient, et les institutions, avec le souci constant d'apporter des réponses concrètes. Permettez-moi de vous en citer quelques-unes, apparues au cours des derniers mois.
S'agissant du détachement des travailleurs, que vous avez évoqué, si nous n'avons pas consulté nos concitoyens directement, nous avons néanmoins saisi leurs représentants de la question, puisque, souvenez-vous, le Sénat a adopté à une grande majorité une résolution européenne, dont vous étiez d'ailleurs l'un des auteurs, contre le dumping social.
Nous avons aussi, au cours des derniers mois, adopté au niveau européen une ligne budgétaire de 6 milliards d'euros pour aider toutes les régions où le taux de chômage des jeunes est trop important, afin d'accompagner ces dernières sur des plans de formation et le développement de l'apprentissage.
Sachez également que nous irons jusqu'au bout du combat que nous avons engagé contre la fraude et l'évasion fiscales, car il est anormal que nous soyons obligés d'augmenter les impôts, alors que certains, qui devraient en payer, n'en paient pas, parce qu'ils passent à travers les mailles d'un filet institutionnel trop lâche.
Nous avons aussi adopté un budget pour la période 2014-2020 de 1.024 milliards d'euros, qui seront investis dans l'Union européenne sur de grands chantiers pourvoyeurs d'emplois.
Enfin, des discussions sont menées actuellement pour nous assurer que, dans quelques années, il sera interdit de diffuser des OGM en plein champ, car cela comporte des risques pour la santé et l'environnement.
En conclusion, je dirai que nous devons toujours avoir en tête, quelle que soit notre place, le souci de nos concitoyens. Les gouvernements doivent toujours dialoguer avec les parlements nationaux et tenir compte de leurs positions. D'ailleurs, nous avons tenu compte du «carton jaune» que vous aviez brandi ici, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, lorsque le droit de grève était menacé au niveau européen : ce texte n'a jamais abouti.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2014