Texte intégral
Q - Est-ce que les Russes ont fait des concessions importantes ?
R - Je n'emploierais pas ce mot. Je soulignerais que, depuis une dizaine de jours, les Russes ont accepté un certain nombre de choses dans un esprit constructif. Ils ont accepté d'abord de venir à cette réunion, c'est déjà très important, sinon elle ne se serait pas tenue. Ils ont accepté de ne pas poser en préalable l'arrêt des frappes. Ils acceptent eux-mêmes à la sortie de cette réunion, sans poser la question des opérations militaires, - dont ils souhaitent naturellement la suspension, on le sait -, de travailler à la résolution du Conseil de sécurité. Ils ont accepté des termes forts sur une présence de sécurité capable de mettre en oeuvre l'ensemble des objectifs rassemblés dans ce document, ce qui veut dire naturellement force militaire. Comme tous les pays membres aujourd'hui n'étaient pas membres de l'OTAN, on a adopté ce mot "force de sécurité" qui englobe les formes de présence militaire et autre, capables d'atteindre ces objectifs. Vous voyez donc qu'ils sont vraiment engagés avec nous dans la recherche de la solution. Vous allez le voir à nouveau dans l'étape suivante : quand nous allons commencer à préparer ce qui deviendra la résolution au sein du Conseil de sécurité et dans les jours à venir, il y aura une intensification des contacts, du travail, avec les Russes.
Q - Cette force d'interposition, est-ce qu'on en connaît la composition, est-ce que vous en avez discuté, et sous quel commandement ?
R - Non, aujourd'hui nous avons regardé avant d'aller plus loin, dans quels termes on pouvait la désigner pour qu'il y ait un accord entre les Occidentaux et les Russes sur ce point. On avance étape après étape, il faut consolider chacune avant d'avancer.
Ce sur quoi vous m'interroger, c'est ce que nous allons faire maintenant. Il va s'agir dans cette force, qui demain assurera la sécurité au Kosovo, de rassembler les contingents venus de pays très divers : de l'OTAN, de la Russie, de pays voisins, d'autres membres de l'ONU et du Conseil de sécurité. En même temps, il faudra qu'elle fonctionne, qu'elle soit efficace, et qu'il y ait une chaîne de commandement unique pour ne pas qu'il y ait d'interférences comme on avait vu à l'origine en Bosnie. Il ne faudra pas qu'elle puisse être paralysée. C'est le problème que nous attaquons à partir de maintenant.
Q - Est-ce que vous vous attendez à une réaction de Belgrade ?
R - Ce n'est pas notre problème à ce stade. Naturellement nous attendons depuis le début une réponse positive de Belgrade, - ce serait idéal -, aux simples conditions qui ont été régulièrement exprimées, par les alliés et par le Secrétaire général des Nations unies. S'ils le faisaient, cela changerait la situation, mais nous n'avons pas besoin de réponse sur ce point pour avancer. Nous n'en n'avons pas besoin pour nous mettre d'accord entre nous, comme c'était le cas aujourd'hui, nous n'en n'aurons pas besoin pour travailler à la résolution du Conseil de sécurité, quand nous en serons là. Le plus tôt possible sera le mieux, bien sûr ; à ce moment là nous verrons comment se présente la question de la mise en oeuvre.
R - Ils n'ont pas besoin de régler ce problème. Ils n'avaient pas besoin de resoulever cette question pour venir à la réunion d'aujourd'hui. C'est déjà un signe très important. Après, nous allons voir comment nous allons régler, dans le cadre de la préparation de la résolution au sein du Conseil de sécurité, chacun de ces problèmes dont celui-là. Je ne vais pas m'engager à la place des Russes sur la position qu'ils vont défendre dans la préparation de cette résolution. Ce qui est clair c'est qu'ils veulent être dans le processus de solution. Nous souhaitons tous, nous Occidentaux, qu'ils y soient, et ils s'y comportent - ce qu'ils manifestent aujourd'hui - de façon constructive. Maintenant, il s'agit d'avancer.
Q - Est-ce que les frappes vont s'arrêter et, si oui, quand ?
R - Ce n'est pas la question que nous avions à traiter aujourd'hui. Tout a été dit par tous les gouvernements des pays de l'Alliance à plusieurs reprises. Ce que nous avions à traiter aujourd'hui, c'était les solutions. Nous avions à voir aujourd'hui si, effectivement, comme on pouvait l'espérer - j'avais parlé depuis deux ou trois jours d'un accord en gestation - il y avait un vrai agrément, un vrai accord entre les Occidentaux et les Russes sur un certain nombre de principes qui sont détaillés dans le document que nous avons adopté. Là-dessus, la réponse est positive. C'est une étape importante. Nous n'avions pas à traiter les autres problèmes aujourd'hui, ce n'était pas notre fonction.
Q - Est-ce que vous avez étudié les signes positifs en provenance de Belgrade, notamment la possibilité pour Ibrahim Rugova de se rendre en Italie ?
R - Nous avons été très heureux pour Ibrahim Rugova qu'il puisse enfin quitter la Yougoslavie. Naturellement, je peux rappeler ici, comme nous l'avons déjà dit depuis Paris, qu'il est le bienvenu chez nous. Nous allons écouter avec le plus grand intérêt et son analyse, et ses prises de position, et ses conseils. Mais pour le reste, nous n'avons pas consacré nos travaux à l'analyse de signes qui restent aujourd'hui extrêmement obscurs et ambigus, qui en tout cas ne sont pas les réponses claires et nettes que l'on attend. Ce n'était pas notre objet, nous travaillons à la mise en place de la solution. Nous avons franchi le pas et nous allons continuer. Merci.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 1999)