Texte intégral
* Monsieur le Sénateur, je connais l'attachement viscéral de votre famille politique au principe d'une circonscription unique pour les élections européennes ; je respecte bien évidemment cet attachement.
En France, nous avons expérimenté deux modes de scrutin pour les élections européennes : une circonscription unique de 1979 à 2003 - je m'en souviens bien, puisque j'ai moi-même été candidat sur une liste nationale -, et des regroupements régionaux depuis lors. Malheureusement, force est de reconnaître qu'aucune de ces formules n'a permis de limiter la désaffection de nos concitoyens à l'égard des élections européennes.
Nous en arrivons à un curieux paradoxe : l'abstention augmente au fur et à mesure que les pouvoirs du Parlement européen s'accroissent. Ce mal ne touche pas seulement la France. Il affecte de nombreux pays de l'Union européenne. C'est donc ailleurs que dans le mode de scrutin qu'il faut chercher ses causes.
La fonction de député européen n'est pas une fonction facile. L'influence au Parlement européen ne se décrète pas ; elle s'acquiert par une présence forte sur les dossiers, par une capacité à négocier avec des élus de pays différents, donc de cultures et de sensibilités politiques différentes. Il est également difficile de faire vivre le débat européen dans nos régions.
La complexité du système décisionnel européen est réelle, mais ne l'exagérons pas. Finalement, l'Union européenne est aux États ce que l'intercommunalité est aux communes : nous avons en partage une maison commune, avec des règles du jeu qui permettent de construire des compromis et de faire émerger un intérêt général tout en respectant chaque composante.
Ce n'est pas par un mécano institutionnel que nous redonnerons confiance en l'Europe. Nous avons besoin de politiques européennes qui répondent aux aspirations des citoyens, de mesures ambitieuses, d'une Union européenne plus intégrée, plus solidaire, plus prospère et plus juste. C'est ce que nous nous employons à faire sous l'impulsion du président de la République. Sans doute est-ce parce qu'ils ont cette belle image de l'Europe que des milliers de personnes manifestent à Kiev dans l'espoir de nous rejoindre un jour.
* Les prochaines élections européennes, vous le savez, Madame la Sénatrice, revêtent une importance majeure pour notre pays et pour l'Union, dans un contexte économique difficile, où s'expriment au mieux des tentations abstentionnistes, au pire des mouvements populistes en pleine progression, qui prennent l'Europe comme bouc émissaire de tous nos maux.
Hélas, j'observe ce phénomène dans beaucoup trop de pays de l'Union, et les sondages nous montrent que la menace est réelle. Néanmoins, je tiens à dire que ce n'est pas une fatalité. Nous pouvons, les uns et les autres, faire notre part de pédagogie : pour ma part, je m'y emploie chaque semaine dans une région différente de France, afin de répondre aux inquiétudes et de montrer de manière concrète et tangible comment l'Europe est dans nos vies quotidiennes, sans que nous en ayons conscience.
Je tire aussi de ces déplacements la conclusion que, contrairement à ce que l'on dit, les Français ne sont pas forcément eurosceptiques ; pour beaucoup, ils sont euro-ignorants, parce qu'on ne leur a pas suffisamment parlé de l'Europe au quotidien ces dernières années.
Si cela avait été le cas, ils auraient appris que la politique de la ville, c'est le Fonds social européen, que les grands aménagements en France sont réalisés grâce au Fonds européen de développement régional, le FEDER, mais aussi que le Fonds européen d'aide aux plus démunis permet au Secours catholique ou aux Restos du coeur d'accompagner nos concitoyens les plus déshérités. Telle est la réalité de l'Europe dans la vie quotidienne des gens, et l'occasion m'est donnée de la rappeler ici aujourd'hui.
Il faut aussi répéter que l'Europe a l'emploi pour priorité. À titre d'exemple, nous avons, au cours des derniers mois, augmenté le capital de la Banque européenne d'investissement de 10 milliards d'euros au bénéfice des PME et des grands investissements sur nos territoires.
Par ailleurs, la politique agricole commune va nous permettre d'avoir une agriculture plus juste, plus proche, plus verte.
Enfin, Madame la Sénatrice, puisque vous m'avez interrogé sur la dimension énergétique, vous n'êtes pas sans savoir qu'un grand rendez-vous se profile : le Conseil européen de mars prochain sera consacré aux problèmes énergétiques, avec, je l'espère, l'affirmation d'une grande ambition partagée par tous les pays de l'Union européenne, à savoir la baisse d'au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et l'objectif de 27% d'énergies renouvelables dans le mix énergétique. C'est en tout cas la position que compte défendre la France, en espérant qu'elle permette un débat sur ce thème dans la perspective des prochaines élections européennes.
* Monsieur le Sénateur, vous avez raison : nous nous accordons tous pour reconnaître que les élections européennes sont vraiment un moment déterminant de la vie démocratique européenne, en raison du poids de plus en plus important du Parlement européen dans la prise des décisions européennes, mais également de l'impulsion législative ainsi donnée aux textes débattus au Sénat et à l'Assemblée nationale.
C'est d'autant plus vrai que, pour la première fois cette année, en application du traité de Lisbonne, les parlementaires européens éliront le prochain président de la Commission européenne. Ils le feront, vous le savez, sur la base d'une proposition du Conseil européen, mais les chefs d'État et de gouvernement devront tenir compte, justement, des équilibres politiques issus de ce scrutin.
C'est la raison pour laquelle un certain nombre de partis politiques ont d'ores et déjà choisi leurs chefs de file pour cette campagne, ce qui permettra aux électeurs de mieux comprendre les différences entre les programmes soumis à leur vote.
La responsabilité du déficit démocratique, monsieur le Sénateur, ne revient pas aux seuls gouvernements. Chaque partie prenante - institutions européennes, partis politiques - doit agir à son niveau. Pour ce qui nous concerne, nous avons évidemment pris les dispositions nécessaires afin de garantir un excellent déroulement du vote, avec une campagne d'information sur les enjeux de ce scrutin.
Vous avez évoqué la suspension des travaux parlementaires qui précède certaines échéances électorales. Vous savez que celle-ci est non pas une règle, mais une tradition. Il appartient à chaque chambre du Parlement de décider de la manière dont elle veut aborder le scrutin.
Plusieurs parlementaires peuvent prendre l'initiative de répondre à cette question, en demandant, par exemple, que le Sénat ou l'Assemblée nationale consacrent des débats spécifiques à l'Europe, ce qui aura aussi une vertu pédagogique pour nos concitoyens.
J'invite donc celles et ceux d'entre vous qui ont le pouvoir d'intervenir sur la fixation de l'ordre du jour à y inscrire, pendant quelques semaines, des débats sur la dimension européenne, afin d'éclairer ceux qui iront voter - en nombre, je l'espère -, le 25 mai prochain.
* Tout d'abord, Madame la Sénatrice, nous visons le même objectif que vous en ce qui concerne la participation des Français de l'étranger aux élections européennes, car celles-ci les concernent directement.
Nous n'avons pas retenu la solution consistant à créer une « euro-circonscription » pour les Français de l'étranger, mais nous avons prévu que les ressortissants français résidant hors de France puissent effectivement voter pour des listes françaises. En effet, les Français de l'étranger seront désormais représentés sur une liste «Île-de-France et Français de l'étranger» aux prochaines élections européennes.
Cette solution constitue, me semble-t-il, un premier progrès par rapport aux élections précédentes, et certaines familles politiques en ont saisi toute la mesure en présentant dans cette circonscription des candidats Français de l'étranger placés en bonne position.
Pour le scrutin du 25 mai 2014, les ressortissants français résidant sur le territoire de l'Union européenne auront donc la possibilité de voter soit pour des listes locales, soit pour la liste «Île-de-France et Français de l'étranger» s'ils sont inscrits au consulat.
Je souhaite qu'ils soient nombreux à voter. C'est pour cela qu'il me semble particulièrement opportun d'avoir prévu que l'élection des délégués consulaires serait organisée le même jour. Nous savons tous que les électeurs se déplacent plus volontiers lorsque deux élections ont lieu en même temps.
J'en viens au second point de votre question, à savoir la situation des couples binationaux. De plus en plus de nos concitoyens sont en effet concernés par cette problématique, nous devons donc y porter une attention particulière. Comme vous le savez, dans le cadre d'une coopération renforcée entre quatorze États membres, un règlement facilitant les procédures de divorce entre époux de nationalités différentes a été adopté en 2010. Il est applicable en France depuis 2013.
Dépendant jusqu'ici du droit de leur pays de résidence, les couples binationaux pourront dorénavant choisir la loi applicable à leur divorce. Par exemple, un couple franco-allemand installé depuis quelques années en Italie pourra donc choisir de divorcer selon le droit français, italien ou allemand. S'il choisit la loi allemande, un tribunal italien appliquera alors les règles du droit allemand. Vous le voyez, y compris dans ce type de législation, dont nous ne souhaitons pas qu'elle se développe trop, puisque cela signifierait que beaucoup de divorces sont prononcés, nous essayons d'apporter des réponses pragmatiques aux soucis de nos concitoyens.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2014